FRÜHLING Louis, Armand. Pseudonyme dans la Résistance : « Commandant Gérard »

Par Françoise Olivier-Utard

Né le 18 janvier 1916 à Florange (Moselle annexée), mort le 23 novembre 1962 dans un accident d’avion au Bourget (Seine, Seine-Saint-Denis) ; professeur de médecine à l’université de Strasbourg (Bas-Rhin) ; militant communiste du Bas-Rhin ; résistant FTP en Dordogne.

Louis Frühling
Louis Frühling

Le grand-père de Louis Frühling était vigneron à Beblenheim (Bas-Rhin) et apparenté à Christian Pfister, professeur à la Sorbonne et maître d’œuvre de la réouverture de l’Université française de Strasbourg en 1918. Son père, Auguste Frühling avait fait des études d’ingénieur à l’École technique allemande de Strasbourg et était devenu ingénieur-chef chez de Wendel. Il affichait ouvertement des positions conservatrices. Protestant, il n’était pas pratiquant. Sa mère, Mathilde Trieps, était originaire d’une famille de mineurs lorrains. Louis Frühling fit ses études primaires à Nilvange (Moselle) et ses études secondaires au lycée de Thionville (Moselle). Après avoir obtenu le baccalauréat en 1933, au moment où il fallait choisir une filière universitaire, il hésita entre sciences, médecine et musique. Un risque de surdité héréditaire lui fit renoncer à une carrière de violoniste ou de chef d’orchestre. Il se dirigea alors vers la médecine mais s’inscrivit aussi au conservatoire de musique de Strasbourg. Il participa aux débuts du Festival de musique et aux Jeunesses musicales de France. Externe des Hôpitaux de Strasbourg dans le service du professeur Ambard en 1938, il devint l’année suivante assistant à l’institut d’anatomie pathologique, auprès du professeur Géry.

Réformé du service militaire en novembre 1939 à Rothau (Bas-Rhin), Louis Frühling s’était marié en septembre 1939 avec Alice Parmentier. Le couple eut deux enfants.

En 1939, la faculté de médecine de l’université de Strasbourg fut évacuée à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) et une partie des cliniques au sanatorium de Clairvivre (Dordogne). Louis Frühling dirigea à Clairvivre, de 1940 à 1944, sous la houlette du professeur Géry, le laboratoire d’anatomie pathologique et d’hématologie, installé dans des baraquements. En 1941, il fut chargé de donner un cours d’anatomie pathologique à la faculté de Clermont-Ferrand.

Engagé dans les FTPF en janvier 1943, commissaire aux effectifs dans sa compagnie FTPF en Dordogne jusqu’en juin 1944, devenu « Commandant Gérard », directeur d’un service de la santé des FFI à partir du 24 juillet 1944, il effectua un gros travail pour évacuer les résistants blessés dans les combats. Devenu Commissaire sanitaire interrégional des FTPF en août 1944, il fut successivement directeur adjoint du service de santé de la R5 des FFI puis médecin adjoint à la direction du service de santé de la 12e région. Engagé volontaire pour la durée de la guerre, le 26 octobre 1944, il fut notamment chargé de la surveillance sanitaire des ressortissants soviétiques de la 12e région en février 1945. Il fut démobilisé comme médecin capitaine en août 1945.

Docteur en médecine en juin 1944, Louis Frühling rentra à Strasbourg en 1945, avec l’université. Il passa une licence de sciences en 1947. Assistant puis chef de travaux en 1947, délégué dans les fonctions d’agrégé de 1947 à 1949, reçu à l’agrégation de médecine (section anatomie pathologique) en 1949, maître de conférences en 1949, il fut nommé professeur titulaire d’anatomie pathologique en 1952 et devint directeur du laboratoire d’anatomie pathologique en octobre 1953. Il entreprit de doter son laboratoire des meilleurs instruments de travail. Il détenait trois des quatre microscopes électroniques de Strasbourg, achetés grâce aux honoraires des nombreuses expertises qu’on lui demandait et qu’il reversait entièrement à son laboratoire. Il étudia en particulier la maladie de Hodgkin, la silicose et l’étiologie des fibro-élastoses de l’endocarde ; il eut un intense travail de publications. En plus de ses cours à la Faculté de Médecine de Strasbourg, il participa, dès 1947-1948, à l’enseignement du certificat d’anatomie pathologique de celle de Paris, puis à partir de 1952 à l’enseignement du certificat d’Hématologie à Paris.

Louis Frühling avait adhéré, très jeune, au Parti communiste, en réaction à son interdiction en Allemagne, en 1935. Tout au long de sa carrière, il afficha publiquement son appartenance au PCF et vendait régulièrement l’Humanité-Dimanche dans la vallée de la Bruche francophone, à Rothau, aux côtés de son épouse Alice Parmentier. Il participa aux manifestations pour la paix, en particulier lors de la guerre de Corée. Il mobilisa l’opinion contre l’utilisation d’armes bactériologiques. Il anima le groupe d’intellectuels, Combattants de la paix, qui se constitua à cette occasion. Sa position faisait scandale aux yeux de ses collègues de la faculté de médecine mais il fut défendu par le doyen de l’époque, Jacques Callot, lui-même signataire de l’Appel de Stockholm et qui apportait son soutien au Mouvement de la paix. En 1956 Louis Frühling monta la garde de nuit pour défendre les locaux du Parti communiste et du journal l’Humanité d’Alsace-Lorraine, attaqués et saccagés par des étudiants de droite après les événements de Hongrie. Lors de la guerre d’Algérie, il fut menacé par l’OAS et fit l’objet d’une surveillance discrète de la police. Il fut élu au comité fédéral du PCF du Bas-Rhin de 1957 à 1959. Lors de la conférence fédérale de 1959, en dépit d’une intervention jugée « belle » par le représentant du comité central, il demanda à ne pas être réélu afin de pouvoir développer son activité scientifique et universitaire. Il avait, peu de temps auparavant et pour les mêmes raisons, refusé d’être candidat aux élections municipales.

Louis Frühling siégea au comité de direction de la revue La Pensée et au comité de rédaction de La Nouvelle critique. Il publia plusieurs articles sur la musique et la médecine, notamment le chapitre « La musique en Alsace » d’Analyse de l’Alsace, publié aux Éditions de la Nouvelle Critique à Paris en 1955.

Louis Frühling et son épouse moururent dans un accident d’avion, au retour d’un colloque international de médecine à Szeged (Hongrie). Les circonstances exactes de l’accident ne furent jamais élucidées. Certains détails firent supposer que l’avion tchèque, qui transportait huit passagers, ne s’écrasa pas au sol mais explosa en vol, quelques minutes avant son atterrissage au Bourget. Cette fin tragique fit de Louis Frühling une figure héroïque de l’intellectuel engagé aux côtés de la classe ouvrière. La Nouvelle Critique lui rendit hommage dans son numéro de janvier-février 1963. Il était titulaire de la médaille de la Résistance

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24719, notice FRÜHLING Louis, Armand. Pseudonyme dans la Résistance : « Commandant Gérard » par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 25 février 2009, dernière modification le 19 novembre 2021.

Par Françoise Olivier-Utard

Louis Frühling
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SOURCES : Arch. Nat., F/17/ 27973. — Arch. comité national du PCF (J. Girault). — Histoire de la médecine à Strasbourg, coordonnée par Jacques Héran, La Nuée Bleue, 1997, p. 676. — L’Humanité 7 Jours, Strasbourg-Les Dernières Nouvelles d’Alsace. — Texte de la leçon inaugurale de médecine. — Entretien avec son fils le 5 mai 2000. — Notes de Jacques Girault. — État civil de Florange.

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