Né le 24 décembre 1843 à Chalabre (Aude), mort le 24 mai 1885 à Paris ; ouvrier chapelier ; franc-maçon ; membre de l’Internationale ; élu membre de la Commune de Paris, déporté en Nouvelle-Calédonie.
Les difficultés de l’industrie locale avaient obligé son père, apprêteur ou décatisseur de draps et ardent républicain, et sa mère, couturière, à quitter Chalabre en 1848 pour aller travailler à Paris. Charles Amouroux y fit son apprentissage d’ouvrier chapelier. Lorsqu’il l’eut terminé, il partit travailler à Nantes (Loire-Inférieure) où il organisa, en 1863, une société des ouvrières chapelières. Cette même année, il revint à Paris et prit part à toutes les manifestations révolutionnaires des dernières années de l’Empire.
Selon Lefrançais, il était alors un orateur « à la parole vive, stridente, tranchante même et sachant caractériser d’un mot qui fait balle les injustices qu’il dénonce à la tribune. » (Souvenirs d’un révolutionnaire, p. 321.) Il se fit particulièrement remarquer parce qu’il tenait tête aux commissaires de police et refusait de dissoudre les réunions auxquelles il participait. Cela lui valut de nombreuses condamnations : dix en un an, mars 1869-avril 1870, se traduisant par de la prison (plus de trois ans au total) et des amendes (plus de 5.000 f.) pour contravention aux lois sur les réunions publiques, offenses envers l’empereur, excitation à la haine et au mépris du gouvernement. Après sa dixième condamnation, le 26 avril 1870, il se réfugia en Belgique où, déjà franc-maçon, « le jeune socialiste s’affilia à l’Internationale », selon B. Malon. Il ne revint à Paris qu’après le 4 septembre. D’après ses dires, il présida jusqu’au 5 novembre la commission d’armement et d’équipement du IVe arr., puis entra comme simple soldat dans l’artillerie et devint brigadier au début de décembre. En novembre, il avait contribué à fonder la Ligue de Défense à outrance.
Après l’armistice, il retourna à Bruxelles (Belgique) où il représenta une maison de commerce anglaise jusqu’au 21 mars. De retour à Paris il fut aussitôt délégué par la Commune à Lyon (Rhône) où il devait « opérer la fédération des gardes nationales des deux villes » (Paris et Lyon). Arrivé le 23 mars à Lyon, il repartit pour Paris dès le 24, mais, le même soir, recevait une nouvelle mission. Arrivé à Lyon, il se séparait de Montcharmont, capitaine au 196e bataillon fédéré, et de Saint-Hilaire, membre du Comité de Vigilance et de Solidarité de la 9e (ou 15e ?) batterie d’artillerie de la Seine, après leur avoir confié une délégation pour agir à Saint-Étienne (Loire). Il se rendit alors à Marseille (Bouches-du-Rhône) où il arriva le 28 avec Landeck*. Le 29, il était à Chalabre où la police signala sa présence et saisit au café Ferrand une affiche sur papier rouge dont le texte, écrit à la main et attribué à Amouroux disait : « Citoyens, la chambre royaliste voulant tuer la république, le peuple, la garde nationale et l’armée de Paris ont déclaré sa déchéance. Lyon, Marseille, Toulouse (Haute-Garonne), Saint-Étienne et toutes les villes de France ont suivi le mouvement de Paris. Préparons-nous à faire comme elles. Sauvons l’Ordre et la République ! Vive la République ! Un délégué de Paris ». Il en repartit dès le lendemain et, le 1er avril, il était de nouveau à Paris.
Élu le 26 mars 1871 par le IVe arr. (7.950 voix sur 13.910 votants), il fut désigné comme secrétaire de la Commune, le 11 avril, en remplacement d’Ulysse Parent, et fut aidé, à partir du 1er mai, par A. Arnould et Vermorel pour la rédaction du compte-rendu destiné au Journal Officiel. Vésinier lui fut adjoint le 8 mai, mais il resta « la cheville ouvrière du secrétariat ». (P. V. Commune, op. cit. introduction, p. 12). Il appartint à la Commission des relations extérieures (21 avril) et vota pour le Comité de salut public.
Franc-maçon, il signa le 28 avril 1871, avec Ant. Arnaud, au nom de la Commune de Paris, une lettre adressée au Grand Orient, annonçant que le lendemain aurait lieu la réception des F.... M... par la Commune de Paris et, ajoutaient-ils « toutes les dispositions sont prises pour que la réception soit à la hauteur de votre mission ». Voir E. Thirifocq.
Fait prisonnier le 21 mai en revenant de la Muette, il se fit tout d’abord passer pour un certain Ghiesbreght, nom d’une jeune fille de Bruxelles (apparentée aux Villeval — voir ce nom) qu’il devait épouser. Il dissimula ainsi son identité jusqu’au 31 août. Détenu sur le ponton l’Yonne, en rade de Brest (Finistère), il tenta vainement de s’évader à la nage.
Sa participation à la Commune de Paris et son action en province lui valurent d’être trois fois condamné à la déportation dans une enceinte fortifiée : Lyon, 2 septembre et 30 octobre 1871, Riom (Puy-de-Dôme), 5 décembre 1871, puis, le 22 mars 1872, par le 3e conseil de guerre de Versailles (Seine-et-Oise) aux travaux forcés à perpétuité.
Devant la cour d’assises de Riom, après avoir rendu hommage à la justice et remercié « la Cour et M. le procureur général de leur bienveillance » (cf. Gazette des Tribunaux du 7 décembre 1871), Amouroux fit un long historique des événements dont il définit ainsi les origines : « Une guerre sans exemple dans l’histoire, une présomption inouïe de la part du gouvernement de décembre, voilà en deux mots la base de cette catastrophe, qui, sous le nom de Commune et de gouvernement de Versailles, ont porté des frères à s’entredéchirer ». Et il terminait en affirmant, à propos de la dette de cinq milliards : Nous demandons à être libérés et à travailler « pour fournir notre obole à cette terrible dette. Ah ! cette obole, nous la doublerons, nous la triplerons s’il le faut, si, à l’ombre des institutions républicaines, nous nous préparons à prendre une éclatante revanche, qui nous rendra nos deux chères provinces. »
Après un séjour de quelques mois à Toulon (Var), il fut embarqué, le 10 juin 1872, pour la Nouvelle-Calédonie où il devint le matricule 3776 et travailla comme cantonnier. Au cours de la révolte des Canaques en 1878, trente et un condamnés de la Commune s’enrôlèrent dans l’arrondissement de Canala pour les combattre après qu’Amouroux l’eut demandé en ces termes : « Les condamnés dont les noms suivent sollicitent la faveur de marcher à l’ennemi. »
En déportation, Amouroux n’encourut aucune punition et, « zélé au travail », fit montre d’un caractère « docile et soumis ».
Sa peine fut commuée en dix ans de bannissement en juillet 1879. Gracié le 8 mai 1880, il fut rapatrié par la Creuse. À son dossier figurent des lettres de recommandation signées Corbon*, Louis Blanc*, Greppo*, Tolain*.
De retour à Paris, il se fit journaliste au Mot d’ordre, puis au Radical.. Il fut, en 1881, l’un des fondateurs de la « Ligue de l’intérêt public - Société protectrice des citoyens contre les abus » créée à l’initiative du docteur Edmond Goupil. Il fut battu dans la Loire aux élections législatives de 1881, malgré la chanson composée par un de ses partisans sur l’air de « La Mère aveugle » de Béranger* :
« Nous voulons la République
Sociale et pacifique
Hostile au pouvoir inique
Qui nous met sous les verrous.
Alors ! Que nul ne s’abstienne,
Travailleurs de Saint-Étienne
Votons tous pour Amouroux. »
Il fut cependant élu conseiller municipal dans le quartier de Charonne (XXe arr.) et réélu au 1er tour, le 4 mai 1884. Il le demeura jusqu’au 5 avril 1885, date à laquelle il fut élu député de la Loire. Secrétaire, puis vice-président du conseil municipal, il avait représenté la Ville de Paris à l’Exposition universelle de Boston (États-Unis) en août 1883. À son retour de déportation, Amouroux avait adhéré à l’éphémère Alliance socialiste républicaine qui rassemblait des radicaux d’extrême-gauche et des socialistes et dont le programme parut dans L’Intransigeant du 5 novembre 1881. Mais l’Alliance disparut l’année suivante.
Amouroux siégea à l’extrême gauche de l’Assemblée et n’eut que le temps de voter pour une proposition de loi de Clovis Hugues en faveur de l’amnistie. Il mourut peu après, phtisique, le 23 mai 1885, la même année que Jules Vallès, son camarade de la Commune, laissant deux petites filles de quatre et de deux ans (il s’était marié en 1881). Il appartenait alors à la loge des droits de l’Homme. Il fut enterré le 26 au Père-Lachaise où de nombreux discours furent prononcés dont un par Lucipia, son camarade de déportation. Deux ans plus tard, le 26 juin 1887, un monument à sa mémoire fut inauguré au Père-Lachaise, non loin du Mur des Fédérés.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE : Arch. Nat., BB 24/791, n° 3074. — Arch. PPo., B a/931. — Arch. Dép. Aude, 5 M 51. — P. V. Commune, op. cit. — Gazette des Tribunaux, 17 novembre au 7 décembre 1871. — Revue socialiste, 1885, t. I, pp. 515-518 (notice nécrologique de B. Malon). — Arch. du Grand Orient (Bibl. Nat.), cote 1632. Vol. II. Manifestation du 29 avril 1871. — Navarro, Charles Amouroux raconté aux Chalabrais, 1972. — Les Audois, Dictionnaire biographique, sous la direction de Rémy Cazals et Daniel Fabre, Carcassonne, 1990. — Alain Dalotel, "Amouroux : un communard tricolore", Gavroche, n° 146, 25e année, avril-mai-juin 2006, pp. 24-30. — Note de Rémy Cazals.