BLANCHARD François, Daniel

Par Pierre Petremann

Né le 16 mars 1931 à Donjeux (Haute-Marne) ; professeur ; militant syndicaliste, membre du bureau national du SNET, puis secrétaire national du SNES (1967-1977) ; militant communiste, conseiller municipal de Bondy (1965-1971) puis de Pavillons-sous-Bois (1977-1989).

[Arch. IRHSES]

Quatrième enfant d’une famille d’artisans-commerçants bouchers (son père avait été gazé à Verdun), François Blanchard fut baptisé. Il vécut à Reims (Marne) de 1933 à 1937, vint ensuite avec ses parents à La Courneuve (1937-1938), puis à Saint-Ouen (Seine). Après une année en Vendée du fait de l’exode de 1940, il fréquenta le cours complémentaire Jean Jaurès à Saint-Ouen et obtint le brevet de capacité pour l’enseignement primaire (1946). Il fut reçu à la première partie du baccalauréat mathématiques en 1947 dans une classe spéciale de cours complémentaire. Il passa la seconde partie de baccalauréat « mathématiques élémentaires » au lycée Louis-le-Grand à Paris. Après deux années de classes préparatoires au lycée Jacques Decour à Paris, il entra en octobre 1950 à l’École normale supérieure de l’enseignement technique (section A1 mathématiques).

À Saint-Ouen, François Blanchard connut ses premiers engagements dans le mouvement Vaillant, puis comme moniteur de colonie de vacances jusqu’en 1952. Il adhéra directement au PCF, en 1949, au lycée Jacques Decour. Il fut ensuite le secrétaire de la cellule communiste de l’ENSET. Adhérent au Syndicat national de l’enseignement technique (SNET), favorable aux analyses des militants « cégétistes », il représenta l’ENSET à la sous-commission des ENS dans le cadre de la Fédération de l’Éducation nationale et était adhérent de la FEN-CGT (1950-1953).

François Blanchard épousa civilement, en mars 1953, Madeleine, Yvette Fouché, chirurgien dentiste vacataire au centre de santé de Bagnolet. Cette dernière milita dans le Parti communiste français et à l’Union des femmes françaises de 1954 à 1986, et fut membre du comité de section de Bagnolet dans les années 1960. Ils habitèrent en banlieue parisienne nord : Bondy jusqu’en 1977, Pavillons-sous-Bois et enfin, depuis 2003, Montreuil. Ils eurent deux enfants.

Titulaire du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique en 1953, François Blanchard débuta sa carrière à l’école nationale professionnelle d’Armentières (Nord), où il resta jusqu’en 1956, hormis une interruption de quinze mois de service militaire (novembre 1953-février 1955), suivis d’un rappel de trois mois (septembre-novembre 1955) comme sous-lieutenant dans l’artillerie anti-aérienne à Nogent. Son unité devait partir pour des opérations au Maroc. Les soldats manifestèrent leur hostilité à ce départ, mais il était alors en congé de paternité. Il fut libéré de manière anticipée en février 1956 avec d’autres enseignants rappelés. Il put alors aller témoigner en faveur du conseiller général communiste Jean Garcia, qui était venu exprimer l’avis de son parti aux militaires à l’intérieur du fort de Nogent.

Il poursuivit ensuite sa carrière professionnelle en région parisienne, au collège devenu lycée technique d’Argenteuil (Seine-et-Oise) jusqu’en 1962, puis au lycée technique Condorcet de Montreuil (Seine, Seine-Saint-Denis) jusqu’en 1967 et, après avoir été déchargé de service complet pour responsabilités syndicales (juin 1967-juin 1977), il la termina au lycée technique Voillaume d’Aulnay-sous-Bois (Seine Saint-Denis) de 1977 à sa retraite en 1991. Il avait été promu au grade d’agrégé par liste d’aptitude en 1990.

François Blanchard milita dans les sections (S1) du SNET des établissements où il était en poste dans les années 1950, parfois délégué aux congrès académiques du syndicat ou aux congrès départementaux de la Fédération de l’Education nationale. Il s’engagea beaucoup plus dans le militantisme syndical de son milieu professionnel à partir de 1959, pour la liste "Union pour une action syndicale efficace".

Il devint membre de la CA nationale du SNET en 1959-1960 puis membre du bureau national à partir de 1961-1962. Il était un des principaux dirigeants de la tendance UASE (dont la tête de liste était Étienne Camy-Peyret jusqu’à la fusion avec le SNES en 1966. À ce titre, il critiqua « la défense opiniâtre de la Table ronde » par les majoritaires de la FEN, en vue du règlement de la guerre d’Algérie, et demanda en février 1962 que soit réalisée l’union de toutes les forces démocratiques, sans exclusive, pour « s’opposer à l’OAS et reconstruire ensemble la démocratie » (Le Travailleur de l’enseignement technique, mars 1963). Il exposa en février 1963 une analyse complète de ce qui lui paraissait nécessaire pour réaliser une « réforme démocratique du second degré unifié », en s’appuyant sur le plan Langevin-Wallon, qui ne devait être « ni un alibi pour le pouvoir, ni un dogme pour nous » (Le Travailleur de l’enseignement technique, 21 février 1963). Il était membre de la délégation permanente mise en place par le Syndicat national de l’enseignement secondaire et le SNET à partir de 1963 pour préparer leur fusion, dont il fut un partisan et un artisan déterminé.

En outre, après avoir été membre de la CA départementale fédérale de la Seine-et-Oise, Blanchard siégea à la CA du Syndicat des enseignants de la région parisienne, puis à celle de la Seine Saint-Denis. C’est au titre de cette section départementale qu’il était membre suppléant de la commission administrative nationale de la FEN à partir de 1965, puis titulaire de 1967 jusqu’en 1977.

Après avoir été membre de la CA de la section académique du SNET de Paris, puis du secrétariat de cogestion de ce S3 du SNET au début des années 1960, François Blanchard devint secrétaire adjoint du S3 de Paris du SNES (classique-moderne-technique) après la victoire électorale de la liste « Unité et Action » en mars 1967. Dans cette responsabilité, et en tant que secrétaire national, il joua un rôle important dans l’organisation de l’action du syndicat en mai-juin 1968.

Il était en effet membre du bureau national du nouveau SNES au titre du courant « Unité et Action » à partir de juin 1966. Après la conquête de la majorité par Unité et Action en juin 1967, il fut jusqu’en juin 1977, un des secrétaires nationaux permanents, chargé de diverses responsabilités, notamment secrétaire à l’organisation et aux relations internationales.

Aux côtés du secrétaire général André Drubay (1967-1971), il mit en œuvre une politique « tous azimuts » à l’égard des organisations internationales enseignantes, définitivement avalisée par le congrès du SNES de 1971, dans la continuité de l’esprit du Comité d’Entente. Cette politique avait le souci de préserver l’unité des enseignants au plan mondial et de définir des positions communes concernant les enjeux de la formation des jeunes, des adultes et des enseignants, à l’heure de la révolution scientifique et technique et de la définition de politiques éducatives par les organismes internationaux du monde capitaliste occidental (OCDE notamment). Ainsi le SNES fut présent à la conférence de Dubrovnik réunie à l’initiative du SNI et des syndicats yougoslaves en octobre 1971, et fut en même temps à l’initiative d’un autre comité syndical, le CICSE (Comité International de Coopération Syndicale des Enseignants) mis en place à Paris les 21 et 22 juillet 1971, dont Blanchard fut le secrétaire et qui organisa diverses rencontres à Budapest en 1972, à Paris en 1974, à Québec en 1977, sur le thème de la formation initiale et permanente des élèves et des maîtres. Il participa en outre à l’animation de la Fédération internationale des professeurs de l’enseignement secondaire officiel, aux activités de la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante, dont il fut élu membre du comité européen en 1976, tout en faisant doubler les affiliations anciennes du SNES à ces deux organisations par des relations accrues avec la Fédération syndicale mondiale) et la Fédération internationale des syndicats d’enseignants, dont le SNES devint membre associé en 1976. Il œuvra pour que ne soient cependant pas négligées les relations directes avec les organisations syndicales nationales de l’Europe de l’Ouest et de l’Est et des autres continents.

Après l’accord du 9 juillet 1970 sur la formation professionnelle, François Blanchard fut, au congrès du SNES de 1971, le rapporteur sur cette question nouvelle pour le syndicat : le SNES demandait « le bénéfice et l’extension de ces droits nouveaux à tous les travailleurs », en donnant les moyens au service public d’éducation de prendre toute sa part dans cette "éducation permanente", préparée par le développement de la scolarisation dans l’enseignement public laïque des adolescents, dont aucun ne devrait sortir sans avoir reçu une formation professionnelle.

Responsable des « affaires générales », il avait la responsabilité d’être le porte-parole du SNES pour la défense de la paix, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, du respect des droits nationaux à l’existence et à la sécurité, en condamnant tout recours à la force pour régler les conflits entre communautés ou états, toutes formes de racisme et de colonialisme. À ce titre, il joua un rôle important dans la participation immédiate du SNES au comité constitué par des « organisations démocratiques » dénonçant la « guerre impérialiste américaine » au Vietnam et appelant à la solidarité avec « l’héroïque peuple vietnamien ». Il faisait en sorte que le SNES condamne de manière indivisible toute violation des libertés individuelles et collectives dans tous les pays, y compris dans les pays socialistes, notamment l’intervention des troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie en 1968, mais en refusant d’établir la balance égale entre ces violations qui « portaient préjudice à l’audience du socialisme » et le « génocide » perpétré par les Américains au Vietnam. Il eut également le souci que le SNES adopte une position équilibrée au sujet des conflits du Proche-Orient, demandant la garantie de la sécurité et de l’intégrité de l’État d’Israël dans ses frontières reconnues par l’ONU mais ne négligeant pas pour autant les droits des autres pays arabes et surtout du peuple palestinien. Sur tous ces sujets, il essaya de réaliser la plus large union à l’intérieur du syndicat et de la fédération, mais sans concession, ce qui l’amena souvent à s’opposer à la majorité fédérale et ses représentants dans le SNES, ainsi qu’aux autres élus minoritaires.

Après 1968, François Blanchard organisa aussi la défense des libertés professionnelles des enseignants par le SNES et sa participation à la riposte contre la « loi scélérate de répression “anti-casseurs” et ses corollaires ». Il fut cependant amené à dénoncer sans fard diverses formes de provocations « gauchistes ». Mais en tant que président de la commission des conflits, il privilégiait le débat et refusait les mesures administratives ; il répugna toujours à ce que le syndicat décide des sanctions à l’encontre d’une section ou d’un syndiqué, sanctions qui furent d’ailleurs rares, il n’y eut qu’une seule exclusion en 1975.

Blanchard concevait sa responsabilité de secrétaire à l’organisation comme une fonction politique et non point seulement administrative. Il eut ainsi à cœur de favoriser le développement, dans la transparence à l’égard des militants et syndiqués, de tous les outils nécessaires à l’efficacité du travail syndical (décharges de service, remboursement des frais des militants, achat de locaux, embauche de personnels, routage de L’Université syndicaliste aux syndiqués et formation des cadres des S2, S3, en ayant le souci de favoriser le militantisme féminin et de prévoir la promotion de jeunes militant(e)s). Il était aussi chargé de préparer l’organisation des scrutins internes à une époque où la majorité « Unité et Action » était encore faible dans le syndicat, mais où elle s’affirma en quelques années, passant de 51,77% en 1967 à 59,77% des suffrages exprimés en 1973, tandis que l’ancienne majorité autonome passait de 41,96 % à 15, 69%.

Après le départ de Drubay du secrétariat général en juin 1971 et son remplacement par Étienne Camy-Peyret, des divergences se manifestèrent avec Gérard Alaphilippe, devenu secrétaire général adjoint - parfois de façon très vive entre ces deux fortes personnalités - au sujet du fonctionnement de la direction du syndicat et du contenu de ses responsabilités en tant que secrétaire à l’organisation. Il plaidait pour le maintien de la conception d’une direction collégiale, alors qu’Alaphilippe souhaitait que le secrétariat général, auquel Blanchard était associé tacitement, dispose d’une autorité plus étendue sur l’ensemble des secteurs, assortie de moyens en conséquence. En février 1972, pour manifester son opposition à cette orientation, Blanchard renonça à la coordination des services techniques et cessa, pendant quelques mois, de participer aux réunions du secrétariat général. Dans les années qui suivirent, il signa ses articles dans L’Université syndicaliste, secrétaire à l’organisation ou secrétaire aux affaires internationales, secteur qui, avec les "affaires générales", occupa progressivement le plus clair de son temps. Lassé par la résurgence des conflits avec Alaphilippe et inquiet de ce qu’il considérait comme une dérive vers un accaparement des responsabilités de la direction entre les mains du secrétariat général, il ne se représenta pas sur la liste « Unité et Action » aux élections à la CA de 1977 et abandonna toutes ses responsabilité syndicales.

Durant dix années, François Blanchard avait mis ses capacités d’organisateur et ses talents de vigoureux polémiste, tant par la plume que par le verbe, au service de l’affirmation du SNES. Il allait toujours droit au but avec tous ses interlocuteurs, avec une franchise qui ne lui attira pas que des amis, mais aussi de la sympathie, y compris de la part de beaucoup de ses adversaires. Il prit en même temps une part importante dans la définition de l’orientation « Unité et Action » au plan fédéral comme dans le SNES. Militant communiste affiché, ferme partisan de l’unité d’action syndicale et du soutien au programme commun de la gauche, il écrivit un article important en 1972 dans la revue Unité et Action, qui résumait sa position et celle de son courant sur l’indépendance syndicale : « Pour que la démocratie soit vraiment complète, sur le plan économique et politique, il ne suffit pas, mais il faut qu’en toute circonstance et quelle que soit la nature de l’Etat, capitaliste ou socialiste, les syndicats demeurent entre les mains exclusives des travailleurs. »

Sur le plan politique, François Blanchard exerça de nombreuses responsabilités. À Bondy, à partir de 1958, il fit partie du secrétariat de la section puis du comité de la fédération communiste de Seine-Nord-Est (1961-1965). Élu conseiller municipal en 1965 de Bondy sur une liste d’Union de la gauche, président du groupe communiste pendant quelque temps, il ne put exercer son mandat pleinement du fait de ses responsabilités syndicales et souhaita ne pas être candidat en 1971. Il avait suivi l’école centrale d’un mois, en juillet 1961. La fédération communiste le proposa en 1967 comme candidat aux élections législatives dans la 43e circonscription (Noisy-le-Sec), mais, à la veille de scrutins importants dans le SNES (le courant « Unité et action » n’allait devenir majoritaire dans le S3 de Paris qu’après les élections de mars et au plan national qu’après celles de juin) ; Blanchard refusa donc, préférant se consacrer à ses tâches syndicales. Dans la direction du Parti communiste, Henri Krasucki fut du même avis. Après avoir été simple militant de base à Pavillons-sous-Bois, il participa à la direction de la section communiste à partir de 1977 et exerça deux mandats municipaux (1977-1989). Candidat aux élections cantonales en 1979, il arrivait en quatrième position avec 1357 voix.

Collaborateur du Comité central, membre de la commission de l’enseignement depuis les années 1960 jusqu’en 1977, il participa à la préparation du programme du Parti communiste pour l’Éducation nationale. Plus tard, bénéficiant de sa connaissance des problèmes internationaux acquise au SNES, il intégra le bureau de la commission de Politique extérieure (1977-1986), plus particulièrement chargé d’animer le collectif États-Unis. Il collabora à plusieurs ouvrages collectifs, écrivit de nombreux articles dans le presse communiste (L’École et la Nation, France nouvelle, la presse de la fédération Seine Nord-Est, puis après 1977, Cahiers du communisme, Révolution, l’Humanité).

Au milieu des années 1980, il marqua son désaccord avec les orientations impulsées par la direction du Parti et démissionna, en septembre 1986, de la commission de politique extérieure. Il démissionna tour à tour du comité de section, de la présidence du groupe communiste au conseil municipal. Il milita pendant trois ans uniquement dans la cellule de son lycée, participa à la conférence de la section en 1988, avant de démissionner du Parti communiste en janvier 1988, après le 26e congrès. Il acheva son mandat municipal, puisqu’aucune suite n’avait été donnée à sa proposition de remettre son mandat à la disposition du Parti, et ne se représenta pas. Après quelques tentatives auprès des reconstructeurs communistes (ADS puis CAP), il abandonna tout militantisme politique.

Retraité, François Blanchard participait aux séminaires organisés par le centre de recherche de la Fédération syndicale unitaire à la fin des années 1990 et au début des années 2000 et assistait régulièrement aux réunions du CA de l’IRHSES. Au congrès du SNES de 2016, il fut invité à intervenir pour la commémoration du 50e anniversaire ldu nouveau syndicat en 1966.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24481, notice BLANCHARD François, Daniel par Pierre Petremann, version mise en ligne le 10 février 2009, dernière modification le 4 juin 2018.

Par Pierre Petremann

[Arch. IRHSES]
[Arch. IRHSES]
Réception de syndicalistes soviétiques en 1970 à Lyon. De g. à d. : François Blanchard, Claude Gavat, Maurice Moissonnier et deux syndicalistes soviétiques.
Réception de syndicalistes soviétiques en 1970 à Lyon. De g. à d. : François Blanchard, Claude Gavat, Maurice Moissonnier et deux syndicalistes soviétiques.
[Arch. IRHSES]

SOURCES : Archives Préfecture de Police, GA, A5, 702270 (dossier Astre). – Arch. Dép. Seine-Saint-Denis, Fonds Alaphilippe. — Fonds L. Astre. — Arch. comité national du PCF. — Arch. IRHSES (SNET et SNES, CA, congrès, secteur international, Le Travailleur de l’enseignement technique, L’Université syndicaliste). — Renseignements fournis par l’intéressé, par Jacques Girault et Julien Veyret.

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