Estang (Gers), le 3 juillet 1944.

Par Jacques Fitan

Le 3 juillet 1944, une colonne allemande se dirigeait vers Estang (Gers). Un accrochage sévère s’engagea durant l’après midi : il ne cessa qu’en fin de journée. À leur entrée dans le bourg les Allemands fouillèrent les maisons, en incendièrent cinq, rassemblèrent une vingtaine d’otages hommes et en fusillèrent huit ainsi qu’un jeune prisonnier.

Le village d’Estang (Gers) se situe au croisement des routes d’Aire-sur-l’Adour -Le Houga (D.32) à Éauze et de Cazaubon à Nogaro via Panjas, c’est-à-dire au cœur des terres d’implantation du Bataillon de l’Armagnac, maquis et formation paramilitaire la plus étoffée de l’Armée secrète (AS) des Mouvements unis de la résistance(MUR) couvrant tout l’ouest du département du Gers. Le 3 juillet 1944, durant plus de quatre heures, cette commune fut le lieu d’affrontements et de combats avec les forces de sécurité allemandes venues de Mont-de-Marsan (Landes) et de Cazaubon (Gers), chef lieu de canton. Au terme de la soirée, les représailles allemandes firent un bilan humain particulièrement lourd.
À moins de huit kilomètres du chef-lieu, Estang se présentait comme un gros bourg d’environ un millier d’habitants en 1936, avec ses nombreux artisans et commerçants, ses notables, un notaire et un percepteur. Les cinquante huit morts (21 % des hommes en âge d’être mobilisés) formaient l’énorme tribut payé à la première guerre mondiale. Le second conflit mondial n’épargna pas davantage la commune avec deux tués en 1940, de nombreux prisonniers et plusieurs arrestations parfois suivies de déportation, au printemps 1944.
En juin 1940 le village accueillit des soldats français en instance de démobilisation et, le 14 juillet 1940, des éléments de l’armée belge repliés dans les Landes voisines puis chassés par les Allemands qui occupaient une partie de ce département traversé par la ligne de démarcation.
Comme d’autres communes rurales, Estang accueillit, après l’exode, des familles du nord et de l’est de la France, ou de la région parisienne, y compris de confession israélite, lesquelles ne feront l’objet d’aucune dénonciation. Parmi les nouveaux venus la Résistance trouva des recrues de confiance tandis que les fermes absorbaient une main d’œuvre manquante avec l’absence des prisonniers.
Le 3 juillet 1944, après dénonciation faite par des miliciens de Cazaubon à la Feldgendarmerie de Mont-de-Marsan, une colonne allemande, à l’effectif de deux compagnies, boucla le chef-lieu, prit huit otages au château du Bégué – refuge depuis 1942 de juifs et de résistants en provenance de Gurs, (Basses-Pyrénées) – et se dirigea vers Estang. Dès lors, l’accès au Bataillon de l’Armagnac alors cantonné à Maupas (Gers), au sud d’Estang, était directement menacé. Informé, le capitaine Parisot commandant des Armagnacs monta un plan d’interception composé de deux embuscades entre les deux bourgades. Mais leur mise en place fut retardée et contrariée notamment par des incidents mécaniques de sorte que le contact avec le convoi ennemi précédé d’un peloton cycliste eut lieu pour les maquisards dans une légère contre pente plus proche d’Estang que de Cazaubon. Un accrochage sévère s’engagea durant l’après midi : il ne cessa en fin de journée que sur ordre de repli donné par le commandant Parisot lorsqu’il constata que les forces allemandes plus nombreuses pouvaient contourner le dispositif et menacer le centre du village.
Dès leur entrée dans le bourg où les consignes de prudence et d’évacuation n’avaient pas toutes été suivies, les Allemands fouillèrent les maisons, en incendièrent cinq, rassemblèrent une vingtaine d’otages hommes et en fusillèrent huit ainsi qu’un jeune prisonnier, le soir venu, dans un pré en bordure de route, non loin du croisement de « Pignay », au nord du village. Ce n’est qu’après le départ du convoi allemand que les autres otages purent regagner le village. Deux de nos sources s’accordent sur les propos tenus en français par le major Oberman en direction des otages retenus au croisement : « Vos partisans ont attaqué ma colonne alors que nous venions sans intention de combat. Nous avons neuf tués et de nombreux blessés. Découvrez-vous devant vos morts car vos camarades ont été fusillés en représailles. C’est la guerre, c’est aussi malheureux pour vous que pour nous ». À notre connaissance ce type de déclaration reste rare.
À ces représailles il faut ajouter deux civils tués au moment des combats et la déportation de trois gendarmes dont deux ne rentrèrent pas.
Le monument aux morts actuel situé sur le lieu des exécutions, à 1,5 km au nord du village a été inauguré le 3 juillet 1948 : il avait été précédé, dès 1944 à l’initiative du Comité local de libération (CLL), par un enclos rustique en bois construit par les artisans d’Estang, enserrant une colonne tronquée symbole du poteau d’exécution. De nos jours le drapeau tricolore y flotte en permanence .
Le bilan de l’engagement d’Estang est surtout lourd pour la population :
- deux civils, un homme et une femme, tués pendant le combat : Louise Cazauran et Jean Lalanne ;
- Huit hommes fusillés comme otages ; Bartherotte Jean ; Bouqué Lucien ; Coupaye Jean ; Duclaux Alfred ; Dupeyron Jean
 ; Dupuy Louis ; Pupkiewiez André ; Sansoulh Paul. Ousteau André avait été fait prisonnier.
- deux morts dans les rangs du bataillon : Destouet Rémy et Haffner Hans.
- trois gendarmes de la brigade locale déportés dont deux ne rentrèrent pas : le maréchal des logis Verdier et le sergent Capdevielle ;
- 5 maisons brûlées.
Les Allemands eurent neuf tués sur le terrain et onze blessés grièvement dont deux décédèrent.
(Documentation d’ensemble de P. Péré).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245552, notice Estang (Gers), le 3 juillet 1944. par Jacques Fitan, version mise en ligne le 10 février 2022, dernière modification le 26 mars 2022.

Par Jacques Fitan

SOURCES : Amicale des anciens volontaires du Bataillon de l’Armagnac, Le Bataillon de Guérilla de l’Armagnac, 158e RI, ed.CTR — Jacques Fitan, Communes du département du Gers, Tome II, Auch, 2004. — Pierre Péré, Notes et Familles juives dans le Gers, SAG, Auch,2008— Jacques Lasserre, Le Bataillon de l’Armagnac, Ed. Privat, 2018.

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