BRIESCH Roger, Jean, Marcel

Par Alain Gatti

Né le 5 novembre 1932 à Talange (Moselle) ; plombier-zingueur puis tuyauteur industriel ; militant de la JOC, président de la section apprentis de la JOC Vallée de l’Orne(1947-1953), syndicaliste CFTC puis CFDT, secrétaire général du syndicat CFTC de la SAFE (1958) secrétaire général du Syndicat CFDT de la sidérurgie lorraine (1965-1971) ; secrétaire national de la FGM en charge des branches sidérurgie et métaux non-ferreux et international (1971-1976) ; secrétaire confédéral de la CFDT au secteur international (1976-1991) ; membre du conseil d’administration du BIT (1993-1996) ; président (2002-2004) puis vice-président du Comité économique et social européen (2004-2006) ; membre de la Convention pour une Constitution européenne (2002-2005) ; membre du Bureau national de l’Union confédérale des retraités CFDT(1997-2000) puis secrétaire général adjoint(2000-2003).

Roger Briesch au congrès de la Sidérurgie Lorraine (1963).

Né à Talange (Moselle), le 5 novembre 1932, son père était sidérurgiste à l’Union des producteurs de produits métallurgiques et industriels (UCPMI) à Hagondange (Moselle). Il n’était pas engagé syndicalement mais prit un mandat CFTC quand son fils commença à militer. Sa mère était femme au foyer. La famille était catholique, peu pratiquante, plutôt centriste.
La Moselle ayant été annexée au Reich, Roger Briesch fréquenta le système scolaire allemand (Volksschüle) de 1940 à 1944, scolarité perturbée en permanence par le passage des bombardiers vers l’Allemagne. Après quatre années d’enseignement en allemand, le retour à l’école française fut difficile aussi il entra rapidement dans la vie active et en 1946 il fut embauché comme apprenti plombier-zingueur dans une petite entreprise locale. En 1949, il passa son CAP. Dès 1946, il adhéra à la JOC et devint responsable de la section apprentis de la vallée de l’Orne. Il adhéra à la CFTC en 1950. Il croisa à la JOC Walter Païni, futur secrétaire général de l’UD CFDT de Moselle, une rencontre déterminante pour la suite de son parcours. Ce dernier le sollicita pour intégrer la Société des aciers fins de l’Est (SAFE) afin de renforcer le syndicat CFTC. Il y fut embauché en 1955 et y obtint un CAP de tuyauteur industriel. À l’époque, Il fréquentait Eugène Descamps, permanent de la JOC pour l’Alsace-Lorraine puis secrétaire permanent CFTC de la sidérurgie lorraine dont le bureau était à Hagondange. Ils se retrouvèrent ensuite en devenant voisins en région parisienne à partir de 1971 à Soisy-sous-Montmorency (Val-d’Oise).
En 1953-1954, il effectua son service militaire avant d’être rappelé en 1956 en Algérie. Affecté à Alger et Constantine, il s’opposa à la guerre, prenant part notamment à l’agitation dans un train d’appelés et, une fois sur place, intervenant face à certains comportements inacceptables des militaires lors des contrôles de police. Il fut interpellé à plusieurs reprises, mais réussit à échapper aux sanctions. Entre temps, il épousa en 1955 Anne-Marie Betting qu’il avait connue lors des réunions JOC.
Roger Briesch adhéra en 1950 au Mouvement de libération du peuple (MLP) puis plus tard à l’Union des gauches socialistes (UGS), au Parti socialiste unifié (PSU) puis au Parti socialiste(PS). Il fut candidat PS, en position non-éligible, au conseil municipal de Soisy-sous-Montmorency (Val-d’Oise) en 1977.
En 1957, il devint délégué du personnel à la SAFE. La CFTC y était très minoritaire. L’année suivante, il assuma en même temps toutes les fonctions au sein du syndicat de l’entreprise : secrétaire, secrétaire-adjoint et trésorier. Tous les responsables et une grande partie des adhérents avaient en effet démissionné pour protester contre la position de la confédération CFTC opposée au coup de force de De Gaulle. Avec l’aide d’Henri Schwanner, il entreprit de remonter le syndicat qui passa de 27 adhérents début 1959 à 820 en 1962. À cette date, la CFTC était majoritaire dans tous les collèges. Aux côtés de Walter Païni, René Carème,Louis Zilliox, Victor Madelaine, il s’investit pour la création du syndicat régional de la Sidérurgie lorraine qui vit le jour en 1961. Il en devint le vice-président alors que René Carème en était le secrétaire général. Il fut élu et embauché comme permanent du syndicat en 1963.
Entre temps, en 1959, il participa avec René Carème à une assemblée générale des ETAM de l’usine de Pompey (Meurthe-et-Moselle), réunis à l’initiative de Jacques Chérèque, qui étaient désireux de quitter Confédération générale des cadres (CGC). À l’issue de ce rassemblement, tous les cadres rejoignirent la CFTC. Naquit alors une solide et durable amitié avec Roger Briesch.
En 1965, Walter Païni, qui avait succédé à René Carème à la tête du syndicat, devint secrétaire de l’Union départementale CFDT de Moselle avec comme objectif de stopper – en vain - l’hémorragie des adhérents suite au congrès de l’évolution, notamment au sein du syndicat des Mineurs de charbon. Roger Briesch fut alors élu secrétaire général du syndicat régional CFDT de la Sidérurgie en 1965. Le syndicat ne fut pas impacté par la déconfessionnalisation et fut un appui solide pour la reconstruction de l’interprofessionnel en Moselle. En tant que secrétaire du syndicat, il anima de nombreux conflits et notamment la grande grève des mineurs et des sidérurgistes d’avril 1967. L’originalité de ce conflit pour la CFDT fut de poser autant les questions de l’emploi et de l’avenir industriels de ces secteurs professionnels et de leur reconversion que les revendications catégorielles. Ce mouvement fut fondateur de la stratégie que la CFDT développa par la suite dans les entreprises comme sur le territoire. La grève de 1967 déboucha sur la signature d’une CGPS (Convention générale de protection sociale) qui comprenait d’importantes avancées, entre autres la retraite à 50 ans. L’ampleur de ce mouvement expliqua une mobilisation certes importante mais en demi-teinte de la sidérurgie en Mai 68, puisque comme le disait plus tard Roger Briesch : « La grève de 1967 aura été notre Mai 68 avant l’heure ».
Avant même d’entrer au conseil fédéral et, en raison de sa pratique de la langue allemande, il représenta la Fédération générale de la métallurgie (FGM) au sein d’une commission de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) à partir de 1960. Deux ans plus tard, il fut finalement élu au conseil fédéral et en 1966 à la commission exécutive de la Fédération.
Sollicité par Jean Maire, alors secrétaire général pour devenir secrétaire national. Élu en mai 1971 au congrès de Dijon. Il fut chargé des branches sidérurgie et métaux non-ferreux et de l’international. C’est ainsi qu’il siégea, au nom de la fédération, au sein de l’exécutif de la Fédération internationale des ouvriers sur métaux (FIOM) et dans celui de la Fédération européenne des métallurgistes (FEM), la même année. Il fut un des acteurs du Groupe des cinq, dont il assura la coordination, une tentative de rapprochement des fédérations CFDT et CGT des métaux et des trois organisations italiennes qui constituent la Federazione lavoratori metalmeccanici (la FML) : celle liée à la Confederazione Generale Italiana del Lavoro (FIOM-CGIL), celle liée à la Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori (FIM-CISL) et celle liée à l’Unione Italiana del Lavoro (UILM-UIL). Le travail commun des deux fédérations françaises et des trois fédérations italiennes pouvait conduire les Français à prendre la même stratégie que les trois fédérations italiennes unie dans la FLM et donc jusqu’à une unité organique (cette expression figurait dans le rapport de Jacques Chérèque au congrès de Grenoble en 1974). Cette approche échoua sur l’analyse de la crise de 1974, la FGM et la FLM faisant ensemble une analyse d’un changement structurel de la société industrielle alors que la FTM-CGT l’analysait comme une simple crise conjoncturelle. Il participa aux négociations sur le statut unique de la métallurgie portant sur les rémunérations, les carrières et le dialogue social.
En 1973, le conflit LIP engagera entièrement le secrétariat de la Fédération et en particulier Roger Briesch, avec Fredo Moutet. Il fut présent tout au long du conflit à Besançon aux côtés de l’équipe CFDT (Charles Piaget, Roland Vittot, Raymond Burgie, Jean Raguenés…).
En 1976, il fut élu secrétaire confédéral par le bureau national. Fort de son expérience, il rejoignit le secteur international, sous la responsabilité de René Salanne, puis de son ami Jacques Chérèque à partir de 1979 et, après 1984 d’Albert Mercier. Initialement, il fut plus particulièrement chargé de venir en renfort sur les questions européennes avec Jean Le Bourhis qui prit sa retraite en 1982. Sous le mandat de Jacques Chérèque et d’Albert Mercier, il fut chargé de la coordination du secteur. Ses dossiers portaient sur les problèmes généraux de l’Europe syndicale, la Confédération européenne des syndicats (CES), l’action professionnelle européenne et internationale. Il suivit en particulier les relations avec la RFA et l’Italie et la coordination entre le secteur international et les comités syndicaux européens. Il prit aussi en charge les relations syndicales avec les centrales des pays scandinaves et le rapprochement avec la CISL, avant l’affiliation en 1988. En 1984, il fut sondé pour intégrer la commission exécutive confédérale, offre qu’il déclina. Il assuma en 1988 la direction du secteur international, avec un statut particulier lui conférant les responsabilités d’un membre de la CE. Il fut chargé entre autres de la liaison avec les organisations européennes et siégea à ce titre au comité exécutif de la CES à partir de 1978. Edmond Maire souhaitant qu’il puisse poursuivre son investissement dans la politique internationale de la confédération, il déclina la proposition qui lui avait été faite de devenir le secrétaire général de la CES.
La CFDT décida de quitter la Confédération mondiale du travail (CMT) au congrès de Brest en 1979 et de faire de l’Europe la base de sa stratégie internationale. Malgré un amendement du congrès qui empêchait une adhésion à une autre internationale syndicale, Roger Briesch s’engagea fortement, aux côtés d’Albert Mercier, avec le soutien tacite d’Edmond Maire, pour que la confédération rejoigne à terme la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), ce qu’elle fit en 1988. Il fut membre de son comité exécutif l’année suivante.
Auparavant, sa connaissance de la langue et de la culture allemande, les relations nouées avec les responsables du syndicat IGMetall (Industrie gewerkschaft Metall - Union industrielle métal) lorsqu’il était secrétaire national de la FGM, firent de lui un artisan essentiel du rapprochement entre le DGB (Deutscher Gewerkschaftsbund - Confédération allemande des syndicats) et la CFDT et de leurs secrétaires généraux respectifs, Heinz Oscar Vetter et Edmond Maire, fin 1977. De même, ses relations avec Jim Baker, de l’AFL-CIO (American Federation of Labor - Congress of Industrial Organizations) permirent que se nouent des liens - jusqu’alors très conflictuels-, entre cette organisation et la CFDT et une étroite coopération.
De 1983 à 1991, il fit partie de la délégation française aux sessions de l’ONU. De 1993 à 1996, il fut élu au conseil d’administration du BIT, le Bureau international du travail.
Dans le cadre de ses fonctions de secrétaire confédéral, il fut amené à parcourir le monde et à s’investir aux côtés de plusieurs organisations, en particulier là où la liberté syndicale était inexistante ou mise en cause. Cela fut le cas en Afrique du Sud, en Bolivie, au Chili, au Brésil, en Tunisie, en Pologne, en Espagne et au Portugal sous la dictature. Ces missions l’amenèrent à prendre parfois des risques personnels importants. C’est en Pologne, en Espagne et au Brésil où son action fut la plus marquante.
Concernant la Pologne, il s’engagea fortement dans le soutien à Solidarnosc dès le début du mouvement en août 1980.Le 14 novembre 1982, dès le lendemain de la libération de Lech Walesa, qui avait été arrêté suite à la déclaration de l’état de guerre dans la nuit du 12 au 13 décembre 1981, il le rencontra à son domicile à Gdansken compagnie de Guy Gouyet et de Jean-Marie Smenteck. Il parcourut clandestinement le pays en décembre 1982 avec Jean-Pierre Delhoménie, cachés dans une camionnette sommairement aménagée, pour faire le lien avec les militants clandestins, estimer leurs besoins, les organiser, être l’interface entre eux, Walesa et Bronislaw Geremek qu’il voyait régulièrement. Il transporta des microfilms cachés dans des cigarettes sur lesquels figuraient des numéros de comptes bancaires. Il fut en effet missionné par plusieurs organisations européennes, dont le DGB, mais aussi américaines et canadiennes, pour faire passer des messages et des fonds. Il assista avec Jean Kaspar et Jean-Pierre Delhoménie aux premières tables rondes avec le pouvoir en avril 1989 qui aboutirent à la tenue d’élections partiellement libres qui virent le succès des candidats soutenus par Solidarnosc. Avec l’accord de la confédération, il fut chargé au début des années 1990 d’un rapport pour la Friedrich Ebert Stiftung, sur le fonctionnement du syndicat polonais qui conduisit à des modifications dans son fonctionnement, son financement et sa structuration afin de favoriser la solidarité entre ses différentes composantes. En reconnaissance de son action, Lech Walesa, devenu président de la République, lui remit les insignes de l’Ordre du mérite de la République de Pologne le 4 décembre 1991.
Il fut également engagé aux côtés des syndicats brésiliens. Durant la dictature, en avril et mai 1980, à la suite de la mission exploratoire de Jean Kaspar, Frédo Moutet et Paulette Rippert, il anima des sessions de formation, se cachant dans des couvents. Avec notamment Frédo Moutet et Denis Jacquot, il élabora lors d’une troisième mission une « Contribution pour un programme d’action syndicale » et travailla avec ce dernier à la reconstruction d’un syndicalisme libre, agissant pour rapprocher l’Opposition syndicale brésilienne et le courant des « Authentiques ». Il fit ainsi la connaissance avec le leader de ce courant, Luiz Inácio Lula da Silva dit Lula, avec lequel il lia une solide amitié. Elle lui valut d’être, avec Denis Jacquot, un des deux seuls Français à être invités à l’investiture de Lula à la présidence de la République. Il fut présent à la seconde assemblée, ou conclat, des syndicats brésiliens qui donna naissance en août 1983 à la CUT (Central Única dos Trabalhadores - Centrale unique des travailleurs). De sa propre initiative, en accord avec Denis Jacquot, il approuva cette création à la tribune du congrès, faisant de la CFDT la première organisation à reconnaître la CUT.
Il rentra en Lorraine en 1992 et intégra l’équipe dirigeante de l’Union régionale interprofessionnelle des retraités CFDT en 1997. Il fut élu secrétaire national de l’Union confédérale des Retraités en 1997 et en devint le secrétaire général adjoint de 2000 à 2003.
En 1992, il rejoignit le Comité économique et social européen (CESE) suite au décès de François Staedelin. De 1993 à 1996, il fut président de la section des relations extérieures ; de 1996 à 2002 président du groupe Travailleurs ; président du CESE de 2002 à 2004 et vice-président de 2004 à 2006. Avec le Secrétaire général du CESE, Patrick Venturini, ancien du secteur Economique de la confédération puis conseiller social auprès de Jacques Delors, il imposa le concept de « société civile organisée » comme définition du CESE. De 2002 à 2005, il fut membre de la Convention pour une constitution européenne.
Au cours de son mandat, il œuvra entre autres pour la prise en compte de la dimension sociale et du développement des libertés syndicales dans tous les accords commerciaux de l’Union européenne. Il s’employa également à renforcer la représentativité, la place et le rôle du CESE auprès des institutions européennes et internationales. Il suscita et mit en œuvre un important travail préparatoire avec les organisations naissantes de la société civile organisée dans les pays concernés, pour préparer l’élargissement dans les meilleures conditions. De ce fait il représenta, avec Anne-Marie Sigmund (qui lui a succédé comme présidente du CESE), la société civile organisée lors du processus constitutionnel pour une Europe plus intégrée. Encore en 2015, il fut élu Président de l’Association des anciens membres du CESE, fonction qu’il quitta en janvier 2022.
Le 14 janvier 2006, il fut fait Chevalier de la Légion d’Honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article246335, notice BRIESCH Roger, Jean, Marcel par Alain Gatti, version mise en ligne le 19 mars 2022, dernière modification le 27 mars 2022.

Par Alain Gatti

Roger Briesch au congrès de la Sidérurgie Lorraine (1963).
Séance du Conseil économique et social européen, Bruxelles, 10 avril 2003.
Roger Briesch

Sources : Arch. confédérales CFDT : entretien de Roger Briesch avec Jean-Pierre Delhoménie et Claude Roccati, octobre 2014 ; intervention de Roger Briesch lors du séminaire Les relations de la CFDT avec les pays d’Europe de l’Est, de la Pologne à la Yougoslavie (fin des années 1970-début des années 1990), 22 janvier 2016. — Jean-Marie Conraud, Une mosaïque de militants, CFTC-CFDT en Lorraine, Metz, CFDT-Lorraine, 2004. — Alain Gatti, CFDT-Lorraine, permanence d’un combat pour les valeurs, Metz, Éditions des Paraiges, 2020. — Claude Roccati, Un internationalisme entre discours et pratiques : la politique internationale de la CFDT (1964-1988), thèse de doctorat en histoire contemporaine, sous la direction de Christian Chevandier, Université du Havre, 2014. — Pierre Toussenot, L’engagement syndical de la CFDT dans les reconversions des bassins industriels de Pompey et Pont-à-Mousson des années 1960 aux années 1990, thèse de doctorat en histoire contemporaine, sous la direction d’Etienne Thévenin et Pascal Raggi, Nancy, Université de Lorraine, septembre 2020. — Entretien de Roger Briesch avec Pierre Toussenot, 14 juin 2016. — Entretien de Roger Briesch avec l’auteur, 13 février 2020, 9 mars 2020, 2 juillet 2020, février 2021.

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