BUISSON Ferdinand, Édouard

Par Martine Brunet

Né le 20 décembre 1841 à Paris, mort le 16 février 1932 à Thieuloy-Saint-Antoine (Oise) ; philosophe, pédagogue, directeur du Dictionnaire de la pédagogie, aidé par James Guillaume ; en relation avec des membres de l’Internationale ; dreyfusard, l’un des créateurs et présidents de la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen ; prix Nobel de la Paix en 1927.

Ferdinand Buisson
Ferdinand Buisson

Fils d’un juge au tribunal de Saint-Étienne (Loire), Ferdinand Buisson commença des études secondaires qu’il dut interrompre à seize ans à la mort de son père. Il partit avec sa mère et son frère Benjamin pour Paris. En donnant des leçons aux riches familles protestantes de Paris, il subvint aux besoins de sa famille et poursuivit ses études par ses propres moyens. Ayant passé l’agrégation de philosophie en 1865, « républicain irréconciliable », il préféra s’exiler plutôt que de prêter le serment que l’Empire exigeait.

Établi en Suisse, il obtint une chaire de philosophie à Neuchâtel où il enseigna jusqu’en 1870 et milita en faveur des idées de paix et de liberté, participant aux premiers congrès de la Ligue de la paix et de la Liberté, à Berne en 1868 à Genève en 1867, à Lausanne en 1869.

En avril 1868 il fait paraître dans le journal Les États-Unis d’Europe un article au titre qui résume bien ses futures actions « L’abolition de la guerre par l’instruction ». Protestant libéral il fait des conférences dont une retentissante sur « Une réforme urgente dans l’instruction primaire » en décembre 1868 où il préconise de ne plus enseigner l’histoire sainte dans les écoles ; il milite aussi pour la séparation de l’Église et de l’État. C’est en 1868 qu’il rencontra James Guillaume, le fondateur de la section suisse de l’AIT. Une amitié sans faille les unira jusqu’à la mort de James Guillaume en 1916.

En 1869 paraît Le Manifeste du Christianisme libéral qui s’adresse à tous, même aux athées. Rentré en France dès la déclaration de la République, il créa dans le XVIIe arr. un orphelinat sous l’égide de l’AIT. Avec son frère Benjamin Buisson (sympathisant ou militant de l’Internationale), Élie Reclus et Élisée Reclus, Benoît Malon, Aristide Rey, etc., il figura au nombre des collaborateurs de La République des Travailleurs, éphémère hebdomadaire de la section parisienne Batignolles et Ternes de l’Internationale. Cet orphelinat fut le premier orphelinat laïque et aussi le premier orphelinat où Ferdinand Buisson voulut donner une instruction intégrale aux enfants sans séparation des sexes. Il partit chercher en février James Guillaume pour qu’il devienne l’instituteur de son orphelinat et fut absent de Paris durant la Commune. Pour des raisons personnelles Guillaume ne put venir à son grand regret. Il fut absent de Paris jusqu’au 10 avril 1871. Selon un rapport de police, Buisson revint à Paris, le 11 novembre 1871, mais cette information est sujette à caution.

En juillet 1871 la nouvelle municipalité du XVIIe arrondissement supprima la subvention à l’orphelinat et Fernand Buisson chercha une solution pour que celui-ci se perpétue. C’est un philanthrope, ancien Saint Simonien, Gabriel-Joseph Prévost qui permettra à Fernand Buisson d’emmener ses orphelins à Cempuis dans l’Oise. En 1882, Fernand Buisson engagea Paul Robin pour diriger Cempuis. Ferdinand Buisson connut Paul Robin par ses écrits et, bien sûr, par James Guillaume. Il l’appréciait beaucoup : « j’ai un candidat hors-ligne » écrivait-il au préfet de Savoie, et il fit tout pour le faire nommer inspecteur de l’enseignement primaire en octobre 1879, puis directeur de l’orphelinat de Cempuis en 1880. Là Paul Robin, sous la protection de Fernand Buisson, directeur de l’Enseignement primaire, mit son expérience d’éducation intégrale en œuvre jusqu’à la campagne de presse honteuse et haineuse contre Cempuis et contre Ferdinand Buisson en 1892. Fernand Buisson donna deux fois sa démission qui fut à chaque refusée et Paul Robin fut révoqué.

Il occupa sous la IIIe République de hautes fonctions comme Directeur de l’Enseignement primaire collaborant avec Jules Ferry, il prépara les textes qui devaient constituer le statut de l’école laïque. En 1876, commença la parution du Dictionnaire de pédagogie dont la cheville ouvrière fut James Guillaume à qui il avait demandé de venir à Paris pour le diriger et dans lequel plusieurs socialistes libertaires participèrent comme les frères Reclus et Paul Robin. En 1911, Ferdinand Buisson fit encore appel à James Guillaume pour diriger une deuxième édition plus courte du Dictionnaire de Pédagogie.

C’est sous les pressions répétées d’Elie Pécaut que Ferdinand Buisson va se convertir à la défense de Dreyfus et aux funérailles de Félix Pécaut, père d’Elie, le 3 août 1898 Ferdinand Buisson se déclara ouvertement dreyfusard. Il fut un des fondateurs de la Ligue des droits de l’Homme et du Citoyen dont il devint président de 1914 à 1926. Il fut nommé en 1896 titulaire de la chaire de Sciences de l’Éducation de la Sorbonne. Député radical-socialiste, de 1902 à 1914, il fut président de la commission parlementaire qui a rédigé le texte de la loi de 1905 (il avait déjà joué un rôle central dans mise en place de la laïcité scolaire). Ferdinand Buisson accumula les présidences d’associations diverses (Ligue de l’Enseignement, Association Nationale des Libres Penseurs, Société de Sociologie, Union de libres-penseurs et de libres croyants pour la culture morale...).

Par son action dans l’éducation Buisson a combattu pour la laïcité, pour le raisonnement scientifique, il a soutenu Paul Robin et l’expérience d’éducation intégrale chère aux socialistes libertaires et il fut un fervent défenseur de la co-éducation des sexes, il a œuvré pour une instruction et une éducation libérées de la religion. Il fut à l’initiative du rapport déposé à la Chambre des députés en 1909 concluant à l’électorat et à l’éligibilité des femmes pour les élections municipales. Il obtint le prix Nobel de la paix en 1927.

Lors de ses obsèques, un seul discours fut autorisé, celui d’Émile Glay, à la fois son disciple et le cofondateur du Syndicat national des instituteurs.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24585, notice BUISSON Ferdinand, Édouard par Martine Brunet, version mise en ligne le 16 février 2009, dernière modification le 23 novembre 2022.

Par Martine Brunet

Ferdinand Buisson
Ferdinand Buisson

ŒUVRE : Sébastien Castellion, sa vie, son œuvre, Hachette, Paris, 1892, 2 tomes
— La Religion, la Morale et la Science, quatre conférences, Fischbacher, Paris, 1900. — Libre Pensée et protestantisme libéral, quatre lettres au Protestant et réponses de Charles Wagner, Fischbacher, Paris, 1903. — Souvenirs 1866-1916, Fischbacher, 1916.

SOURCES : Dictionnaire de biographie française, Prévost, Roman d’Amat. — Bernard Deljarrie, Bernard Wallon, Ligue des droits de l’Homme. Un combat dans le siècle, Paris, LDH-EDI (Études et Documentations Internationales-Ligue des droits de l’Homme), 1988. — James Guillaume, L’Histoire de l’Internationale, qui a pour sous-titre : Documents et souvenirs, 1905, Tome I, 1re partie, chap. XII, le mouvement du « protestantisme libéral » : 1ère conférence de Ferdinand Buisson au Locle (16 déc.) p. 95-100. Et 1905, tome I, 2e partie, chap. III, Seconde conférence de Ferdinand Buisson, p. 121-128.
Thèses : G. W. Chase, Ferdinand Buisson : a study of laïcité in the third Republic, 1870-1914, Université de Toronto, 1977. — Mireille Gueissaz-Peyre, L’image énigmatique de Ferdinand Buisson. La vocation républicaine d’un Saint puritain, Paris 7- Denis Diderot, 1998. — Patrick Cabanel, Protestantisme, République et laïcité en France (1860 – 1910), Paris IV, 1999. — Samuël Tomei, Ferdinand Buisson (1841-1932), protestantisme libéral, foi laïque et radical-socialisme, ANRT, 2004.
Bibliographie : Ernest Roussel, La Vie et l’œuvre de Ferdinand Buisson, Société d’enseignement populaire de l’Hérault, 1931. — Pierre Nora, « Le Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson », in Les Lieux de mémoire, sous la direction de Pierre Nora, Gallimard Quarto, tome 1, 1997, pp. 327-347. — Laurence Loeffel, Ferdinand Buisson, Hachette, 1999. — Patrick Cabanel, Les Protestants et la République, de 1870 à nos jours, Complexe, 2000. — Patrick Dubois, Le Dictionnaire de Ferdinand Buisson, Berne, Lang, 2002. — Pierre Hayat, « La dialectique de l’école et de la société chez Ferdinand Buisson », in L’Enseignement philosophique, novembre-décembre 2008. — Vincent Peillon, Une religion pour la République : la foi laïque de Ferdinand Buisson, Le Seuil, Paris, 2010. — Martine Brunet, « L’unité d’une vie », in Ferdinand Buisson, souvenirs et autres écrits, Théolib, 2011, pp. 119-170. — Martine Brunet, « Ferdinand Buisson et James Guillaume une histoire d’amitié », revue La Révolution prolétarienne, juin 2012, pp 6-14. — Frédéric Mole, « Ferdinand Buisson, l’institution scolaire et la République sociale », in G. Candar, G. Dreux, C. Laval (dir.), Socialismes et éducation au XIXe siècle, Lormont, Le Bord de l’eau, 2018.

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