STEINLING Léon

Par Paul Berger, Jean-François Lassagne, Pierre Schill

Né le 3 août 1921 à Metz (Moselle), mort le 20 octobre 2003 à Lille (Nord) ; tailleur-coupeur ; résistant FTP dans la Vienne et FTP-MOI à Toulouse (Haute-Garonne), engagé volontaire ; membre du bureau de la section PCF de Metz ; membre du conseil départemental du Mouvement de la Paix ; conseiller municipal de Metz.

Léon Steinling à vingt-six ans (conseiller municipal de Metz)
Léon Steinling à vingt-six ans (conseiller municipal de Metz)
Photo communiquée par la famille de Paul Berger.

Ses parents, Juifs de Galicie (Pologne) avaient émigré à Metz en 1920. Son père Markus, né en 1893 à Tarnov (Autriche-Hongrie), était tailleur à domicile et fut blessé durant la Première Guerre mondiale qu’il effectua sous l’uniforme autrichien. Sa mère, Ester Schopf, née le 6 octobre 1895 à Przeworsk, était couturière. Ils n’avaient aucun engagement politique.

Après son CEP, et révolté par l’antisémitisme de l’un de ses professeurs de la section commerciale de l’Ecole Nationale Professionnelle de Metz (ENP), Léon Steinling demanda à quitter l’école et entra à quatorze ans en apprentissage chez un patron tailleur « un ancien soldat du Chemin des Dames, enthousiasmé par la révolution d’Octobre… », un communiste qui contribua également à sa formation politique. Syndiqué à quinze ans à la CGTU en compagnie de son patron, il s’intéressa aux affaires du monde qui marquaient son époque, « véritablement je suis né avec les journées lumineuses du Front Populaire… » ; il rencontra Jean Burger* (le futur commandant Mario de la Résistance mosellane), qui le fit participer au congrès de la LICA à Paris en 1938, et pour lequel il conserva une « profonde reconnaissance ». Il en gardait le souvenir d’un « militant extraordinaire » particulièrement impliqué auprès des jeunes. Puis il rencontra Pauline Kozubski, qui deviendra sa femme, dans une organisation de jeunes juifs progressistes (Club des jeunes de Metz, Nancy, Strasbourg, une émanation communiste MOI du PCF), où elle donnait des cours sur la plus- value ! Elle était née le 19 juin 1920 à Cracovie, et avait rejoint Metz à l’âge de trois ans avec ses parents.

Léon devint soutien de famille et fit fonctionner l’atelier familial après la déclaration de guerre, jusqu’au bombardement de Metz le 10 mai 1940 par l’aviation allemande. Dès lors, abandonnant tout, ils se replièrent à Poitiers en zone Sud avec la famille de Ralph Konopnicki* notamment. C’est là qu’il épousa Pauline Kozubski le 23 janvier 1941. Sa femme fut alors contactée par le Dr Weigel au nom du PCF-MOI pour créer une cellule « avec des éléments issus des départements d’Alsace-Moselle annexés par le Reich avec l’objectif de maintenir le moral… ». Mis dans la confidence, Léon Steinling adhéra à cette occasion au Parti communiste français, puis participa avec Pauline et Jacques Goldberg de Strasbourg à la création de cette cellule ainsi qu’au regroupement des jeunes juifs laïques réfugiés à Poitiers. Le couple Steinling fut actif dans la résistance FTPF (distribution de tracts et de L’Humanité clandestine notamment) aux côtés de Marcel et Anaïs Lavigne*, leurs témoins de mariage, qui furent arrêtés par la Gestapo début 1942. Marcel Lavigne sera fusillé au Mont Valérien et Anaïs Lavigne fut déportée et mourut à Auschwitz. Léon Steinling décida alors avec son épouse de traverser clandestinement la ligne de démarcation. Ils s’installèrent à Pau et vécurent dans la clandestinité.
Alors que début 1944 ils étaient menacés d’arrestation, des camarades lorrains réfugiés dans le secteur organisèrent une nouvelle cache dans une ferme du village d’Artigueloutan (Pyrénées-Atlantiques). Il faut souligner que sa femme avait toujours participé à sa vie militante, ce qui était très rare à l’époque. Elle était fière de rappeler que c’est elle qui l’avait fait adhérer au PCF.

Fin juin le couple rejoignit la résistance au sein de la FTP-MOI (35e brigade « Marcel Langer »), et Léon Steinling participa à la Libération de Toulouse (Haute-Garonne). Engagé volontaire dans l’armée française au 14e RI, il fut blessé en 1945 près de Menton (Alpes-Maritimes). Libéré avec le grade de caporal-chef, il rentra à Metz en 1946 et reprit son métier de tailleur, qu’il occupa jusqu’à sa retraite, en 1981.

Il recommença à militer au PCF, qu’il représenta dans de très nombreux scrutins, locaux et nationaux. Candidat pour la première fois aux élections municipales d’octobre 1947, il fut élu sur la liste d’Union Républicaine et Résistants – plus jeune conseiller municipal de Metz, – à vingt-six ans. Sur 22 746 suffrages exprimés sur 23 566 votants et 33 741 électeurs inscrits la liste soutenue par le PC avait obtenu une moyenne de 2 339 voix (et quatre élus) contre 11 895 pour la liste du RPF menée par Raymond Mondon qui remporta les élections. Il fut à nouveau candidat aux élections municipales du 26 avril 1953, à la tête de la « Liste d’union ouvrière et démocratique pour la défense des intérêts communaux ». Sur 30 633 suffrages exprimés pour 31 684 votants et 42 899 électeurs inscrits, la liste soutenue par le PC obtint une moyenne de 2 975 voix contre 21 815 pour la liste du maire sortant Raymond Mondon qui remporta les élections. La liste soutenue par le PC obtint trois élus. Il mena une nouvelle fois la « Liste d’union républicaine pour la défense des intérêts des classes laborieuses et des libertés communales » aux élections municipales du 8 mars 1959. Sur 29 973 suffrages exprimés sur 31 185 votants et 47 789 électeurs inscrits la liste soutenue par le PC obtint une moyenne de 3 837 voix contre 20 808 pour la liste du maire sortant Raymond Mondon qui remporta l’ensemble des sièges à pourvoir en raison de la loi supprimant le scrutin proportionnel dans les villes de moins de 120 000 habitants. Aux élections municipales du 14 mars 1965, la liste d’union de la gauche présentée par le PC et la SFIO qu’il menait obtint une moyenne de 3 394 voix loin derrière celle du maire sortant qui rassembla en moyenne 19 423 voix sur 35 535 suffrages exprimés pour 36 961 votants sur 54 371 électeurs inscrits. Pour la seconde fois la liste de gauche n’obtint aucun élu. Léon Steinling se représenta une dernière fois aux élections municipales du 14 mars 1971 sur la liste d’union de la gauche présentée par le PSU, le PC, la Convention des institutions républicaines et le Parti socialiste. La liste obtint en moyenne 6 574 voix sur 34 391 suffrages exprimés pour 35 889 votants sur 56 514 électeurs inscrits contre une moyenne de 15 806 pour la liste de Jean-Marie Rausch qui arriva en tête du premier tour. Au second tour la liste de gauche totalisa 5 232 voix contre 19 114 voix pour celle de Jean-Marie Rausch qui fut élu maire de Metz.

Il fut par ailleurs, de 1947 à 1962, le candidat régulier de son parti à toutes les élections législatives et cantonales. Candidat aux élections législatives des 23 et 30 novembre 1958 dans la circonscription de Metz III, il obtint au premier tour à peine 3 122 voix sur 40 027 suffrages exprimés pour 41 787 votants et 54 436 électeurs inscrits. Joseph Schaaf, député sortant (MRP) fut battu au second tour par le candidat de l’UNR. Léon Steinling qui avait maintenu sa candidature obtint 2 332 voix sur 38 715 suffrages exprimés. Il se représenta dans la même circonscription aux élections législatives des 18 et 25 novembre 1962 et obtint 3 424 voix sur 36 816 suffrages exprimés pour 38 334 votants sur 53 228 électeurs inscrits. Au second tour le candidat communiste rassembla 2 516 voix sur 37 766 suffrages exprimés et arriva en dernière position de la triangulaire qui vit la victoire de Joseph Schaff (MRP) sur Paul Mirguet (UNR) par 18 684 voix contre 16 566 voix.

Léon Steinling avait également représenté le Parti communiste aux élections cantonales d’avril 1955 dans le canton de Metz 2 : il obtint 675 voix sur 6 140 suffrages exprimés et fut battu par le conseiller sortant Bertrand de Maud’huy. A nouveau candidat aux élections cantonales d’avril 1958 dans le canton de Metz, il obtint 1 263 voix sur 12 750 suffrages exprimés et fut battu par le maire de Metz Raymond Mondon.

Léon Steinling fut enfin candidat suppléant sur la liste communiste aux élections sénatoriales du 26 avril 1959 en Moselle. Il obtint 207 voix sur 2 172 suffrages exprimés pour 2 233 grands électeurs inscrits.

Il était membre du conseil départemental du Mouvement de la paix. Dans les années 50, 60 et 70, il s’était très fortement investi dans l’activité du Mouvement de la paix dont il était le responsable pour la région de Metz.

Léon Steinling comme son épouse, également d’origine juive, était un athée convaincu. À partir des années 80, il eut à cœur d’affirmer sa judéité sans s’intégrer toutefois à la communauté des Juifs de Metz, marquée à droite. Il était solidaire à la fois du peuple israélien et du peuple palestinien, tout en étant très opposé aux gouvernements d’Israël. Il fut jusqu’au bout un militant communiste convaincu mais il voulait garder l‘esprit libre. Il l’avait exprimé dans deux lettres très argumentées, l’une adressée à Georges Marchais* au sujet des désaccords avec certaines des positions du bureau politique, l’autre à Jacques Duclos*, au sujet de la résurgence de l’antisémitisme en Pologne. Esprit ouvert, très marqué par l’affaire Marcel Servin*, membre du BP brutalement « remis à la base » en Moselle, Léon Steinling rejetait le manichéisme et les exclusives dans ses fréquentations.

Simple membre du bureau de la section du PCF de Metz, il fut cependant, pendant plus d’un quart de siècle, le militant le plus connu et le plus influent du PCF à Metz, animant toutes les batailles et luttes de son temps : luttes sociales et pour la démocratie, contre la CED et le réarmement de l’Allemagne, luttes contre les guerres coloniales, luttes pour la paix et contre l’arme atomique, organisateur des marches de Pâques en Allemagne, la défense de l’École publique et la laïcité, le dialogue avec les chrétiens. Tailleur réputé, il était un autodidacte cultivé et un homme de contact à la fois ferme dans ses convictions, chaleureux et courtois dans ses relations avec les autres. Très apprécié par ses camarades et amis, il avait toujours su gagner l’estime de ses adversaires politiques.

Il était titulaire de la Médaille commémorative française de la guerre 39-45, de la Médaille commémorative de la Libération et de la médaille d’engagé volontaire.

Léon Steinling était père de deux enfants, nés en 1946 et 1948.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24546, notice STEINLING Léon par Paul Berger, Jean-François Lassagne, Pierre Schill, version mise en ligne le 14 février 2009, dernière modification le 9 septembre 2015.

Par Paul Berger, Jean-François Lassagne, Pierre Schill

Léon Steinling à vingt-six ans (conseiller municipal de Metz)
Léon Steinling à vingt-six ans (conseiller municipal de Metz)
Photo communiquée par la famille de Paul Berger.

ŒUVRE : Il était l’un des rédacteurs habituels de La Voix de Metz, organe de la section de Metz du PCF.

SOURCES : Arch. Dép. Moselle, 182 W 20, 197 W 150, 458 W 155. ─ Arch. Mun. de Metz, 18 W 8. ─ Archives familiales, mémoires de Léon Steinling. — Patrick Oreilly, Le référendum de septembre et les élections législatives de novembre 1958 en Moselle, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction de Jean-Claude Delbreil, Université de Metz, 1979. ─ Émile Reiland, « Les élections municipales à Metz depuis 1945 », Cahier du Cercle Jean Macé, n°9, 1er trimestre 1983, p. 1 à 31. ─ Sandrine Bize, Référendum du 28 octobre et élections législatives des 18 et 25 novembre 1962 en Moselle, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction de Jean-Claude Delbreil, Université de Metz, 1985. ─ Pierre Schill, 1936. Visages et figures du Front populaire en Moselle, Metz, Editions Serpenoise, 2006. ─ Claude Pennetier et al. (dir.), Les fusillés (1940-1944), Ivry-sur-Seine, Les Editions de l’Atelier, 2015. ─ Témoignage de Gabriel Naumer (à Jean-François Lassagne), ancien secrétaire de la section PCF de Metz. ─ Renseignements fournis par l’intéressé (questionnaire et entretien avec Pierre Schill, 2001). ─ État civil de Metz.

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