LUCAS Raphaël

Par Odette Hardy-Hémery

Né le 10 novembre 1899 à Saint-Amand-les-Eaux (Nord), mort le 21 mars 1984 à Saint-Amand ; artisan ; militant communiste et résistant FTP du Nord ; « Politique » régional sous l’Occupation.

Raphaël Lucas était le fils d’un tailleur de pierres de Saint-Amand-les-Eaux, Adhémar Joseph Lucas et d’une ouvrière du textile, une bobineuse, Pauline Paintiaux, qui reprit ensuite un commerce. La famille comptait sept enfants dont quatre garçons. Raphaël Lucas entra très jeune dans la vie active : à quatorze ans, il devint apprenti tailleur de pierres chez un artisan de Saint-Amand. Au printemps de 1917, il fut quelque temps emprisonné pour refus de travailler pour les Allemands puis embauché au cours de l’été à la démolition des usines de Denain des Forges et Aciéries de Denain-Anzin et de Trith-Saint-Léger des Forges et Aciéries du Nord et de l’Est.

Mobilisé le 17 juin 1919, Raphaël Lucas fut incorporé au 144e RI à Bordeaux (Gironde) puis au 161e RI à Sarrebourg (Moselle) jusqu’à la libération de la classe 1919 en avril 1921. Il adhéra au Parti communiste en 1934 et devint secrétaire de la cellule de Raismes-centre et membre du rayon de Valenciennes-Nord. Avant-guerre, il dut arrêter son métier de demi-grossiste en lingerie-mercerie en raison de son activité politique, fit les marchés et dût aller travailler à l’écluse de l’Escaut à Valenciennes. Mobilisé le 3 septembre 1939, il porta lors d’une permission fin 1939-début 1940 le drapeau du parti à l’enterrement d’un communiste, Gilquin, de Raismes-Vicoigne, et fut de ce fait inquiété à son retour à l’armée. Pour y avoir distribué des tracts, il fut emprisonné à Angoulême (Charente) pour « atteinte à la sûreté de l’État ».

Lors de l’invasion de la Belgique et du Nord, Raphaël Lucas fut libéré pour aller au front en mai 1940. Fait prisonnier à Chaumont-en-Vexin (Oise), il s’évada pour rejoindre l’armée française en traversant le front. Replié avec son régiment à Rennes (Ile-et-Vilaine), il reçut l’ordre de se rendre aux Allemands mais s’évada peu après, le 16 juin 1940, de la place de Rennes avec son camarade, Maurice Montel, boucher à Fourmont (Nord). Tous deux revinrent dans le Nord le 25 juin 1940, après un voyage de plusieurs jours en bicyclette par les routes secondaires.

A Raismes, au début juillet 1940, Raphaël Lucas recruta pour organiser un groupe de communistes pour la distribution de tracts, d’abord dans la ville puis dans l’arrondissement. Chez lui, il prépara à son domicile, avec son fils Honoré Lucas*, une imprimerie clandestine dans une cave désaffectée où l’on pénétrait par une ouverture dissimulée par trois marches escamotables. Il y entreposa une ronéo du parti et y imprima, avec les renseignements qui arrivaient par une boîte aux lettres, des tracts et un journal qu’il intitula Le Vigilant. Les tracts anti-allemands et des tracts en allemand étaient distribués par les résistants cheminots du dépôt de Valenciennes avec la complicité d’un soldat allemand anti-hitlérien dans les trains de permissionnaires allemands les appelant à déserter. Les tracts et les journaux étaient d’abord diffusés dans des localités éloignées et différentes, Raismes étant servi en dernier pour tromper la police. Le 21 avril 1941 eut lieu sur la place de Raismes une manifestation de plusieurs centaines de femmes de mineurs de Raismes-Sabatier réclamant du ravitaillement. Raphaël Lucas fut reconnu par le commissaire spécial Rigal alors qu’il tentait d’évaluer le nombre de manifestantes. Il fut immédiatement arrêté à son retour à son domicile mais ni la cave ni la ronéo ne furent découvertes. Interné à la prison de Valenciennes, il fut condamné par la section spéciale de Douai à deux ans de prison pour reconstitution du Parti communiste et fut transféré pour purger sa peine à Cuincy. Là il continua à revendiquer et était en liaison avec le groupe de résistance (personnel et détenus) de la prison. Durant son séjour, il soutint le moral de ses codétenus par de petites publications clandestines : poèmes, chansons, cartes postales, calendriers illustrés. Le temps passé au cachot ramena sa peine à dix-huit mois.

Libéré de Cuincy le 7 novembre 1942, Raphaël Lucas reprit contact par l’intermédiaire de son fils, Honoré Lucas, avec le Parti communiste qui le désigna à la fin décembre 1942 comme « O », c’est-à-dire responsable à l’organisation pour le secteur de Lille-Roubaix-Tourcoing. A ce titre, il était chargé de la diffusion de la presse clandestine et de la formation des groupes de résistants dans les entreprises, les villes principales et les localités environnantes. En juin 1943, Raphaël Lucas fut nommé « politique » du secteur de Béthune dans le Pas-de-Calais, secteur qu’il réorganisa avec les « politiques » de sections et les responsables « organisation » et « militaire » De nombreux tracts furent diffusés sous son impulsion, notamment à l’usine Carbolux et à celle des produits chimiques de Gosnay. De septembre 1943 à septembre 1944, Raphaël Lucas devint « politique » régional du Parti communiste dans le Nord et permanent. A la même époque, il était membre du comité militaire régional des FTP.

À la Libération, Raphaël Lucas fut représentant titulaire du Comité départemental de libération du Nord auprès de la commission régionale interprofessionnelle d’enquête et d’épuration. Il fut à la même époque nommé trésorier départemental et administrateur de la fédération du Nord du Parti communiste pendant dix-huit mois jusqu’en février 1946 date à laquelle il demanda à être remplacé. Il avait été en 1945 candidat au conseil général, canton de Saint-Amand, rive gauche. Il reprit alors son travail de marbrier à l’entreprise Lucas Frères dont il était le gérant et fut président-fondateur du groupe des artisans du Nord. Raphaël Lucas avait été élu conseiller municipal de Raismes en mai 1945, mais aux municipales de 1947, les communistes perdirent la mairie au profit des socialistes.

À partir de 1946, Raphaël Lucas eut de nombreuses dissensions avec la direction de la municipalité et démissionna de son mandat avec deux autres conseillers communistes. Ayant fait connaître ses désaccords, il passa de ce fait totalement à l’arrière-plan politique, non sans publier en 1980 un ouvrage à compte d’auteur qu’il intitula Mes combats. Vers 1960, il s’était installé à son compte et s’éteignit à Saint-Amand.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24488, notice LUCAS Raphaël par Odette Hardy-Hémery, version mise en ligne le 11 février 2009, dernière modification le 26 avril 2013.

Par Odette Hardy-Hémery

ŒUVRE : Mes combats, Saint-Amand-les-Eaux, 1980.

SOURCES : Arch. Nord, 1 W 1327. — Archives de la section spéciale de Douai. — Archives personnelles de l’intéressé. — État civil de Saint-Amand-les-Eaux. — Liberté, 9 et 10 septembre 1945. — La Voix du Nord, 22 et 23 janvier 1981. — André Pierrard, Michel Rousseau, Eusebio Ferrari à l’aube de la résistance armée, Paris, Syros, 1980. — Raphaël Lucas, Mes combats, Saint-Amand-les-Eaux, 1980.

ICONOGRAPHIE : Portrait communiqué par la famille de l’intéressé.

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