ETCHEBEHERE Mika [née FELDMAN Michelle, dite M. Gebo]

Par Louis Bonnel

Née le 14 mars 1902 à Moises-Ville (province de Santa Fe, Argentine), morte le 7 juillet 1992 à Antony (Hauts-de-Seine) ; journaliste ; anarchiste, communiste puis oppositionnelle de gauche ; épouse d’Hippolyte Etchebehere.

Ses parents, juifs russes, fuyant les progroms vinrent s’installer en Argentine quelques années avant sa naissance. Son père, Erich Feldman, était enseignant en langue yidisch dans une colonie juive au nord de l’Argentine, fondée par un Français, le baron Hirsch. Quelques années plus tard, la famille s’installa à Rosario (province de Santa Fe) à la tête d’un petit restaurant.

Dès son plus jeune âge, elle entendit raconter les terribles récits des révolutionnaires échappés de Sibérie ou de bagnes russes. À quatorze ans, elle adhéra au groupe anarchiste de Rosario.
C’est en 1920, à Buenos Aires où elle faisait ses études à l’Université, qu’elle fit connaissance d’Hippolyte Etchebehere et le rejoignit au groupe Insurrexit (ou Insurrecti). Elle entra au Parti communiste en 1925 où elle fit ses premières armes dans la constitution de groupes de femmes à l’intérieur des usines ainsi que la constitution de groupes d’ouvriers agricoles.

Très populaire parmi les militants du parti en raison de ses qualités d’orateur dont elle faisait preuve à la porte des usines en grève ou dans la rue pendant les campagnes électorales, elle fut néanmoins exclue, dès le début de 1926 pour tendance anarchiste et activités fractionnelles.

À partir de ce moment, elle participa constamment aux mêmes activités que son compagnon. Que ce soit à Paris ou à Berlin, elle fut toujours à ses côtés.

Elle était également avec son compagnon à Madrid ce 18 juillet 1936, quand fut formée la colonne motorisée du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste). Bien que simple milicienne, elle assuma la tâche de veiller à l’état sanitaire des cent vingt combattants de la colonne, des approvisionnements, de la propreté des locaux et des questions administratives.

Après la mort de son compagnon, le 16 août 1936, elle prit un fusil et participa à tous les combats. En novembre 1936 sur le front de Madrid, elle faisait partie de la 2e compagnie des milices du POUM que commandait Antonio Guerrero, un berger d’Estramadure dont les qualités faisaient l’admiration de tous les combattants. Lors d’une attaque franquiste, Antonio Guerrero fut grièvement blessé. En son absence, elle prit la tête de la compagnie et c’est là, qu’elle devint capitaine par décision de ses camarades.

Début décembre 1936, elle couvrit avec sa compagnie un front des environs de Madrid, à la Pinada de Húmera, spécialement menacé. Quelques semaines plus tard, la 1re compagnie des milices du POUM qui prit la relève dans ces mêmes tranchées fut décimée.
La campagne du Parti communiste contre le POUM, se faisant de plus en plus violente et le décret de militarisation prononcé par le gouvernement ne tolérant plus les petites unités, les miliciens du POUM furent intégrés dans un bataillon de la 38e brigade en tant que 4e compagnie. Elle y prit place avec le grade de commandant en second. Les miliciens du POUM avaient la réputation de compter parmi les plus combatifs, les plus disciplinés et les plus endurants. Ces qualités valurent à la 4e compagnie l’honneur de tenter la prise d’une position voisine de leurs tranchées mais une quarantaine de miliciens morts ou blessés payèrent le prix de cette opération mal coordonnée. Après ce désastre, la poignée de survivants parmi les miliciens du POUM se retrouvèrent, soit dans les unités de la CNT (Confédération nationale du travail), soit dans les formations du POUM en Catalogne.

À cette époque fut créée à Madrid, la 14e division dont le commandement fut confié à Cipriano Mera, un militant anarchiste qui avait pris part avec son organisation à tous les combats. Il fit place à Mika parmi ses officiers et elle poursuivit le combat jusqu’au mois de juin 1938.

À partir de cette date, sur décision de la CNT, elle se consacra à des tâches de culture dans un grand hôpital militaire de Madrid, continuant ainsi le travail commencé dans les tranchées où elle faisait apprendre à lire et à écrire aux miliciens illettrés.

À la fin de mars 1939, les premiers soldats de Franco entrèrent dans Madrid : elle dut se cacher.
Mais la vie en liberté devenait dangereuse et, après avoir été interpellée par une patrouille, qui hésita à l’arrêter en raison de son passeport français, elle décida de choisir asile au lycée français où elle passa six mois.

En raison des démarches de camarades de France auprès du ministère des Affaires étrangères, le Consulat de France à Madrid la fit conduire en voiture jusqu’au poste frontière d’Irun, munie d’un laissez-passer.
Présente en Argentine pendant la Seconde Guerre mondiale, elle revint en France en 1946.

Elle habitait à Paris VIe arr. au moment de son décès en 1992.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24734, notice ETCHEBEHERE Mika [née FELDMAN Michelle, dite M. Gebo] par Louis Bonnel, version mise en ligne le 27 février 2009, dernière modification le 28 juillet 2021.

Par Louis Bonnel

ŒUVRE : Ma guerre d’Espagne à moi, collection Lettres nouvelles, Éditions Denoël, 1975 ; rééd. Libertalia, 2015.

SOURCES : BDIC, Arch. René Lefeuvre. — J.-J. Thomas, Esquisse de l’histoire du groupe Que faire ?, 1933-1939, mémoire de maîtrise, Rennes, 1980. — Témoignage de l’intéressée. — État civil d’Antony. — Mika : Ma guerre d’Espagne à moi : Un documentaire de Fito Pochat et Javier Olivera, Buenos Aires, 2015.

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