VEJVODA Vera [née HYNKOVA Vera, dite REINER Lenka, Mara et Španjolka dans la Résistance yougoslave]

Par Hervé Lemesle

Née le 25 janvier 1915 à Zlaté Hory (Autriche-Hongrie, République tchèque actuelle), morte le 20 octobre 1941 à Priseka (Etat indépendant de Croatie, Croatie actuelle) ; étudiante en commerce ; militante du Parti communiste ; volontaire en Espagne républicaine ; internée en France, résistante en Yougoslavie.

Source : Matica Hrvatska, op. cit.

Née dans une bourgade morave à la frontière polonaise où son père Martin Hynek dirigeait l’école secondaire, Vera Hynkova grandit à Toplice, importante ville thermale tchèque proche de l’Allemagne où ses parents s’étaient installés après la Première Guerre mondiale. Elle y fréquenta l’école primaire et secondaire, puis s’inscrivit en 1929 à l’académie de commerce de la ville, dont elle sortit diplômée en 1933. Devenue ensuite étudiante à l’école de commerce de Prague, elle adhéra à l’Union des étudiants tchécoslovaques, intégra son comité directeur et en fut la déléguée au Congrès mondial des jeunes antifascistes à Bruxelles en 1934, puis à Paris en 1937. Membre du Parti communiste de Tchécoslovaquie (KSČ), elle entama une liaison avec Ivan Vejvoda (1911-1991), un étudiant yougoslave en architecture venu à Prague en 1930 et militant du Parti communiste de Yougoslavie (KPJ). Lorsque celui-ci partit pour l’Espagne en mai 1937, elle voulut l’y rejoindre pour se marier. Elle profita de son séjour à Paris le mois suivant pour entrer en contact avec d’autres volontaires, dont la célèbre danseuse tchèque Mira Holzbachova (1901-1982), qui entamait alors une tournée de dix mois à l’étranger, la pharmacienne tchèque Josefa Chmelova née Kummerova (1907- ?), et des étudiants venus de Yougoslavie pour le congrès antifasciste, dont Vladimir Popović (1914-1972).

Arrivées à Albacete (Manche) fin juin 1937, Vera Hynkova et Josefa Chmelova furent fraîchement reçues par le chef de la section du personnel tchécoslovaque Slava Tichy, qui voulut les renvoyer au pays. Grâce au soutien d’autres compatriotes volontaires, elles purent rester et travaillèrent un temps à l’hôpital tchèque Jan Amos Komensky à Benicassim (Levant), sur la côte méditerranéenne au nord de Valence. Fort de sa maîtrise de l’allemand, de l’anglais et de l’espagnol, Vera Hynkova fut ensuite envoyée à l’école des officiers des Brigades internationales (BI) à Pozorubio (Manche), où elle devint la responsable de la bibliothèque, puis affectée à la propagande à Madrid, comme rédactrice du journal des volontaires tchécoslovaques et speakerine à Radio Madrid pour les émissions en tchèque. Elle profita d’une permission pour retrouver Ivan Vejvoda, qui servait dans la batterie Kolarov sur le front du Sud. Ils se marièrent à Valence, elle en tenue d’officier et lui en uniforme d’adjudant, avec deux témoins rencontrés dans la rue après une attaque aérienne italienne. Vera Vejvoda regagna ensuite Madrid, puis s’installa à Barcelone, où l’état-major des BI fut transféré lors de la grande offensive franquiste en Aragon en mars-avril 1938. En plus de ses activités propagandistes, elle travailla dans la section du personnel des BI et fut admise dans le PCE.

Après la Retirada, Vera Vejvoda fut internée en février 1939 à Saint-Zacharie (Var) avec les infirmières yougoslaves Borka Demić et Olga Dragić. Son époux, détenu à Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales) puis à Gurs (Basses-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques), parvint à faire intervenir le dirigeant communiste et futur Premier ministre tchèque Viliam Široky (1902-1971), exilé à Paris depuis 1938, pour obtenir sa libération car elle était enceinte. Elle accoucha donc à Paris à la fin de l’été 1939, et Ivan Vejvoda obtint une permission pendant quelques semaines pour organiser leur départ en Yougoslavie. Vera Vejvoda et son jeune fils Marijan, munis d’un passeport Nansen, gagnèrent ainsi Karlovac (Croatie), où ils furent accueillis à bras ouvert par son beau-père, Jan Vejvoda, un menuisier tchèque qui s’était installé dans cette ville au début du XXe siècle. Elle y poursuivit son activité de propagandiste sous le pseudonyme de Lenka Reiner, et s’impliqua à partir de janvier 1940 dans le comité d’aide aux anciens volontaires yougoslaves encore internés en France. Ce comité, avec le soutien du KPJ, collectait des vivres, des vêtements et des livres pour les envoyer à Gurs, et militait pour obtenir leur rapatriement. Les autorités de Zagreb et Belgrade refusaient en effet leur retour, les volontaires ayant été déchus de leur nationalité par décret en mars 1937. Ivan Vejvoda parvint toutefois à rentrer, après bien des péripéties : de retour à Gurs, il fut autorisé à s’engager dans la Légion tchécoslovaque début 1940, et après sa démobilisation à Tarbes (Hautes-Pyrénées) en juin, il embarqua avec un passeport yougoslave à Marseille pour Split (Dalmatie) en septembre. À Karlovac, il travailla avec son père et fut arrêté deux fois en avril et septembre 1941 par les ustaši, arrivés au pouvoir suite à l’occupation allemande et italienne. Libéré grâce à l’entregent de son père, il prit le maquis. Pendant ce temps, Vera Vejvoda collaborait avec les dirigeants du KPJ Josip Kraš (1900-1941) et Ivo Marinović (1905-1943) pour organiser à partir de Karlovac le mouvement de résistance dans la région. Elle rallia elle-même les partisans du détachement de Delnice dans le Gorski Kotar, zone montagneuse située entre Karlovac et l’Adriatique. Elle impressionna les paysans par sa maîtrise de la manipulation des armes et prit en charge l’impression des textes de propagande. Alors qu’elle tirait un appel du comité du KPJ de Delnice « aux travailleurs, à l’intelligentsia honnête et aux patriotes du Gorski Kotar », le camp des partisans fut attaqué le 20 octobre 1941 par un bataillon de 700 hommes de la division italienne Lombardia. Elle cacha le matériel d’impression, tua avec son pistolet un officier italien et en blessa un autre avant d’être fauchée par une balle. Son corps fut ramené par les fascistes à Delnice pour être identifié, mais personne ne donna son nom. Elle fut enterrée huit jours après dans le cimetière.

Une plaque commémorative fut installée après la guerre à l’endroit de sa mort, et elle fut décorée à titre posthume de l’étoile des partisans en 1966. Son époux et son fils survécurent : Ivan Vejvoda devint l’un des plus grands diplomates de la Yougoslavie titiste, et Marijan Vejvoda, architecte, vit encore à Rijeka sur le littoral croate.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article244711, notice VEJVODA Vera [née HYNKOVA Vera, dite REINER Lenka, Mara et Španjolka dans la Résistance yougoslave] par Hervé Lemesle, version mise en ligne le 6 janvier 2022, dernière modification le 6 janvier 2022.

Par Hervé Lemesle

Source : Matica Hrvatska, op. cit.

SOURCES : RGASPI (Moscou), 545.6.30. – Archives centrales de l’Etat (SUA, Prague), fonds SFB, 2209.676.11. – Archives de Yougoslavie (AJ, Belgrade), fonds 724.21, ŠpX2/46, témoignage de Beba Krajačić et Dina Zlatić du 10 septembre 1951. – Gojko Berić, Zbogom XX. stoleće. Sjećanja Ive Vejvode [Au revoir XXe siècle. Mémoires d’Ivan Vejvoda], Zagreb, Profil, 2013. – Ingrid Schiborowski et Anita Kochnowski (éd.), Frauen und der spanische Krieg 1936-1939. Eine biografische Dokumentation, Berlin, Verlag am park, 2016, pp.246-247, version complétée en ligne . – Željko Laloš, « Vera Vejvoda-Hynkova prva žena pali borac, hrvatska partizanka » [La première femme combattante tombée en Croatie], Matica Hrvatska, en ligne

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