RENARD Claude, Désiré, Joseph.

Par Jules Pirlot

Tournai (pr. Hainaut, arr. Tournai), 3 juillet 1926 - Tournai, le 9 décembre 2021. Employé, militant communiste, responsable fédéral du Parti communiste) de Belgique (PCB), journaliste au Drapeau rouge et écrivain, romancier, poète, directeur de la Fondation Joseph Jacquemotte, secrétaire national puis président du président de l’aile wallonne et francophone du PCB et vice-président national de ce dernier, conseiller communal de Tournai, sénateur provincial du Hainaut.

Claude Renard est le fils de Victor Renard, instituteur, et de Valentine Bourgeois, femme au foyer, sociologiquement des petits bourgeois catholiques qui confient toutefois leur fils unique à l’école officielle. En avant-dernière année d’études gréco-latines à l’Athénée de Tournai, il est exclu suite à une altercation avec un surveillant connu pour sa collaboration avec l’occupant allemand. Il poursuit son cursus à l’Athénée d’Ath jusqu’à la fermeture de l’établissement en raison d’une menace de bombardement allié. Ses études s’arrêtent au niveau de la 5ème année.
À la Libération, Claude Renard souhaite s’engager dans le combat contre l’Allemagne nazie. Le décès inopiné de son père et la nécessité de soutenir sa mère, veuve, lui en donnent la possibilité. Il participe à l’occupation de la Rhénanie-Westphalie (Allemagne). Il est démobilisé en janvier 1946.

Le militant, le journaliste et ... la Fondation Joseph Jacquemotte

Au début de 1946, Claude Renard est embauché comme vendeur dans un magasin de « stock américain ». Il a fait la connaissance de communistes dont Maurice Stencel* qui lui fait connaître les Lettre françaises, et Marc Drumaux* qui dirige la Jeune garde socialiste unifiée (JGSU), en fait la Jeunesse communiste, locale. Son admiration pour l’URSS et la résistance communiste l’amènent à adhérer au Parti communiste belge (PCB) en pleine croissance alors qu’il n’y existe pratiquement pas à Tournai avant la guerre. Dès 1947, il est élu au comité fédéral du Hainaut occidental. En 1949, il épouse Nelly Blavier, institutrice, fille d’un conducteur de tram, sympathisant communiste. Ils ont une fille, Claude, qui deviendra historienne.

La grève de 1950 contre Léopold III va décider du destin de Claude Renard. Installé dans une voiture du PCB munie d’un haut-parleur, il intervient à la fin d’un meeting syndical et détourne une foule qu’il transforme en piquet volant pour aller fermer les entreprises encore en activité. Devant l’une d’elles, il se heurte à un cordon de gendarmes. Il donne cinq minutes pour arrêter l’usine. L’affrontement est évité, les travailleurs de l’usine, une savonnerie, la quittent et les manifestants entonnent L’Internationale avec enthousiasme. Claude Renard est remarqué. Il quitte son emploi, fait un stage à l’école de formation des cadres du PCB et est désigné comme secrétaire, à titre professionnel, de la Fédération communiste du Borinage (pr. Hainaut) en 1951. Là il apprend à connaitre Joseph Leemans, militant d’un grand charisme, ancien dirigeant de la fédération verviétoise (pr. et arr. Liège), déplacé loin de chez lui pour des raisons disciplinaires. Il rencontre également Jean Terfve*, alors sénateur du Hainaut.

Claude Renard, toujours domicilié à Tournai, est appelé à travailler au Drapeau rouge dont le directeur est Jean Terfve* et le rédacteur en chef, Pierre Joye. Il est affecté à la rubrique internationale où il bénéficie de l’expérience de Félix Coenen, puis à la rubrique sociale que dirige Victor Delpierre*. Il est ensuite réaffecté au Borinage, toujours au côté de Joseph Leemans, où il vivra de près les préparatifs du XIe Congrès de Vilvorde en 1954, avant de revenir au Drapeau rouge en tant que chef de la rubrique intérieure de 1955 à 1962. C’est à ce titre qu’il suit la grande grève de 1960-1961 contre la « loi unique », durant laquelle il est principalement informé par les coups de téléphone des militants communistes et syndicalistes.

Claude Renard est profondément convaincu que la ligne politique tracée depuis le XIe Congrès du PCB en 1954 est la bonne : coller aux masses, ne pas s’autoproclamer « avant-garde », avancer pas à pas dans l’esprit du Front populaire. Depuis la grève de 1061-1961, le PCB renoue avec la revendication d’une Belgique fédérale. Ernest Burnelle, secrétaire général puis président du PCB, fait une totale confiance à Claude Renard pour préparer ses discours et éditoriaux, il le retire du Drapeau rouge pour l’attacher au Bureau politique et lui confie la direction de la Fondation Joseph Jacquemotte, association culturelle communiste. C’est dans cette fonction qu’il rédige et publie La conquête du suffrage universel en 1966 et Octobre 1917 et le mouvement ouvrier belge en 1967. Il s’occupe d’autres éditions comme Un tribun, Célestin Demblon de Maurice Kunel, publié en 1964, avec lequel il a été mis en rapport par Théo Dejace*. Il organise plusieurs colloques et conférences dont une sur la Commune de Paris, avec Jean Terfve* et Roger Garaudy*. Il porte aussi le projet d’une revue, Les Cahiers marxistes dont le premier numéro paraît en mars 1969, avec Augustin Duchâteau* comme rédacteur en chef.
Parallèlement, Claude Renard accède au Comité central du parti en 1963, année de la « scission grippiste ». Il est tout à fait opposé à cette tendance prochinoise dirigée par Jacques Grippa* lequel n’a d’ailleurs aucune influence dans le Hainaut occidental.

Le conseiller communal

En 1964, Claude Renard est élu conseiller communal à Tournai. Il sera réélu en 1970 et 1976. A Tournai, contrairement aux autres grandes villes, le PCB se renforce à chaque élection. Il faut peut-être en chercher la cause dans une approche intelligente des milieux soixante-huitards, un dialogue avec les chrétiens de gauche et l’existence d’une mutuelle d’obédience communiste, dirigée par des personnalités populaires comme André Delrue*, ancien libéral devenu communiste via la Résistance, et Pierre Ball* qui se présente comme communiste sur la liste socialiste, devient échevin et achène sa carrière communale en 2012. Claude Renard, bien que réélu en 1982, se désiste en faveur de Jean Bonnet, secrétaire politique de la fédération communiste.

Le dirigeant

Au Congrès du PCB de 1968 à Ostende (pr. Flandre occidentale, arr. Ostende), Claude Renard est élu au Bureau politique det devient directeur du Drapeau rouge. Marc Drumaux succède à Ernest Burnelle qui vient de décéder. La nouvelle direction doit affronter immédiatement la question de l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie. Renard est parfaitement en phase avec la position du Bureau politique, approuvée par le Comité central. Le PCB marque son profond désaccord avec l’interruption du processus du « Printemps de Prague » par la voie militaire. Parallèlement, il dénonce les manœuvres des puissances occidentales et refuse toute rupture avec les partis communistes des pays du Pacte de Varsovie auxquels le PCB s’adresse pour exprimer sa position. Renard souligne la différence avec l’intervention de 1956 en Hongrie qui avait permis à un réformateur, en l’occurrence Janos Kadar, de sortir de prison et de reprendre la direction du pays menacé par une insurrection de droite.
À propos du mouvement contestataire de mai 1968, Claude Renard ne peut que regretter l’attitude fermée du Parti communiste français (PCF) et la passivité du PCB. Rétrospectivement, il estime que l’année 1968 marque le début d’une nouvelle période historique, marquée par l’individualisme et les questions écologiques. La grève ouvrière en France symbolise l’apogée de la force de la classe ouvrière organisée. La période qui suit sera celle de son déclin. Renard pense que, d’une façon générale, les communistes n’ont pas été suffisamment attentifs aux possibilités de dialogue qu’offrait la situation (en particulier avec le mouvement ouvrier chrétien qui a entamé son glissement à gauche). Il y a toutefois des exceptions sur le terrain, notamment dans le Hainaut occidental à l’occasion de la création d’une maison de la culture à Tournai.
Pendant les années 1970, le PCB maintient ses positions, légèrement au-dessus des 5% en Wallonie, et à Bruxelles, mais sa base disparait. Après la fermeture des houillères, c’est le tour de la sidérurgie et des constructions mécaniques. Lors des élections européennes de 1979, le PCB est dépassé par Ecolo, parti émergent.

En 1971, Claude Renard devient un des secrétaires nationaux du PCB, responsable de la propagande, fonction qu’il cumule un certain temps avec celle de directeur du Drapeau rouge. En 1972, au décès de Marc Drumaux*, le Bureau politique se tourne vers Renard qui refuse la présidence et soutient la candidature de Louis Van Geyt en raison des qualités politiques de l’ex-adjoint de René Beelen, et aussi de son bilinguisme qui revête une grande importance dans les conditions politiques du moment. Claude Renard est déjà vice-président du PCB avec, comme collègue flamand, le docker Frans Vanden Branden* puis le physicien Jef Turf*. Titre purement honorifique ! En 1976, Renard devient président du Conseil régional wallon du parti en voie de fédéralisation. Engagé dans la cause wallonne, animateur du Mouvement populaire wallon (MPW) dans sa région, il participe à la pétition en faveur du référendum d’initiative populaire pour trancher les questions des structures de l’État belge. Il plaide pour un pouvoir wallon concrétisé par l’élection au suffrage universel d’un parlement régional. C’est dans ce but qu’il prend contact avec José Happart* qui a adressé un message à une conférence du parti qui s’est tenue à Liège, et adhèrera plus tard au mouvement lancé par ce dernier : Wallonie Région d’Europe.

Suite aux élections législatives de 1978 et à une négociation menée avec les socialistes hennuyers par Urbain Coussement*, Claude Renard est élu sénateur par le conseil provincial du Hainaut, en échange du soutien des conseillers provinciaux communistes à une députation permanente socialiste homogène. Son activité de sénateur est principalement orientée vers la question de la réforme de l’État. Il siège au Conseil régional wallon (1980-1981), composé à l’époque des élus régionaux au Parlement belge. L’échec des communistes aux élections de 1981 met fin à sa carrière parlementaire.

En 1983, Claude Renard est porté à la présidence de l’aile wallonne et francophone du PCB désormais fédéralisé sur base des deux communautés linguistiques, alors qu’il prône une Belgique fédérale basée sur trois régions dont celle, bilingue, de Bruxelles-Capitale. Comme président, il sera surtout un conciliateur. En effet, René Noël, bourgmestre de Cuesmes (aujourd’hui commune de Mons, pr. Hainaut, arr. Mons), qui avait pressenti l’impasse du PCB, en déclin depuis la seconde moitié des années 1960, veut remplacer le PCB par l’Union démocratique et progressiste (UDP) réunissant communistes et chrétiens de gauche. Cette union est prête à l’alliance avec le Parti socialiste belge (PSB) si ce dernier suit son président, Léo Collard*, dans son appel à l’union des progressistes. La base du PCB n’est pas convaincue. En dehors de l’arrondissement de Mons, l’UDP ne s’organise que dans quelques localités comme Mouscron (pr. Hainaut, arr. Tournai-Mouscron) en ce qui concerne le Hainaut occidental. Pendant les années 1970, les militants se sont déchirés sur la question de l’Eurocommunisme. Claude Renard est d’accord avec la vision initiale de Enrico Berlinguer : une voie vers le socialisme adaptée à l’Europe occidentale, un dialogue qui n’exclut pas la critique avec le bloc soviétique dont il faut apprécier le rôle historique et le poids face à l’impérialisme. Mais dans le PCB, il y a des courants résolument prosoviétiques n’admettant pas la critique publique et d’autres qui veulent la rupture avec le bloc soviétique. L’entente est difficile. Claude Renard est l’artisan d’une réconciliation avec la fédération liégeoise qui est en conflit depuis quelques années avec la direction nationale.
Durant cette période, Claude Renard ne peut que se désoler des batailles sociales perdues, menées pourtant avec ardeur par des militants syndicaux communistes. En 1985, le PCB disparait du Parlement. Les rangs communistes s’éclaircissent, des militants rejoignent le Parti socialiste (PS) ou Ecolo ; d’autres se replient sur le syndicalisme au sein de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB – syndicat socialiste interprofessionnel).

Claude Renard, à l’approche des 65 ans, réprouve l’attitude des dirigeants qui s’accrochent à leurs fonctions de décennie en décennie. Il ne souhaite plus exercer aucune responsabilité dirigeante et soutient Robert Dussart pour le remplacer à la tête de l’aile wallonne du PCB, lors du Congrès extraordinaire de 1988 qui consacre la séparation du Parti communiste flamand et du Parti communiste Wallonie-Bruxelles, confédérés dans une Union des Communistes de Belgique. Toutefois, sur proposition de Louis Van Geyt et à titre exceptionnel du point de vue statutaire, il reste provisoirement président du Comité central pour aider son successeur. Peu après, Robert Dussart s’efface et Pierre Beauvois devient président du PC. Lors de la conférence de Charleroi en 1989, où la question de l’existence du parti communiste est posée, Claude Renard est plutôt favorable à un rapprochement avec les socialistes. Toutefois, en 2014, il signe un appel des intellectuels à soutenir le Parti du travail de Belgique (PTB) sans y adhérer.

La retraite

Claude Renard n’exerce donc plus aucune fonction dirigeante quand le bloc de l’Est se disloque et que l’URSS s’effondre. Officiellement retraité, il se consacre à ce qu’il a toujours aimé faire : écrire. Il s’occupe d’éditions de brochures destinées à des formations, contribue aux Cahiers marxistes, à Avancées, au Journal du mardi, publie des recueils de poésie, romans et nouvelles, et s’investit dans les travaux du Centre des archives du communisme en Belgique (CArCoB).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article244634, notice RENARD Claude, Désiré, Joseph. par Jules Pirlot, version mise en ligne le 3 janvier 2022, dernière modification le 29 mai 2022.

Par Jules Pirlot

ŒUVRE : voir Bibliographie de Claude Renard, dans Site Web : carcob.eu.

SOURCES : CArCoB, CCP, dossier « Claude Renard » ; enregistrement audio et vidéo des interviews par Jules Pirlot en décembre 2016 et janvier 2017 ; RIKIR M., Liste des dirigeants du PCB élus par les Congrès et le Comité central, inédit (consultable au CArCoB) – DELFORGE P., « Renard Claude », dans Encyclopédie du mouvement wallon, t. IV : Parlementaires et ministres de Wallonie (1974-2009), Namur, Institut Jules Destrée, 2010, p. 501.

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