LEJEUNE Daniel André

Par Jean-Paul Richez

Né le 1er avril 1947 à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) ; inspecteur du travail puis directeur du travail (1973-1999), inspecteur général des affaires sociales et secrétaire général du Conseil d’orientation des conditions de travail (1999-2011) ; syndicaliste CGT, acteur de la santé au travail et de l’amélioration des conditions de travail (depuis 1968) ; militant du PSU puis membre du Parti communiste (1970-1987 puis à partir de 2022).

Daniel Lejeune
Daniel Lejeune

Son père Maurice Lejeune, né à Saint Malo en 1923, s’engagea dans les Forces françaises libres à l’âge de 17 ans. Après la Libération, il fut employé de bureau. Sa mère Julie, née en 1912 à Madagascar, était de double origine corse et malgache. D’abord ouvrière couturière dans une fabrique d’ours en peluche, elle finit sa carrière comme aide-comptable dans l’assurance. Au sein du couple de religion catholique, l’épouse était très attachée aux valeurs religieuses. L’enfance de Daniel Lejeune, dont le frère cadet Henri décéda en 1950 à l’âge de huit mois, fut marquée par cet environnement social et religieux. Il milita à l’Action catholique de l’enfance (Cœurs vaillants) dès quinze ans, à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), diffusa Témoignage chrétien. Il abandonna ses convictions religieuses après 1968.

Daniel Lejeune suivit le cours de sa scolarité dans le IXe arrondissement de Paris, alors populaire. La grève des mineurs de 1963 déclencha chez lui une prise de conscience politique. Il occupa son premier emploi salarié à seize ans, puis continua à travailler ponctuellement, tout en étudiant, jusqu’à son intégration à l’Inspection du travail. En 1966-1967, il interrompit ses études pour travailler comme maître auxiliaire de français, histoire, géographie, législation du travail, au Collège d’enseignement technique de Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise).

En 1967, année de son entrée à Sciences-Po Paris, Daniel adhéra à l’Union nationale des étudiants de France (UNEF). Il se rapprocha un temps de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) trotskiste, et participa à l’animation de l’occupation de son établissement en mai 1968. La même année, il rejoignit, pour deux ans, le Parti socialiste unifié (PSU), dont il fut secrétaire fédéral du Val-d’Oise, chargé de l’organisation. Il adhéra à la Confédération générale du travail (CGT) en 1968.

Il fit son service militaire dans la Marine, à Tahiti, en 1971-1972. Matelot dans les transmissions, il organisa une grève victorieuse des permissions contre une dégradation des conditions de travail. À son retour, il réussit le concours d’inspecteur du travail. Élu délégué CGT des stagiaires au Centre de formation des inspecteurs du travail (1973-1974), il occupa à diverses reprises des fonctions de représentant du personnel, jusqu’en 1991. À l’issue de sa formation, il fut nommé inspecteur du travail à Cambrai (Nord) (1974-1976), puis à Valenciennes (Nord) (1976-1980). En 1980, il fut promu directeur adjoint chargé de la santé au travail, de l’animation de l’Inspection du Travail et de la formation interne, à la direction régionale de Lille, poste qu’il occupa jusqu’en 1983.

Au cours de cette période, il se familiarisa avec les risques professionnels, fit des questions de santé au travail la passion de toute sa carrière et publia un ouvrage intitulé L’intervention de l’inspection du travail pour la prévention des risques professionnels.

Daniel Lejeune poursuivit sa carrière en tant que directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) de Haute-Corse (1983-1987). Son épouse travaillait comme contrôleuse du travail au service d’inspection du travail de l’agriculture (SDITEPSA). Dans un contexte délicat et malgré les pressions, ils purent agir pour le développement de l’emploi et de l’économie de la Corse et pour le respect des bases élémentaires du droit du travail, pendant les trois premières années. La quatrième année fut plus difficile, du fait des menaces de mort pesant sur les agents de contrôle du SDITEPSA de Haute-Corse. Par ailleurs, Daniel Lejeune ne se sentait plus soutenu par le gouvernement de cohabitation issu des élections de 1986. Avec d’autres fonctionnaires de contrôle en Corse, il partageait alors le sentiment que le gouvernement subordonnait tout à sa lutte contre l’indépendantisme corse, au détriment de leur volonté de faire respecter les autres lois de la République.

De 1987 à 1995, Daniel Lejeune fut chef du bureau « Conditions de travail » (CT5) à la Direction des relations du travail (DRT) du ministère du Travail. Ce bureau était chargé des énergies, des machines et des équipements de protection individuelle. Dans le cadre de la préparation du marché unique européen qui devint effectif le 1er janvier 1993, il négocia et transposa les directives européennes applicables à la mise sur le marché, puis à l’utilisation, de ces équipements de travail. Il fit prévaloir une double ambition de niveau de sécurité le plus élevé possible, et de défense de l’industrie française. Le bureau CT5 fut à l’origine, dans la normalisation française et européenne, du concept de « risque résiduel », à l’encontre du concept de « risque acceptable » incompatible avec la doctrine française de prévention.

Après deux années passées comme directeur régional délégué d’Ile-de-France (1995-1997), Daniel Lejeune rejoignit, en juin 1997, le cabinet de Michelle Demessine, sénatrice communiste du Nord et secrétaire d’État au tourisme du gouvernement Jospin. Sous l’impulsion de cette dernière, le secrétariat d’État se mobilisa pour le développement de l’emploi touristique et du tourisme social, la lutte contre l’exclusion, l’amélioration des conditions de vie et de travail des salariés du tourisme, notamment dans les hôtels-cafés-restaurants et pour les saisonniers, et s’attacha à faire progresser les droits des salariés des PME avec, notamment, l’extension du chèque-vacances aux PME.

La dernière étape de son périple le conduisit à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 1999. Parmi les missions qui lui furent confiées, plusieurs concernaient les questions de santé au travail : l’amiante dans les bâtiments, les services de santé au travail, les statistiques « accidents du travail et maladies professionnelles », la traçabilité des expositions professionnelles, la gestion des âges dans l’aéronautique, la préparation du 4e contrat de progrès de l’ANACT.
En 2009, il fut nommé secrétaire général du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), ainsi que responsable de l’inspection de la santé-sécurité au travail des agents des ministères sociaux. Réunissant les partenaires sociaux et les administrations concernées, le COCT était chargé d’un rôle consultatif, d’un rôle stratégique et de réflexion, de la préparation et du suivi du « Plan santé au travail 2010-2015 » (PST). Le PST s’élargit à tous les travailleurs en visant les salariés des entreprises privées et publiques, des trois fonctions publiques, de l’agriculture et des transports, leurs employeurs, et les travailleurs indépendants.

Adhérent au Parti communiste français (PCF) de 1970 jusqu’en 1987, puis toujours soutien mais non adhérent pendant 35 ans, il reprit sa carte du PCF en avril 2022, comme « acte de résistance face à la montée de l’extrême droite antisociale, raciste et antisémite, et aux menaces de guerre ».

Daniel Lejeune prit sa retraite fin décembre 2011. Il intervint publiquement, à plusieurs reprises après son départ, contre ce qu’il analysait comme une « perte de repères », affectant, au moins depuis la « loi El Khomri », les ministres du travail successifs, et une partie de la hiérarchie des services du ministère.

Photographe d’art depuis 2012, certaines de ses photos rejoignent sa vie professionnelle, personnelle et militante : « Traces », photos d’anciennes usines reconverties ou en friche, acquises par Les Archives nationales du monde du travail (ANMT) à Roubaix (Nord) ; « Que maudite soit la guerre », photos de cimetières militaires et de monuments, en hommage à toutes les victimes de la guerre de 1914-1918, données à L’Association républicaine des anciens combattants (ARAC) ; « Ny tanin’ ireo razambeko - Le pays de mes ancêtres », photos de Madagascar, en hommage à sa grand-mère maternelle malgache.

Daniel Lejeune fit la connaissance de Nicole Wuhl, surveillante d’externat, puis commis contractuelle à la direction départementale du travail de Valenciennes, qui devint son épouse en 1975. Leur fils Thibaut naquit en 1979.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article247098, notice LEJEUNE Daniel André par Jean-Paul Richez, version mise en ligne le 11 avril 2022, dernière modification le 24 juin 2022.

Par Jean-Paul Richez

Daniel Lejeune
Daniel Lejeune
Que revienne le temps des cerises
Que revienne le temps des cerises
Photomontage créé pour le 150ème anniversaire de la Commune de 1871.
La photo d’origine a été prise le 18 octobre 2020, lors du rassemblement organisé Place de la République à Paris en hommage à Samuel Paty, enseignant victime d’un assassinat

ŒUVRE CHOISIE : L’intervention de l’inspection du travail pour la prévention des risques professionnels, Editions nationales administratives et juridiques, 1982. Évaluation des risques et santé au travail. Continuité et évolution : du rapport Villermé aux directives européennes, Ministère du Travail et des Affaires sociales,1996. — Avec A. Vienot, Rapport IGAS/INSEE d’audit de l’organisation du système d’information statistique accidents du travail et maladies professionnelles, La documentation française, 2006. — « Le rôle et l’histoire du ministère du Travail », Cours de formation dans le cadre de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP), INTEFP, 2008-2015.

SOURCES : CHATEFP, Transcription de trois entretiens réalisés en 2016 par Marie Agam-Ferrier. — Daniel Lejeune, discours prononcé à l’occasion du départ en retraite, 12 décembre 2011. — « On ne combat bien que ce qu’on connait », interview de Daniel Lejeune, Santé et travail, n° 101, janvier 2018.

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