DEBAT François

Par Anne Mathieu

Né le 10 septembre 1882 à Angoulême (Charente), mort le 9 octobre 1956 à Paris ; pharmacien et médecin ; directeur de revues culturelles destinées au corps médical ; mécène.

Mars 1935. Illustration de Chas Laborde.
Coll. Anne Mathieu

François Debat était originaire d’une famille de cultivateurs et put suivre une scolarité à Bordeaux, hébergé par un oncle, puis à Paris au Lycée Carnot. Bachelier en 1900, interne en 1906, il accéda au grade de Docteur en pharmacie de l’Université de Paris en 1908, et, en 1914, de Docteur en médecine. Etant devenu chef du laboratoire de Dermatologie à l’Hôpital Saint-Antoine en 1912, il fit profiter l’Armée de ses compétences lorsqu’il fut mobilisé en 1914, et fonda le premier centre de dermatologie aux Armées. Il était médecin-major.

François Debat commença à publier des ouvrages médicaux dès 1914, s’intéressant en 1915 aux « blessures de guerre intermittentes » et aux « dermites des ouvriers de pyrotechnie ». Auteur d’un Memento dermatologique en 1922, il avait fondé deux ans auparavant les Laboratoires du docteur Debat, situés rue de Prony à Paris (XVIIe arrdt), puis ultérieurement rue Monceau (XVIIIe arrdt), Laboratoires dont il fut président-directeur général dès 1920. Environ dix ans après, il ouvrit à Garches (Seine-et-Oise), rue de Buzenval, de nouveaux services de recherches scientifiques. Ces laboratoires furent construits sur l’emplacement d’une briqueterie par les architectes Ferré et Maréchal.

En 1924, il mit en place « dix bourses de 500 francs à la disposition d’étudiants trop pauvres pour pouvoir s’offrir sur leur budget le repos coûteux d’un mois de vacances. C’est l’Association générale des étudiants de Paris qui [était] chargée de recruter parmi ses membres les heureux bénéficiaires de cette excellente initiative » (Le Journal, 2 juillet 1925).

Il contribua à créer le syndicat d’initiative de Saint-Cloud et de Garches, dont il devint le président en 1930. À cette période, il acheta une propriété sise à Saint-Cloud, de part et d’autre de la rue du Mont-Valérien. Il fit raser la maison qui y était et fit construire par l’architecte Henri Jacquelin une nouvelle demeure, la villa des Tourneroches (ou manoir de Tourneroches). Plus tard, début 1936, il créa une revue destinée à faire la promotion de ces deux villes, Saint-Cloud et Garches.

C’est au début des années Trente que son activité de mécénat semble avoir véritablement débuté. Elle dénote une passion pour les Lettres et les Arts (illustrations, photos) auxquels il offrit une tribune à travers la création d’une première « revue mensuelle réservée au corps médical », Art et médecine, dont la parution s’étendit d’octobre 1930 à juin 1936 et dont il fut le directeur. Dans son premier numéro, il annonçait la création par ses soins d’une caisse de prêts d’honneur aux médecins, « ému de la gêne qui vient souvent frapper le médecin immobilisé pendant de longues semaines par un accident ou une maladie grave ». Il en confia la gestion à l’Association générale des médecins de France. Il poursuivait donc une optique sociale par le biais de cette revue destinée à ces pairs, mais également une optique culturelle car il permettait grâce à elle d’apporter des revenus à des écrivains et des artistes. Cette dimension apparaît d’ailleurs prépondérante dans le lancement de cette aventure éditoriale.

Outre des médecins et d’autres collaborateurs émanant de divers horizons, les écrivains Luc Durtain et André Thérive participèrent au premier numéro. Ensuite, Thérive y écrivit quasiment chaque mois, Luc Durtain, Elie Faure, Hervé Lauwick, Pierre Mac Orlan, Pierre Scize régulièrement. Ecrivains de gauche comme écrivains de droite étaient donc réunis dès les débuts de cette revue ; et on relève au gré des numéros les noms de Abel Bonnard, Jean Cocteau, Colette, Georges Duhamel, Jean Giono, Joseph Kessel, François Mauriac, André Maurois, Paul Morand, les frères Tharaud ou Titaÿna. Les articles traitaient de coins de France ou du monde, de la nature, de loisirs divers ; des contes ou autres récits de fiction y étaient, aussi, publiés. La revue comportait en outre une rubrique « Discophilie », tenue par Emile Vuillermoz ; une rubrique « L’histoire et le cinéma » par René Laporte, une rubrique « Lectures » par Pierre Dominique.

Sa Première de couverture était illustrée, et des dessinateurs tels Chas Laborde y officièrent. Les pages intérieures de la revue, quant à elles, faisaient la part belle aux photographies. Elles accueillirent par exemple en avril 1932 un reportage du photographe André Kertesz – accompagnant un article de Pierre Scize – et un cliché de Germaine Krull. On peut relever également les noms de Pierre Boucher, René Zuber, Roger Schall, Emeric Feher, Luc Dietrich, Jean Roubier et de l’agence Schostal. Certains de ces noms attestent d’une proximité avec Alliance Photo.

Les reconnaissances institutionnelles accompagnaient le parcours de François Debat. En 1933, il fut promu officier de la Légion d’honneur. Trois ans après, son épouse accéda à celle-ci par le ministère de la Santé publique, pour s’être « consacrée activement à de nombreuses œuvres sociales » (Le Jour, 28 janvier 1936). En novembre 1938, il fut élevé au rang de commandeur par le ministère du commerce, pour le contingent de l’Exposition de 1937.

Trois mois après la fin d’Art et médecine, une nouvelle « revue mensuelle réservée au corps médical », présentée comme sa continuatrice, arriva dans ce paysage singulier : La Revue du médecin, dont François Debat était le directeur. Dès le premier numéro du 30 septembre 1936, on y retrouva des signatures régulières de Art et médecine, telles celles de Pierre Dominique, André Thérive ou du photographe Roger Schall. Mais ce premier numéro accueillit aussi des clichés de Robert Capa et de Gerda Taro – non crédités – ainsi que de Georg Reisner. Quelques lignes étaient en effet consacrées à la guerre d’Espagne, propos conciliant les deux camps dans une volonté déterminée de ne pas prendre position, tout en saluant « l’héroïsme » de la lutte et en publiant ces photographes antifascistes. Le numéro de janvier 1937 accueillit, quant à lui, un reportage sur un voyage de jeunes français en Allemagne organisé par le Comité France-Allemagne, agrémenté de photos effectuées par Schall, dont l’une montrait sans barguigner un groupe faisant le salut hitlérien. La revue s’éteignit en mars 1938.

Le 10 juin 1939, L’Appel au peuple des Charentes consacra à François Debat un article intitulé « Un grand savant, un grand patron au service de la France ». Il y était notamment mentionné l’aide qu’il apporta à la lutte contre la poliomyélite, en aidant aux recherches d’un médecin suisse.

François Debat figura même au verso du billet de 20 Francs « Science et Travail » de la Banque de France, qui fut imprimé du 7 décembre 1939 au 8 janvier 1942 et mis en circulation à partir du 16 décembre 1939.

Au premier semestre 1940, François Debat ouvrit un centre régional de ses laboratoires à Luxé (Charente). Les armées d’occupation réquisitionnèrent la villa des Tourneroches et l’état-major de la Luftwaffe y demeura jusqu’à la fin de la guerre. Il récupéra sa demeure intacte en 1945 et l’occupa jusqu’à sa mort, en 1956.
Le 22 mars 1941, il dispensa une conférence à l’Académie des sciences morales et politiques, « Le réveil économique dans la redressement moral », qui fut ensuite publiée en brochure. « L’actuelle catastrophe a des racines plus profondes dans le passé, elle a été préparée de plus loin, par un ensemble de causes qui ont affaibli lentement mais graduellement l’organisme français, paralysé ses activités, endormi ses défenses », y écrivait-il. Il y saluait la pensée d’Abel Bonnard, et louangeait la « pensée » du Maréchal Pétain, « tournée vers le même but, sauver la France ».
En septembre 1941, il fut nommé par le Maréchal Pétain adjoint au maire de Saint-Cloud. Cette nomination fut saluée le 7 septembre dans le journal pétainiste Jeunesse, ses « réalisations sociales connues de tous l’[ayant] placé à l’avant-garde du grand combat de demain pour la France nouvelle ».

Le 26 mars 1947, il fut élu comme « académicien libre » au fauteuil XII de l’académie des Beaux-Arts (Fauteuil créé par le décret du 18 juin 1946 et supprimé par décret du 28 novembre 1956).

Le 25 octobre 1949, il prononça un discours pour la séance annuelle des 5 Académies, qui fut ensuite publié en brochure.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245393, notice DEBAT François par Anne Mathieu, version mise en ligne le 6 février 2022, dernière modification le 23 mars 2022.

Par Anne Mathieu

Mars 1935. Illustration de Chas Laborde.
Coll. Anne Mathieu

ŒUVRE CHOISIE : Essais : Guérison rapide des dermites consécutives aux pansements des blessures de guerre intermittentes et la kinétique, J.-B. Baillière, 1915. — Les dermites des ouvriers de pyrotechnie et leur traitement par la méthode bio-kinétique, J.-B. Baillière, 1915. — Memento dermatologique, Imprimerie Guillemot, 1922. — Essai sur la question sociale de l’après-guerre, Imprimerie Guillemot et De Lamothe, 1940. — La beauté dans les lieux de travail, Imprimerie Guillemot et De Lamothe, 1945. — Méditation sociale d’un médecin, Imprimerie Guillemot et De Lamothe, 1955. — Titres, travaux scientifiques et activités médico-sociales, Paris, Imprimerie Guillemot et De Lamothe, 1956. — Conférences : Le Réveil économique dans le redressement moral, Imprimerie Guillemot et De Lamothe, 1941. — La prodigieuse évolution de l’art de guérir, Société des journaux et publications du Centre, 1952. — L’habitat, arme de paix sociale, Société des journaux et publications du Centre, 1953. — Discours : L’art dans la vie sociale, Imprimerie Guillemot et De Lamothe, 1949

SOURCES : Anne Mathieu, Nous n’oublierons pas les poings levés. Reporters, éditorialistes et commentateurs antifascistes pendant la guerre d’Espagne, Paris, éditions Syllepse, 2021. — Site Data BNF. — IdRef. — Académie des Beaux Arts. — Article sur le site culture.gouv.fr. — Site Popculture. — Journaux et articles de presse cités dans la notice.

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