PEÑA HERNANDO Mariano, Leoncio

Par Camille Lefebvre

Né le 11 septembre 1918 à Santa María de Nieva (province de Ségovie, Espagne), mort le 30 août 1999 à Clamart (Hauts-de-Seine) ; combattant républicain espagnol, résistant, militant du Parti communiste espagnol.

Mariano Peña Hernando en novembre 1942, lors de son arrestation

Le père de Mariano Peña apparaît comme ouvrier à sa naissance, mais aurait aussi exercé comme croupier au casino, les week-ends et plus tard comme vendeur d’appartement et comme fonctionnaire. Au début des années 1930, la famille vint s’établir à Madrid où le jeune Mariano fut scolarisé dans une école religieuse. Alors qu’il était étudiant en commerce, Mariano Peña Hernando commença à militer en 1934 à la Fédération estudiantine scolaire (FUE). Lorsque la guerre d’Espagne éclata, il vivait à Madrid et travaillait à la radio du Frente de la Juventud, en tant que sympathisant de la Jeunesses socialistes unifiées (JSU), organisation qui regroupait les jeunes socialistes et communistes. Par ailleurs il avait été chargé par les communistes de lancer le journal Alerta. À la fin de l’année 1936, il s’enrôla dans le corps d’artillerie dans la 46e division, celle d’El Campesino à Alcalá de Henares où il devint commissaire politique. Après la défaite de la bataille de Catalogne, le 9 février 1939, Mariano Peña Hernando franchit la frontière française, en tant que soldat, au moment de la Retirada. Il fut interné avec près d’un demi-million d’autres combattants et civils dans les camps de concentration, à Saint Cyprien (Pyrénées-Orientales) et Argelès (Pyrénées-Orientales). Il fut ensuite enrôlé de force dans une compagnie de travail, la 19e CTE, puis dans la 218e compagnie de GTE basé à Vernet-les-Bains (Pyrénées-Orientales). Lors d’un second passage dans le camp d’Argelès, il rejoignit le Parti communiste espagnol (PCE). Durant l’été 1940, les dirigeants communistes Carmen de Pedro, Jesus Monzón et Manuel Azcárate firent une tournée en France auprès des différents groupes d’anciens combattants républicains dispersés en province, afin de réorganiser le PCE, dont les membres de la direction étaient alors tous partis à l’étranger, notamment en Union soviétique et au Mexique. Selon plusieurs cadres du PCE, notamment Sixto Agudo, lors d’une réunion à Argelès à l’automne 1940, auquel participa Mariano Peña, plusieurs anciens cadres communistes décidèrent d’entrer en résistance de leur propre initiative.

C’est à Bordeaux (Gironde) où ils étaient internés depuis le printemps 1941 à l’OT Lager Otto Weddigen, le camp de travail localisé dans la caserne Niel, que Mariano Peña et ses camarades (Luis Alberto Quesada, Esteban, Sebastián Abarca Pérez, Juan Sanz, Juan Arhancet, Laureano González Suárez, Carlos Guano Moretti, Alfonso Cámara, Fontisselli, Estévez Miretti, el galleguito, José Rueda Sepúlveda) commencèrent leurs actions par des opérations de sabotage sur les chantiers du mur de l’Atlantique. Manuel Azcárate, entré à ce moment en clandestinité, dirigeait alors le PCE en zone occupée et négocia avec Louis Gronowski, membre de la direction centrale de la MOI, l’entrée des communistes espagnols de Bordeaux dans la lutte armée avec le droit d’agir pour leur propre compte. À la mi-avril 1942, leur groupe mena une première action armée contre un officier nazi à Bordeaux. Mariano Peña disait avoir ensuite participé à différentes actions clandestines armées : l’attaque d’un soldat allemand en novembre 1941, puis de plusieurs d’entre eux en mars-avril 1942, la destruction d’un magasin de ravitaillement allemand (gare Saint-Jean) et l’attaque d’une voiture allemande qui fit quatre morts. Les guérilleros espagnols, comme ils se désignaient, continuaient aussi à mener des actions de sabotage de matériel sur le chantier de la base sous-marine, faisant sauter les marteaux pilons, qui permettaient d’enfoncer les fondations de l’édifice.

Alors que lui et les autres internés travailleurs furent transférés par l’organisation Todt vers les îles Jersey et Guernesey, Mariano Peña put s’enfuir et entrer en clandestinité, rejoignant La Rochelle (Charente-Maritime) comme responsable de l’organisation de groupes de résistance et sabotage pour le Sud-Ouest. Mais le 24 juin 1942, eut lieu une série d’arrestations au sein du groupe des communistes clandestins espagnols opérant dans la région parisienne. Les chefs des résistants espagnols demandèrent alors aux combattants de province de monter dans la capitale pour renforcer les effectifs. Mariano Peña y arriva en tant que responsable de la Jeunesse socialiste unifiée de la zone occupée, avec un groupe de combattants. De mars à octobre, ce groupe exécuta sept attentats contre des officiers allemands, selon la liste établie après-guerre par le général Ilic, responsable des FTP-MOI. Pendant cette période, Mariano Peña assura aussi des tournées de recrutement dans les régions de Rouen et Évreux pour inciter de jeunes militants du PCE et de la JSU à rejoindre les groupes FTP-groupes espagnols.

C’est au retour d’une de ces missions qu’il fut arrêté, le 19 octobre 1942 dans une souricière organisée par la police française au 14 passage des Fours à chaux à Paris (XIXe arr.). L’ensemble de leur groupe était en effet surveillé et traqué depuis plusieurs semaines par la 3e section des RG, spécialisée dans la surveillance des étrangers, qui avait identifié une de leur planque dans ce passage en suivant notamment Francisco Perramon. Tandis qu’à la suite de l’attentat de la rue Raffet (XVIe arr.) contre le Parti populaire français du 30 septembre 1942 et l’incarcération de plusieurs résistants espagnols, les brigades spéciales anticommunistes de la PJ avaient aussi repéré leur groupe et avaient de même identifié la planque à partir d’un document trouvé sur Domingo Tejero. Au moment de son arrestation, les policiers tirèrent plusieurs balles sur Mariano Peña qui fut emmené à l’Hôtel-Dieu après avoir signé sa déposition. Aidé par un médecin il réussit alors à se soustraire à la surveillance des policiers et à s’enfuir de la salle Landry. Il racontait avoir pris le métro, blessé, dans sa blouse d’hôpital, dans un Paris quadrillé par les forces de répression et avoir rejoint une planque qu’il connaissait. Ses camarades l’amenèrent se faire soigner chez Hector Descomps , fondateur du comité médical de la Résistance, qui témoigna, en 1970, l’avoir reçu pour son dossier de demande de pension.

En novembre 1942, un nouveau coup de filet de la police française visa le groupe des Espagnols, et en particulier José Miret-Muste , Montero, Alvarez et quelques autres. Toute la direction du PCE en France fut arrêtée et leurs documents saisis. Dans ce contexte et avec le basculement du conflit mondial, Carmen de Pedro (pseudo Maria Luisa), Jesús Monzón, et Jaime Nieto – décidèrent un redéploiement en Espagne afin de transférer hommes et matériel vers les maquis de l’intérieur du pays, dans le but d’organiser les groupes dispersés pour former des groupes de guérilla. Dans cet objectif, plusieurs militants furent désignés, en décembre 1942, Quesada, Abarca, Sastre, Trilita et Peña traversèrent la frontière à pied et se sont dirigèrent chacun vers une ville dans laquelle ils furent chargés procéder à des recrutements et d’organiser des unités combattantes. Mais au sein de leur groupe figurait un agent double qui travaillait en réalité pour la Gestapo, Laureano Fernandez Suarez, alias Trilita, qui une fois arrivés les dénonça tous auprès de la police franquiste qui les arrêta un à un. Tout leur groupe fut condamné à mort par un tribunal militaire (Carreras, Quesada, Abarca, Calixto Perez, Monclus, Solanz, Paz Azati, Revilla, Castillejos et Peña), mais leur peine fut ensuite commuée en vingt ou trente ans de prison par la justice civile.

Suite à une série de recours en grâce, Mariano Peña fut libéré le 8 juin 1950. À sa sortie, la direction du PCE en exil l’envoya chercher et le fit entrer clandestinement en France. Dans le contexte de guerre froide et suite aux pressions de Franco, le ministère de l’Intérieur français avait interdit les mouvements et les publications communistes liés à l’Espagne et avait lancé en septembre 1950 l’opération « Boléro-Paprika ». La direction du PCE en France vivait parallèlement un moment stalinien. La ligne de Monzón était désormais considérée par Santiago Carillo, devenu l’homme fort du parti, comme « aventuriste » et ceux qui avaient été ses partisans furent alors mis à l’écart, exclus, voire éliminés. Mariano Peña fut dont soumis à son arrivée à une série d’interrogatoires et contraint de rédiger son autocritique. Après un an de résidence forcée, les dirigeants du PCE le considérèrent comme sûr, l’installèrent chez Nicole Martin et le chargèrent de faire la liaison avec les résistants en Espagne. Après deux ans d’allers-retours clandestins et alors qu’il avait manqué d’être de nouveau arrêté, il demanda à ne plus retourner en Espagne et fut chargé par la direction du PCE de rédiger un bulletin clandestin puis de diriger la maison d’édition du PCE, Ebro.

Mariano Peña resta clandestin jusqu’à la mort de Franco en 1975, vivant à Clamart à partir de 1953, sous le nom d’Antoine Lefebvre, adoptant le nom de famille de sa compagne, Simone Lefebvre, institutrice, sœur de Paulette Lefebvre (voir Paulette Michaut). Le couple eut deux fils, nés en 1954 et 1955, qui prirent également le nom de leur mère.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245684, notice PEÑA HERNANDO Mariano, Leoncio par Camille Lefebvre, version mise en ligne le 15 février 2022, dernière modification le 3 mars 2022.

Par Camille Lefebvre

Mariano Peña Hernando en novembre 1942, lors de son arrestation

SOURCES : Attestation du liquidateur du Front national, M. Mugnier, certifié sur l’honneur ref. 34003, le 13 mai 1958. — SHD, GR16P464719, dossier de Mariano Hernando Peña. — Arch. Nat. Z/6/NL/564, dossier 13717 ; Z/4/91, dossier 610. — Arch. P.Po 77W2052-118698, dossier attentat de la rue Raffet ; GB 185, vues 483-484, fiche individuelle. — Archivo Histórico del Partido Comunista de España, Autobiografía de Mariano Peña Hernando, Represion franquista, jacq. 320. — Camille Lefebvre, A l’ombre de l’histoire des autres, Paris, Editions EHESS, 2022. — Agudo Sixto, En la “Resistencia” francesa, Saragosse, Anubar, 1985. — Association des retraités espagnols et européens de la Gironde, Des Espagnols dans la Résistance à Bordeaux et dans sa région, Bordeaux, Éditions de l’Entre-deux-Mers, 2009. — Azcárate Manuel, Derrotas y esperanzas. La república, la guerra civil y la resistencia, Barcelone, Tusquets, 1994. — Berlière Jean-Marc et Liaigre Franck, Le sang des communistes. Les bataillons de la jeunesse dans la lutte armée, automne 1941, Paris, Fayard, 2004. — Farreny del Bosque Henri, Le sang des Espagnols. Mourir à Paris, Paris, Espagne au coeur, 2019.

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