GUINCHAN Georges, Maurice

Par Renaud Poulain-Argiolas

Né le 9 décembre 1920 à Paris (XIe arr.), mort le 30 juillet 2006 à Pontarlier (Doubs) ; peintre, ajusteur chez Renault, traducteur-interprète, ingénieur à Sud-Aviation, puis à l’Aérospatiale ; militant communiste ; déporté à Auschwitz, membre de la résistance intérieure du camp et du Kampfgruppe Auschwitz ("groupe de combat d’Auschwitz") ; rompt avec le PCF en 1956.

Georges Guinchan enfant avec son père André en train de peindre.
[photo fournie par Daniel Kirsch]

Georges Guinchan était le fils d’André Guinchan, peintre en bâtiment, et d’Henriette Blanchard, tous deux originaires de Buenos Aires (Argentine) et issus de familles d’expatriés français à la fin du 19e siècle. En 1917, son père, artiste-peintre formé aux Beaux-Arts de Buenos Aires, avait décidé de revenir en France pour y trouver du travail. Fils de Français, il avait été aussitôt naturalisé, mobilisé et envoyé à Salonique (Grèce), base d’opération des forces alliées d’Orient. En 1919, son régiment avait participé à l’occupation de la région hongroise, intégrée par le Traité de Versailles à la nouvelle Yougoslavie. Après sa démobilisation, il avait épousé Henriette Blanchard, avec laquelle il s’était fiancé en Argentine. Athée en réaction à la puissance du clergé en Amérique du Sud, André Guinchan fut attiré par les idées révolutionnaires et adhéra au Parti communistes et à la CGTU au milieu des années 1920. Il lisait quotidiennement l’Humanité chez lui.

À la naissance de Georges Guinchan, ses parents étaient domiciliés 1, rue des Quinconces à Rosny-sous-Bois (Seine, Seine-Saint-Denis). De 1927 à 1933, il fréquenta l’école communale où il noua des amitiés, notamment avec René Beaulieu*, qui fut membre des Jeunesses communistes et mourra à Auschwitz. Un autre jeune militant communiste, qui sera déporté dans le même convoi que Guinchan, Eugène Omphalius*, né en 1921, habitait au 17 de la même rue. Ils fréquentèrent vraisemblablement la même école.
De juillet à octobre 1928, suite à une double broncho-pneumonie, il passa sa convalescence à La Borie de Pagax, lieu-dit situé à Flagnac (Aveyron), chez sa grand-mère maternelle, Julie Alran. Pour l’aider à s’intégrer, celle-ci le fit baptiser à l’église du village. A son retour, l’enfant ne fréquenta néanmoins pas le catéchisme, ses parents l’inscrivant aux pionniers, dans le cadre du Secours ouvrier international. En août 1931 et 1932, ils l’inscrivirent aux Vacances populaires enfantines dans un centre installé sur l’île de Ré. Georges Guinchan eut des difficultés scolaires, en partie à cause des interruptions dues à la maladie. Dès ses quatorze ans, il souhaita travailler avec son père. Celui-ci le chargea en outre d’entretenir la correspondance avec la famille restée en Argentine, dont sa grand-mère paternelle. Il se prit alors d’intérêt pour la collection des timbres du monde entier.

À 15 ans, il rejoignit les Jeunesses communistes. Il suivait une école élémentaire du parti un soir par semaine et, le dimanche matin, participait à la vente à domicile des revues et journaux hebdomadaires. Lors des campagnes électorales, il consacrait son temps libre à coller des affiches, distribuer des tracts et participer aux meetings. La même année, il fut embauché dans l’entreprise où travaillait son père comme peintre décorateur. Il l’assista notamment sur le chantier de la Maison du Danemark à la Cité universitaire de Paris (XIVe arr.), puis dans l’hôtel particulier parisien du directeur de la banque Morgan. Ayant reçu un vélo d’occasion, il sillonnait la banlieue sud-est le week-end avec des amis, sur les berges de la Marne. Sa famille suivait de près la guerre civile espagnole : son oncle maternel, Alfred Blanchard, militant communiste, s’engagea en 1937 dans les Brigades internationales et la famille participait aux actions de solidarité.

En 1938, après plusieurs périodes de chômage, son père créa une petite entreprise qui réalisait de grands panneaux peints apposés sur les frontons de cinéma pour annoncer les films. Georges l’assistait comme peintre en lettres. Toutefois les commandes se firent irrégulières et mal payées et son père devint aigri et autoritaire. A la fin de l’année, ses parents se séparèrent. Le jeune homme suivit sa mère à Reims (Marne). Il aida le nouveau compagnon de celle-ci dans son travail d’étalagiste et de décorateur de vitrines. L’affaire périclita et le jeune homme rentra à Paris où il fut hébergé par une sœur de sa mère, Germaine Blanchard, et son mari, Dawid Anmuth (francisé en David), juif polonais. Ce dernier le fit embaucher au Centre de diffusion du livre et de la presse (CDLP), un des organismes de propagande du PCF. [Dawid Anmuth s’engagera dans la Résistance ; il trouvera la mort dans un maquis en juillet 1944 à Decazeville (Aveyron), sera homologué FFI et reconnu "Mort pour la France". Son frère Jacob Anmuth s’engagera dans la Légion étrangère pour se battre contre l’Allemagne.]

Au printemps 1939, Georges Guinchan devait se rendre plusieurs fois par jour dans un bureau de poste pour y réceptionner la version française de l’Histoire du parti communiste bolchévik de l’URSS en provenance de Russie, avant que les volumes ne soient reconditionnés et réexpédiés en province. Au début de l’été, les rumeurs de guerre circulaient et les commandes chutèrent. Au mois de juin, toujours par l’intermédiaire de son oncle David et grâce à son propre engagement militant, il obtint un petit emploi en soirée au siège de l’Humanité, remplaçant à la demande le téléphoniste au standard, le coursier auprès des agences de presse ou entre la rédaction et l’imprimerie. Il fournit même Gabriel Péri, responsable de la rubrique internationale, en journaux (surtout allemands) et en cigarettes. Il habitait depuis peu au 17, rue Douy-Delcupe à Montreuil (Seine, Seine-Saint-Denis), probablement chez sa grand-mère maternelle, et rentrait chez lui à bicyclette après minuit.
Le soir du 23 août, avant de quitter son poste, il passa détacher les feuillets du téléscripteur pour apporter les dernières dépêches au rédacteur en chef de service, qui devait donner le feu vert aux rotativistes de l’imprimerie pour l’édition du journal. C’est alors qu’il apprit la signature du pacte germano-soviétique. Bien qu’il fût difficile de joindre des membres du comité central du PCF en vacances, un article qui approuvait la signature du traité fut ajouté. À sa sortie, le journal fut interdit de parution et les exemplaires furent saisis. La rédaction ne fonctionnant plus, Georges Guinchan perdit son emploi.

Après la déclaration de guerre, se sachant du quatrième contingent de sa classe, il s’inscrivit aux cours par correspondance de l’École spéciale d’aviation de Paris. Il ne voulait pas être affecté dans l’infanterie, afin d’éviter de vivre ce qu’avaient vécu les Poilus lors de la Première guerre. Le 28 février 1940, il était embauché comme ouvrier spécialisé ajusteur par les usines Caudron-Renault de Boulogne-Billancourt, affecté sur une chaîne de fabrication de culasse de moteurs d’avions. Travaillant pour la Défense nationale, l’entreprise fonctionnait jour et nuit, six jours par semaine, avec des services de douze heures. Il s’y rendait en métro.
Quelques jours plus tard, il apprit sa mobilisation, mais resta toutefois à son poste en tant que « requis civil » (affecté spécial). Pendant l’Exode, toujours mobilisé, il dut rejoindre par ses propres moyens le lieu de repli de son usine à Périgueux (Dordogne). Le 12 juin 1940, il partit à bicyclette. Parvenu le soir à Orléans et devant l’impossibilité de franchir la Loire, à cause de l’encombrement de la route, il quitta la ville et dormit dans une ferme. Le lendemain, il franchit le fleuve à Meung-sur-Loire (Loiret). La route était moins encombrée, mais il subit le mitraillage des avions italiens. Avant de se rendre en Dordogne, il décida d’aller voir son père mobilisé à Bordeaux (Gironde). Il rejoignit une caserne de Pessac où celui-ci a été affecté. Il réussit à y entrer grâce à son statut de mobilisé civil. Durant quelques jours, il partagea la vie militaire de son père qui peignait toute la journée des tableaux pour les officiers. Fin juin, la caserne dut être évacuée en raison de l’avancée des troupes allemandes. Georges Guinchan rejoignit alors le groupement Renault à Périgueux.

En septembre 1940, libéré des obligations militaires, Georges Guinchan rentra à Montreuil, chez sa grand-mère, et ne retourna pas aux usines Renault, qui se mirent assez vite à produire du matériel de guerre pour l’armée allemande. Inscrit au chômage, la mairie lui trouva un emploi dans un atelier de fabrication de radiateurs électriques près de chez lui. Il fut alors contacté par Roger Jurquet, ancien secrétaire des JC de Montreuil, et Auguste Gentelet, responsable de la propagande clandestine dans le secteur. Il fit partie d’un groupe formé entre autres de Roger Tessier* (qui sera déporté avec lui), Roger Delmat, Jankiel Klajman*, Otello Tamanini*… Ils distribuèrent des tracts contre le régime de Vichy. Le 20 octobre 1940, Georges Guinchan participa avec des membres de son groupe à une manifestation devant la mairie de Montreuil pour réclamer le rétablissement de la municipalité communiste destituée au mois de février. La Feldgendarmerie fit évacuer la place sous la menace de deux mitrailleuses. Le groupe célébra par la suite le 23e anniversaire de la Révolution d’Octobre en collant des affichettes et en accrochant de petits drapeaux rouges aux fils électriques. Ils installèrent une imprimerie chez Roger Tessier*, secrétaire du groupe, qui vivait chez sa mère, 47 rue des Deux Communes, dans le Bas-Montreuil. Georges Guinchan transcrivit pour ce dernier un organigramme de leur organisation.
Le 7 novembre 1940, des policiers effectuèrent une perquisition au domicile de Tessier, trouvant de nombreux documents dont l’organigramme.

Georges Guichan fut arrêté le matin du 10 novembre 1940, en sortant de son domicile, par des inspecteurs de la Brigade spéciale des Renseignements généraux, appuyés par des agents du commissariat de Montreuil. Il était le dernier d’une dizaine de militants des JC clandestines pris dans la même affaire. D’après le registre journalier de la BS, l’opération avait été demandée par le commissariat. Parmi les autres noms figuraient ceux de Robert Aubert* et de Roger Tessier*. Conduit dans les locaux de la Brigade spéciale de la Préfecture de police, il fut « très malmené » lors de son court interrogatoire. Mené au Dépôt du Palais de Justice de Paris le même jour, il fut inculpé « d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 interdisant le Parti communiste » et de « propagande notoire des doctrines de la IIIème internationale ». Il fut écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris XIVe arr.), dans le quartier des droits communs, tout comme Roger Tessier*, en attendant leur jugement. Isolé de ses camarades dans une cellule humide et sombre, il tenta de s’évader mentalement en dessinant puis en apprenant une langue étrangère en utilisant une méthode. L’anglais étant interdit, il choisit l’allemand.

Guinchan et Tessier comparurent parmi une quinzaine d’inculpés au « procès des Jeunes communistes de Montreuil » devant la 15e chambre des mineurs du Tribunal correctionnel de la Seine le 5 avril 1941 (d’après le greffe – le 7 avril d’après l’intéressé). Henriette Guinchan avait été convoquée comme civilement responsable pour représenter son fils, dont l’écriture avait été reconnue sur le schéma d’organisation. Condamnés à 18 mois de prison et 100 F d’amende, les deux camarades furent emprisonnés à Fresnes (Seine, Val-de-Marne). Ils firent appel du jugement. A partir du 18 avril, Georges Guinchan était presque toujours seul dans une cellule lumineuse : il put se plonger dans l’étude. Trois mois plus tard, il pouvait lire Les Souffrances du jeune Werther, de Goethe, en allemand. En juin, sa condamnation était réduite à 15 mois par la Cour d’appel de Paris. Pourtant, à la fin de sa peine, le 17 octobre 1941, il ne fut pas libéré, le préfet de police de Paris ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Le 10 novembre, il faisait partie d’un groupe de 58 militants communistes transférés au « centre de séjour surveillé » de Rouillé (Vienne). Au camp, il suivit le cours supérieur d’allemand donné par plusieurs détenus Alsaciens et Lorrains, dont Rudolphe Baum, de Forbach, et commença à pouvoir s’exprimer correctement. Le 25 décembre, Roger Tessier* arriva au camp de Rouillé, après avoir purgé la longueur initiale de sa peine. Au cours de l’hiver, Guinchan reçut la visite de sa mère qui lui apporta des denrées rares (sucre, sardines, chocolat…). Celle-ci adressa un courrier au préfet de la Vienne pour solliciter la libération de son fils au motif qu’il « a été entraîné ». Le 13 mars, le préfet de police répondit défavorablement à la demande. Quelques jours plus tôt, le 7 mars, Roger Jurquet de Montreuil, et deux autres militants communistes avaient été sortis du camp pour être fusillés comme otages par les Allemands.

Le 18 mars 1942, à la demande des autorités d’occupation, Georges Guinchan fut transféré avec 12 autres jeunes communistes au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), Frontstalag 122. Il y reçut le numéro de matricule 3802 et fut interné au bâtiment A2. Les autres étaient Maurice Alexis, Marcel Algret*, Henri André*, Jean Bach*, Roger Dejameau, Louis Faure*, René Faure*, Faustin Jouy*, Henri Migdal, Marcel Nouvian*, Roger Tessier*, qui seront déportés à Auschwitz dans le « convoi des 45 000 ». Le dernier, André Giraudon de Bourges, sera fusillé comme otage à Compiègne.
Il ne semble pas que Guinchan ait noué des contacts à Compiègne avec des membres des JC de sa banlieue. René Beaulieu* y fut pourtant interné le 28 avril.
Le 4 avril, Henriette Guinchan n’ayant plus de nouvelles de son fils, elle écrivit au commandant du camp de Rouillé, qui l’informa seulement de son transfert. Le 18 avril, elle écrivait à l’administration militaire de Royallieu afin de solliciter un droit de visite. On lui écrivit cinq jours plus tard en allemand : « le détenu précité n’est pas depuis assez longtemps dans le camp pour y recevoir une visite. Je vous conseille de renouveler votre demande dans 3 mois environ. » Son fils n’avait reçu aucune visite depuis le mois de décembre.

Le 21 avril 1942, le nom de Georges Guinchan figurait sur une liste dressée par la Préfecture de la Seine de trente otages « fusillables », en représailles du sabotage de deux trains militaires dans le Calvados. Parmi ces noms il y avait aussi ceux de Jean Berthout*, Pierre Bourneix*, René Perrottet* et André Tollet. Il ne fut pas pour autant fusillé. Au lieu de cela on le conduisit, le 6 juillet 1942, à six heures du matin, avec un grand nombre d’otages à la gare de Compiègne sous escorte allemande. Les hommes furent entassés dans des wagons de marchandises. Le convoi I. 42, dit « convoi des 45 000 », partit pour Auschwitz à 9 h 30. Il avait à son bord 1175 hommes, pour l’essentiel des communistes (ou considérés comme tels par l’occupant), syndicalistes de la CGT d’avant-guerre, résistants, plus une soixantaine d’étrangers, dont des juifs réfugiés en France, et quelques "droits communs". Ce train de représailles visait à semer la terreur dans les rangs de la guérilla communiste contre les officiers et soldats de la Wehrmacht.
Dans le même convoi étaient également déportés René Beaulieu*, Jean Berthout*, Pierre Bourneix*, Eugène Omphalius* et René Perrotet*, qui trouvèrent la mort à Auschwitz. Le trajet dura deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les hommes souffrirent essentiellement de la soif.

À son arrivée au camp central d’Auschwitz-I, le 8 juillet 1942, Georges Guinchan fut enregistré sous le matricule 46243, qui sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois après. Il dut apprendre à le dire en allemand et en polonais. En attendant son tour, il reconnut Armand Schkolnic*, jeune communiste et ex-compagnon de chambre au camp de Rouillé. Schkolnic, déporté comme otage juif le 5 juin, lui apprit que la majorité des membres de son propre convoi étaient morts. Après l’enregistrement, la plupart des nouveaux arrivants furent entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passèrent la nuit. Georges Guinchan dormit dehors avec d’autres. Le 9 juillet 1942, vers 7 h, tous les déportés du « convoi des 45 000 » furent conduits à pied à 4 km, au camp annexe de Birkenau, et répartis dans les Blocks 19 et 20. Le lendemain, après l’appel général et un court interrogatoire portant sur leur état civil et leur profession, ils furent envoyés dans différents Kommandos. Sous une chaleur suffocante, Georges Guinchan dut transporter des briques pour les maçons civils qui construisaient le futur Krematorium II, bâtiment combinant chambre à gaz et fours crématoires.
Le 13 juillet, après l’appel du soir et au terme de cinq jours passés à Birkenau, il fit partie de la moitié des membres du convoi ramenés au camp central. Comme il était dans un état second lors de la constitution des Kommandos de travail, Guinchan ne réagit pas à l’appel des peintres et fut affecté au Kommando meurtrier des couvreurs (Dachdeckerkommando). Par conséquent il dut subir toutes les intempéries et l’hostilité des détenus d’autres nationalités. Il fut assigné au Block 15. Il vit René Beaulieu*, son copain de l’école communale, souffrant de dysenterie (il mourut le 14 septembre) et le père de celui-ci, Édouard Beaulieu, travaillant à ses côtés (mort le 18 septembre).

Au mois d’août 1942, pendant une période de repos, Georges Guinchan entra en contact avec un Polonais germanophone, Ryszard Matuszewski, arrivé en juin 1940 dans le premier convoi de déportés pour Auschwitz. Celui-ci le prit en sympathie et lui apporta d’abord un supplément de nourriture. Puis, après un test technique, il réussit à le faire affecter comme peintre en lettres à l’atelier de peinture du camp où lui-même travaillait. L’ensemble concentrationnaire s’étendant, il fallait confectionner de nombreux panneaux indicateurs. Guinchan rejoignit leur Block d’habitation (peut-être le n° 4). Il apprit alors le polonais. Quand il fut épuisé par la dysenterie, les membres du Kommando lui donnèrent un remède efficace (une mixture d’écorces). Il découvrit le point de vue patriotique des Polonais, qui avaient vu l’est de leur pays envahi par l’Armée rouge suite au pacte germano-soviétique. Le Kapo polonais de l’atelier lui apprit aussi que tous les Français qui s’étaient déclarés peintres avaient été envoyés à la fabrique de skis pour peindre en blanc au pistolet, du matin au soir, des skis réquisitionnés pour la prochaine campagne d’hiver de la Wehrmacht : la plupart étaient déjà morts, empoisonnés par les émanations toxiques des solvants. En automne, lors d’un interminable appel du soir, Georges Guinchan fut démoralisé sous des bourrasques de neige fondue. Il se mit à prier spontanément, un sentiment religieux qui ne le quittera plus.
Fin janvier 1943, il apprit l’arrivée d’un convoi de Françaises chantant La Marseillaise avant d’entrer au camp de femmes de Birkenau (c’était le transport dans lequel étaient entre autres Danielle Casanova, Charlotte Delbo et Marie-Claude Vaillant-Couturier). Cette attitude revalorisa l’image des Français aux yeux des autres détenus.

Face à l’hécatombe parmi les « 45 000 » au cours des neuf premiers mois, un groupe de jeunes communistes se ressouda et se rencontrait. Au début du printemps, Robert Lambotte, déporté du même convoi et affecté lui aussi au Block 15, mit Georges Guinchan en contact avec Hermann Langbein. Ce dernier était un des dirigeants du comité international de résistance, fondé par des détenus communistes autrichiens et allemands, et un ancien des Brigades internationales. De plus il assurait la fonction de secrétaire du médecin-chef SS d’Auschwitz, Eduard Wirths. Langbein demanda à Guinchan et à André Montagne* de devenir infirmiers au Block 20 des maladies infectieuses du Revier. Ils devaient prendre discrètement en charge les malades français et leur éviter, dans la mesure de leurs moyens, d’être pris dans les sélections des “inaptes au travail” et envoyés à la chambre à gaz. Le fait que Georges Guinchan ait appris l’allemand lui permit d’accéder à ce poste. Il passa avec succès un interrogatoire devant le médecin-chef SS Wirths et fut affecté au premier étage, celui des tuberculeux. Les deux hommes étaient soutenus par l’infirmier autrichien Franz Danimann et le Français André Faudry*.
Ses fonctions au Revier ne furent toutefois pas sans conséquences sur sa propre santé : une radiographie révéla une tache au poumon droit. Pour le soigner, Hermann Langbein lui fournit un vrai médicament, “organisé” depuis l’infirmerie des SS : du calcium-glucose Sandoz. À peine remis de la tuberculose, ses proches le firent sortir du Revier pour échapper à une sélection.

Le 4 juillet 1943, Georges Guinchan reçut l’autorisation d’annoncer à sa famille (en allemand et sous la censure) qu’il pouvait correspondre et recevoir des colis. Cette mesure concernait les détenus politiques français d’Auschwitz (essentiellement les quelques 140 survivants du « convoi des 45 000 » et les 59 survivantes du convoi de femmes déportées à Birkenau le 24 janvier 1943). La dernière nouvelle reçue par sa famille avait été une carte-formulaire en allemand envoyée le 15 juillet 1942 informant « le détenu a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devrez attendre des nouvelles ultérieures. »
Il rejoignit plus tard les détenus politiques français masculins, rassemblés au premier étage du Block 11 du camp central pour une « quarantaine » dont on ignore les véritables raisons. Selon un autre témoin, Raymond Montégut, le Blockführer les accueillit en leur disant : « Ici il n’y a qu’une entrée, mais deux sorties, une bonne et une mauvaise. On entre vivant, mais on sort vivant ou mort. », variante des paroles qui leur avait été adressées à leur arrivée au camp. Les Français étaient exemptés de travail et d’appel extérieur, mais ils étaient les témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages tchèques et polonais et de détenus du camp dans la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Les membres les plus sûrs de l’organisation clandestine apprirent bientôt la présence dans les cachots du sous-sol de Hermann Langbein, de Josek Cyrankiewicz, un des dirigeants du groupe de résistance de la gauche polonaise, et d’un Allemand, Paul, soupçonnés par la Gestapo du camp. Le groupe germanophone du comité international et celui de la gauche polonaise avaient fusionné dans le Kampfgruppe Auschwitz (« groupe de combat d’Auschwitz » quelques mois plus tôt), Langbein et Cyrankiewicz en étant deux des principaux chefs. Georges Guinchan participa, notamment avec Robert Lambotte, à l’organisation des contacts et de la solidarité avec les trois prisonniers. Ils firent connaître la situation de Langbein à son chef direct, le médecin-chef SS Wirths, qui parvint à obtenir sa libération. Au premier étage du Block 11, Guinchan constitua un groupe de sympathie avec les plus jeunes : Guy Lecrux, Robert Lambotte et André Montagne*. Sa connaissance de l’allemand lui valut d’être le traducteur du courrier des détenus. Lui-même reçut la première lettre de ses parents après un an et demi de silence.
Le 12 décembre 1943, après la visite du nouveau commandant du camp, Arthur Liebehenschel, et au terme de quatre mois de repos relatif, les déportés furent renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos antérieurs. Il lui fallut l’appui de Langbein pour retrouver sa place au Revier. Cette fois il fut affecté à la chambre des malades de la jaunisse et de la malaria avec le Français Charles Gelbart* (matricule 28621). Lorsque Józef Cyrankiewicz y entra comme malade, après sa détention au Block 11, les deux hommes veillèrent sur sa vie et sa sécurité, tout en lui servant d’agents de liaison (Cyrankiewicz deviendra chef du gouvernement polonais après la guerre).

Au printemps 1944, Georges Guinchan contracta le typhus qui le rendit plusieurs jours fiévreux et inconscient. Il fut mis sous la protection de Franz Danimann. Il obtint une « convalescence » au Block 4 grâce à Ernst Burger, un des chefs du « groupe de combat », lui évitant une sélection. Une fois guéri, Hermann Langbein le fit placer au poste de secrétaire du SS responsable de l’infirmerie au camp des travailleurs civils (Gemeinschaftlager), proche de la gare d’Auschwitz, à laquelle il se rendait tous les jours. Depuis ce poste, il relayait les messages entre la résistance intérieure et la résistance polonaise active dans la région montagneuse des Beskides, à la frontière tchécoslovaque. Il réussit seulement à dialoguer avec quelques déportés civils russes, puis, suite à l’évasion d’un jeune Polonais des cuisines du camp civil, resta consigné au camp principal.
À la fin de l’été 1944, il fit partie des trente-six membres de son convoi restant à Auschwitz alors que les autres étaient envoyés vers des camps plus à l’ouest, au fur et à mesure de l’avancée des troupes soviétiques. Considéré comme faisant partie du groupe autrichien de résistance, les responsables de celui-ci voulurent le protéger des transferts.
Fin septembre, pour remplacer les cadres de la résistance transférés, Ernst Burger le fit placer comme secrétaire (Blockschreiber) au rez-de-chaussée du Block 7, occupé par des détenus allemands Volksdeutschen (Allemands de l’extérieur du Reich). Il devait rapporter l’effectif des déportés lors des appels. André Montagne*, lui aussi germanophone, assumait la même responsabilité au premier étage. Le 30 décembre 1944, après l’appel du soir, tous les déportés durent assister à la pendaison de quatre membres du « groupe de combat », dont Ernst Burger, trahis lors de leur tentative de sortir du camp pour entrer en contact avec des partisans polonais.

Dans la nuit du 17 au 18 janvier 1945, Georges Guinchan suivit les détenus Volksdeutschen de son Block. Il était des vingt « 45 000 » incorporés dans les colonnes de détenus marchant sous la neige, puis déplacés en wagons découverts vers le camp de Mauthausen via Vienne, où il fut immatriculé 165 615 ou 117 795, les deux numéros étant mentionnés sur sa fiche d’enregistrement au camp (il indiqua cependant le second à l’historienne Claudine Cardon-Hamet). Le 28 ou le 29 janvier, douze déportés « 45 000 » dont lui furent affectés au Kommando de Melk en Basse-Autriche, installé dans une caserne. Mille détenus travaillèrent au projet « Quartz », la construction d’une usine souterraine de roulements à billes pour la firme Steyr, Daimler et Puch. Guinchan travailla au marteau-piqueur avant de rejoindre un Kommando de terrassement au bord du Danube. Le 15 ou 17 avril, le camp fut évacué en marche forcée vers Ebensee (province de Salzbourg), où d’autres usines souterraines étaient en train d’être aménagées. Plus de 16 000 personnes y travaillaient, venues de différents camps évacués. Craignant d’être exterminés, les prisonniers refusèrent le 5 mai 1945 de se rendre dans les tunnels dont les entrées avaient été minées par les SS. Le lendemain arrivait l’armée américaine. Libéré officiellement le 6 mai à Ebensee, Georges Guinchan demeura sur place une semaine de plus comme aide-infirmier. Le 14 mai, il monta dans un camion de l’armée américaine qui le conduisit au centre international de triage de Nuremberg. Après plusieurs contrôles, les rescapés y étaient regroupés par pays d’origine. Puis on le déposa en camion à la gare de Würzburg pour y prendre le train.

Le 27 mai 1945, il passa par l’hôtel Lutetia, boulevard Raspail, à Paris (VIe arr.), où s’étaient installés les états-majors de l’Abwehr et de la Geheime Feldpolizei sous l’Occupation, alors transformé en centre d’accueil des déportés. On trouva sa dentition « dans un état déplorable » et une radiographie permit de déceler une tache importante sur son poumon droit. Il logea temporairement chez sa tante Suzanne Blanchard, domiciliée rue Benoît, avant d’habiter 22 rue Rambuteau (IIIe arr.).
Le 27 février 1946, après avoir retrouvé par hasard Ryszard Matuszewski à Paris, alors que celui-ci était réfugié dans un camp américain pour personnes déplacées, il se rendit avec lui en train à Reims au mariage de Guy Lecrux, lui aussi rescapé « 45 000 ».
Il passa deux mois dans une maison de repos au pied du mont Salève (Haute-Savoie), puis revint dans la capitale.
Georges Guinchan se laissa convaincre de s’inscrire à l’école spéciale de télégraphie sans fil par Rudolphe Baum, ex-compagnon de Rouillé, qui avait réussi à s’évader lors d’un transfert, et qu’il avait rencontré par hasard dans Paris. Grâce à un petit récepteur à ondes courtes qu’il avait construit, il put capter les cours diffusés par la BBC et commença à apprendre l’anglais.
À la fin de l’année 1946, une consultation à l’Hôtel-Dieu lui apprit que son poumon n’était pas guéri. Il fut pris en charge au début de l’année suivante dans un petit sanatorium situé dans une station de sports d’hiver à Arosa, en Suisse alémanique. Il put dialoguer en allemand avec des pensionnaires, dont un étudiant en médecine autrichien, également philatéliste. Il suivit le cours d’anglais hebdomadaire dispensé dans le sanatorium et continua à écouter la BBC sur son poste de radio.
Six ans années durant sa vie fut entrecoupée de séjours dans les hôpitaux et les sanatoriums, en France en Suisse et en Allemagne. Il séjournait régulièrement au sanatorium universitaire Jacques Arnaud de Bouffémont (Val-d’Oise). Son appareil digestif étant affaibli par les médicaments, il fit également des cures répétées à la station thermale de Châtel-Guyon (Puy-de-Dôme).

Le 2 juin 1948, Auguste Gentelet attesta par écrit des activités de résistance de Georges Guinchan dans le secteur de Montreuil-Rosny. Cependant le certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française délivré le 22 décembre 1948 par le secrétariat d’État aux forces armées-guerre mentionnait qu’il avait été résistant en « isolé ».
En février 1949, Georges Guinchan était en convalescence à la Maison des déportés de la FNDIRP à Arbois (Jura).
Le 30 décembre 1949, la commission de réforme de la Seine proposa de lui attribuer une pension d’invalidité de 100 % pour tuberculose pulmonaire bilatérale. Pris en charge par l’armée, il fut envoyé au sanatorium Alsace de Saint-Blasien (Sankt Blasien), en Forêt-Noire, dans la zone française d’occupation. Cet établissement passant par la suite sous l’autorité de la Fondation universitaire de France, il obtint d’y rester en tant qu’étudiant.
Il se maria le 25 mars 1950 avec Edith, Marlene Haller, une jeune Allemande de la région âgée de 18 ans, au consulat de France à Fribourg-en-Brigau (Freiburg im Breisgau, Allemagne). Ils rentrèrent à Paris le lendemain pour emménager dans un petit logement, au 17 rue de Trétaigne (XVIIIe arr.).
De 1950 à 1958, il habitait Butte de la Reine à Palaiseau (Seine-et-Oise, Essonne).
De 1951 à 1954, en parallèle avec un emploi de comptable qui l’occupait à mi-temps pour l’hebdomadaire La Tribune des Nations, il prépara le diplôme d’État de spécialiste du commerce extérieur. Cela l’amena à traduire quantité de documents dans différentes langues. Il hébergea sa mère pendant un temps.

Le 26 mars 1952, Georges Guinchan demanda à recevoir le titre de « déporté résistant » auprès du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre (ACVG). La commission départementale pour le statut des déportés et internés de la Résistance émit le 23 juin 1953 un avis défavorable. Elle fut suivie par la commission nationale, puis par le bureau des fichiers de l’état civil déportés du ministère le 16 novembre 1953, qui rejeta la demande au motif que l’intéressé ne remplissait pas les conditions exigées par le Code des Pensions. Le bureau lui accorda le statut de « déporté politique » et lui envoya la carte n°1101.08120 au sanatorium de Bouffémont. Ses longs séjours en sanatorium lui firent perdre le contact avec un grand nombre de camarades de déportation.
Début mai 1955, Georges Guinchan participa toutefois à un "pèlerinage" organisé par la FNDIRP dans les camps autrichiens. Il y tint le rôle d’interprète. Après la visite de Mauthausen et Melk, il rencontra d’anciens camarades autrichiens à Vienne, dont Franz Danimann. Un de ses interlocuteurs lui apprit que Robert Chambeiron, ancien secrétaire de Jean Moulin, était en quête de personnel qualifié afin de créer à Vienne un organisme international pour relancer les échanges commerciaux est-ouest. Guinchan postula et, après un aller-retour à Paris, s’installa, seul, à Vienne le 5 septembre. Sa tâche consistait à analyser les articles relatifs au commerce est-ouest parus dans les presses allemande, autrichienne et suisse. Aucun membre de l’institution n’étant capable de lire les publications russes dans ce domaine, il se porta volontaire pour apprendre cette langue, proche du polonais qu’il avait parlé dans les camps. À Vienne, il rencontra Hermann Langbein, en difficulté politique dans son poste de secrétaire général de l’Amicale internationale d’Auschwitz, qu’il avait co-fondée.
Avec le durcissement de la Guerre froide, l’organisme disparut et le personnel fut licencié fin juillet 1956. Georges Guinchan lisait alors le russe presque couramment.

Suite à l’intervention militaire soviétique du 4 novembre 1956 pour réprimer l’insurrection de Budapest (Hongrie), il quitta le Parti communiste.
En France, il retourna se faire soigner au sanatorium de Bouffémont, mais resta actif malgré les soins médicaux. Chargé de diriger le cercle d’études internationales de l’établissement, il y enseigna l’allemand et l’anglais commercial. Pour améliorer ses revenus, il se lança de plus dans la traduction technique, lisant des revues de physique nucléaire et d’électronique. Il traduisit également des documents russes traitant des assolements en URSS pour le compte de l’Office des hyperphospates.
En avril 1957, après avoir reçu pendant trois mois un nouveau médicament, il était définitivement guéri, sans en être encore tout à fait sûr.
Comme les postes d’adjoints de direction de services d’exportation qu’on lui proposait ne lui convenaient pas, il décida de changer de carrière. En 1957, il se présente sans préparation au concours d’entrée de l’école d’interprète et de traducteur des Hautes Études commerciales. Il y fut reçu pour deux ans d’enseignement, étudiant à 38 ans. En plus des cours d’allemand, il suivit un enseignement organisé par le CEA de Saclay sur les terminologies française et anglaise dans le nucléaire, une documentation importante ayant été produite aux États-Unis. Il se spécialisa dans la traduction technique et scientifique, dans l’idée de pouvoir travailler à son domicile pour ménager sa santé. Il décrocha des contrats avec l’EDF, le CERN, le CNRS et l’ONU pendant deux ans, mais ça le laissa insatisfait. Il ne voulait pas se réduire à la traduction et le travail en free-lance ne lui convenait pas.

À la fin de l’hiver 1958, Georges Guinchan répondit à une annonce et fut embauché en avril 1959 à la Compagnie de télégraphie sans fil (CSF). Il dut dans un premier temps analyser et résumer en français des brevets d’inventions américains, anglais et allemands, déposés en France par la CSF. En 1960, son épouse Edith le quitta (le divorce fut prononcé le 20 mars 1962). Lors de vacances de Noël dans la station de ski de Kitzbühel (Tyrol autrichien), il fit la connaissance d’une Allemande, Rosemarie, Paula, Veselski, qui parlait français. Ils se marièrent le 29 septembre 1962 à Palaiseau, où il possédait un appartement. Le couple emménagea au 6 rue de la Pie Voleuse. Trois enfants naquirent de cette union : Georges, né en 1962, Birgit en 1966, Yann en 1969.
En 1963, il était embauché à Sud-Aviation en qualité d’ingénieur, devant fournir de la documentation sur les transmissions spatiales et de la télémesure pour des appareils transportés dans des satellites artificiels ou des missiles. Dans le même temps, il poursuivait ses traductions techniques pour d’autres sociétés, comme sur le procédé de télédiffusion SECAM. À la fin des années 1960, la France décida la mise en route de la fusée-lanceur Ariane. Georges Guinchan passa alors de Sud-Aviation à l’Aérospatiale, qui lui accorda un contrat de travail à domicile.
En décembre 1967, il s’installa avec son épouse et leurs garçons dans un chalet qu’ils venaient d’acheter aux Hôpitaux-Neuf (Doubs).

Il acheva sa carrière salariée en 1980. Le 25 janvier 1981, à Mouthe (Doubs), Georges Guinchan prit le départ d’un marathon de ski de fond jusqu’à l’arrivée à Pontarlier, avec son épouse et ses fils, par -28°C. D’autres courses suivirent.
Hermann Langbein, alors secrétaire du Comité international des camps, signa le 8 avril 1980 une attestation témoignant des activités de Georges Guichan au sein du « groupe de combat » d’Auschwitz. Il y rappelait que, dans un livre dont il est l’auteur, Die Stärkeren. Ein Bericht aus Auschwitz und anderen Konzentrationslagern ("Les plus forts. Un rapport sur Auschwitz et les autres camps de concentration") - publié en 1949, non traduit -, il avait caractérisé celui-ci comme « étant celui qui a bien travaillé pour notre groupe de combat et sur lequel on pouvait compter ». Franz Danimann, lui aussi domicilié à Vienne, signa le 16 avril une autre attestation allant dans le même sens.
Le 27 juin, le secrétaire général de l’Union nationale des associations de déportés, internés et familles de disparus (UNADIF) interpela le secrétariat d’État aux anciens combattants, bureau du contentieux, pour connaître la suite qu’il serait possible de réserver à la requête de Georges Guinchan « qui a sollicité la transformation de sa carte de déporté politique en celle de déporté résistant ».

Il s’investit dans diverses activités associatives et culturelles, comme la philatélie. La peinture avait également ses faveurs, car il peignait des paysages du Jura.
Au printemps 1984, Guinchan fut invité à Esbly (Seine-et-Marne) à une rencontre de familles rosnéennes dont un parent avait été déporté à Auschwitz. À cette occasion, il retrouva notamment Madame Beaulieu, mère de René*, son ami d’enfance, et la sœur d’Albert Rossé, qui, revenu des camps, était décédé en 1981. Les questions posées l’encouragèrent à écrire sa propre histoire. Il fut un témoin inlassable de la déportation, surtout en direction des jeunes.
Il illustra son internement et les camps, notamment avec 48 pages de timbres et cartes à l’exposition philatélique et cartographique de Grenoble « La Résistance et la Déportation » les 27 et 28 avril 1985. La même année, Hermann Langbein lui rendit visite aux Hôpitaux-Neuf.
Il poursuivit son apprentissage du russe, suivant un cours de recyclage à Lausanne jusqu’à atteindre un niveau lui permettant de lire régulièrement l’hebdomadaire La Pensée russe ainsi qu’une revue philatélique russe. Deux ou trois années durant, il donna des cours de russe à Pontarlier (Doubs). En 1997, il vivait avec son épouse au 6 rue Rochette, aux Hôpitaux-Neufs.

Selon ses propres mots, il participa « à la rédaction d’un ouvrage collectif sous la direction de Claudine Cardon-Hamet ». En 2000, à l’occasion de ses 80 ans, Georges Guinchan acheva la rédaction son livre autobiographique « Aide-toi, le Ciel t’aidera », qu’il désignait comme son « devoir de mémoire ». Le titre était une allusion explicite à sa foi religieuse. Dans l’avant-dernier chapitre, « L’ange gardien », réfléchissant au rapport des hommes à Dieu, il écrivait : « Toute ma vie en témoigne. Grâce à son influence, j’ai survécu à toute une chaîne de dangers mortes [un mot semble manquer] et cela depuis ma plus tendre enfance et pendant près d’un demi-siècle ». Ses dernières lignes étaient cependant : « La camaraderie, la croyance en un idéal juste, la prise de risque, tout a finalement joué en ma faveur. Je suis aussi très reconnaissant envers tous ceux qui m’ont aidé et soigné, tous ceux qui ne sont plus et qui ont sacrifié leur vie pour notre cause. »
Le 20 mars 2002, il déposa en « recours gracieux » une demande de « transformation du titre de déporté politique en déporté résistant », complétant sa demande par l’envoi d’un exemplaire de son livre. La commission nationale des déportés et internés résistants réunie le 10 octobre suivant émit cette fois-ci un avis favorable, qui déboucha sur la décision du secrétariat d’État aux anciens combattants du 24 octobre 2003 de lui accorder le titre de déporté résistant, carte n° 1016.38269.

Il fut fait chevalier de la Légion d’Honneur en 2004, reçut la Croix de Guerre, la Croix de la Déportation et la Croix de la Résistance.
En 2006, deux mois avant sa mort, il recevait encore chez lui un groupe de lycéens de du lycée professionnel Toussaint Louverture de Pontalier avec leur professeur d’histoire. Ces rencontres firent l’objet de deux DVD.
Georges Guinchan mourut le 30 juillet 2006 à Pontarlier, à l’âge de 85 ans.

Les archives du Service historique de la Défense de Vincennes possèdent des éléments le concernant (son nom y est orthographié par erreur « Guinchand »). Il y est mentionné comme membre des déportés et internés de la résistance (DIR) et de la résistance intérieure française (RIF) en « isolé ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245376, notice GUINCHAN Georges, Maurice par Renaud Poulain-Argiolas, version mise en ligne le 29 mars 2022, dernière modification le 8 octobre 2022.

Par Renaud Poulain-Argiolas

Georges Guinchan enfant avec son père André en train de peindre.
[photo fournie par Daniel Kirsch]
Georges Guinchan, été 1940
Georges Guinchan en 1947, au sanatorium d’Arosa (Suisse).
La témoignage de Georges Guinchan
Hermann Langbein (1912-1995), responsable autrichien du comité international et du "groupe de combat" d’Auschwitz.
André Montagne, qui fut infirmier au Block 20 d’Auschwitz avec Guinchan, puis comme lui secrétaire du Block 7 (photo de 1947).
[extrait du site "Déportés politiques à Auschwitz"]
Franz Danimann (1919-2013), l’infirmier autrichien du Revier du Block 20 d’Auschwitz.
Ernst Burger (1915-1944), responsable autrichien du comité international et du "groupe de combat" d’Auschwitz, qui fut pendu devant les déportés.
[extrait du site "Déportés politiques à Auschwitz"]
Hermann Langbein et Georges Guinchan en 1985
[extrait du site "Déportés politiques à Auschwitz"]

ŒUVRE : « Aide–toi, le ciel t’aidera » : Biographie d’un ancien déporté (brochure publiée à compte d’auteur), Les Hôpitaux neufs, janvier 2000.

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 280238 (nc). — Site Déportés politiques à Auschwitz de Claudine Cardon-Hamet : Notice biographique de Georges Guinchan ; « Les « 45 000 » au Block 11 ». — Notice biographique de Guichan Georges sur le site Mémoire vive. — Livre-Mémorial, Fondation pour la Mémoire de la Déportation. — Archives Arolsen. — Données du site Généanet. — Site Match ID, Acte n°000000237N, Source INSEE : fichier 2006, ligne n°315217. — [concernant son oncle Dawid Anmuth] SHD Caen, AC 21 P 8096 (nc), SHD Vincennes, GR 16 P 14179 (nc). — [sur Jacob Anmuth] Mémorial de la Shoah, Fonds UEVACJEA (en ligne).

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