SIMON Henri

Par Hugues Lenoir

Né le 25 novembre 1922 à Rozay-en-Brie (Seine et Marne) ; employé, technicien juridique en assurance vie ; militant de la CGT écarté vers 1954 ; membre de « Socialisme ou barbarie » ; un des fondateurs de « Informations Liaisons Ouvrières » puis de « Informations et Correspondances Ouvrières ».

Henri Simon pendant les Chroniques syndicales de Radio Libertaire en 2008
Henri Simon pendant les Chroniques syndicales de Radio Libertaire en 2008

Henri Simon était fils de Pourlier Claire, née 24 décembre 1890, décédée en 1969 Paris (VIIe), institutrice et de Simon Maxime, né le 11 mai 1884, décédé en 1969 Rozay-en-Brie (Seine-et-Marne), artisan charpentier-menuisier. Son milieu familial fut l’une des causes de son engagement social ultérieur. Son grand-père paternel était libre penseur, certainement franc-maçon. Son père était socialiste ; il eut des responsabilités dans des associations locales et il fut brièvement adjoint au maire en 1946. Quant à sa mère, elle fut très active localement mais refusant toute inféodation politique. En tant que militante « individuelle » elle a été très engagée dans toutes les solidarités locales personnelles ou collectives en collectant par exemple des habits et denrées pour le camp républicain espagnol en 1936-1939 ou en donnant des cours gratuits d’alphabétisation à des immigrants agricoles polonais ou hollandais. Henri Simon souligne toutefois : « que malgré tout cet arrière plan familial, les cinq frères et sœurs de la famille ont dû subir toute la formation catholique, condition nécessaire pour que mon père trouve du travail étant donné la domination de la classe des fermiers liée à l’Église dans l’économie et la politique locale. Cette contradiction apparente entre les opinions de mes parents et leur pratique dont j’avais bien conscience alors a certainement contribué à l’orientation de ma sensibilité politique et sociale ».

Henri Simon vécut à Rozay-en-Brie de 1922 à 1945 coupé d’une année à Paris (1939-1940), six mois dans le Cantal (1940) et six mois dans les Alpes (1941), ensuite à Dammarie-Les-Lys (Seine et Marne) et Paris de 1945 à 1977. Enfin à Londres (Grande Bretagne) et Paris de 1977 à 1991 avant son retour définitif à Paris où il vit depuis. Suite à deux unions, il est père de quatre enfants.
Après une primaire supérieure où il obtint un brevet élémentaire au cours complémentaire à Tournan-en-Brie) et des études de chimie interrompues par la maladie et la guerre, il reprit ses études secondaires par correspondance et obtint un baccalauréat lettres et maths en 1944. Toujours par correspondance, il poursuivit des études supérieures jusqu’à une licence en droit (Paris, faculté de droit, 1949), puis il suivit les cours de l’école nationale d’assurance et, séparément, des études d’anglais.

Professionnellement, Henri Simon fut tout d’abord manœuvre dans une râperie (première étape de la fabrication du sucre de betterave) fin 1939, puis il fut embauché comme technicien juridique en assurance vie aux Assurances Générales de France (1945-1971). En 1972, après une année de chômage, il rentra comme technicien juridique chez Trapil, une société d’économie mixte gérant les pipelines de France (1972-1976). De 1977 jusqu’à sa retraite en 1982, il fut demandeur d’emploi.

En même temps que son engagement politique, Henri Simon s’engagea dans la lutte syndicale. Dès 1945, il fut secrétaire de la section CGT AGVIE puis délégué syndical au comité d’entreprise (1945-1953).
En 1947, il resta à la CGT, non par adhésion à « la ligne stalinienne » mais par réaction contre la manière dont la scission se passait dans les faits. Pour épouser « les impératifs soviétiques dans la guerre froide », la CGT laissait alors « carte blanche au militantisme de boîte », ce qui permettait non seulement de reconstruire les sections mais surtout d’avoir une large base active. Mais à la mort de Staline un revirement s’amorça à ses yeux : « ce n’est plus la guerre de classes mais de nouveau dans les faits, sinon dans la forme la collaboration de classes ». Le refus de se plier à cette orientation entraîna son expulsion de la CGT et pratiquement la dissolution de la section syndicale d’AGVIE. Après son expulsion de la CGT, il participa à des activités péri syndicales avec l’animation d’un comité de lutte d’entreprise (1955-1956) et à un bulletin d’entreprise qui étaient l’émanation d’un groupe informel d’opposition aux trois principaux syndicats et à leurs pratiques « clientélistes » de 1956 à 1971. En 1971, il fut licencié pour « faute grave » suite à l’occupation et à la séquestration du comité d’entreprise des AGF qui devait décider, suite à des fusions d’entreprises d’assurances nationalisées d’une harmonisation de statuts par le bas.

En France, son parcours militant commença par son engagement dans un groupe de résistants FFI de Rozay-en-Brie (1943-1944) et son implication en 1944 au Comité local de Libération de Rozay dont il fut secrétaire. En 1944-1945, il anima dans la même ville un groupe de jeunes plus ou moins lié au Front National, alors dominé par le PCF, dont il était proche mais le PCF ne sollicita jamais son adhésion car le jugeant probablement trop indépendant. À cette époque, Henri Simon d’ailleurs doutait déjà sur ce que représentait réellement l’URSS. Un jeune de son âge qui avait été trotskiste, lui fit découvrir Socialisme ou Barbarie. Militant également à la section CGT des Assurances Générales, il n’eut en fait aucun mal à lui faire adopter ses idées sur l’URSS. En 1953, il adhéra formellement à Socialisme ou Barbarie où il demeura jusqu’en 1958.

Départ qu’Henri Simon explique ainsi : « SB qui avant 1958 était un groupe très réduit connaissait pourtant une division, objet seulement de débats théoriques sur la conception de l’organisation révolutionnaire, soit un parti centralisé, soit une fédération de groupes autonomes. Lors du coup d’État gaulliste en mai-juin 1958, l’afflux de nouveaux membres et l’idée courante que des réactions ouvrières nécessiteraient une organisation, firent que cette question d’organisation devint une question pratique : minoritaires, « les opposants au parti centralisé furent poussés vers la sortie ». Il fonda alors avec Claude Lefort ILO (Informations Liaisons Ouvrières), essentiellement composé d’universitaires et d’étudiants se donnant pour tâche d’impulser et de soutenir des groupes autonomes d’entreprise. Mais parallèlement, suite à des tentatives infructueuses de regroupement d’oppositions syndicales d’entreprises en juin 1958 se constitua à la fin de cette année, un Regroupement Inter-entreprise formé uniquement de travailleurs échangeant leurs expériences de luttes, lié à ILO mais gardant une autonomie par rapport à cette structure.

La fin de la guerre d’Algérie en 1962 marque la fin du groupe ILO alors que le Regroupement survit en prenant le nom d’ICO (Informations et Correspondances Ouvrières) entre 1962 et 1975. Pendant cette « sale guerre », Henri Simon participa à de nombreuses manifestations.
Lors les évènement de Mai 68, « le groupe ICO, déclare-t-il, s’était refusé à donner une consigne quelconque sauf à dire que chacun sur son lieu de travail devait s’efforcer de faire l’impossible pour l’expression la plus large de la base dans toutes les décisions. Ce qui fut fait, parfois dans des conditions difficiles vue l’opposition ouverte ou pas des syndicats et pas seulement de la CGT. Personnellement, j’ai suivi cette voie là où je bossais (AGF). Mais je n’étais pas seul et l’influence du groupe informel de lutte s’accrut sensiblement. Après la grève, le rapport de force était tel que pratiquement les relations syndicat-direction ne pouvaient plus prendre leur cours normal de régulation. D’où la nécessité d’un coup d’arrêt avec une menace de près de 70 licenciements qui se réduisit à deux, dont moi ».

Durant ses séjours en Grande Bretagne entre 1977 et 1991, il développa des contacts préexistants avec le groupe britannique Solidarity (groupe proche de Socialisme ou Barbarie), le milieu squat et certains courants anarchistes (Stuart Christie). Il participa alors au London Workers Group (groupe ouvrier londonien) et à un éphémère groupe communiste de conseil.

Depuis 1975, tout en reconnaissant la filiation avec le communisme de conseil, mais en laissant ouverte la question de savoir si cette forme d’organisation révolutionnaire et d’une société communiste est toujours adéquate aux structures actuelles du capitalisme et aux modes d’organisation du travail, Henri Simon participa aux activités d’Échanges et à la publication de son bulletin. Il édita régulièrement un quatre pages gratuit Dans le monde une classe en lutte et il participa aux "Chroniques syndicales" sur Radio libertaire. Henri Simon publia de nombreux articles dans plusieurs revues, comme par exemple sur les grèves de 1955 et sur le Conseil du personnel des AG Vie dans Socialisme ou Barbarie n° 18 et n°20 et donna fréquemment des interviews comme celui à Anti-Mythes n° 6 en décembre 1974 intitulé « De la scission avec Socialisme ou Barbarie à la rupture avec ICO » (entretien avec H. Simon).

Lecteur assidu de la presse ouvrière internationale, il était un analyste averti des mouvements sociaux dans le monde, et particulièrement dans le monde anglo-saxon.

En décembre 2019, âgé de 97 ans, il participait encore à une manifestation à Paris, contre le projet de réforme des retraites du gouvernement Macron.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24556, notice SIMON Henri par Hugues Lenoir, version mise en ligne le 14 février 2009, dernière modification le 25 février 2022.

Par Hugues Lenoir

Henri Simon pendant les Chroniques syndicales de Radio Libertaire en 2008
Henri Simon pendant les Chroniques syndicales de Radio Libertaire en 2008

ŒUVRE (sélection) :
Articles : "ICO, un point de vue", à compte d’auteur, 1973. — "Le Nouveau Mouvement", Échanges, hors série, 1975. — "Le 25 juin 1976 en Pologne", Echanges, 1977. — "ICO et l’IS , retour sur les relations entre ICO et l’Internationale Situationniste", Echanges, hors série, octobre 2006.
Ouvrages : Pologne 1980-1981 , Lutte de classe et crise du capital, Spartacus, Paris, juin-juillet 1982. — « To the bitter end » Grève des mineurs en Grande-Bretagne, (mars 1984-mars 1985), La Bussière, Editions Acratie,1987.

SOURCES : Fonds Henri Simon, La Contemporaine, inventaire en ligne. — Presse militante. — Témoignage d’Henri Simon. — H. Simon parle dans le documentaire radio « Benno : Histoire d’un silence », consacré à Benno Sternberg (dit Benno Sarel), par Alice Sternberg, Inès Léraud et Dimitri Burdzelian, diffusé sur France Culture en 2015. — Elodie Soulié, « Paris : l’immeuble se déchire pour Jean », Le Parisien, 27 septembre 2021.

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