FRIEDMANN Georges, Philippe. Pseudonyme littéraire : ARON Jacques ; pseudonyme dans la Résistance : FROMENTIN Gaston

Par Nicole Racine

Né le 13 mai 1902 à Paris (XVIe arr.), mort le 15 novembre 1977 à Paris (XVIe arr.) ; professeur de l’enseignement secondaire (1929-1931), assistant à l’École normale supérieure (1932-1934), professeur à l’École Boulle (1935-1939), inspecteur général de l’Enseignement technique (1945), titulaire de la Chaire d’Histoire du Travail au Conservatoire national des Arts et Métiers (1946-1960), directeur d’études à l’École pratique des Hautes Études (1949-1960) ; sociologue.

Fils d’Adolphe Friedmann, banquier, et d’Élisabeth Nathan, Georges Friedmann se maria en premières noces le 8 juillet 1937 avec Anne Olszewska, en secondes noces le 22 décembre 1960 avec Madame Marcelle Rémond. Il était père d’une fille, Liliane.

Étudiant, Georges Friedmann manifesta très tôt son intérêt et sa sympathie pour la Révolution russe et la Russie soviétique. Dans l’Avant-propos à son livre De la Sainte Russie à l’URSS (1938), il a évoqué une réunion du groupe « Clarté » à destination des jeunes à laquelle il avait assisté à la fin du printemps 1920 et durant laquelle il avait entendu Raymond Lefebvre parler de la Révolution russe : « Je ne répéterai pas exactement les mots que ce soir-là Raymond Lefebvre, de sa voix un peu sèche, traversée d’ironie, de colère, disait aux quelques centaines de jeunes gens qui l’écoutaient. Il parlait de la Révolution d’Octobre – on était en pleine ignorance – et nous expliquait ce qu’elle représentait pour la Russie, pour l’Europe, pour la civilisation d’aujourd’hui, pour celle de demain. Il y avait quelque chose de fulgurant (il serait certainement devenu un orateur d’une puissance rare) dans la parole parfois maladroite encore de ce jeune homme de vingt-sept ans. » Pacifiste, admirateur de R. Lefebvre, d’Henri Barbusse, Georges Friedmann était aussi entré en contact avec Romain Rolland. Il rappelle dans La Puissance et la Sagesse, qu’il lui écrivit en octobre 1923, lui envoyant le petit livre « d’inspiration pacifiste », A History of the French people qu’il écrivit avec Guy de la Batut (ami de R. Lefebvre et de Paul Vaillant-Couturier) et qui parut à Londres avec une préface d’H. Barbusse.

Ce fut sur la recommandation de R. Rolland que Georges Friedmann passa à l’été 1924 une partie de ses vacances à Chésières, à l’extrémité du Léman, où séjournait un groupe de jeunes Indiens. Ce fut par l’intermédiaire de R. Rolland qu’il connut par la suite les maîtres spirituels de l’Inde et qu’il devint un admirateur de Gandhi. Georges Friedmann entra en contact en 1924 avec le diplomate autrichien Coudenhove-Kalergie qui prônait l’unité européenne. Il se rapprocha de la revue Clarté à laquelle il donna un témoignage sur l’état d’esprit de la jeune bourgeoisie intellectuelle et sur son propre itinéraire vers le communisme dans un article intitulé « Quelques jeunes » (1-15 septembre 1924). Dans la crise qui va éclater au sein de la rédaction de Clarté en 1925, il prit position pour A. Varagnac* contre Marcel Fourrier*.

Issu d’une famille aisée, Georges Friedmann dut lutter contre la volonté de son père qui le destinait à la haute finance ou à l’industrie, pour pouvoir préparer l’École normale supérieure (voir le portrait qu’il traça de son père dans le roman autobiographique, Votre tour viendra). À l’École normale où il entra en 1923, Georges Friedmann découvrit, grâce à Lucien Herr, les maîtres du socialisme. Il fonda un « Groupe d’informations internationales » avec le germaniste Robert Minder, groupe qu’il transmit avec sa turne, en août 1925, à P. Nizan. En 1926, il était reçu à l’agrégation de philosophie. « Mon entrée à Normale – écrivit-il dans La Puissance et la Sagesse – amorça pour moi l’acquisition d’un nouveau milieu social, sans lequel j’aurais péri. Puis, en 1925, ç’a été la rencontre de Pierre Morhange et de son équipe (héritière du groupe de la revue Philosophies) – Norbert Guterman, Henri Lefebvre, Georges Politzer – où je m’intégrai totalement. Ce fut pour moi l’occasion de mes premières “évacuations” d’argent. Cinq amis, étroitement liés par leurs choix tranchants, leurs enthousiasmes, leurs refus arrogants, leurs révoltes : l’un riche et les quatre autres qui ne l’étaient pas. » (Paul Nizan a partiellement dépeint Georges Friedmann sous les traits de Gérard Rosenthal dans La Conspiration). Ce groupe de jeunes philosophes, qu’unissaient le refus de la philosophie française contemporaine (notamment du bergsonisme) et le désir d’une rénovation philosophique, se proposait d’accomplir une révolution d’ordre spirituel. Georges Friedmann collabora aux deux Cahiers de la revue L’Esprit (qui succédait à la revue Philosophies) ; il y publia un article en mai 1926, « Ils ont perdu la partie éternelle d’eux-mêmes », qui faisait allusion à la rupture survenue avec les surréalistes. Dans La Puissance et la Sagesse, Georges Friedmann a évoqué les nombreux projets intellectuels qui furent ceux du groupe, notamment celui d’un phalanstère qui ne vit jamais le jour. En revanche, grâce à l’argent apporté par Friedmann, fut créée une Société d’éditions « Les Revues » (47 rue Monsieur-le-Prince) qui publia notamment la Revue de Psychologie concrète de G. Politzer et la Revue Marxiste (1929). Au terme d’un petit scandale financier (tournant autour d’un mystérieux personnage ainsi que le rappellent les textes autobiographiques de G. Friedmann et H. Lefebvre), les revues cessèrent de paraître. Cependant les membres du groupe poursuivaient leur évolution intellectuelle et passaient, selon l’expression de H. Lefebvre, « du culte de l’esprit » au matérialisme dialectique (La Nouvelle Revue française, 1er décembre 1932). G. Friedmann, avec certains d’entre eux, collaborait à La Revue Marxiste (1929), première revue théorique marxiste en France, fondée sous le patronage de Charles Rappoport.

En 1929, des membres du groupe comme Georges Politzer, Henri Lefebvre, Paul Nizan avaient adhéré au Parti communiste. Georges Friedmann, rallié aussi au marxisme, n’adhérait pas au PC, mais devenait, selon ses propres termes, de 1930 à 1936, « un compagnon de route discipliné militant, non au sein du Parti communiste, mais dans des organisations qui lui étaient étroitement liées et qu’il contrôlait pratiquement ». Il milita en effet, dans des organisations antifascistes comme le « Comité contre la guerre et le fascisme ». Professeur de philosophie au lycée de Bourges (1929-1931), G. Friedmann, qui avait demandé en 1931, un congé pour écrire (il collabora épisodiquement à la revue Bifur), fut rappelé à Paris en 1931 par Célestin Bouglé qui le prit comme assistant au Centre de Documentation sociale de l’École normale supérieure. Ce fut grâce à C. Bouglé que Friedmann, qui s’intéressait aux problèmes du machinisme et aux conditions du travail ouvrier, put faire, en 1931-1932, un stage à mi-temps de mécanicien sur machines outils à l’École professionnelle Diderot ; il commença à préparer une thèse sur les problèmes humains du machinisme industriel.

Durant les années 1930, Georges Friedmann fut de ceux qui contribuèrent à la connaissance et à la diffusion du marxisme en France. Il participa aux réunions de la Commission scientifique du Cercle de la Russie neuve, créée en 1932 et qui réunissait, sous la présidence d’H. Wallon, des savants, philosophes, désireux d’utiliser le matérialisme dialectique comme méthode de travail. Des activités de ce groupe en 1933-1934, sortit le premier volume d’À la lumière du marxisme (1935) auquel Georges Friedmann collabora avec une étude intitulée « Matérialisme dialectique et action réciproque ». Il collabora également au Cours de marxisme publié par le Bureau d’éditions avec une étude sur « les rapports de la conscience des hommes et des conditions économiques ». Portant un jugement rétrospectif sur cette période, il écrivit, dans La Puissance et la Sagesse, que le marxisme de l’équipe d’« À la lumière du marxisme » versait dans un « optimisme irrationnel ».

Georges Friedmann participa au mouvement des intellectuels antifascistes où il fut proche des sympathisants communistes. Il fit partie du Comité national de lutte contre la guerre et le fascisme (mouvement Amsterdam-Pleyel) ; il collabora à Clarté, édité par le Comité mondial de lutte contre la guerre et le fascisme. Il parla au congrès international des écrivains pour la Défense de la Culture en juin 1935 (son discours, « Machine et Humanisme », fut publié dans Europe, 15 juillet 1935). En 1936, il dirigeait la collection « Socialisme et culture » aux Éditions sociales internationales dans laquelle parurent notamment le Cervantès de J. Cassou, Les Matérialistes de l’Antiquité de Paul Nizan et le Diderot de I.D. Luppol. Il entra en 1936 au Comité de rédaction d’Europe composé en majorité de compagnons de route, lorsque Jean Cassou en devint le rédacteur en chef.

Georges Friedmann fit plusieurs séjours en URSS. En septembre-octobre 1932, puis en septembre-octobre 1933, il fut en effet chargé de mission par la Commission scientifique du Cercle de la Russie neuve. Ce fut au lendemain de ces voyages qu’il publia ses Problèmes du machinisme en URSS et dans les pays capitalistes (1934). Dans cet ouvrage, il montrait que la propriété collective des moyens de production en URSS avait permis de résoudre les contradictions entre l’homme et la technique ; décrivant certains aspects du machinisme en URSS, il insistait particulièrement sur l’enseignement polytechnique, créateur d’une « nouvelle culture ». En 1936, il publiait La Crise du Progrès chez Gallimard dans la collection « Problèmes et documents », ouvrage fondé sur des sources quantitatives et des enquêtes. Pris en charge par l’organisation soviétique, sa connaissance du russe lui permit de lire et de poser quelques questions à des ouvriers ; il resta cependant tributaire de la propagande soviétique, fit l’éloge de la rééducation par le travail des prisonniers politiques dans la construction du canal de la Baltique à la mer Blanche. Il affirmait que le marxisme avait redonné un sens à l’idée de progrès. Relisant ce livre lorsqu’il écrivit La Puissance et la Sagesse (1970), il portait sur lui le jugement suivant : « J’étais alors marxiste, préoccupé d’interpréter la doctrine de la manière la plus simple et la plus ouverte – mais ce souci ne pouvait me conduire loin. Mon marxisme, en fin de compte, était conformiste et non encore dépassé par la plupart de ceux qui, à l’intérieur et hors des partis communistes, se réclament de Marx. » Il lui arriva dans ce même livre, de critiquer les conceptions qui étaient les siennes à ce moment, pour leur dogmatisme et la sous-estimation des forces morales. En 1936 cependant, il répondait dans Europe, le 15 juillet, à un article de J. Grenier paru dans la NRF (« L’âge des orthodoxies ») qui accusait les intellectuels marxistes de masquer leur « foi » par de pseudo-arguments scientifiques. Il publia dans Europe (15 janvier 1937) une réponse critique au Retour de l’URSS de Gide.

Devenu professeur à l’École Boulle, il effectua un troisième séjour en URSS pendant ses congés d’août à octobre 1936 ; il n’est plus alors mandaté par l’association pour l’étude de la culture soviétique qui a pris la suite du Cercle de la Russie neuve. Il faisait partie des intellectuels sympathisants particulièrement bien reçus par le régime, rencontra Gide et ses compagnons de voyage sur la Mer noire. Son séjour coïncida avec l’ouverture du premier procès de Moscou dont il dira dans La Puissance et la sagesse (p. 249) qu’il fut pour lui un choc décisif. Cependant comme l’a montré Rachel Mazuy, « Des voyages aux doutes : G. Friedmann en URSS » in Georges Friedmann, Friedmann a su gérer ses doutes. Au retour de son voyage, il ne semblait pas selon Rachel Mazuy, s’éloigner de la « nébuleuse des sympathisants de l’URSS ». Selon cette dernière, ce fut la réaction des Soviétiques et des communistes français après la publication de son livre, qui poussa Friedmann après juin 1938 vers la rupture silencieuse. Il faisait paraître une critique de l’ouvrage de Gide, Retour de l’URSS, en raison notamment de l’aide apportée par l’URSS à la cause républicaine espagnole (Europe, 15 janvier 1937, article repris dans De la Sainte Russie à l’URSS). Il continuait à avoir de bons rapports avec VOKS, correspondait avec les responsables de La littérature internationale et préparait son ouvrage, le futur De la Sainte Russie...

De la Sainte Russie – préfacé par un vieux compagnon de route, Francis Jourdain* – était l’œuvre d’un sympathisant du régime soviétique ; G. Friedmann, en effet, soulignait les acquis du pouvoir soviétique depuis vingt ans, principalement dans le domaine de l’enseignement et de la culture ; il se félicitait du succès des plans quinquennaux. Le titre du livre disait clairement que les retards de la société soviétique étaient un héritage de la Russie tsariste. Cependant, il exprimait quelques réserves, notamment en ce qui concernait « le culte du chef » (p. 213) et l’épuration (p. 233-234). Georges Friedmann raconte dans La Puissance et la Sagesse (p. 272) que son livre fut d’abord relativement ménagé par le PCF et qu’il eut à son propos un long entretien avec Maurice Thorez ; à partir de juin 1938 cependant, les choses changèrent et le livre fut sérieusement attaqué — d’après l’auteur, sur instructions venues de Moscou. Parmi les articles les plus violents contre ce livre, citons celui de Georges Politzer dans Les Cahiers du Bolchevisme de mai-juin 1938. Jean Cassou prit la défense de l’ouvrage dans Europe (15 septembre 1938). La direction de la collection « Socialisme et culture » que Friedmann dirigeait aux Editions sociales internationales lui fut alors enlevée.

Après et avant Munich, Georges Friedmann resta fidèle aux conceptions antifascistes qu’il avait défendues jusque-là et notamment à l’alliance des démocraties occidentales avec l’URSS pour défendre la paix. En janvier 1939, il publiait dans Europe un long texte « L’URSS et le drame tchécoslovaque » dans lequel il soulignait les efforts de Litvinov en septembre 1938 et dénonçait ce qui, dans la diplomatie franco-anglaise, isolait les Soviets.

À la nouvelle du Pacte germano-soviétique, G. Friedmann, membre du comité de rédaction d’Europe, suivit J. Cassou qui, en accord avec R. Rolland, décida de cesser la publication de la revue. Comme Aveline, Martin-Chauffier, il rompit ses relations avec les communistes. Mobilisé en septembre 1939, G. Friedmann tint dès le 6 septembre des carnets de guerre (ils furent publiés en 1987 sous le titre de Journal de guerre1939 -1940. Ces notes, écrites au jour le jour, témoignent de l’ébranlement que le pacte a provoqué en lui, intellectuel marxiste sympathisant ; il suit de près la nouvelle stratégie soviétique, commente dès le 3 novembre 1939 le discours de Molotov du 31 octobre 1939 sur la nature impérialiste de la guerre et doit admettre qu’elle laissait les mains libres à l’agresseur hitlérien. Il se convainquit de la perversion morale du réalisme stalinien et jugea alors « que les dirigeants soviétiques ont cessé d’être des hommes pour qui comptent, au premier chef, les valeurs humaines du socialisme ». Le pacte devint à ses yeux le « plus bel exemple de retournement idéologique au service de la raison d’État ». Il voyait l’origine de ce réalisme amoral « dans l’interprétation mécaniste du marxisme », dans l’oubli du ressort moral du socialisme, présent chez Marx et Engels. À cette date, il pensait toutefois que le marxisme « n’était pas atteint par la dégradation de l’expérience soviétique » (5 janvier 1940), mais qu’une telle expérience sociale « même dégradée et manquée, est un des événements fondamentaux du siècle, plein de conséquences fécondes pour le progrès social ». C’est le « communisme stalinien » qu’il dénonçait pour avoir voulu se passer de l’esprit critique, de toute opposition. Il mettait alors sur le même plan les deux régimes totalitaires, le national-socialisme et le régime qu’il appela un « national-communisme despotique et cynique », « caricature de socialisme » (10 janvier 1940). Il déplora l’abandon par les intellectuels de leur esprit critique, parla même à ce propos d’« envoûtement » et analyse les mécanismes psychologiques qui conditionnent les intellectuels faisant allégeance à cette « raison d’État » (23 mars 1940). Il n’y avait donc pas de tâche plus urgente pour les intellectuels que de se remettre à penser librement. Lui-même reconnaît avoir, comme d’autres, laissé parfois « mettre sa raison en sommeil », sans oser aller au-delà des « conformismes, des paresses » mais affirme être toujours resté fidèle à l’héritage démocratique et humaniste du marxisme (24 mars 1940). Il posait la question, scandaleuse « au regard des orthodoxes », celle de l’inflexion du marxisme en réalisme stalinien (6 janvier 1940). Dans ce même journal de guerre, Friedmann recopiait des extraits d’une lettre de Jacques Soustelle, rentré du Mexique, à qui il avait écrit pour le tenir au courant de l’état de ses réflexions. L’accord est alors complet entre les deux hommes qui avaient partagé une même conception de l’antifascisme et se sont opposés aux accords de Munich. « Penser que nous avons pu être pris, si peu que ce soit, à ce mirage grossier devant une réalité si affreuse, et que tant d’hommes honnêtes et droits aient pu y être pris corps et âme, y laisser leur temps, leur vie quelquefois. En ce qui me concerne, depuis des années déjà, je n’avais pas d’espoir dans ce régime même, mais je comptais encore sur lui et sur ses forces pour venir à notre aide dans la guerre qui approchait » (4 janvier 1940).
Démobilisé à Marmande fin juillet 40, après avoir retrouvé sa famille en Dordogne, il gagna Toulouse, alors point de ralliement de nombreux intellectuels. Sa femme Hania le rejoignit et en 1941 naquit sa fille Liliane.

Directeur adjoint de l’enseignement technique avant la guerre, il se vit proposer une affectation en qualité d’enseignant à l’ENS de l’Enseignement technique qui devait être transférée à Toulouse, mais, d’après Jean-Pierre Amalric ( « "Terribles et grandioses" : les années toulousaines de GF », in Georges Friedmann un sociologue dans le siècle, op.cit., p. 29 -49), il préféra renoncer à ce poste. Il n’en fut pas moins rayé des cadres en fonction de Statut des juifs.
A Toulouse, il prit contact avec les opposants au régime de Vichy, déplorant l’effondrement des leaders élus socialistes à l’exception de Vincent Auriol, député de Muret. Il rencontra les figures notables de la résistance toulousaine, les jeunes militants socialistes Achille Auban, Paul Descours ainsi que le syndicaliste Julien Forgues, secrétaire de l’Union régionale CGT, proche de Jouhaux et de Christian Pineau, et le professeur de médecine Camille Soula. Il fait partie, dès l’hiver 1940-1941, du petit groupe d’intellectuels groupés autour de Silvio Trentin, J. Cassou, P. Bertaux .

Le 4 janvier 1941, Agnès Humbert (qui avait été révoquée à l’automne), se faisant le porte-parole du petit groupe dont le centre était au Musée de l’homme, lui écrivit pour lui suggérer de faire le voyage jusqu’à Paris : « Il faut qu’un historien sociologue puisse juger par lui-même, voir de ses yeux, entendre de ses oreilles. Mais il y a autre chose il nous faut essentiellement un théoricien. Qui peut être désigné mieux que vous ? Nous arrivons à la phase où il est urgent d’avoir un programme bien défini. Vous seul pouvez nous tirer de là. Si vous pouviez venir, tout pourrait s’expliquer clairement mais à tout hasard je vous écris ce que les amis vous demandent d’urgence :
Résumé de la situation depuis le pacte.
Désagrégation des partis- Raisons.
Programme d’action et de reconstruction.
Impossible de vous en dire plus long, je crois que vous comprenez ce que nous vous demandons. Nom du groupement ? Que pensez-vous des jacobins ? C’est le nom que propose J[ean] C[assou] » (Archives G. Friedmann).

Georges Friedmann, promu en quelque sorte théoricien du petit groupe dont le centre était au Musée de l’homme, fit le voyage, malgré les risques encourus. Agnès Humbert nota dans son journal à la date du 20 janvier 1941 : « Depuis quelques jours nous avons parmi nous notre ami Georges Friedmann. Venu discrètement à Paris il y réside chez Jean et Colette Duval. Il a assisté à notre dernière réunion chez Émile-Paul et j’ai eu juste le temps de le présenter à Vildé. Celui-ci lui a beaucoup plu. "Le type même des jeunes communistes que j’ai connus là-bas en URSS", me dit Friedmann. Ils se reverront sous peu à Toulouse, où Vildé doit se rendre. Friedmann va s’occuper du journal en zone libre » (Agnès Humbert, Notre Guerre, p. 52). Le mois suivant, en février 1941, les animateurs du réseau, Boris Vildé, Anatole Lewitzky, Léon Maurice Nordmann, Yvonne Oddon furent arrêtés. Agnès Humbert en informe Friedmann par des messages codés ; elle-même fut arrêtée en avril 1941 puis déportée. Dans La Puissance et la sagesse (1970), Friedmann publiera des extraits d’un texte de février 1941 rédigé à Toulouse, "Quelques points de repère pour une action", qui était presque certainement le projet que lui avait demandé Agnès Humbert et qu’il communiqua à quelques amis (La Puissance et la Sagesse (p. 149-151). Ecrit avant l’attaque allemande contre l’URSS, ce texte reprenait la condamnation du pacte germano-soviétique et du totalitarisme stalinien.

Friedmann constitua avec ses amis socialistes un premier comité provisoire destiné à travailler en liaison avec le groupe du Musée de l’homme et auquel se rattachaient des personnalités comme Georges Canguilhem, Paul Vignaux et Silvio Trentin, qui tenait à Toulouse une librairie, centre de rencontre pour républicains espagnols antifascistes italiens et opposants à Pétain. Ce premier noyau fut rejoint par un ouvrier franc-maçon, Clément Laurent, surnommé Pato. Friedmann rédigea la plupart des tracts de ce groupe. J-P. Amalric a situé en 1941 à Lyon la prise de contact de Friedmann avec les mouvements Libération et surtout le futur Combat, après une rencontre avec François de Menthon grâce à Claude Aveline, ce qui permit à Friedmann de faire connaissance de Marcel Vanhove, syndicaliste chrétien originaire du Nord. Celui-ci témoignera que Friedmann avait alors pratiquement fait partie de Combat. Il y côtoiera les milieux proches de la démocratie chrétienne comme François de Menthon, Pierre-Henri Teitgen, René Courtin, Etienne Borne, Charles d’Aragon et l’abbé de Naurois (voir le témoignage de G. Friedmann, recueilli par Odette Merlat , le 21 mars et 16 avril 1946, reproduit dans les annexes de Georges Friedmann. Un sociologue dans le siècle…, op.cit., p. 80-89).

Après le démantèlement du réseau du Musée de l’homme, Cassou, un des rédacteurs avec Paulhan du journal clandestin Résistance, dut se réfugier en zone non occupée. En avril 1941 il retrouvait à Toulouse sa femme, son beau-frère Vladimir Jankélévitch, lui-même révoqué comme juif. Cassou, déjà lié à Friedmann depuis le Front populaire, devint le plus proche ami de Friedmann. Tandis que Cassou, membre du réseau de résistance Bertaux, était arrêté et emprisonné par les autorités de Vichy en décembre 1941, Friedmann qui ne s’était pas engagé dans le réseau Bertaux, mais dont l’action avait été celle d’un précurseur, continua à établir des contacts, à multiplier des rencontres, à Montpellier et à Lyon où il fut accueilli par les Martin- Chauffier à Collonges-au-Mont -d’Or.

Friedmann n’abandonna pas ses projets intellectuels, prépara son Leibniz et Spinoza et prit une part active à la Société d’études psychologiques de Toulouse, créée en mai 1941 à l’initiative d’I. Meyerson ; il y présenta une esquisse d’une psycho-sociologie du travail à la chaîne où se trouvaient les prémisses de sa thèse principale de doctorat consacrée aux Problèmes humains du machinisme industriel qu’il soutiendra en 1946. J-P Amalric a cité un document de juillet 1942 attestant que Friedmann avait souscrit à la déclaration en application du second Statut des juifs.

Friedmann échappa une première fois par miracle à l’arrestation au début 1943 à Toulouse. Il parvint à se cacher quelques semaines en Dordogne à Sarlande chez un couple d’instituteurs, Jeanne et Marcel Mougenot ; une seconde fois, quelque temps plus tard, après avoir manqué un rendez-vous à Brive fixé par Jacques Renouvin, responsable des corps francs de Combat et qui allait être arrêté le lendemain. Ce fut dans son refuge de Dordogne que Friedmann rédigea le texte « Pour une action spirituelle politiquement orientée », communiqué à ses amis de Toulouse. Il en publiera des extraits dans La Puissance et la sagesse dans un chapitre intitulé "Marx, marxismes, communismes » (p. 249-253). L’auteur y estimait toujours que le marxisme constituait "le plus ample effort de la raison européenne pour penser la société européenne et la structurer", que le communisme en était l’expression politique, mais réitérait sa conviction que la transformation sociale ne se ferait qu’avec l’aide des "forces spirituelles". Il insistait sur son expérience : "La guerre a provoqué des transformations dans mes croyances, mes conceptions, ma vision des hommes et des doctrines. Au vrai, elle n’a rien suscité en moi d’entièrement nouveau. Elle a hâté une évolution qui s’était amorcée auparavant, - en particulier depuis octobre 1936, coordonné des réactions et des tendances jusque-là éparses ». Il explicitera en 1946 les changements qui avaient affecté sa vision du monde « sous l’action d’expériences insolites et, quelques-unes bouleversantes". Parmi ces expériences, la Résistance, vécue comme une aventure collective parmi des hommes "venus de tous les métiers, de tous les horizons et opinions, le typographe communiste, le professeur catholique, l’artisan-ébéniste franc-maçon, le jeune prêtre, l’employé d’assurances socialiste d’extrême-gauche, le fabricant de coffrages métalliques, l’avocat ». Il voulait croire que cette communauté préfigurerait « une communauté humaine plus évoluée, lointaine peut-être… » (L’Heure du choix, p. 64).

En 1945, G. Friedmann fut nommé Inspecteur général de l’Enseignement technique, puis professeur au Conservatoire national des arts et métiers à la chaire d’Histoire du travail (1946-1960), puis à l’Institut d’études politiques (1949-1960).

Après avoir retrouvé la fraternité avec les communistes dans le combat de la Résistance, Friedmann décida de reprendre son compagnonnage de route avec le PCF. Mais avec d’autres intellectuels antifascistes des années trente qui avaient, comme lui, notoirement rompu avec le PCF après le pacte germano-soviétique, Aveline, Cassou, Martin-Chauffier, Vercors, il éprouva le besoin de s’expliquer sur cette reprise des relations, dans le contexte des incertitudes des lendemains de guerre. Ce fut l’origine de l’ouvrage L’Heure du choix, paru aux Editions de Minuit, achevé fin 1946, mais qui ne put paraître qu’en 1947 au moment des prodromes de la guerre froide. Comme l’a dit avec justesse Pierre Grémion, le recueil tentait de « définir les bornes morales d’une collaboration avec les communistes ». Après une préface signée collectivement des noms de Aveline, Cassou, Chamson, Martin-Chauffier, Vercors (qui en fut le rédacteur principal), une postface également signée collectivement, datée de septembre 1947, se prononçait pour un socialisme humaniste, affirmant que « l’URSS, dont l’immense effort a depuis longtemps conquis notre active sympathie, est un exemple ; mais pour les pays d’Occident, - si différents d’elle et entre eux par leur évolution, leur niveau économique, leur outillage matériel et mental, pour tout dire : par leur histoire, - elle ne peut constituer un modèle ». Les auteurs se présentaient comme des sympathisants de l’URSS n’adhérant à aucun parti. Mais l’espoir exprimé in fine qu’ils pourraient aider à faire « resurgir l’humanisme qui est au cœur même du socialisme et de ses luttes » apparut aux communistes comme une prétention inacceptable.

La contribution de G. Friedmann, intitulée « Forces morales et Valeurs permanentes », achevée en septembre 1946, concluait que « les déterminations sociales, pour capitales qu’elles soient, n’exercent pas une action universelle et fatale, -qu’il existe un champ pour d’autres forces, capables d’exalter les hommes, de les unir, et que ces forces sont de nature morale ». « Les leçons de la résistance nous faisaient donc réfléchir à des schèmes dont l’insuffisance perçait déjà, entre les deux guerres, chez certains marxistes trop complaisamment mécanistes ». Mais dans cette prise en compte des « forces morales », des « valeurs humaines », Friedmann voulait rester dans un cadre marxiste d’analyse. En particulier, il jugeait le système capitaliste condamné « au regard des faits et de l’esprit » et disait adhérer « à la mission grandiose du communisme » qui était le renversement des structures économiques du capitalisme, « condition nécessaire, primordiale de l’unification et de la libération humaines ». Seul écho des déchirements et des doutes qu’il avait confiés jadis à ses carnets de 1939-40, il mettait en garde contre un « réalisme en boomerang », donnant un contenu changeant aux notions (allusion aux déclarations de Molotov sur la notion d’agression et d’agresseur), dénonçant ce réalisme faisant perdre aux masses le sens de la vérité et du mensonge. « Le communisme se nierait lui-même en sacrifiant à la tactique les forces morales, les valeurs humaines essentielles, en laissant trop obscurcir l’horizon de ses fins par des moyens ».

_ En ces lendemains de la guerre, l’expérience soviétique avait repris pour Friedmann sa valeur exemplaire : « j’ai consacré et consacre encore à la connaissance de l’Union soviétique beaucoup de temps et de réflexion, jugeant fondamental ce qui s’y passe le plus magnifique effort de transformation rationnelle des institutions (et, à travers celles-ci, de renouvellement de tout un peuple que l’humanité ait jamais tenté ». Dans cette perspective, on comprend mieux le retour sur le Pacte germano-soviétique devenu légitime à ses yeux : « l’agression de juin 1941, écrit-il, lui a donné une éclatante justification militaire » sans pour autant renoncer, aux critiques qu’il confiait à ses carnets de guerre. Et de refuser la rupture de toute communication entre morale et politique, car les « forces morales » insiste-t-il, sont une réalité dont on doit tenir compte. Et de se réclamer du patronage d’un homme qu’il admire depuis sa jeunesse, Romain Rolland*, dont le dernier ouvrage, Péguy, appelle de ses vœux cette réconciliation entre mouvement social et valeurs humanistes. Faisant la généalogie de cet humanisme mûri depuis l’Antiquité en Europe, à travers la Renaissance, l’Encyclopédie, 1789 et 1848, il avançait l’idée que la France était particulièrement bien placée, de par son génie propre, pour « faire la synthèse originale de ce qu’il y a de meilleur, d’une part dans l’héritage humaniste d’Occident et d’autre part, dans les institutions collectivistes dont l’URSS fait, en de difficiles conditions, l’admirable expérience ». Il revendiquait la tradition française qui allait de Montaigne et de Descartes à Diderot et à Jaurès. Enfin il redisait sa confiance dans le rôle historique du communisme et dans l’expérience soviétique, tout en rappelant que « le communisme se nierait lui-même en sacrifiant à la tactique les forces morales, les valeurs humaines essentielles, en laissant trop complètement obscurcir l’horizon de ses fins par des moyens ». Il concluait son texte par un acte de confiance en un communisme dirigé par des hommes issus du peuple, enraciné dans les traditions de la France, scellant l’alliance des institutions collectives et des grandes valeurs humaines. Et d’exprimer in fine d’être compris, et « d’abord de nos camarades, de nos amis ! » (Nicole Racine, « L’Heure du choix », in Georges Friedmann. Un sociologue dans le siècle, op.cit.)

Vœu qui ne fut pas réalisé puisque la sortie de l’ouvrage entraîna un tir de barrage fourni de la part du PCF. Pierre Daix* a raconté dans ses mémoires qu’au début de 1948 Laurent Casanova* l’avait chargé de répondre à l’ouvrage.

Des signataires de L’Heure du choix, à l’exception de la participation éphémère d’André Chamson, seul G. Friedmann ne se retrouva pas dans l’ouvrage qui en prolongeait la réflexion, La Voie libre, écrit en 1950, publié en 1951, dans le contexte bien différent de la campagne anti-titiste et des procès dans les démocraties populaires. Friedmann manifesta-t-il alors un certain désengagement, une volonté de prise de distance ? Rappelons que dans La Voie libre, ses camarades Aveline, Cassou, rompaient avec éclat leur compagnonnage, tandis que Martin-Chauffier et Vercors prenaient clairement leur distance. Dans sa correspondance privée avec Vercors, Friedmann fustigeait les atteintes à la liberté de l’esprit dans la revue Europe dirigée par Pierre Abraham. Des cinq signataires de L’Heure du choix, il fut le moins engagé auprès des communistes. Il ne prit, en effet, aucune responsabilité importante dans les organismes contrôlés par les communistes, à la différence de Cassou. Il ne témoigna pas au procès Kravchenko contre les Lettres françaises, ne milita pas dans le mouvement des Combattants de la paix et de la liberté. Il fut absent du débat sur l’expérience yougoslave, sur l’autogestion qui passionna de nombreux intellectuels progressistes. Friedmann adhérait-il au neutralisme défendu par ses amis ? lui-même n’en parla pas dans les passages autobiographiques de La Puissance et la sagesse.

Membre du comité de rédaction d’Europe, il en démissionna en même temps que d’autres membres du comité, Arcos, Chamson, Martin-Chauffier et Vercors, après qu’une chronique de la revue eut approuvé la violente attaque d’André Wurmser (Réponse à Jean Cassou) contre l’article de celui-ci paru dans la revue Esprit en décembre 1949 (Cassou, longtemps directeur d’Europe, appartenait toujours à son comité). Ils protestèrent en des termes qui les firent considérer comme démissionnaires par Pierre Abraham (Voir Louis de Villefosse, L’œuf de Wyasma, p. 91).

À cet acte public, il faut ajouter un acte privé, la lettre de protestation que Friedmann envoya à André Wurmser le 8 février 1950 : « J’ai cherché en vain, à travers ces pages, une discussion, une amorce de discussion portant sur le fond des problèmes posés par Cassou dans son article d’Esprit. Ainsi c’est toujours la même méthode : déshonorer par tous les moyens un homme qui n’est pas d’accord avec vous, et cela sans preuves, contrairement à la vérité » (Archives Georges Friedmann).

La prise de distance de Friedmann par rapport à son compagnonnage de route fut discrète, conforme à son tempérament ainsi qu’au rôle, somme toute à l’arrière-plan de la scène publique qu’il tenait, en regard de celui plus flamboyant joué par Martin-Chauffier ou, plus longtemps encore, par Vercors. Cependant, comme ses camarades, il gardait toujours espoir dans le socialisme. Il l’affirmait à Raymond Aron en 1951 : « Tu sais bien que je ne peux te suivre sur certaines de tes positions, étant de ceux - auxquels tu décoches quelque part des flèches - qui sont ’en deuil d’un mythe’, tout en conservant eux aussi, à leur manière, une ’foi sans illusions’ » (lettre du 3 juillet 1951). En 1955, il écrivait à l’auteur de L’Opium des intellectuels : « Ta position d’avant guerre (rappelle toi nos discussions rue Visconti alors que j’étais un fellow-traveller assez naïf et, au reste sentant déjà le roussi) a été fortifiée par le cours de l’expérience soviétique. Ceci dit, je ne tiens pas celle-ci, dans les circonstances historiques, ethniques, etc… où elle s’est développée, pour la preuve décisive que toute forme de planification économique entraîne nécessairement totalitarisme et dictature policière » (lettre du 12 mars 1955. Centre de recherches politiques Raymond Aron). Friedmann était encore considéré avec une certaine méfiance en 1954-1955 par les animateurs du Congrès pour la défense de la culture. Comme l’a rappelé Pierre Grémion, dans Intelligence de l’anticommunisme, René Tavernier le trouvait encore trop philocommuniste pour l’inviter à la conférence de Milan, en 1955. Mais cinq ans plus tard il participait au congrès du 10e anniversaire à Berlin. Le compagnonnage est alors définitivement rompu. Après l’écrasement de la révolution hongroise, Friedmann donna son adhésion au comité Tibor Déry en 1957.

Président de l’Association internationale de Sociologie depuis 1956, il publia en 1958 Le Travail en miettes qui devint un de ses ouvrages les plus connus. Depuis 1960, il enseignait à l’École pratique des Hautes études où il fonda le Centre d’études des communications de masse (devenu en 1973 le Centre d’études transdisciplinaires, sociologie, anthropologie, sémiologie, CETSAS). En 1962, il publia avec Pierre Naville le Traité de sociologie du travail. Il effectuait de nombreux voyages dans toute l’Europe, dans les deux Amériques, en Afrique du Nord, au Japon, en Israël. Il attirait l’attention sur les problèmes de l’Amérique latine. De son voyage en Israël naissait Où va le peuple juif ? , réflexion sur le destin du peuple juif et d’Israël (1965). Il s’intéressait aux nouvelles techniques de communications de masse, avec l’espoir qu’elles seraient un instrument de libération pour l’homme.

S’il s’éloigna définitivement du communisme, il ne renonça pas aux espoirs d’un socialisme humaniste et démocratique, comme en témoigne La Puissance et la Sagesse (1970), ouvrage livrant des fragments d’autobiographie et s’attachant à une réflexion sur nos sociétés techniciennes. Le colloque réuni en 2002 à l’ENS pour le centième anniversaire de sa naissance fit le bilan de son rôle dans le renouveau de la sociologie après 1945. On y entendit les témoignages de ceux qu’il avait réunis, dès ses débuts, au Centre d’études sociologiques (CNRS) créé par G. Gurvitch en 1946, Edgar Morin, Alain Touraine, Jean-René Tréanton, Henri Mendras, Jean-Daniel Reynaud.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24545, notice FRIEDMANN Georges, Philippe. Pseudonyme littéraire : ARON Jacques ; pseudonyme dans la Résistance : FROMENTIN Gaston par Nicole Racine, version mise en ligne le 14 février 2009, dernière modification le 2 novembre 2020.

Par Nicole Racine

ŒUVRE CHOISIE : Avec Guy de la Batut, A History of the French People 315 p., Londres, Methuen, 1923. Préf. de H. Barbusse. — Sous le pseudonyme de Jacques Aron, Votre tour viendra, Gallimard, 1930, 264 p. — La ville qui n’a pas de fin, id., 1931, 65 p. — L’Adieu, id., 1932, 271 p. — Problèmes du machinisme en URSS et dans les pays capitalistes, ESI, 1934, 141 p. — « Matérialisme dialectique et action réciproque », in À la lumière du marxisme (essais), ouvrage collectif sous la direction d’H. Wallon, ESI, 1935. — La Crise du Progrès : esquisse d’histoire des idées. 1895-1935, Gallimard, 1936, 285 p. — « Quelques traits de l’esprit nouveau en URSS » in Inventaires I, recueil publié par le Centre de documentation sociale de l’École normale supérieure, sous la direction de C. Bouglé, F. Alcan, 1936, p. 113-121. — « Les rapports de la conscience des hommes et des conditions économiques » in Cours de marxisme (2e année) 1936-1937, Bureau d’éditions, 1937, p. 17-32. — « Diversité des tâches et des types professionnels » in Encyclopédie française, tome VIII, La Vie mentale (sous la direction de H. Wallon), Larousse, 1938. — De la Sainte Russie à l’URSS, Gallimard, 1938, 288 p. — Problèmes humains du machinisme industriel, Gallimard, 1946, 391 p. (nouv. édition, 1961, 431 p.). — Leibniz et Spinoza, id. , 1946 (nouv. éd., 1962, 352 p. ; 1957, 444 p., Idées 309). — Avec Cl. Aveline, J. Cassou, A. Chamson, L. Martin-Chauffier, L’Heure du choix, les Éditions de Minuit, 1947, 177 p. — « De quelques incidences psychologiques, sociales et morales dans l’évolution contemporaine des métiers industriels » in L’Année sociologique… 1940-1948, PUF, 1949, p. 528-577. — Où va le travail humain ?, 1950, 400 p. (nouv. éd. 1963, 453 p. ; 1967, coll. Idées 131). — Villes et campagnes : civilisation urbaine et civilisation rurale en France, recueil publié sous la direction et avec une introduction de Georges Friedmann, A. Colin, 1953 (nouv. éd. 1971). — Le Travail en miettes, spécialisation et loisirs, Gallimard, 1958, 348 p. (nouv. éd. 1964, Idées). — Problèmes d’Amérique latine (I), Gallimard, 1959, 101 p. — Problèmes d’Amérique latine (II), Signal d’une troisième voie ?, 1961, 139 p. — Avec Pierre Naville, Traité de sociologie du travail, avec le concours de Jean-René Tréanton, A. Colin, 1961-1962 2 vol., 468 et 441 p. (2e éd. 1964, 468 et 443 p.). — Où va le peuple juif ?, Gallimard, 1965, 383 p. (Idées 74). — « Un maître spirituel » (sur Romain Rolland), Livres de France, décembre 1966. — Le Progrès technique, liberté ou servitude ?, Cercle parisien de la Ligue française de l’enseignement, Cahiers laïques, 96, novembre-décembre 1966. — Sept études sur l’homme et la technique, Gonthier, 1966, 217 (Médiations. 52). — La Puissance et la Sagesse, Gallimard, 1970, 507 p. — « Entretien avec Georges Friedmann », Le Monde, 20 et 21 septembre 1977. — Ces merveilleux instruments : essais sur les communications de masse, Denoël — Gonthier, 1979, 312 p. (recueil posthume ; textes extraits pour la plupart de la revue Communications, 1962-1974).

SOURCES : Archives privées Georges Friedmann-. Fonds Jean-Richard Bloch, correspondance, BNF, Mss. — Fonds Romain Rolland, BNF, Mss.- Centre de recherches politiques Raymond Aron, EHESS.— Who’s who in France ?, 1977-1978, J. Lafitte. — Entretien avec Georges Friedmann, juin 1963. — Nicole Racine, Les Écrivains communistes en France 1920-1936, Paris, 1963, VII, 466 ff dactylographiés, thèse, Fondation nationale des sciences politiques. — Une nouvelle civilisation ? Hommage à G. Friedmann, Gallimard, 1973, 494 p. (comprend notamment une précieuse bibliographie recensant ouvrages et articles). — H. Lefebvre, Le Temps des méprises, Stock, 1975, 251 p. — Simone Martin-Chauffier, À Bientôt quand même…, Calmann-Lévy, 1976, 380 p. — P. Drouin, « La mort de G. Friedmann », Le Monde, 17 novembre 1977. — Edgar Morin, « La sagesse de G. Friedmann », Le Nouvel Observateur, 28 novembre 1977. — Marc Ferro, « G. Friedmann, historien de l’avenir », Annales, mars-avril 1978. — Georges Friedmann. Un sociologue dans le siècle. 1902-1977, sous la direction de Pierre Grémion et Françoise Piotet, Paris, CNRS Editions, 2004. — Agnès Humbert, Notre Guerre. Souvenirs de Résistance. Introduction de Julien Blanc, Paris, Tallandier, 2004. — Notes de Michel Trebitsch. — Greffe du Tribunal de grande instance de Paris, acte de naissance.

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