Les fusillés rémois de décembre 1941 et janvier 1942

Par Jean-Pierre et Jocelyne Husson

Jeune caviste salarié de la maison de champagne Heidsieck-Monopole, Marcel Chatton est le premier Rémois qui a été fusillé après avoir été condamné à mort par le tribunal militaire allemand de Châlons-sur-Marne.

Il a été arrêté le 19 septembre 1941 par la Police française aux ordres du gouvernement de Vichy pour détention et transport de tracts communistes. Une enquête diligentée par le préfet de Vichy, René Bousquet, suite à des distributions de tracts dans les maisons de champagne de Reims, avait permis de remonter jusqu’à Marcel Chatton dont le domicile avait été perquisitionné. La Police française y avait découvert un tract intitulé « « Brisons l’arme de l’antisémitisme », signé « Le Parti communiste français-SFIC », et une feuille vierge portant en entête la mention imprimée « Comité départemental du Front national de lutte pour l’indépendance de la France », mouvement de résistance créé en mai 1941 dans la mouvance du Parti communiste.
Le 27 septembre 1941, André Crépin, lui aussi caviste chez Heidsieck-Monopole, rédacteur en chef avant-guerre de l’hebdomadaire du PCF La Champagne ouvrière et paysanne qu’il continuait à diffuser clandestinement sous l’Occupation, a été arrêté à Troyes et ramené dans la Marne. Le 6 novembre 1941 deux autres cavistes, Georges Dardenne et Édouard Quentin, ont été arrêtés. Ils avaient été dénoncés par André Denis, membre de la Ligue française, parti collaborationniste, qui les accusait d’avoir distribué sur leur lieu de travail des tracts se faisant l’écho d’un appel lancé par le général de Gaulle sur les ondes de la BBC fin octobre et appelant à un arrêt de travail de cinq minutes sur le tas le 11 novembre. André Denis, accompagné du
chef départemental de la Ligue française, André Philibert, s’était rendu auprès de la Police allemande, qui les avait renvoyés au commissariat central de Reims où Denis avait réitéré ses accusations. Alertée par Philibert venu dénoncer l’inertie de la Police française sur cette affaire, la Police allemande se fit livrer Marcel Chatton, André Crépin, Georges Dardenne et Édouard Quentin qui ont été déférés le 17 décembre 1941 devant le tribunal militaire allemand de Châlons-sur-Marne.
André Crépin, père de sept jeunes enfants, a été acquitté. Remis aux autorités françaises, il a été incarcéré à la prison de Châlons-sur-Marne, puis interné à Compiègne et déporté le 6 juillet 1942 comme politique à Auschwitz (matricule 45 411). Il y est décédé le 19 septembre 1942.
Marcel Chatton, âgé de 21 ans, a été condamné à mort « pour distribution de tracts » et a été fusillé le 23 décembre 1941 dans la cour de la caserne Tirlet de Châlons-sur-Marne.
Georges Dardenne, 22 ans et Édouard Quentin, 21 ans, ont été condamnés aux travaux forcés à perpétuité et fusillés comme otages le 13 janvier 1942 également dans la cour de la caserne Tirlet.
Les corps de Marcel Chatton et de son camarade Édouard Quentin ont été ramenés après la guerre au cimetière du Sud de Reims où ils reposent dans la même sépulture.
Les fusillés rémois de décembre 1941 et de janvier 1942 figurent sur la stèle
commémorative érigée au pied de la Butte des fusillés à L’Épine. Cette plaque honore la mémoire des quarante-neuf fusillés après condamnation à mort qui ont été exécutés de 1941 à 1944 à Châlons-sur-Marne puis à L’Épine.
À Reims, leurs noms sont gravés sur le monument aux martyrs de la Résistance et sur une stèle apposée à la Bourse du travail, aujourd’hui Maison régionale des syndicats, boulevard de la paix.
En 1947, la Ville de Reims a fait apposer des plaques commémoratives aux domiciles de Marcel Chatton 20, rue de la Cerisaie, d’Édouard Quentin 45, rue Fléchambault et de Georges Dardenne 6, rue Favart d’Herbigny. Les maisons où étaient domiciliés Marcel Chatton et Édouard Quentin ayant été détruites, les plaques commémoratives qui leur étaient dédiées ont été transférées dans le square des victimes de la Gestapo 18, rue Jeanne d’Arc.
Une rue du quartier Croix-Rouge porte le nom de Marcel Chatton depuis 1971.
Une allée du quartier des Épinettes porte le nom de Georges Dardenne depuis 1973.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245569, notice Les fusillés rémois de décembre 1941 et janvier 1942 par Jean-Pierre et Jocelyne Husson, version mise en ligne le 11 février 2022, dernière modification le 11 février 2022.

Par Jean-Pierre et Jocelyne Husson

À Reims le 23 décembre 2021, à l’occasion du 80e anniversaire de l’exécution de Marcel Chatton, Dimitri Oudin, conseiller municipal en charge de la
mémoire, représentant du maire de Reims Arnaud Robinet, Mario Rossi, Vice-Président de la communauté urbaine du Grand Reims et Vice-Président du conseil départemental de la Marne, ainsi que Valérie Beauvais, députée de la Marne, ont déposé au cimetière du Sud une gerbe sur la sépulture du premier fusillé rémois, victime de la répression nazie.

SOURCES : Jean-Pierre et Jocelyne Husson, La Résistance dans la Marne, dvd-rom, AERI-Fondation de la Résistance et CRDP de Reims, 2013 . — Les Fusillés 1940-1944, (notices des fusillés Marnais), Les Éditions de l’Atelier, 2015. —[https://pedagogie.ac.reims.fr/memoire/enseigner/memoire_fusilles/menu_fusilles.html]. —
- Site Maitron des Fusillés-exécutés , [https://fusilles-40-44.maitron.fr/]
[https://maitron.fr/spip.php?article105241]
[https://maitron.fr/spip.php?article142468]
[https://maitron.fr/spip.php?article157457]
[https://maitron.fr/spip.php?article224764]
[https://maitron.fr/spip.php?article175771]

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