SOUVERAIN Arthur, Auguste, Parfait

Par Marc Geniez

Né le 10 juillet 1858 à Camps-en-Amiénois (Somme), mort le 21 mai 1939 à Pau (Pyrénées-Atlantiques) ; instituteur puis directeur d’école et de cours complémentaire ; militant mutualiste ; militant associatif (ANPCC) ; fervent républicain.

Ecole communale laïcisée par Arthur Souverain en 1891

Arthur Souverain était le fils de Pierre, François, Toussaint Souverain, instituteur, et de Charlotte Bossu, ménagère, âgés respectivement de 35 ans et de 29 ans au moment de sa naissance. Il effectua sa scolarité primaire dans les villages où les affectations de son père conduisaient la famille, notamment à Neuville-lès-Corbie à partir de 1874.
En 1876, il réussit le concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs (ENI) d’Amiens (Somme). Élève-maître interne, bénéficiant d’une bourse entière. Il y obtint de très bonnes notes, y compris dans les enseignements alors obligatoires des « devoirs religieux ». À la fin de sa scolarité à l’ENI, en juillet 1879, il réussit le brevet de capacité pour l’instruction primaire complet qui remplaçait le brevet supérieur, supprimé en 1850 puis recréé en 1881, classé en deuxième position par ordre de mérite. Il acquit par la suite le certificat d’aptitude pédagogique (CAP).

Arthur Souverain effectua toute sa carrière dans la Somme. En 1882, il était instituteur-adjoint et résidait route d’Abbeville au faubourg de Hem à Amiens, lorsqu’il épousa, le 7 septembre 1882 à Dreuil-les-Amiens (Somme), Juliette, Marie, Léontine Régnier, née dans cette commune le 10 août 1861 et décédée en 1939, peu avant son époux.
Le couple eut deux filles : Louise, Georgette, Léontine, Charlotte née en 1883 et décédée en 1969, puis Madeleine, Yvonne, Juliette, Mélanie née en 1888 et décédée en 1967.

En 1890, Arthur Souverain était en poste à Sailly-Saillisel. Républicain militant, il fut nommé le 1er octobre 1891 directeur de l’école de garçons de Roye (Somme), ville d’un peu plus de 4 000 habitants, pour laïciser l’école communale de trois classes, reconstruite en 1878, encore tenue par des frères congréganistes, neuf ans après le vote des lois de Jules Ferry sur l’école publique gratuite, laïque et obligatoire de 1881 et 1882.
Le religieux ancien directeur de l’école communale, s’opposa à la prise de possession des locaux par Arthur Souverain en maintenant les portes fermées, et en prétextant qu’ils avaient été légués à la ville par un chanoine en 1828 pour y installer une école. Dans une salle de restaurant, prêtée par le restaurateur, monsieur Damay, un instituteur-adjoint, monsieur Lefebvre, nommé en même temps que lui, put faire classe, permettant ainsi à l’école publique laïque d’ouvrir officiellement ses portes.
Arthur Souverain n’eut pas à affronter que la résistance des religieux, mais également celle du maire, Elie Vasseur, clérical qui se prétendait républicain mais qui avait déjà, dans les années 1870, manifesté son opposition à l’école laïque. Après de multiples démarches et des conversations assez vives avec les autorités locales, Arthur Souverain, soutenu par l’inspecteur d’académie, reçut du préfet le pouvoir de réquisitionner la force publique. Ce précieux sésame lui permit d’obliger le maire à lui remettre les clés de l’ancienne école tenue par les religieux.

À son arrivée, l’école scolarisait 75 élèves ; elle en comptait 150 un an plus tard, conséquence directe de l’application des lois de Jules Ferry. L’école devint trop petite et la commune dut en construire une autre, beaucoup plus grande comprenant 5 classes, une bibliothèque, un logement de fonction pour le directeur et quatre de deux pièces pour les adjoints, ainsi qu’un petit local permettant d’accueillir 6 internes. Arthur Souverain ne se contenta pas de ces deux premiers succès. Pour permettre aux garçons de Roye de condition modeste de poursuivre leur scolarité au-delà du certificat d’études primaires, il créa le 1er novembre 1893, malgré le refus du conseil départemental, pourtant nécessaire, le cours complémentaire (CC) d’une seule classe d’une vingtaine d’élèves dont 6 internes.
L’accord fut obtenu en 1894 pour l’installation officielle de la nouvelle école-CC qui comptait au total 200 élèves. Arthur Souverain avait une conception de l’éducation qui allait bien au-delà de la seule instruction de ses élèves. Dans le prolongement de la création du CC, il créa des cours pour adultes, il prit en main le « bataillon scolaire » mis en place après la défaite de 1871, regroupant les garçons de plus de douze ans pour leur inculquer des éléments de gymnastique, de discipline et leur faire faire des exercices militaires.

Dès son arrivée à Roye, il créa un orphéon dont il était le chef d’harmonie, qui regroupa jusqu’à 65 choristes et obtint, dès 1893, un premier prix national de lecture à vue. Pendant l’année scolaire 1895-1896, il proposa aux Royens un cycle de 21 conférences populaires, sur des sujets très variés, souvent accompagnées de projections.
En novembre 1897, il réunit d’anciens élèves pour créer une amicale des anciens élèves du CC et de l’école publique de garçons de Roye dont il résuma ainsi le but : « De l’école au régiment » ! L’une des activités principales de cette amicale, qui atteignit 150 membres en 1923, était le tir. Des concours de tir étaient organisés chaque année dans la cour de l’école.

En 1899, répondant à une opération lancée dans toute la France sur l’enseignement primaire pour l’exposition universelle de 1900, l’instituteur en poste dut rédiger sur Roye une « Notice géographique et historique » manuscrite, consultable aux archives départementales de la Somme.

À la fin des années 1890, le mutualisme se développait, soutenu par les plus hautes autorités politiques de l’État. En 1900, à la demande de leur inspecteur primaire, Arthur Souverain et mademoiselle Annonin, qui dirigeait l’école des filles de Roye, créèrent une société scolaire de secours mutuel et de retraite, subventionnée par le Conseil général et l’État.
Son implication dans la mutualité lui valut de recevoir plusieurs décorations et mentions honorifiques : la médaille d’argent de la mutualité en tant que président de la société scolaire de secours mutuels et de retraite du canton de Roye (JO du 5 août 1907), la médaille d’or de la mutualité en tant qu’administrateur de la société de secours mutuel des instituteurs et institutrices de la Somme (JO du 13 août 1919). Arthur Souverain fut également nommé officier d’académie puis officier de l’instruction publique et, enfin, officier du mérite social.

Très attaché au développement des CC, il participa au premier congrès national de l’Association nationale du personnel des cours complémentaires (ANPCC), les 18 et 19 avril 1911 à Paris. Très estimé de Désiré Guérin, le principal fondateur de l’ANPCC, il y intervint à 35 reprises sur des sujets très divers : les futures instances de l’association, l’attribution de bourses aux élèves des CC, la rémunération de leurs personnels, les programmes et l’examen du certificat d’études complémentaires. Il mit en évidence les nombreuses contradictions entre les textes officiels et la réalité du terrain. Il préconisait une organisation souple des CC pour leur permettre de bien s’adapter aux besoins différents des populations des zones rurales ou urbaines. A la fin du congrès, il fut élu membre du premier conseil d’administration de l’ANPCC qui en comptait douze. Ce conseil d’administration fut rapidement remplacé par un comité d’action avec des représentants par région. Arthur Souverain y représenta la région Nord.

Dès le début de la Première Guerre mondiale, Roye se trouva dans la zone des combats, occupée alternativement par les deux armées, entre le 17 septembre et le 6 octobre 1914, qui détruisirent de nombreux bâtiments publics et privés dont
l’école-CC de garçons.
Après ces destructions et devant la perspective d’une occupation allemande, une partie de la population, dont de nombreux enfants, quitta Roye. Partiellement détruite et vidée de ses élèves l’école-CC ferma ses portes et Arthur Souverain partit s’installer à Amiens où il fonda localement « L’œuvre du tricot du soldat ». Il fut mis en retraite à l’automne 1915 avec effet rétroactif au premier avril. Il s’occupa alors des affaires de son gendre mobilisé.

Le 21 mai 1917, il adressa un courrier au président intérimaire de l’ANPCC, Auguste Houldinger, dans lequel il dénonçait les exactions des troupes allemandes qui, chassées de Roye, détruisirent systématiquement les bâtiments publics.
Au Congrès national de l’ANPCC du printemps 1919, fort de son vécu à Roye, il fit une intervention particulièrement remarquée devant les militants et les représentants du ministère de l’Instruction publique, exposant la situation des écoles publiques dans les zones envahies par les Allemands « situation qui exigera un vigoureux et immédiat effort des pouvoirs publics ».
L’école-CC de Roye resta fermée jusqu’à la rentrée de 1920, date à laquelle elle rouvrit dans des baraquements en bois avec une quinzaine d’élèves. Un nouveau directeur fut nommé à la rentrée de 1921, et l’école s’installa dans des locaux reconstruits à la rentrée de 1922.

Pendant sa retraite, Arthur Souverain vécut à Amiens mais ne perdit jamais le contact avec Roye, ses habitants et ses anciens élèves. Il fut l’invité d’honneur de plusieurs commémorations, notamment le 21 juillet 1927, quand le ministre de l’Instruction publique, Édouard Herriot, vint célébrer la reconstruction de l’école avec cinq ans de retard. Arthur Souverain y prononça un discours républicain enflammé, reproduit dans le quotidien Le Santerre du 29 juillet 1927, qui lui valut l’accolade d’Édouard Herriot.

Il quitta le comité d’action de l’ANPCC en 1930 et fut alors élu membre à vie du comité d’honneur. Il devint chevalier de la Légion d’honneur par décret du 30 juillet 1932.
Arthur Souverain et son épouse décédèrent la même année en 1939, et furent tous deux inhumés au cimetière de Dreuil-lès-Amiens (Somme).
Par délibération en date du premier juillet 2014, le conseil municipal de Roye décida de donner le nom d’Arthur Souverain à la rue où se trouve l’entrée de l’école située à la place de celle qu’il dirigea pendant 24 ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245992, notice SOUVERAIN Arthur, Auguste, Parfait par Marc Geniez, version mise en ligne le 1er mars 2022, dernière modification le 1er mars 2022.

Par Marc Geniez

Ecole communale laïcisée par Arthur Souverain en 1891
École de garçons de Roye construite en 1893
École de garçons de Roye détruite en 1914 puis 1917
Baraquements de bois servant d’écoles à Roye de 1920 à 1922
École de garçons de Roye reconstruite en 1921-1922

OEUVRE : Notice géographique et historique de la commune de Roye

SOURCES
Arch. SNC-SNCL — Arch. Dép. de la Somme ; état civil ; registre matricule ; cotes1 R 417, 99 T 393011, 99 T 393210, 99 T 396901, 99 T 396939, 99 T 396910, 99 N 131990, 60 T 3298, 99 T 403051, 99 T 3807/685 — Arch.com. de Roye — Gallica différents JO — Généanet — Journal Le Santerre du 29 juillet 1927 — Si le cours complémentaire m’était conté, Jean Montborgne, éditions Bertout, 1990 — Roye en République, Jacques Fleury — Souvenirs de Royen, Raymond Dutriaux — Chroniques de l’histoire de Roye, André Ducastel, Amiens, Carmel, 1997 — Cartes postales de la collection de Marcel Aranjo — Entretien avec Marcel Aranjo.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable