DARAGON Marcel, Nicolas, Paul [fils]

Par André Delestre

Né le 7 février 1935 à Abbeville (Somme), mort le 17 juillet 2020 à Eu (Seine-Maritime) ; comptable puis ouvrier verrier ; syndicaliste CGT Verre et céramique ; membre du CE et du CCE ; Union locale ; FNDIRP ; administrateur UIRIC.

Le père de Marcel Daragon travaillait aux Verreries Desjonquères à Mers-les-Bains (Somme). Sa mère mourut. Ce fut sa grand-mère et son père qui l’élevèrent. En 1944, résistant, son père Marcel Daragon fut arrêté, déporté et ne revint pas du camp de Flossenbourg (Allemagne).
À la Libération, il fut confié à sa tante. De 1949 à 1951, Marcel Daragon suivit une formation commerciale au Tréport (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) et obtint le brevet élémentaire professionnel 2e degré de comptabilité. En 1951, il fut embauché à EDF au Tréport, adhéra à la CGT. Quelques mois plus tard, mieux payé, il entra au service comptabilité des Verreries Desjonquères, usine où avait travaillé son père. En 1952, il fut muté au service de la fabrication. Il y fit sa première grève. Syndiqué CGT, il devint vite collecteur et noua ainsi des relations quotidiennes et humaines avec les syndiqués du service dans lequel il travaillait. En 1961, André Dolique, secrétaire du syndicat CGT de l’entreprise, lui proposa de figurer sur la liste des candidats aux élections professionnelles. Il fut délégué du personnel titulaire et entra au Comité d’entreprise comme suppléant, puis au Comité central d’entreprise (CCE). Il en devint le trésorier. Conjointement à ses mandats, il fut, jusqu’en 1994, trésorier du syndicat. Dans l’équipe syndicale, il y avait aussi Marcel Longuent, Raymond Deloison, André Picaud.
En contact permanent avec les travailleurs, Marcel Daragon agissait pour la défense de meilleures conditions de vie et de travail, dans une industrie caractérisée par une activité continue, dans un bruit assourdissant, proche de fours qui dégageaient une forte chaleur, nécessitant une vigilance de tous les instants. Des directions toujours soucieuses de rentabilité tenteront de rogner sur les acquis sociaux. Marcel Daragon vivra et animera quatre conflits importants mémorables.
En 1966, le syndicat comptait 1111 syndiqués, les « quatre as » disent les militants syndicaux. Cette période marqua la vie militante de Marcel Daragon. Ce conflit très « dur » donna lieu à des manifestions de solidarité dans toute la région. Le lock-out de l’usine fut décidé par la direction. Le préfet envoya les gardes mobiles. L’intervention énergique du maire de Mers, Roger Hénocq, pharmacien très respecté, fit reculer la direction. Malgré tout, deux dirigeants syndicaux, Manuel Pirez et Lemaire, furent licenciés. La reprise du travail fut douloureuse.
En 1968, l’Union locale des syndicats CGT augmenta considérablement son influence. De nouvelles bases organisées furent créées. Les salariés et les militants de la verrerie participèrent activement au mouvement. Marcel Daragon fut, chaque matin, aux portes des entreprises. Dans certaines, à l’exemple de Maillard à Incheville, la syndicalisation fut multipliée par deux. Le syndicat y était animé par Alain Longuent. Chez Desjonquères, les revendications satisfaites dès le début du conflit, la grève fut reconduite en solidarité avec les autres salariés.
En 1971, la grève d’une cinquantaine d’ouvriers qui travaillaient dans des ateliers stratégiques de la production bloqua toute l’usine. La grève « bouchon » n’était pas un cas isolé, circonscrite à l’usine de Mers. La réaction violente de la Confédération nationale du patronat français (CNPF) et de Desjonquères, brandissant l’arme du lockout, déclencha une grève générale qui dura trois semaines.
En 1984, une réunion de la commission paritaire sur les salaires n’apportant pas de réponse aux revendications du personnel, la grève générale fut décidée. Des barrières érigées bloquèrent toutes les entrées de l’usine. Le conflit s’installa dans la durée avec, contrairement au passé, un regard bienveillant d’une partie non négligeable de l’encadrement. Le PDG, M Bastien, ancien soixante-huitard, envoyé à Mers pour négocier, arriva les poches vides. Il fut retenu dans les bureaux de la direction locale jusqu’à minuit. Une compagnie de CRS eut l’ordre de déblayer le terrain. Le commissaire de police du Tréport, les maires de Mers et du Tréport, intervinrent et évitèrent la charge des CRS contre les grévistes. Les militants de la CGT firent part de nombreuses plaintes auprès du procureur. À chaque tentative des militants syndicaux d’ouvrir une médiation, la direction manœuvra pour fermer les portes. Démocratiquement menée avec la participation active des syndiqués, l’action déboucha sur un renforcement de l’audience de la CGT lors des élections professionnelles dans toutes les catégories du personnel.
En 1963, il fut mandaté au 31e congrès confédéral à Ivry-sur-Seine, découvrant un orateur hors pair, Benoit Frachon. Il fut ébloui du spectacle donné à l’attention des congressistes, Carmen de Bizet, à l’opéra Garnier.
En 1971, il accueillit le congrès de la fédération CGT du verre à Mers-les-Bains.
Il fut membre du bureau de l’Union locale CGT d’Eu Le Tréport et membre de la commission exécutive de l’Union fédérale des retraités (UFR-CGT), Verre et Céramique. En 1995, il fut élu secrétaire de la section des retraités CGT de SGD.
En 2003, il présida la section des trois villes sœurs, Eu, Le Tréport et Mers-les-Bains et inter-cantonale de la Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes (FNDIRP). Par devoir de mémoire, il intervint auprès des jeunes générations. Il participait à toutes les commémorations et manifestations patriotiques.
Il fut administrateur de l’Union Interprofessionnelle de retraite de l’industrie et du commerce (UIRIC), la complémentaire santé des verriers.
Sportif, il fut entraîneur d’une équipe de football.
Marcel Daragon observait l’activité du Front National avec inquiétude. « Le FN c’est Pétain » disait-il, et condamnait la politique de Sarkozy qui, selon lui, contribuait à développer le cancer du racisme. Il resta persuadé qu’il n’y a aucune fatalité au malheur.
Il eut un fils Philippe, né en 1957. Lors de sa disparition, un hommage lui fut rendu lors du conseil municipal du Tréport. Une cérémonie eut lieu sur la place Marcel Daragon, son père, le 20 juillet 2020.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245958, notice DARAGON Marcel, Nicolas, Paul [fils] par André Delestre, version mise en ligne le 2 mars 2022, dernière modification le 2 mars 2022.

Par André Delestre

SOURCES : Archives municipales du Tréport. — Jacques Defortescu, Le fil rouge , n° 41, Revue de l’Institut d’histoire sociale de la CGT de Seine-Maritime . — État civil.

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