HAMON Léo [né GOLDENBERG Léon]

Par Jean Maitron

Né le 12 janvier 1908 à Paris, mort le 27 octobre 1993 à Paris ; avocat au Barreau de Paris, agrégé de droit public, professeur à l’université de Paris I ; engagé dans la Résistance ; élu du MRP rallié au mouvement gaulliste en 1958, président fondateur d’un mouvement gaulliste de gauche « Initiative républicaine socialiste » ; conseiller municipal de Paris puis de Malakoff (Seine, Hauts-de-Seine), conseiller général de la Seine, conseiller de la République (1946-1948) puis sénateur (1948-1958) de la Seine, député de l’Essonne (1968-1969) ; secrétaire d’État dans le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas (1969-1972).

Léo Hamon dans les années 1940
Léo Hamon dans les années 1940
Sénat

Léo Goldenberg était le fils d’un médecin polonais et d’une mère russe, docteur en philosophie, historienne et économiste, tous deux émigrés politiques après la révolution de 1905, tous deux membres du parti social-démocrate polonais, condamnés à Varsovie pour leur action politique durant cette période.

Au moment de la guerre de 1914, son père s’engagea dans l’armée française (il fut, parmi les émigrés proches des bolchéviks, un des rares « défensistes »). Quelque temps après la guerre, sa femme et lui rejoignirent les autorités soviétiques : le docteur Goldenberg fut cosignataire d’un des bulletins de santé de Lénine et représenta longtemps, en Europe centrale, les services de santé de l’État soviétique tandis que Sophie Slonim Goldenberg fut, tour à tour, correspondante de la Vie Économique puis collaboratrice de l’Encyclopédie ; en quittant la France, les parents respectèrent le désir de leur fils et le laissèrent à Paris où il acheva ses études à l’École Alsacienne pour les continuer aux facultés de Lettres et de Droit. Après la Seconde Guerre mondiale, Léo Hamon réussit à faire venir sa mère de Moscou. Elle mourut à Paris en 1948. Son père était mort en URSS en 1935.

Le jeune Goldenberg se détacha, dès l’époque du baccalauréat, des opinions marxistes orthodoxes et voulut poser sur le socialisme un regard indépendant. Il acheva sa licence de droit en 1929 et entra au service de me Hersant avocat aux conseils. En effet, naturalisé depuis peu, l’ordre des avocats de la cour d’appel de Paris lui avait refusé l’entrée au barreau. Me Hersant, avocat de gauche et maçon plaidait les causes communistes en cassation.

C’est chez lui qu’il rencontra Georges Marrane, maire communiste d’Ivry ; il devint le conseil juridique de nombreuses municipalités communistes et collabora d’autre part à la Tribune des Fonctionnaires et à l’Information municipale, revue du PC. Il militait, d’autre part, au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes.

En 1936, convaincu par le discours républicain et patriotique du PCF, il rejoignit ce parti. Il assista d’ailleurs aux obsèques de Paul Vaillant-Couturier parmi les avocats communistes. Déjà ébranlé par les procès de Moscou, le pacte germano-soviétique et l’invasion de la Pologne remirent en cause son adhésion. S’il pouvait comprendre les intérêts géopolitiques de l’URSS, il refusait l’alignement des communistes français.

Mobilisé, il tenta de contacter les édiles communistes en rupture de ban, leur conseillant une consoeur mais ne put leur parler directement. Il fut pourtant mentionné lors de l’instruction du procès des députés communistes comme l’avocat de Valat qui se désolidarisa.

Dès 1940, Léo Goldenberg entra dans la Résistance : il fut responsable du mouvement « Combat » de l’Action ouvrière pour la région du Languedoc, puis responsable de « Ceux de la Résistance » pour la région parisienne. Il fut également l’adjoint d’Yves Farge dans la clandestinité au Comité d’action contre la déportation. En 1944, il fut nommé membre du bureau du « Comité parisien de Libération ». En août, il occupa l’hôtel de ville de Paris.

Il fut autorisé par décret du 24 novembre 1945 à changer son patronyme de Goldenberg en Hamon, pseudonyme de clandestinité. Gaulliste convaincu, il souhaitait alors la constitution d’un grand parti dit « Travailliste » réunissant démocrates chrétiens et socialistes. Au bureau du comité de libération, il s’opposa assez vivement aux communistes au sujet de la désignation des nouvelles autorités : préfets, municipalités d’arrondissement, et lors de la négociation de la trêve.

Membre de l’Assemblée consultative provisoire, il conduisit aux élections municipales de mars 1945 l’une des listes de la Résistance. Léo Hamon, puisque tel était maintenant son nom, devint donc conseiller municipal de Paris et conseiller général de la Seine et cela jusqu’en 1947. Il fut rapporteur général du budget de la ville de Paris.

Après avoir souhaité en vain la constitution d’un Parti socialiste élargi, il adhéra, en 1946, au MRP. Il fut élu, le 7 novembre 1946, sénateur de la Seine et réélu le 18 mai 1952. Membre de la commission exécutive du MRP, il vota l’adhésion au Pacte Atlantique ; il s’opposa par contre à la politique d’intégration européenne et au réarmement allemand. Par ailleurs, il témoigna d’un grand intérêt pour la Yougoslavie après la rupture avec le Kominform et présida, aussi longtemps qu’il allait être parlementaire, le groupe d’amitié France-Yougoslavie.

En politique intérieure, il représenta le MRP au Comité de la 3e force, constitué par le Parti socialiste, le MRP et quelques personnalités radicales indépendantes. Président de la commission sénatoriale de l’Intérieur et de l’Algérie, il s’attacha d’autre part à la question algérienne, souhaitant une entente avec « l’Union des Amis du Manifeste » de Fehrat Abbas et une politique libérale et loyale, seule propre, selon lui, à pouvoir conserver l’Algérie dans l’ensemble de l’Union française. En bonne entente avec Ed. Depreux ministre de l’Intérieur et avec le gouverneur Châtaigneau, il s’opposa par contre à la politique, toute différente, menée par le gouverneur Marcel Edmond Naegelen, et, combattu par les représentants de la colonisation algérienne, il perdit la présidence de la commission de l’Intérieur.
Dans son opposition à la supranationalité et au réarmement allemand, il fut un des adversaires les plus passionnés de la Communauté Européenne de Défense qui contrariait son attachement au maintien de la nation et de l’État français. Exclu du MRP en 1954, à la suite de cette campagne, il entra à la « Jeune République » en même temps que son ami André Denis, député, également exclu du MRP, et à ce titre, combattit la politique algérienne de Guy Mollet (il ne vota pas les crédits de l’expédition de Suez).

Quand [Pierre Mendès-France-<147602] quitta le gouvernement Guy Mollet, Léo Hamon prit contact avec le général de Gaulle et constitua un groupe d’hommes de gauche favorable au retour du Général. En 1958, il quitta la « Jeune République », appela à voter « oui » au référendum dans une brochure : Des hommes de gauche parlent aux hommes de gauche, signée avec Francisque Gay et quelques autres.

En janvier 1959, il créa avec Louis Vallon et René Capitant « L’Union Démocratique du Travail » (UDT) et collabora à Notre République, organe de ce mouvement. Une fois opérée la fusion avec l’UDR, Léo Hamon fut élu membre de la Commission politique des mouvements gaullistes. Il fut, devant le Comité central de l’UNR-UDT, au printemps de 1966, le rapporteur de la décision de sortie de l’OTAN et réclama, à plusieurs reprises, une politique de réformes sociales plus hardies.

Ayant passé, en 1958, l’agrégation de droit public, il devint professeur aux universités de Dijon puis d’Orléans et de Paris et se fit une spécialité du commentaire des décisions du Conseil constitutionnel. Lorsque, après son passage au gouvernement, il reprit son enseignement, il devint, aussi bien à l’Institut d’Études Politiques de Paris que dans un cours de doctorat à l’université de Paris I, une spécialité de l’histoire du mouvement socialiste. Socialisme et pluralités, publié en 1978, est issu de cet enseignement ; Léo Hamon y présente une apologie d’un socialisme délibérément réformiste, recherchant sa doctrine à travers les écrits d’Édouard Bernstein, Jean Jaurès, Léon Blum.

Membre du Conseil économique et social depuis 1964, Léo Hamon se présenta aux élections législatives dans l’Essonne ; battu en 1967, il fut élu en 1968 et entra, l’année suivante, dans le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas en qualité de secrétaire d’État, porte-parole du gouvernement, puis, en 1972, il devint secrétaire d’État à la participation.

Il fut dans cette période un des animateurs les plus actifs d’un regroupement de la gauche gaulliste sous le titre de « Mouvement socialiste pour la participation » réunissant, avec Philippe Dechartre, Pierre Billotte et Yvon Morandat, différents groupes épars.

Ses fonctions ministérielles ayant pris fin avec le gouvernement Chaban-Delmas en juillet 1972, Léo Hamon fut battu aux élections législatives de 1973. Il soutint, en avril 1974, au premier tour des élections présidentielles, la candidature de Jacques Chaban-Delmas et au second tour celle de François Mitterrand. Quelque temps après, il quitta l’UDR, et devint président fondateur d’un mouvement gaulliste de gauche : « Initiative Républicaine Socialiste ». Il a traité ces problèmes dans un ouvrage intitulé La Révision.

En 1977, il fut candidat aux élections municipales dans les Ier et IVe arrondissements, sur une liste de l’Union de la Gauche, avec les socialistes et les communistes.

Souhaitant un véritable dialogue avec l’URSS où il se rendit en 1955, pour le 10e anniversaire de la capitulation de l’Allemagne nazie, membre de la présidence de France-URSS, où il succéda à Raymond Capitant, il a souvent critiqué l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie en 1968 et souligné les nombreux problèmes concernant les Droits de l’Homme.

Il fut, dès la première heure, partisan de l’acquisition pour la France d’un armement nucléaire et il est l’auteur de deux ouvrages sur les questions stratégiques : La Stratégie contre la guerre, 1967 et Le Sanctuaire désenclavé, 1982.

Membre du conseil d’administration de la Société d’Études Jaurésiennes, défenseur du modèle social démocrate, Léo Hamon aura été toute sa vie un « socialiste du dehors ». Il est significatif des hommes qui, aux lisières du socialisme, ont estimé ne pouvoir entrer dans le parti en mettant pour cela en veilleuse, ce qu’ils estimaient être les exigences de l’État et de la réalité nationale.

Léo Hamon était grand officier de la Légion d’Honneur au titre de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24671, notice HAMON Léo [né GOLDENBERG Léon] par Jean Maitron, version mise en ligne le 22 février 2009, dernière modification le 8 juillet 2021.

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Léo Hamon dans les années 1940
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Léo Hamon dans les années 1960
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SOURCES : Renseignements fournis par l’intéressé. — H. Coston, Dictionnaire de la politique française. — P.-M. Dioudonnat et S. Bragadir, Dictionnaire des 10 000 dirigeants politiques français. — Itinéraires (Études en l’honneur de Léo Hamon), Éditions Economica. — L’Humanité, 29 octobre 1993. — Léo Hamon, Vivre ses choix, (préface de Jacques Chaban-Delmas), Paris : Robert Laffont, 1991. — Charles Riondet, Le Comité parisien de la Libération 1943-1945, PUR, 2017. — Notes de Frédérick Genevée.

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