MARX Denis (dit Louis, Cardi, puis Schmolle)

Par Gilles Lemée

Né le 25 juin 1944 à Saint-Laurent-sur-Gorre (Haute-Vienne) ; militant du PSU, du PCI minoritaire (SFQI), de la JCR, de la LC/LCR, du NPA, de la Gauche Unitaire, d’Ensemble. Employé à la Sécurité sociale, aux PTT, à France Télécom, à la Poste ; militant CGT puis SUD.

En 2019.

Son père était médecin ophtalmologiste, d’une famille juive alsacienne. Sa mère d’une famille juive de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) était assistante sociale avant leur mariage en 1941. Le père de Denis Marx a participé à la Résistance. En 1944, pour échapper aux persécutions nazies, ses parents se réfugièrent dans une ferme reculée de la Haute-Vienne. La survie de la famille et la naissance de Denis Marx ont été rendues possibles par l’action solidaire de personnes reconnues ensuite ‘Justes parmi les nations’. Sa famille était de gauche, ses parents étaient membres de la Ligue des droits de l’Homme (LDH). Son père se définissait comme ‘ juif laïque’. Denis Marx eut trois frères Laurent, (décédé en 2017), Francis (décédé en 2020) et Jean-Pierre.
]En 1962, il entra comme interne au lycée de Deauville (Calvados) où se noua avec Gérard de Verbizier, l’amitié d’une vie. Ils eurent un parcours politique commun, notamment dans le travail internationaliste de la Ligue Communiste (LC), particulièrement en direction du Maghreb, du Moyen-Orient, de la Palestine et en solidarité avec la gauche non sioniste israélienne. Sa première motivation politique fut le soutien aux Algériens en lutte pour leur indépendance.
Inscrit en Sciences économiques à la faculté de Rouen (Seine-Maritime), il adhéra au PSU à la rentrée universitaire de 1963, participa aux activités du groupe des ESU (secteur étudiant du PSU) et suivit l’orientation de la tendance « socialiste révolutionnaire » ; il y rencontra des trotskystes, le cheminot Charles Marie, Janine Choupaut, et son fils Patrick notamment, qui ont formé une cellule du Parti Communiste Internationaliste (PCI) qui œuvrait en fraction non avouée. Il y adhéra à la fin de l’année 1963, en lien avec Gérard de Verbizier, étudiant en histoire à Paris. À Rouen, avec Charles Marie, le PCI, apparaissait aussi en tant que tel. Ainsi une réunion annoncée publiquement n’a pu se tenir, l’entrée de la petite salle proche de la bibliothèque municipale ayant été bloquée par une forte « délégation » du PCF.
En 1964, il participa à l’entrisme du PCI, dont l’objectif était de dégager une aile gauche dans le mouvement communiste. Il adhéra, avec deux autres camarades, à l’Union des Étudiants Communistes (UEC). Il y rencontra Gérard Filoche, qui affirmait être venu à la 4e Internationale sous son influence.
En 1966, il s’inscrivit comme étudiant à Strasbourg où il participa à l’animation du groupe de la JCR (Jeunesse Communiste Révolutionnaire). En 1967, délégué à la conférence nationale de fondation, il fut élu au Conseil national. Ses trois frères furent également membres de la JCR à Rouen.
Dès avant 1968 les militant.es de la JCR étaient convaincu.es qu’ils et elles seraient de la génération qui porterait la transformation socialiste de la France, et qu’en conséquence leur organisation aurait un rôle déterminant à jouer. De janvier 1968 à avril 1969 il fit son service militaire. C’est donc à l’armée qu’il a vécu Mai 68. Il pensait qu’en cas d’évolution du mouvement vers une révolution, il devrait contribuer à convaincre les soldats de se ranger aux côtés des travailleurs. C’est le sens de l’appel du 153e RIMECA (régiment d’infanterie mécanisé) de Mutzig (Bas-Rhin), resté une référence dans l’action antimilitariste. De cette période a découlé un engagement fort en soutien au mouvement des soldats, du procès de trois soldats antimilitaristes à Rennes en 1970 à la création des comités de soldats dans de nombreuses casernes notamment à partir de 1973.
Il revint ensuite à Rouen. Terminant son service militaire, il ne participa pas au Congrès clandestin de fondation de la Ligue communiste à Mannheim (RFA) en avril 1969. Sa candidature présentée en son absence par les villes de Rouen et de Strasbourg, il fut élu au Comité Central (CC) de la Ligue communiste (LC) en même temps que Jean-Claude Richez de Strasbourg (Bas-Rhin). Il en resta membre jusqu’en 1976.
En 1971, après une période de travail dans une société d’informatique (où il était syndiqué CFDT), il devint, avec Patrick Choupaut, l’un des deux permanents de la section rouennaise de la Ligue, qu’ils contribuèrent à animer avec Rika Bentolila (Sand) Jean-Pierre Rataj (Spirou) et Jean-Claude Laumonier (Dick, Delavigne), membres eux aussi du CC. Rouen était alors, après Paris et avec Toulouse, un des points forts de la LC, quasiment hégémonique à la gauche du PCF. C’était une organisation petite mais implantée. Denis Marx était membre de la cellule « Rosmer », qui militait autour de la raffinerie Shell de Petit-Couronne et comptait dans ses rangs plusieurs salarié.es de la chimie, dont Gérard Quillaud.
Aux législatives de 1973, il fut candidat à Dreux (Eure-et-Loir) dont la cellule était rattachée à la région Haute-Normandie. Il obtint 1,71 % des voix.
En 1973, considérant que Lyon (Rhône), deuxième concentration ouvrière de France, était un point faible, la direction de la LC, sur proposition de Janette Habel, décida d’y renforcer son implantation en y envoyant des renforts. La LC, bien que dissoute après la manifestation du 21 juin 1973 contre le meeting d’Orde Nouveau, poursuivit ses activités autour de son hebdomadaire Rouge jusqu’à la fondation de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) en décembre 1974. La « greffe » put prendre à Lyon. Denis Marx y arriva de Rouen avec Margot sa compagne, bibliothécaire de profession, elle aussi militante de la Ligue (pseudonyme Melville) qu’elle avait rejointe en 1972 avec un groupe de militant.es de Rouen membres du courant « marxiste révolutionnaire » du PSU. Ils y retrouvèrent Armand Creus (pseudonymes : Arthur, martin, Alien) venu de Montpellier, Bruno Delannoy (Griot) venu de Mâcon, et quelques parisiens. Denis Marx et Armand Creus devinrent permanents à Lyon. La méthode consistant à faire venir des militant.es d’ailleurs, renforçait la ville mais généra de nouveaux problèmes. Travaillée au niveau national par un nouveau questionnement sur la construction du parti révolutionnaire, la LCR se divisa profondément. Une partie des militant.es, emmenée par Bruno Delannoy, finit par rejoindre le courant « lambertiste », une autre, animée en particulier par le militant d’origine lyonnaise Jean-Michel Drevon, s’intégra aux « groupes de travail ».
Denis Marx resta investi dans le travail antimilitariste en soutien aux comités de soldats en lien avec la Commission Nationale Armée. La réalité sociale de la ville de Lyon cependant se transformait, les grosses entreprises situées dans la ville même telles que Rhône-Poulenc s’installèrent à la périphérie, voire fermèrent. En 1976, Denis Marx ne souhaitait plus être membre du CC et n’y siégea plus.
Une période de chômage suivit la fin de son mandat de permanent. Sa vie connut une réorientation : il ne participa plus à l’animation nationale de la LCR dont il resta un militant lyonnais, de la cellule SNCF, puis PTT.
Un premier enfant naquit en 1979, puis deux autres en 1981 et 1984. Après quelques aléas, un concours de contrôleur l’amena au service informatique des PTT, à France-Télécom. En 1992, il passa à la Poste comme inspecteur. Il termina son parcours professionnel au service formation en 2007. Il eut une activité syndicale en continu à la CGT, puis à SUD.
Denis Marx resta à la Ligue jusqu’à la fondation du NPA en 2009. Il rejoignit la Gauche Unitaire, puis Ensemble en 2013.
Ses activités devinrent celles d’un actif « militant de base », chargé notamment de la « formation » localement. Il participa à la commission internationale d’Ensemble. Il resta très investi dans la lutte contre tous les racismes, dont l’antisémitisme. Il fut l’un des fondateurs et animateurs de l’association Raja Tikva (« Espérance » en arabe et en hébreu,) qui milita à partir de 2002 pour l’amitié arabo-juive dans l’agglomération lyonnaise et au-delà.
Il participa à partir de 1994 à l’activité d’une troupe de théâtre amateur, « La Roulotte », constituée d’abord dans le milieu professionnel. Elle monta entre autres « Le songe d’une nuit d’été », « Les fourberies de Scapin », « La noce chez les petits bourgeois » de Berthod Brecht et préparait à la fin 2021 « Grandeur et misère du 3ème Reich », du même auteur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245153, notice MARX Denis (dit Louis, Cardi, puis Schmolle) par Gilles Lemée, version mise en ligne le 26 janvier 2022, dernière modification le 27 janvier 2022.

Par Gilles Lemée

En 2019.
2018 à Lyon.
1971, manifestation pour le centenaire de la Commune, à Paris. On voit la ligne des rouennais avec Denis Marx devant à droite, brun, avec un col roulé et une main dans la poche.
Meeting de 1973 à Rouen, Denis Marx à l’extrême droite de la tribune, avec une veste, à côté de Gérard Filoche. On voit les animateurs-trices de la L.C rouennaise : J.CL Laumonier, Rika Bentolila (Sand).

SOURCES : Entretiens avec Denis Marx. — Gérard Filoche, Mai 68, histoire sans fin. Liquider Mai 68 ? Même pas en rêve, Éd. Jean-Claude Gawsewitch, Paris, 2007. — Robert Hirsch, Sont-ils toujours des juifs allemands ? La gauche radicale et les Juifs depuis 1968, Éd. L’arbre bleu, Nancy, 2017. — Jean-Paul Salles, « De la LCR au NPA : l’impossible mutation ? », in Pascal Delwit, Les Partis politiques en France, éditions de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), 2014, p.109-126.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable