CASTELNAU Henri (de), marquis (parfois comte) de Castelnau, docteur Castelnau, pseudonyme : docteur Lux.

Par François Gaudin

Né le 29 mars 1813, mort fin mars 1894 ; médecin et publiciste ; militant socialiste blanquiste.

Né, selon la presse, dans les Landes (à Lamprone ?), Henri de Castelnau était sans doute le fils d’un médecin enregistré, de 1814 à 1842, rue de la Vieille Estrapade (Ve arr). Il suivit des études de médecine, fut externe, puis interne. Il serait tombé amoureux sans retour et, par dépit, aurait tenté de mettre fin à ses jours en se tirant un coup de pistolet dans la tête. Il en conserva une spectaculaire mutilation du visage. Suite à cet acte, la jeune fille accepta de vivre avec lui et ils eurent au moins une fille, Eléonore, et un fils, Bernard, un troisième enfant n’ayant pas vécu. Toutefois, au mariage de leur fille, ils n’étaient pas mariés.
Il rédigea sa thèse, sous la direction de Mathieu Orfila, sans la soutenir publiquement en raison de son apparence, ce qui l’aurait privé de son titre de docteur. Il publia sa thèse en 1841, démontrant la nocivité de l’inoculation de la syphilis. Il était alors interne et élève de l’École pratique. Il exerça la médecine sans titre ; si sa compétence semble avoir été reconnue, cela lui valut des démêlés avec ses pairs. Il devint, le 15 juin 1842, membre de la Société anatomique de Paris. Titulaire le 26 juillet 1843, il en fut vice-secrétaire, puis secrétaire, en 1844 et 1845. Il habite alors 5, rue d’Ulm. Ensuite, il fut vice-président pour 1845 et 1846. L’année suivante, il devenait membre honoraire et l’était toujours en 1877.
Il écrivait dans les Archives générales de médecine, en 1843-1844, et publia séparément, en 1844, un article tiré des Annales des maladies de la peau et de la syphilis. En 1846, il signa, avec J. F. Ducrest, du College of Surgeons of England, un mémoire qui fut distingué. Sous le second Empire, il fut nommé, inspecteur général adjoint des prisons et des établissements d’aliénés de France, mais le préfet qui reçut ce fonctionnaire défiguré demanda au ministre de le congédier. Cette profession n’est mentionnée qu’une année, en 1854. Il habitait alors 22, rue de l’Odéon.
Henri de Castelnau collabora à la Gazette des hôpitaux, mais se fâcha à cause d’annonces peu sérieuses pour des « remèdes secrets » qui discréditaient le journal à ses yeux. Un procès eut lieu en 1853 et il décida de créer un autre journal. Ce fut Le Moniteur des hôpitaux, journal des progrès de la médecine et de la chirurgie pratiques, dont il était rédacteur en chef et qui dura de 1859 à 1862. Certains articles, issus d’une polémique avec M. Dorvault, lui donnèrent matière à une brochure, parue en 1859. Ensuite, comme rédacteur en chef, il fut condamné avec Joulin, rédacteur d’un article jugé diffamatoire, le 9 mars 1859, à un mois de prison et mille francs d’amende. Il habitait alors 21, quai de l’horloge et était enregistré comme médecin.
Au Moniteur des hôpitaux succéda, le 23 aout 1859, Le Moniteur des sciences médicales et pharmaceutiques, publié jusqu’en 1862. Castelnau accordait une place de choix à la syphilis (mot cité 143 fois en 1235 pages). En parallèle, il lança le périodique La Culture, en 1858, qui fut continué par André Sanson, et devint La Culture : journal des fermes et des châteaux. En 1860, il fit imprimer Une définition de l’homme par la Bible, extrait du Moniteur des sciences. Considérée dès sa parution comme une curiosité bibliographique, cette « dissertation fort amusante » fut rédigée suite à un différend qui s’éleva entre le professeur Trousseau et le docteur Joseph-François. Malgaigne. « Le premier avait dit, pour caractériser l’homme d’après Beaumarchais et d’après la Bible, que c’était le seul animal mingens ad parietem. [Expression tirée de l’Ancien testament signifiant « qui urine contre le mur »] M. Malgaigne soutint que la citation était une mauvaise plaisanterie. Remontant aux sources et contrôlant leurs traductions, M. de Castelnau donne à son tour gain de cause à M. Trousseau »
En 1861, il déménagea 6, rue du 29 juillet (1er arr.). Socialiste engagé, ce publiciste fut un proche d’Auguste Blanqui,* de Delescluze*, de Félix Pyat*, de Just Vernouillet*, de Louise Michel*… C’était un habitué du café Procope. En 1863, il était domicilié 8 rue Balzac. Après avoir contribué surtout à des publications journaux scientifiques, il écrivit sous le pseudonyme de Docteur Lux dans Ni dieu ni maître, donna des chroniques scientifiques dans divers journaux républicains et écrivit régulièrement Le Réveil de Delescluze, dont il était l’ami, et dans L’Intransigeant, de Rochefort... Il aurait diagnostiqué, dans le Rappel, la maladie dont mourrait Napoléon III, ce qui déplut à certains. On lui attribua L’Affaire Pierre Bonaparte, ou Le meurtre d’Auteuil, publié anonymement en 1870.

Absent de Paris depuis l’été 1870 – il avait loué une maison à Plessis-Trévise (Seine-et-Oise, Val-de-Marne) où il soignait gratuitement les malades –, il fut tout de même emprisonné à Versailles en juin 1871. Sous Mac Mahon, Just Vernouillet, qui gérait la librairie de Lachâtre, exilé, publia en 1873 de lui Les Plaies sociales. L’ignorance, dans la collection Librairie des Travailleurs.
Il fit partie des dix mille personnes qui escortèrent le cercueil de la sœur de Delescluze, en 1876. En 1877, Félix Pyat le choisit pour fonder un journal dont le gérant aurait été Casimir Henricy et le pourvoyeur de fonds Maurice Lachâtre. Le numéro spécimen de La Commune affranchie, journal du travail, daté du 10 mars 1878, dont le docteur Lux était rédacteur en chef, Pyat le directeur et l’administrateur O. Marius, fut saisi et poursuivi pour excitation à la haine et au mépris des citoyens. Le second numéro parut le 18 mars. Le nom de Pyat fut retiré, remplacé un temps par la mention « Vive Thiers ! ». Le 23 mars, le journal fut poursuivi, en la personne de son gérant, M. Alphonse Cassano, – les deux articles incriminés étant anonymes – sous l’inculpation d’apologie de faits qualifiés de crimes par la loi et d’excitation à la haine des citoyens les uns contre les autres. Le jury refusa les circonstances atténuantes et condamna le prévenu à un an d’emprisonnement et 5000 francs d’amende. Le 17 avril, le journal était condamné pour la seconde fois et suspendu pour six mois.
En 1878, Henri de Castelnau fut candidat radical à Ménilmontant (Quartier de Belleville) et obtint 16,5 % des suffrages contre le républicain Braleret. Le 10 février 1880, il communique à l’Académie nationale de médecine sous le nom de docteur Lux.
Il était présent à l’enterrement de Auguste Blanqui en janvier 1881. Il ne fut pas choisi comme candidat révolutionnaire aux législatives pour le Xe arrondissement de Paris, cette année-là. Au mois d’août, à la salle Graffard, il considéra Gambetta comme déchu de son mandat car il n’avait « tenu aucun des engagements stipulés dans son mandat solennellement et publiquement juré en 1869 ». En octobre, il dénonça les malversations liées à l’expédition en Tunisie et les calculs financiers qui l’avaient inspirée.
En janvier 1882, il participa à la manifestation célébrant l’anniversaire de la mort de Blanqui. La police chargea et fit des blessés auxquels il prodigua les premiers soins. Il organisa ensuite une réunion pour protester contre les agissements des forces de l’ordre. Il habitait alors à Paris, avec sa fille, 32 avenue Philippe de Girard. En 1883, il loua une maison à Meudon, 32 bis rue de Paris, avec sa domestique, Mariette Prouteau. Décrit comme malade et criblé de dettes, il monta une escroquerie aux assurances, à l’aide d’une substitution de cadavre, en 1883, sur l’initiative de Von Scheurer, qu’il avait connu en 1878. Puis il revint chez lui, rue de l’Entrepôt (10e arr.), début 1884.
En 1886, il soutint la candidature du socialiste Ernest Roche, blanquiste rallié au marxisme, lors d’une réunion publique et participa au banquet célébrant le 18 mars 1871, salle Favié. En juin, il soutint les grévistes de Decazeville, lors d’une réunion et d’une souscription, et en août, salle Favié, défendit la cause des grévistes de Vierzon. Il écrivait alors dans Le Socialiste, organe du Parti ouvrier, et dans le Journal du peuple, aux côtés d’Eudes, de Paepe, Vaillant...
En octobre et novembre 1886 et l’année suivante, il donna des conférences pour le Cercle socialiste révolutionnaire indépendant du onzième arrondissement, « Les Égaux », sur l’hygiène, la médecine populaire, les loyers, notamment. Il partageait régulièrement la tribune avec Louise Michel ou Félix Pyat. Il était alors considéré comme un blanquiste éminent.
Il fut candidat socialiste de l’Union socialiste révolutionnaire, en 1887, dans le quartier de la Santé (Paris, XIVe arr.) où il obtint 3,73 % des voix. Il était alors rédacteur à L’Intransigeant. La même année, il présida une conférence sur la vivisection. Il participa au meeting de Vauxhall où il fustigea « les porte-cotons de l’opportunisme, les apôtres de l’évangile de Saint-Léon » et réclama, avec Émile Digeon, la mise en accusation de Gambetta et des ministres pour « escroqueries, malversations, usurpation de pouvoir et trahison ».

En 1887, Mariette Prouteau raconta la substitution de cadavre et le docteur Castelnau passa en cour d’assises, le 25 avril 1888. Von Scheurer qui avait gardé l’essentiel du butin, s’était suicidé lorsque le procès se tint. Castelnau fut condamné à huit ans de réclusion et 100 francs d’amende, son pourvoi en cassation ayant été rejeté le 8 juin 1888. L’affaire fit grand bruit.

Son fils Bernard se maria le 18 mars 1887 ; il célébrait la Commune à sa façon. Le lendemain soir, le père était en réunion avec des communards.

Henri de Castelnau mourut à l’âge de 81 ans, et fut enterré le 1er avril 1894, au cimetière de Pantin. Il y fut réinhumé en 1904, pour rejoindre sa fille et son petit-fils.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245361, notice CASTELNAU Henri (de), marquis (parfois comte) de Castelnau, docteur Castelnau, pseudonyme : docteur Lux. par François Gaudin, version mise en ligne le 3 février 2022, dernière modification le 18 août 2022.

Par François Gaudin

ŒUVRE  : Recherches sur l’inoculation appliquée à l’étude de la syphilis, Paris, librairie de Méquignon-Marvis fils, 1841. – Examen succinct de la thèse de M. Hélot, sur la théorie de la syphilis, Paris : impr. de Lacrampe, 1844, 15 p. – ( avec J. F. Ducrest), Recherches sur les abcès multiples, 1846, Mémoire couronné par l’Académie royale de Mémoire, Paris, 1846, 151 p. – Note présentée à M. le président et à MM. les conseillers composant la 4e chambre de la Cour impériale de Paris, Paris, impr. W. Remquet,1853, 16 p. – Le Moniteur des hôpitaux, journal des progrès de la médecine et de la chirurgie pratiques, 1853-1859, suivi par Le Moniteur des sciences médicales et pharmaceutiques, 1859-1862. – Sur un projet de caisse de prévoyance et de caisse de secours pour les pharmaciens de France, imaginé par M. Dorvault, directeur de la maison de droguerie dite Pharmacie centrale, Paris, 1859. – Essais physiologiques sur la législation. Premier essai, De l’interdiction des aliénés, mémoire lu à l’Académie de médecine de Paris, dans les séances du 12 juillet et du 23 août 1859, Paris, Durand. – Affaire Pierre Bonaparte, ou Le meurtre d’Auteuil, anonyme, éd. Armand Le Chevalier, 1870, 177 p. – Les Plaies sociales. L’ignorance, 1873, Librairie des Travailleurs. – Cocu, volé, battu, tué, gaussé et content…, « Colloques rustiques » n°1, Paris, Librairie socialiste, 1879.

SOURCES  : Arch. Po. Paris, Ba 1230, rapports des 10/01/1877, 13/01/1877 et 27/01/1877. – Alfred Delvau, Histoire anecdotique des cafés et cabarets de Paris, Paris, Dentu, 1862. – La Petite revue, 2e semestre, n° 27, 14 mai 1864, p. 220. – La France, 2 janvier 1879, p. 2. – Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 44e année, 2e série, t. IX, t. 1880, pp. 113-114. – Le Gaulois, 17 octobre 1881, p. 2. – Le Français, 22 octobre 1881, p. 4. – Le Gaulois, 2 mai 1884, p. 1. – La Patrie, 20 mars 1886, p. 2. – L’Intransigeant, 14 octobre 1886, p. 4. – L’Intransigeant, 7 avril 1887, p. 3. – Le Cri du peuple, 10 mai 1887, p. 1. – Le Petit Parisien, 25 avril 1888, p. 3. – Michel Offerlé, Les socialistes et Paris, 1881-1900. Des communards aux conseillers municipaux, thèse de doctorat d’État en science politique, Paris 1, 1979. – François Gaudin, Maurice Lachâtre, éditeur socialiste (1814-1900), Limoges, Editions Lambert-Lucas, 2014.

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