LOSOVSKY Dridzo, [ABRAMOVITCH Solomon dit]

Par Jean-Louis Panné

Né en mars 1878 ; mort en 1952, vraisemblablement à la prison de la Lubianka (Moscou). Militant social-démocrate russe ; secrétaire du syndicat des casquettiers juifs parisiens (1911) ; secrétaire de l’Internationale syndicale rouge (1919-1937) ; vice-ministre des Affaires étrangères (1939-1946). Réhabilité en 1956.

Fils d’un instituteur juif d’Ukraine, Solomon Abramovitch prit le pseudonoyme de Losovsky parce qu’il avait vécu et travaillé à Lozovaïa. Apprenti boucher à onze ans, puis forgeron à quatorze, il s’instruisit pendant son service militaire. Adhérent du Parti social-démocrate dès 1901, Losovsky, plusieurs fois arrêté, s’évada de déportation et gagna Paris au début de 1909. Il s’inscrivit à la 14e puis à la 9e section du Parti socialiste SFIO. Militant syndical, il joua un rôle considérable parmi les casquettiers juifs qu’il représenta entant que secrétaire de leur syndicat au sein de la Fédération des syndicats ouvriers de la Chapellerie. Il fut à l’origine de la création de la société anonyme des casquettiers “L’Union”, née à la suite des licenciements consécutifs à la grève de 1911. Cette société fut transformée en coopérative ouvrière de production en 1923.

C’est en 1912 que Losovsky rompit avec les Bolchéviks, se rangeant dans la tendance dite des “conciliateurs” entre ces derniers et les Menchéviks. Ayant suivi un cours pour devenir électricien, il dirigeait un garage rue de Grenelle à la veille de la guerre. Après août 1914, il rejoignit les opposants à la guerre, collaborant aux journaux social-démocrates russes Golos (La Voix), Nache slovo (Notre parole), Natchalo (Le Commencement) qui subirent successivement l’interdiction de publication. Grâce à ses relations, antérieures à la guerre, avec Pierre Monatte et Alfred Rosmer, Losovsky participa aux réunions de la Société d’études documentaires et critiques de la guerre où il prenait une part active aux discussions. Plus tard, il appartint au Comité pour la reprise des relations internationales. Proche du courant animé par Jean Longuet*, il assista, fin avril 1917, à la conférence nationale des socialistes minoritaires convoquée par le Comité de défense du socialisme international ; il y prit la parole pour critiquer la presse “bourgeoise”, mais aussi L’Humanité, dirigée notamment par Marcel Cachin*. Correspondant de plusieurs journaux russes dont la Novaïa Jizn (Vie nouvelle) de Maxime Gorki, alors farouche opposant aux Bolchéviks, il abandonna cette fonction à Boris Souvarine lorsqu’il retourna, en juin 1917, en Russie.

Auparavant, il avait signé, dans le Journal du Peuple, l’adresse des réfugiés russes à Paris au peuple français en tant que membre du comité exécutif de vingt-trois organisations politiques et professionnelles russes. Il était alors domicilié 18, rue Flatters (Ve arr.).
En Russie, rallié aux Bolchéviks, devenu secrétaire du Conseil panrusse des syndicats, Lozovsky fut hostile aux décisions de Lénine : le 17 novembre 1917, il vota contre le projet de confiscation des imprimeries de tous les journaux pour réglementer leur publication, puis publia dans la Novaïa Jizn une longue lettre dénonçant les “méfaits bolchéviques”. Poursuivant son agitation pour la défense de l’indépendance des syndicats, considérant la socialisation comme prématurée (“La Russie n’est pas encore mûre pour la socialisation de la production...”, avait-il écrit dans Le Moniteur officiel, organe des syndicats), il réclamait un élargissement de la base sociale de la révolution “ par l’accord avec d’autres partis socialistes”. Losovsky refusa également de voter la dissolution de la Constituante au Comité exécutif central.des Soviets. En conséquence, il fut exclu du Parti bolchévik et rallia le petit groupe intitulé Parti social-démocrate des ouvriers internationalistes. Losovsky poursuivit son opposition au sein du mouvement syndical : lors du IIe congrès panrusse des syndicats, en janvier 1919, il accusa les cellules communistes de vouloir étouffer toute manifestation de liberté syndicale. Finalement, en décembre 1919, Losovsky réintégra le Parti bolchévik avec son groupe.

Il se rendit à l’étranger pour représenter le Conseil central des syndicats, fut expulsé d’Allemagne en août 1920. En mars 1921, il devint le secrétaire général de l’Internationale syndicale rouge (Profintern) qu’il avait initié et qu’il représenta au sein du comité exécutif de l’Internationale communiste. Il fut le maitre-d’œuvre du 1er congrès de l’ISR (Moscou, 3-9 juillet 1921) préconisant, cette fois, la liaison organique entre partis et syndicats.

Par son expérience, Losovsky fut amené à porter une grande attention au mouvement syndical français et à la propagande ; il écrivait ainsi à Alfred Rosmer : “Autre question fort importante : celle des brochures destinées à ce congrès. Jusqu’à présent, ont paru en France mes résolutions et une brochure, “Programme d’action”. Il y a quelque cinq mois, j’ai envoyé en France un livre intitulé La Deuxième Internationale. J’ai écrit ce livre au début de septembre, le texte français a été revu par Souvarine...” (Lettre du 4 mai 1922. Venu clandestinement assister au Ier congrès de la Confédération générale du travail unitaire (Saint-Étienne, 25 juin-1er Juillet 1922), il y prononça un discours qui fut publié ensuite en brochure. Il revint en France, en février 1924, en compagnie de D. Manouilski, afin d’écarter Boris Souvarine* de la direction du Parti communiste et le faire s’aligner sur les positions de l’IC. Jamais il ne cessa d’intervenir dans le mouvement ouvrier français tout au long de sa carrière à la tête de l’ISR, notamment par la publication de nombreuses brochures polémiques ou sa collaboration à la revue de l’ISR, l’Internationale syndicale rouge, dont il était le rédacteur en chef. Dans la lutte pour le pouvoir en URSS, il se rangea du côté de Staline. En 1927, il fut élu au présidium de l’IC où il se maintint jusqu’au VIIe congrès (1935). Il conserva sa fonction de président de l’ISR jusqu’à sa mise en sommeil.
Directeur des éditions d’État de 1937 à 1939, il occupa ensuite le poste d’adjoint au commissariat aux Affaires étrangères jusqu’en 1949. Les circonstances de sa mort furent connues par le correspondant en URSS du Daily Mail, Bernard Turner, arrêté en 1943 et libéré après la mort de Staline. Losovsky fut l’une des victimes da la campagne antisémite lancée par Staline. Arrêté en 1949, simultanément aux membres du Comité juif antifasciste, accablé par les accusations de son ami l’écrivain Ilya Erhenbourg, Losovsky succomba aux tortures.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24519, notice LOSOVSKY Dridzo, [ABRAMOVITCH Solomon dit] par Jean-Louis Panné, version mise en ligne le 12 février 2009, dernière modification le 6 août 2021.

Par Jean-Louis Panné

ŒUVRE : Les syndicats et la révolution, discours au congrès de Saint-Étienne, Paris, Librairie du Travail, 1922. — Le Mouvement syndical international avant, pendant et après la guerre, Paris, 1926, 301 p.

SOURCE : Le Journal du Peuple, n° 73, 23 mars 1917. — Le Populaire, n° 47, 7-13 mai 1917 et n° 78, 5 janvier 1918. — F. Meunier, “A la coopérative des casquettiers fondée par Losovsky”, L’Humanité, 23 mai 1924. — F. Charbit, “Réponse à Losovsky”, La Révolution prolétarienne, n° 120, 5 octobre 1931. — J. Mesnil, “Les menteurs officiels contre Victor Serge*”, La Révolution prolétarienne, n° 184, 10 octobre 1934. — B. Turner, “La mort de S. Losovsky et le crime d’Ilya Ehrenbourg”, La Révolution prolétarienne, n° 420, septembre 1957. — Cahier de l’Institut M. Thorez, n° 28, 1978. — N. Green, LesTravailleurs immigrés juifs à la Belle époque, Paris, Fayard, 1985.

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