Par Madeleine Singer
Né le 19 juillet 1920 à Ambert (Puy-de-Dôme), mort le 17 février 2012 à Sceaux (Hauts-de-Seine) ; agrégé d’histoire ; militant de la JEC puis syndicaliste, membre du bureau national du Syndicat général de l’éducation nationale (SGEN) de 1966 à 1974.
Maurice Eymard était l’aîné des deux enfants de Marius Eymard, médecin qui, élu à la Libération sur une liste d’Union, fut de 1944 à 1957 adjoint au maire d’Ambert. Il fit ses études secondaires au collège d’Ambert et eut le baccalauréat en 1937. Il fréquenta alors la khâgne du lycée Louis-le-Grand à Paris, puis à partir de 1939 la faculté des lettres de Clermont- Strasbourg ; l’Université de Strasbourg (Bas-Rhin) avait en effet été repliée à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Aussi eut-il pour maître Marc Bloch ; il obtint la licence d’histoire en 1942. Après guerre il prépara l’agrégation en Sorbonne et fut biadmissible en 1946. Il enseigna alors au lycée Fabert à Metz (Moselle) et fut nommé en 1960 au lycée d’Antony (Seine, Hauts-de-Seine) où il devint agrégé par promotion interne. Il y prit sa retraite en 1984.
Maurice Eymard avait été membre de la JEC tant au collège d’Ambert qu’au cours de ses études supérieures à Clermont et à Paris. Il se maria en août 1946 avec Solange Dollé, agrégée d’histoire, qui fréquentait la Paroisse universitaire ; ils eurent deux enfants, l’un médecin, l’autre professeur. Pendant leur séjour à Metz, ils firent tous deux partie de « Vie nouvelle ». Maurice Eymard adhéra aussitôt au SGEN car il appréciait le rôle joué dans la région par la CFTC. Mais il se consacra alors essentiellement à la vie culturelle : il présida de 1946 à 1959 « Peuple et culture » et fit chaque année le rapport d’activité de synthèse de toutes les Maisons de jeunes (MJC) de France.
À son arrivée dans la région parisienne, il devint secrétaire SGEN de son lycée, tout en étant responsable pour l’Île-de-France de l’Association des professeurs d’histoire. Nommé trésorier académique par la commission exécutive du SGEN en mai 1962, Maurice Eymard remit de l’ordre dans les finances et l’administration de la section dont les ressources avaient été dévorées par l’affaire algérienne. Il géra en octobre 1962 l’installation du secrétariat académique, avec les coûts que cela entraînait, dans trois petits bureaux de l’immeuble confédéral. S’occupant également des IPES, des surveillants (catégories difficiles parce que volatiles), il fit le 21 novembre 1963 à l’assemblée académique un exposé très remarqué sur la situation de l’académie, la liaison interdegrés, etc. Comme le secrétaire académique A. Reumond, professeur de lettres qui avait succédé à Lucie Huck*, ne pouvait poursuivre sa tâche vu son état de santé, Maurice Eymard cédant aux sollicitations qui lui furent adressées, accepta en 1966 de le remplacer. Epaulé par L. Huck, A. Reumond et pour le Premier degré par Claude Bouret qui était, dit-il, « la cheville ouvrière tout au long de la semaine », Maurice Eymard assuma pendant huit ans, sans décharge de service, la lourde charge d’une académie qui, depuis la partition de la Seine et de la Seine-et-Oise, comptait sept départements : présidence du bureau académique, audiences officielles, etc.
Sa tâche fut particulièrement difficile après les événements de Mai 1968 car les incidents se multiplièrent. Par exemple lors de l’élection au conseil d’administration du lycée mixte de Pontoise en décembre 1968, deux adhérents SGEN se présentèrent sur une liste non syndicale alors que la section avait décidé de faire liste commune avec le SNES. Averti par le secrétaire de la section, Maurice Eymard répondit au nom du bureau académique qu’il pouvait effectivement considérer ces deux collègues comme démissionnaires d’office. Plus grave fut l’opposition qui surgit au sein de la section académique lors du renouvellement des membres du conseil syndical en novembre 1968. Le bureau académique avait présenté un rapport « Syndicalistes d’abord » qui « engageait ceux qui y souscrivaient pour la durée de leur mandat » ; quatorze adhérents appartenant à quatorze établissements différents opposèrent un contre-rapport « Pour un syndicalisme dynamique » qui se voulait « un syndicalisme de combat », contestataire en ce qu’il réclamait une transformation complète de la société.
Sans nous étendre sur le contenu de ces deux rapports, ils préfiguraient, comme Maurice Eymard le déclara au comité national du 9 décembre 1969, les deux rapports présentés à ce comité national, l’un par Jacques George, l’autre par Charles Piétri qui avait été élu secrétaire général adjoint au congrès d’avril 1968, avec « vocation à la succession de Paul Vignaux* » car celui-ci qui avait été secrétaire général pendant vingt-deux ans, ne se représenterait pas en 1970. Dans ce climat, des malentendus surgissaient sans cesse entre le secrétariat académique et les minoritaires : il fallait par exemple en mai 1969 répondre à telle lettre de Jean Lecuir, porte-parole de l’opposition, qui contestait les propos que lui prêtait le compte rendu de la commission exécutive.
Lors de la réunion, le 6 septembre 1969, de la commission « Orientation 70 » qui cherchait à mettre en place un secrétariat national acceptable par tous, Maurice Eymard, « exprimant la pensée de l’ensemble des participants », avait proposé qu’Antoine Prost*, prît la tête d’une direction collégiale car le profil de celui-ci lui semblait plus adéquat que celui de Charles Piétri*, « trop intellectuel, pas assez militant à (son) gré ». Ce dernier qui devait d’ailleurs avec Jacques Julliard* faire partie de la troïka, refusa cette solution. Aussi au comité national du 9 novembre 1969, Maurice Eymard renouvela ses réserves : il considérait qu’une double candidature freinerait l’action syndicale puisqu’il faudrait beaucoup de temps pour expliquer aux adhérents les positions en présence. Il craignait également que les secrétaires académiques ne fussent engagés « dans une guerre de succession » à moins qu’ils ne s’abstiennent de prendre parti. Il vota toutefois en faveur du rapport de Charles Piétri et son académie au congrès national de 1970 ne donna que 14 % de ses suffrages à Jacques George.
Les rapports de Maurice Eymard pour les congrès académiques de 1971 et de 1972 firent état du développement de l’académie dont les effectifs progressaient régulièrement, des interventions pour défendre « les collègues menacés de suspension ou de mutation pour des motifs plus ou moins mal fondés », de la présence des militants SGEN au conseil de l’Union régionale parisienne ainsi que dans les Unions départementales. Malgré cela la minorité publia en janvier 1972 un « bulletin académique de liaison » qui énonçait divers griefs. Maurice Eymard en avisa aussitôt les représentants nationaux de la minorité (notamment Jacques George et François Garrigue), faisant observer que ce bulletin se présentait avec le timbre SGEN-CFDT alors qu’il n’émanait pas d’une instance régulière du syndicat, qu’il organisait une tendance de la manière la plus nette. Ces critiques furent reprises par le bureau académique qui rappela que la diversité syndicale pouvait s’exprimer démocratiquement dans les instances régulières du syndicat. Au congrès national de mars 1972, l’académie n’accorda que 26 % de ses suffrages à François Garrigue qui fut élu secrétaire général.
Gardant la confiance de la majorité des adhérents, Maurice Eymard resta à son poste pour préparer la partition de l’académie qui allait donner naissance à celles de Créteil, de Versailles et de Paris-intramuros. Pour chacune il fallait déléguer à un membre du bureau académique le soin de préparer avec une commission les structures syndicales futures, de former les nouveaux militants rendus nécessaires par la démultiplication des tâches. Après avoir encore assumé au plan académique la préparation du congrès extraordinaire de mai 1973 qui devait modifier les statuts du SGEN, Maurice Eymard fut heureux en 1974 de laisser sa place aux trois nouveaux secrétaires académiques. Il se retira en même temps des organismes nationaux : il avait été élu en 1964 au comité national et siégeait depuis 1966 au bureau national dont le secrétaire académique de Paris était membre de droit. Il laissa, selon l’expression de Jean Lecuir, le souvenir d’un responsable ferme, ouvert et courtois, y compris à l’égard des militants critiques de l’époque.
Une fois à la retraite, Maurice Eymard se consacra à diverses activités sociales. En 1997, il faisait partie du Secours catholique, étant responsable de la commune de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine). Après avoir enseigné à la prison de Fresnes, il s’occupait de la réinsertion des sortants de prison, avec le Mouvement de réinsertion sociale (MRS) et il participait aux activités de l’École à l’hôpital. Il était officier des Palmes académiques.
Par Madeleine Singer
SOURCES : Madeleine Singer, Le SGEN 1937-1970, thèse, Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. Dép. Nord, J 1471) ; Histoire du SGEN, 1987, Presses universitaires de Lille. — Syndicalisme universitaire (1964- 1974). — Lettres de Maurice Eymard à Madeleine Singer, 15 février 1984, 7 juin 1995, 21 janvier 1997, 8 février 1997. — Lettre et documents de Claude Bouret à Madeleine Singer, 19 février 1997. — Lettre de Jean Lecuir à Madeleine Singer, 10 mars 1997 (Arch. privées).