DECOURCELLE Fortuné.

Par Renée Dresse

Néchin (aujourd’hui commune d’Estampuis, pr. Hainaut, arr. Tournai-Mouscron), 4 mars 1901 – 22 octobre 1964. Ouvrier du bâtiment, dirigeant régional puis national de la Centrale chrétienne des travailleurs du bois et du bâtiment, militant jociste.

Fils de Jules Decourcelle, né à Néchin le 30 octobre 1870, ouvrier tisserand, militant syndical, et d’Eliza Alavoine, née en 1872, Fortuné Decourcelle, qui a quatre sœurs, est placé, dès l’âge de treize ans, en apprentissage chez un patron plombier-zingueur en France. La Première Guerre mondiale l’empêche de traverser la frontière pour aller travailler. Il retourne à l’école à Néchin, son village natal. En 1918, il s’engage à l’armée avec l’espoir de devenir aviateur. Il devient sergent. En 1922, lors d’une semaine d’étude syndicale à laquelle participe son père, Jules, il suit une leçon du RP Perquy qui, par la suite, invite les jeunes ouvriers à venir suivre les cours de l’École pour ouvriers chrétiens à Heverlee (aujourd’hui commune de Louvain-Leuven, pr. Brabant flamand, arr. Louvain). Aussitôt, Fortuné Decourcelle renonce à la vie militaire pour être un des premiers à suivre cet enseignement. Il en sort avec un diplôme d’assistant social.
En 1926, Decourcelle est nommé propagandiste à Waremme (pr. Liège, arr. Waremme) : il y travaille à mi-temps pour la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et à mi-temps pour le syndicat chrétien. Il contribue grandement, aux côtés de l’abbé Sacré*, à la fondation de la Fédération jociste et à celle des syndicats chrétiens de Waremme.

À la suite d’un examen passé le 19 septembre 1928, Fortuné Decourcelle devient le premier permanent propagandiste wallon – il le restera pendant cinq ans jusqu’à l’arrivée de Maurice Evrard* – de la Fédération chrétienne des travailleurs du bois et du bâtiment, qui deviendra par la suite la Centrale chrétienne des travailleurs du bois et du bâtiment (CCTBB) : il a en charge la région wallonne, des Ardennes luxembourgeoises au Hainaut. En 1935, il est admis au Bureau journalier de la centrale ; il en est le seul membre wallon jusqu’après 1945.

L’entre-deux-guerres est une période particulièrement dense pour le syndicalisme. Fortuné Decourcelle prend en main, avec entre autres Rik Vaes*, propagandiste du Limbourg, la destinée des travailleurs chrétiens du bois et du bâtiment. Son intense activité journalière se compose souvent d’audiences à la Justice de paix et/ou aux conseils de prud’hommes, et de tournées afin de rencontrer les travailleurs. Il est à l’origine de nombreuses sections syndicales, à Plombières (pr. Liège, arr. Verviers), Gemmenich (aujourd’hui commune de Plombières), Malmédy (pr. Liège, arr. Verviers). C’est également la période de la construction de ponts, de forts dans la région liégeoise (Pepinster (arr. Verviers), Ében-Emael (aujourd’hui commune de Bassenge, arr. Liège), Tancrémont (aujourd’hui commune de Theux, arr. Verviers)) et notamment le canal Albert, ouvrage qui durera de nombreuses années. De nombreuses incursions se déroulent dans l’Entre Sambre-et-Meuse, chez les sabotiers de Villers-la-Tour (aujourd’hui commune de Chimay, pr. Hainaut, arr. Thuin), Nismes (aujourd’hui commune de Viroinval, pr. Namur, arr. Philippeville), Cerfontaine (pr. Namur, arr. Philippeville), etc. Au fil de ces tournées, l’équipe de propagandistes dont Decourcelle fait partie, découvre des militants avec lesquels elle prépare des cahiers de revendications.
Lors de la crise économique des années 1930, Fortuné Decourcelle prend la direction des grèves afin d’obtenir des avantages pour les travailleurs du bâtiment, notamment au barrage d’Eupen (pr. Liège, arr. Verviers) et au Fort de Tancrémont. Il affiche la même détermination pour les travailleurs du bois, n’hésitant pas à s’engager dans une grève en faveur d’un meilleur salaire, à la scierie Meurer. C’est une victoire. Durant cette période, il se voit même accusé d’être anti-belge par l’administration communale de Butgenbach (pr. Liège, arr. Verviers) parce qu’il soutient le mouvement des ouvriers bûcherons d’origine allemande.
Avec l’équipe dirigeante de la centrale, Fortuné Decourcelle réussit à imposer un cahier des charges dans les travaux publics, fixant notamment le salaire minimum. Il joue également un rôle dans l’installation de la commission paritaire des travailleurs du bâtiments en 1937

Contraint, comme d’autres, de cesser ses activités syndicales, Fortuné Decourcelle prépare, avec d’autres, dans la clandestinité le retour au travail dès la Libération du pays en septembre 1944. Il est aussitôt nommé secrétaire général de la CCTBB tandis que Rik Vaes* en devient le président. Ensemble, ils contribuent, avec l’équipe des propagandistes, à réorganiser la centrale. Grâce à l’augmentation des effectifs, Decourcelle encourage l’engagement de nouveaux permanents propagandistes wallons. Avec Rik Vaes et les permanents, il élabore le cahier de revendications de la centrale. Nombre d’acquis sont ainsi obtenus : la sécurité d’existence, l’indemnité pour les heures de pluie, l’aménagement de l’indemnité de séjour, le paiement des petits chômages, la réduction du temps de travail, le Fonds forestier, etc. Il continue également à porter la parole de la centrale au sein des commissions paritaires et autres institutions publiques et parastatales.

Fortuné Decourcelle est le délégué de la CCTBB à la Commission du Bâtiment de l’Organisation internationale du travail (OIT) et à l’Internationale des syndicats chrétiens du bois et du bâtiment.

Pensionné le 31 mars 1961, Fortuné Decourcelle, marié et père d’un fils, est remplacé à la tête du secrétariat général de la CCTBB par Jules Godenne*. Il est le détenteur de plusieurs distinctions honorifiques dont : chevalier de l’ordre de Léopold II (9 décembre 1948), la décoration spéciale pour services rendus en commissions paritaires (arrêté royal du 4 août 1950).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245315, notice DECOURCELLE Fortuné. par Renée Dresse, version mise en ligne le 1er février 2022, dernière modification le 4 février 2022.

Par Renée Dresse

SOURCES : CARHOP, fonds Jean Neuville, dossier « Fortuné Decourcelle » dont le texte de l’hommage d’Amour Hembise lors du départ à la retraire de F. Decourcelle, 1961 – MESSIEN T., « Arbre généalogique de Jules Decourcelle », dans geneanet.org, page consultée le 29 janvier 2022 - DECOURCELLE F., Centrale chrétienne des travailleurs du bois et du bâtiment. Rapport général d’activité de la Centrale du Congrès de 1947 au Congrès de 1951. Congrès : 16 et 17 juin 1951, s.l., 1951, p. 23 – Centrale chrétienne du bois et bâtiment, 1901-1961. Ils bâtirent une force. Édition réalisée à l’occasion du soixantième anniversaire de la Centrale chrétienne du bois et bâtiment, s.l., 1961, n.p. – GODENNE J., Centrale chrétienne des travailleurs du bois et du bâtiment. Rapport d’activité 1963-1966, Congrès de Namur les 23 et 24 septembre 1967, s.l., 1967, p. 29-30.

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