SEGARD Philogone [Dictionnaire des anarchistes]

Par Dominique Petit

Né le 24 avril 1858 à Saleux (Somme) ; ouvrier de fabrique, journalier ; anarchiste de Saint Denis (Seine Saint Denis) et Amiens (Somme).

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Le 21 septembre 1880, il se maria à Salouël (Somme), avec Marie, Léonie Mécrent, ouvrière de fabrique et légitima par cet acte, Émilien Segard, enfant naturel.
En 1884, il demeurait 30 rue d’Aubervilliers à Saint-Denis. Il était cordier.
À la fin des années 1880, Philogone Segard était membre du groupe La Jeunesse libertaire et responsable, en septembre 1888, de la bibliothèque du groupe anarchiste de Saint Denis.
Le groupe anarchiste de Saint-Denis, qui fonctionnait autrefois sous le nom de « Libertaires de Saint-Denis » fut fondé en 1889, il tenait ses réunions salle Hébary, rue du Port, 26, ou salle Méret, cours Benoît, 25. Ses principaux membres étaient Ségard, les frères Brœche, Boutteville, Champion, Petit, Chaumentin, Salis, Duhaillon, Bastard, Heurtaud, Lubras, Gustave Mathieu, Brille,Simon dit Biscuit, Pauwels, etc. Le groupe de Saint-Denis était en quelque sorte le comité central de tous les groupes des localités de la banlieue environnante.
Philogone Ségard vendait tous les journaux et brochures anarchistes. Il travaillait semble-t-il à l’usine à gaz du Landy.
Le 1er mai 1890, à 8 heures du matin, des inspecteurs du service de la Sûreté l’avaient arrêté avec plusieurs autres compagnons du groupe dont François Kaision, François Pourry, Ernest Bourgeois et Anselme Monneret et poursuivi pour "incitation au pillage". Leur domicile avait été perquisitionné. Les perquisitions avaient amené la découverte de divers papiers et imprimés. Ils avaient été envoyés au Dépôt.
Le 21 novembre 1890, Pauwels déposa chez lui le modèle d’un manifeste tiré à la polycopie afin de le distribuer aux conscrits qui allaient partir prochainement ou qui allaient tirer au sort au commencement de l’année 1891.
Il était à cette époque ouvrier aux établissements Voisine.
Lors des incidents du 1er mai 1891 à Levallois, il avait fait partie des compagnons qui tirèrent des coups de revolver sur les gendarmes et les agents de police de Levallois-Perret. Quelques jours après, Pauwels et Segard étaient surpris par deux inspecteurs de la sûreté a Argenteuil, chez les beaux-parents de Pauwels, dans une maison dite la maison Bauchène, rue du Carême-Prenant. Mais Pauwels et Ségard avaient pris la poudre d’escampette par le jardin. On ne put arrêter que Marie, Léonie Ségard, venue pour voir son mari et un nommé Lardon, habitant à St-Denis.
Le 5 mai, il partait pour Londres, avec Pauwels. Ils habitaient chez Richard, épicier, 67 Charlotte Street, Fitzoy Square
À Londres, en juin 1891, il logeait avec Pauwels dans une maison où habitait Louise Michel.
Le 10 juin 1891, le Préfet de police était informé que sa femme venait de recevoir de sa part et de Pauwels, une dizaine de cartouches de dynamite.
Le 15 juillet 1891, l’indicateur Z2 SD, notait que Ségard aurait été vu à Paris, deux ou trois jours auparavant, venant de Bruxelles. Pauwels à la même époque était lui aussi rentré en France sous le faux nom de Defosse.
Le 21 juillet 1891, l’indicateur X n°2 faisait savoir que Pierry, de retour de Londres était à Saint-Denis et venait chez Marie, Léonie Ségard. Quant à Ségard, il avait l’intention de rentrer en France, préférant être incarcéré que d’être à l’étranger.
Au mois de juillet 1891, Sicard de Paris était venu apporter à sa femme de l’argent récolté lors d’une réunion.
Le 24 juillet 1891, selon l’indicateur X n°2, Martinet s’était rendu à 11 heures du soir chez sa femme, pour lui annoncer qu’il avait obtenu de Constant, le ministre de l’intérieur, l’autorisation qu’Altéran puisse rester en France.
Segard était de retour au mois de novembre 1891, il s’employait, avec l’aide de Dutheil à réorganiser le groupe de Saint-Denis qui s’était dissous en son absence. Dans une lettre à Dutheil, Ségard, croyant la guerre imminente, disait que « pendant que les troupes se battront aux frontières, les anarchistes feront la guerre à l’intérieur, brûleront les mairies et tous les édifices publics, s’empareront de tous ce qu’ils pourront, et supprimeront ceux qui entraveront leurs agissements. »
Puis il fut en relation avec les compagnons réfugiés à Londres, notamment Henri Defosse dont il recevait les correspondances à redistribuer en France.
Comme de très nombreux compagnons, tant à Paris qu’en banlieue et en province, il fut arrêté le 22 avril 1892 préventivement à la manifestation du 1er mai. Il demeurait toujours 30 route d’Aubervilliers.
Le 24 août 1892, Pauwels informa Ségard par lettre qu’il était à Londres. Selon l’indicateur Z n°3, Pauwels était en contact avec lui par l’intermédiaire de son fils Emilien Ségard.
En décembre 1892, un certain Louis-Albert Prudhomme dit Valentin avait été perquisitionné à Varangeville, près de Nancy avec deux autres compagnons : Meunier (qui était en fait Pauwels) et Calixte David (qui serait en réalité Elisée Bastard). Selon la police Prudhomme était en fait Philogone Segard. Le 29 décembre 1892, Prudhomme (Ségard), dans une lettre qu’il avait écrite à Bastard, donnait l’adresse de Pauwels en Espagne : El Poductor, 2 San Olegarion à Barcelone.
En 1893 il fut suspecté d’avoir été l’auteur, avec Bastard, du placard Mort aux voleurs.
Selon un rapport de l’indicateur X n°2 du 13 janvier 1893, « il serait bon de faire filer Bastard et Ségard et d’exercer à leur égard une étroite surveillance parce que leur conduite et leur manière de faire semblent louches. Jamais on ne sait exactement où ils vont, en tous cas c’est toujours du côté opposé où ils disent. Ils sont les commissionnaires des compagnons, ce sont eux qui vont chercher toutes les affiches de pays en pays, qui portent tous les messages aux groupes ou aux individus. Vu ces circonstances, ils sont toujours armés. Ils sont au courant de tout, rien ne leur est étranger. Ségard va sur Paris presque tous les jours, quelque fois il ne rentre pas ».
Le 29 janvier 1893, l’indicateur N°2 précisait qu’il aurait participé, avec entre autres Pennelier, Ouin et Bruneau, à l’affichage d’un manifeste anti patriotique lors des opérations de tirage au sort à Saint-Denis.
Le 26 avril 1893, l’indicateur X n°2, indiquait : « Les anarchistes sont on ne peut plus circonspect et semblent vouloir rester dans le calme pour ce moment. Il y a peu d’allées et venues chez Ségard. La femme Decamp, Léveillé et Charlot y viennent seuls de temps en temps. »
Le 12 mai 1893, l’indicateur Z n°3, signalait que Dejoux qui avait rendez-vous avec Claudet, était allé dimanche à Paris. Il s’était rendu également 84 boulevard Ménilmontant. Ségard lui avait réclamé l’exemplaire de l’Indicateur anarchiste qu’il lui avait prêté pour en faire réimprimer un millier.
Ségard figurait sur l’état récapitulatif des anarchistes, au 26 décembre 1893, avec sa femme Marie, Léonie Ségard .
Il donnait asile à tous les anarchistes qui se présentaient chez lui
Le 1er janvier 1894, lors de la rafle suivant l’attentat de Vaillant à la Chambre des députés, il fut l’objet d’une perquisition où la police avait saisi de la correspondance, des brochures, un drapeau noir avec cette inscription : « L’anarchie, c’est l’avenir de l’humanité » et des armes improvisées consistant en limes et trois pointes affûtées et emmanchées dans des morceaux de tuyau de plomb, constituant une arme redoutable. Les murs de sa chambre étaient tapissés d’illustrations représentant Ravachol dans sa cellule, l’explosion de la rue de Clichy, les anarchistes de Chicago, des portraits de Mathieu, Pini, Meunier, François, avec au dessus celui d’Elisée reclus, avec cette mention, écrite de la main de Ségard : « l’anarchiste ».
Il fut alors arrêté ainsi que son fils et le compagnon Defosse qui était de passage. Defosse était un familier des Ségard ; il mangeait souvent à leur table et couchait fréquemment chez eux. Segard ne fut libéré que le 26 janvier 1894.
Le 27 février 1894, à six heures, M. Blondean, commissaire de police de Saint-Denis, se présentait au domicile de Ségard, 32, rue d’Aubervilliers, et le mettait en état d’arrestation, comme faisant partie d’une association de malfaiteurs.
Le 27 mars 1894, il était à nouveau arrêté, pour avoir donné asile à Matha. En voyant les agents, il s’était écrié : « Je m’y attendais ».
Son dossier à la Préfecture de police portait le n°316.031.
En 1895, il demeurait 202 boulevard de Chateaudun à Amiens.
Le 18 janvier 1912, il habitait 33 rue au Lin à Amiens où il était débitant de boissons. Il était noté « anarchiste très militant ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245072, notice SEGARD Philogone [Dictionnaire des anarchistes] par Dominique Petit, version mise en ligne le 23 janvier 2022, dernière modification le 24 janvier 2022.

Par Dominique Petit

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York
Fiche photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

SOURCES :
C. Bantman « Anarchismes et anarchistes… », op. Cit. — Le Père Peinard, année 1892 — Archives Nationales BB 186461, F7/12507, F7/12508 — La Révolte, 23 septembre 1888, 12 mai 1889 — Archives de la Préfecture de police Ba 78, 1215 1500 — Le Petit moniteur universe 3 mai 1890 — Journal de Saint-Denis 4 mais 1890, 10 mai 1891 — Archives Départementales de la Somme 4 M 1530. Etat civil — Le Matin 3 janvier 1894 — Les anarchistes contre la République par Vivien Bouhey, Presses universitaires de Rennes. 2008, p. 292 et 293 — Journal des débats 27 février 1894 — La République française 28, 29 mars 1894 — Archives départementales de la Seine-Saint-Denis. Etat civil.

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