LE GALL Jean-Marie [LE GALL Jean, Marie, dit]

Par Jean-Yves Michel, François Prigent, complété par Renaud Poulain-Argiolas

Né le 21 septembre 1907 à Plounévézel (Finistère), mort en déportation le 30 mars 1945 à Watenstedt (Allemagne) ; propriétaire-exploitant ; militant SFIO ; syndicaliste agricole de la Confédération nationale paysanne ; résistant Libération-Nord ; déporté à Neuengamme (Allemagne).

Jean-Marie Le Gall
Jean-Marie Le Gall

Jean, Marie Le Gall vit le jour au hameau de Kerven, dans la commune de Plounévézel, municipalité SFIO dès 1925 avec Pierre-Louis Pinsec. Ses parents étaient Jean-Marie Le Gall (père), né à Plounévézel, cultivateur, et Marie, Anne, née Guéguen, ménagère, originaire de Poullaouen. En 1926, le couple avait trois enfants : Jean-Marie, l’aîné ; Yves, né en 1909 ; Joseph, né en 1911. Jean-Marie Le Gall (fils) était lui aussi cultivateur. Le frère cadet de Jean-Marie père, lui aussi prénommé Yves, vivait avec eux et exerçait la même activité.

Jean-Marie Le Gall, qui avait repris l’exploitation familiale située au 111, Kerivoal, épousa une voisine, Pauline Le Bris, originaire de Carnoët (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), le 21 novembre 1929. Ils eurent ensemble quatre enfants : Annick (née en 1930), Raymond (1931), Geneviève (1933) et Jeannine (1935).
Adhérent à la section socialiste, animée par l’ancien instituteur Jean-Louis Guillemin, Jean-Marie Le Gall fut candidat aux municipales de 1935 (105 voix, 39 % des suffrages). Mais la liste emmené par le maire SFIO Pierre Le Norgant (gros propriétaire agricole) fut entièrement battue par la liste de l’ancien maire radical, allié à la droite. Syndicaliste CNP, il participa dans le sillage de Tanguy-Prigent aux luttes des paysans contre les ventes-saisies, notamment à Poullaouen entre 1933 et 1936.

Ayant hébergé à plusieurs reprises le député de Morlaix, Jean-Marie Le Gall entra en résistance par son intermédiaire dès 1941 au sein de Libération-Nord. Il encouragea ses voisins à être réticents aux réquisitions, recruta des résistants dans la commune et participa à des opérations menées à Huelgoat et sur la presqu’île de Crozon. Sa ferme servit à cacher des armes et à héberger des clandestins. Son frère Yves rejoignit lui aussi Libération-Nord. D’après le témoignage de sa fille Annick soixante ans plus tard, la famille Le Gall accueillit notamment Tanguy-Prigent, recherché par les Allemands. Les enfants et neveux de celui-ci restèrent à leur domicile pendant plusieurs mois, partageant avec eux le sucre, le savon et leurs repas. Pauline Le Gall reprochait à son mari de négliger sa vie familiale. Jean-Marie Le Gall était alors mobilisé à la poudrerie du Pont-de-Buis en tant que père de famille nombreuse. De source familiale, il aurait appris par les gendarmes que la Gestapo le recherchait et quitta la ferme avec sa femme. Leurs enfants restèrent à la maison, mais furent persécutés par les Allemands qui les menaçaient de les priver de leurs provisions et de brûler la maison s’ils fermaient la porte. Les parents faisaient des visites furtives pour s’occuper des bêtes et voir leurs enfants. Le 22 juin 1944, quelques jours après les événements tragiques de Lamprat, un hameau de Plounévézel, la ferme fut encerclée par la Feldgendarmerie d’Huelgoat, suite à une dénonciation. Jean-Marie Le Gall, arrêté, embrassa ses enfants, leur promettant d’être bientôt de retour. Alerté, le secrétaire de mairie, Yves Morvan, lui avait envoyé un messager, qui arriva trop tard sur les lieux.

Il fut emprisonné une nuit à la gendarmerie de Carhaix. Les gendarmes l’auraient prévenu qu’ils allaient laisser la porte ouverte pour lui permettre de s’échapper. Le prisonnier refusa cependant, désirant éviter les représailles contre ses enfants. Conduit à la prison Saint-Charles à Quimper, il fut torturé avant d’être envoyé au camp Margueritte de Rennes. Son frère Yves tenta de le faire libérer en passant par son beau-frère milicien qui ne donna pas suite. Jean-Marie Le Gall fut ensuite affecté au camp de transit de Drancy. Le 15 juillet 1944, il était déporté dans le convoi I. 247 partant de Compiègne à destination de Neuengamme, près de Hambourg, avec 1 522 hommes à son bord. Passant par Metz, Thionville, Trèves (en Allemagne), ils furent ravitaillés en eau et en nourriture le 17 juillet à Coblence, arrivèrent en gare de Hambourg dans la matinée du 18 et furent conduits au camp principal. Jean-Marie Le Gall reçut le matricule 37289. Il fut affecté au Kommando de Bremen-Farge (Basse-Saxe) dans le nord-ouest de l’Allemagne, qui dépendait de la Direction de la construction de la marine allemande pour bâtir l’abri sous-marin « Valentin ». Par la suite on l’envoya au Kommando de Watenstedt-Leinde, au camp de Salzgitter-Watenstedt, annexe de Neuengamme située à deux cents kilomètres au sud de Hambourg. Il y fut employé par les aciéries Stahlwerke Braunschweig à la fabrication de munitions. Le travail épuisant conjugué au manque de nourriture, aux conditions sanitaires déplorables et aux mauvais traitements rendait la mortalité très importante. Jean-Marie Le Gall mourut du typhus et d’épuisement le 30 mars 1945, à l’âge de 37 ans. On l’enterra au cimetière de Jammertal. Le camp allait être évacué le 7 avril.

Pendant sa captivité, son nom fut placé sur une liste socialiste lors des municipales d’avril-mai 1945, Il arriva en tête des suffrages, avec 198 voix, et fut donc nommé maire à titre posthume. À la Libération, sa famille attendit angoissée son retour au nombre des survivants des camps. Il y eut un Jean-Marie Le Gall, mais c’était un cousin du même nom. La mairie ne les informa que plus tard de sa disparition.
Le 11 août 1945, Pauline Le Gall reçut un témoignage de reconnaissance des FFI du Finistère pour « Hébergement et ravitaillement de patriotes traqués. Dépôt d’armes. Mari déporté », signé notamment par le lieutenant-colonel Berthaud, chef départemental des FFI. En novembre 1946, elle se remaria avec un cousin de son époux.

À l’initiative de son ancien instituteur, Jean-Louis Guillemin, le nom de Jean-Marie Le Gall fut donné à l’école de la commune après délibération du conseil municipal le 4 octobre 1946. Au début des années 1950, son corps fut rapatrié à Plounévézel en présence de Tanguy-Prigent, Pierre-Louis Pinsec, maire socialiste de la commune, et Pierre Postollec, maire socialiste de Carhaix.
Par décret du 10 septembre 1955, signé par le président de la République René Coty, Jean-Marie Le Gall devint à titre posthume chevalier de la légion d’honneur, distinction transmise à Pauline Le Gall par Tanguy-Prigent lors d’une cérémonie à la mairie. Toujours en septembre 1955, on lui décerna la médaille de la Résistance (décret du 10 septembre, publié au Journal officiel le 15). Il reçut aussi la Croix de guerre 1939-1945.

Le 24 avril 2005, une plaque fut dévoilée à son nom sur l’école primaire de la commune. La rue principale porte également son nom.

Ce n’est qu’après le décès du cousin qui avait épousé la veuve de Jean-Marie Le Gall, qu’on apprit que celui-là avait été à l’origine de son arrestation. Assez porté sur les filles pendant la guerre, il avait eu une aventure avec une habituée de la Kommandantur. Au cours d’une nuit bien arrosée, il avait été trop bavard au sujet de son cousin.

Jean-Marie Le Gall fut homologué Déportés et internés de la résistance (DIR), FFI en tant que sous-lieutenant et obtint la mention « Mort pour la France ». Les archives du Service historique de la Défense de Caen et de Vincennes possèdent des éléments le concernant.

Son arrière-petit-fils Stéphane Cotty, premier secrétaire du Parti socialiste en Poher, devint maire de Plounévézel lors des élections municipales de 2020.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24595, notice LE GALL Jean-Marie [LE GALL Jean, Marie, dit] par Jean-Yves Michel, François Prigent, complété par Renaud Poulain-Argiolas, version mise en ligne le 17 février 2009, dernière modification le 23 juillet 2022.

Par Jean-Yves Michel, François Prigent, complété par Renaud Poulain-Argiolas

Jean-Marie Le Gall
Jean-Marie Le Gall
Rapatriement du corps de Jean-Marie Le Gall au début des années 1950
Rapatriement du corps de Jean-Marie Le Gall au début des années 1950
De gauche à droite : Pauline Le Gall, sa veuve, Raymond et Annick Le Gall, ses enfants. Pierre-Louis Pinsec, maire de Plounévézel, Tanguy-Prigent. Complètement à droite : Pierre Postollec, maire de Carhaix.

SOURCES : Arch. de l’OURS, dossiers Finistère. — Mairie de Plounévézel. — Arch. Dép. Finistère, État civil de Plounévézel, Naissances, 1907, Acte n°38, 3 E 245/28/9 ; Recensement de la population, Pounévézel, 1926, 6 M 636/5. — SHD Vincennes, GR 16 P 354799 (nc). — SHD Caen, AC 21 P 75576 (nc). — Archives de Guy Cotty. — Le Breton Socialiste (1945-1946). — Article paru dans Le Poher, 20-26 avril 2005. — Articles parus dans Le Télégramme (2005-2020). — Jean-Yves Michel, Religion et politique en Bretagne (1850-1960). Le cas du Poher, Keltic Graphic, 2000. — Livre-Mémorial, Fondation pour la Mémoire de la Déportation. — Propos recueillis auprès de Guy Cotty, son petit-fils (juillet 2022).

ICONOGRAPHIE : Archives de Guy Cotty.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable