GIRY Guy, Frédéric, Pierre

Par Madeleine Singer

Né le 2 avril 1910 à Saint-Victurnien (Haute-Vienne), mort le 3 janvier 2008 à Lembras (Dordogne) ; instituteur ; un des fondateurs du Syndicat général de l’éducation nationale (SGEN) ; rédacteur d’École et Éducation (1937-1946), puis secrétaire national du SGEN-Premier degré (1946-1954).

Aîné de deux enfants, Guy Giry, fils de Benjamin Giry, charron à la SNCF, et de Jeanne Giry, employée des PTT, fréquenta d’abord avec son frère l’école primaire à Levallois-Perret. Puis à l’EPS Jean-Baptiste-Say, il prépara l’entrée de l’École normale d’Auteuil. Reçu en 1927, il y assura aussitôt l’animation du groupe « tala » qui avait été fondé l’année précédente. Il faisait aussi partie du groupe qui, en vue d’un approfondissement spirituel, se réunissait tous les dimanches chez Marcel Légaut : on y retrouvait quelques élèves « tala » tant d’Auteuil que de l’École normale des Batignolles (filles) ainsi que de l’École normale supérieure de Saint-Cloud. À sa sortie de l’école, il exerça en qualité d’instituteur à Nanterre, à Suresnes, enfin à Paris.

Marié en avril 1934 à Paris (Ve arr.) avec une Normalienne des Batignolles, il réunit alors chez lui le jeudi soir quelques anciens des groupes « tala » des deux Écoles normales. Un jour, une Normalienne, Andrée Desouches, y amena Mademoiselle Rey, collaboratrice d’Humbert Augeard, secrétaire de la Fédération française des syndicats professionnels de fonctionnaires, affiliée à la CFTC. Guy Giry fut ainsi mis en relation avec Paul Vignaux qui se rendit à une réunion du jeudi soir. Tout cela aboutit à la rencontre du troisième jeudi d’octobre 1937, dans le local des fonctionnaires, 21 rue Casimir-Périer : une dizaine de personnes (Paul Vignaux, Guy Giry, etc.), appartenant tant au Premier degré, qu’au Second degré ou au Supérieur, adoptèrent une déclaration de principes qui constitua l’article 1 des statuts du SGEN, déposés le 9 novembre 1937.

Quelques camarades de Guy Giry adhérèrent aussitôt avec lui, d’autres restant à l’Union nationale des membres de l’enseignement public (UNMEP), voire au SNI Ces adhérents du SGEN avaient trois préoccupations : ils désiraient d’abord défendre leur place dans l’école publique sans devoir cacher les convictions religieuses. Ils étaient par ailleurs tentés de militer au sein d’une confédération ouvrière car ils appartenaient comme Guy Giry à un milieu modeste. Enfin ils espéraient, avec l’appui des maîtres du secondaire et du supérieur faire triompher leurs idées sur la formation des maîtres dans les Écoles normales. Déjà, dans le bulletin de l’UNMEP, en juillet 1937, Guy Giry réclamait pour eux un enseignement plus approfondi, informant sur la phonétique, la théorie du langage, la psychologie de l’enfant, l’histoire de la pédagogie.

Rédacteur d’École et Éducation dont le premier numéro parut le 1er décembre 1937, Guy Giry fut aussitôt l’un des cinq membres du bureau et participa aux premières audiences ministérielles. Il organisa en même temps la section primaire de la Seine qui tint ses réunions dès l’année suivante. Pourtant, déclara Guy Giry, pour adhérer au SGEN dans le Premier degré, il fallait « dans la région parisienne un certain « culot » et en province de l’héroïsme ».

Vint la guerre. Guy Giry prisonnier ne revint en France qu’à la fin des hostilités. Peu après, en octobre 1946, il passa en d’autres mains la rédaction du bulletin syndical afin de prendre en charge le secrétariat national du Premier degré, avec l’aide de René Perrin*. La tâche était très lourde car il fallait d’abord assurer l’animation de toutes les sections départementales. Or certaines posaient des problèmes, comme celle du Pas-de-Calais où un fort contingent d’adhérents venait des écoles privées des Houillères, devenues publiques par la nationalisation de 1947. Lors du Congrès académique de Lille, le 13 décembre 1951, ces instituteurs ex-Houillères risquaient de ne pas être favorables à une motion qui approuvait l’action du SGEN contre la loi Barangé. Avant le congrès, avec Paul Vignaux, alors secrétaire général, Guy Giry envoya donc aux adhérents Premier degré de cette académie une lettre où tous deux déclaraient solennellement : « Voter contre la motion que Charles Wiart* soumet à vos suffrages, ce serait retirer aux responsables nationaux votre confiance ». Si la motion fut adoptée par 62 % des votants, ce fut grâce au poids des instituteurs du Nord, car dans le Pas-de-Calais, 87 % votèrent contre.

Giry assurait bien entendu la représentation du SGEN-Premier degré auprès du Parlement, auprès des autres organisations syndicales ainsi qu’au ministère, notamment lorsque les questions étaient particulièrement importantes ou délicates. Ainsi, le 6 juin 1950, Guy Giry reçu en audience par Debiesse, directeur adjoint du Premier degré, demanda qu’on fît une enquête au sujet de la liberté de conscience dans les Écoles normales de Vesoul. La directrice avait en effet envoyé aux familles des Normaliennes une mise en garde à l’égard des messes et cours religieux auxquels des Normaliennes assistaient dans le cadre de la Paroisse universitaire ; elle exigeait à ce sujet une autorisation spéciale des familles que quatre seulement osèrent envoyer. À l’École normale de garçons, même mise en garde verbale. Le 21 juin, Guy Giry et Paul Vignaux revinrent en audience pour réclamer des précisions sur le sens de la réponse faite à Charles Viatte, député du Jura : le ministre reconnut que les Normaliens avaient le droit de participer à des études religieuses dès lors qu’il s’agissait de cours publics, c’est-à-dire non réservés à des Normaliens, ayant le caractère d’un complément sans devenir un contre-enseignement.

Guy Giry participait évidemment à toutes les réunions du SGEN au plan national : outre le bureau du Premier degré, il y avait le bureau national général où il siégea jusqu’en 1955, enfin le comité national (1945-1955). On le retrouvait également parmi les animateurs des sessions destinées aux jeunes militants, sessions qui se déroulèrent à partir de 1952, à Bierville, dans l’Institut confédéral d’éducation ouvrière.

On comprend donc qu’en 1954, Guy Giry céda la place à Jean Brocard qui lui avait été adjoint par le comité national l’année précédente. Il invoqua alors les facilités que donnait à celui-ci son rôle de permanent pour assurer les liaisons avec les sections départementales. « Certes, dit-il, j’aurais sans doute, si j’en avais exprimé le désir, obtenu une décharge partielle. Mon travail syndical aurait été plus rentable. Ma tâche professionnelle en aurait fatalement souffert, je ne m’y suis jamais résolu ». Le service partiel qui ne fait pas problème dans le second degré où le professeur est chargé de plusieurs classes, modifie en effet les conditions d’exercice dans le Premier degré où l’instituteur assure seul tout l’enseignement dans sa classe.

Guy Giry invoqua aussi ses responsabilités familiales à l’égard de ses quatre enfants qui grandissaient, d’autant plus que sa femme, institutrice également, ne cessera d’exercer son métier que quatre ans avant l’âge de la retraite. Mais il poursuivit sa tâche au sein du Bureau-Premier degré : depuis 1953, il relançait par des articles dans École et Éducation la réforme des Écoles normales car, dès avant-guerre, le SGEN avait soutenu Jean Zay* qui souhaitait transformer les Écoles normales en « écoles professionnelles ».

Si Guy Giry quitta discrètement, à la veille du congrès de Grenoble (avril 1955), le Syndicat pour lequel il s’était tant dévoué, c’est que, chez lui, le coeur parlait plus haut que la raison. Il avait désapprouvé la grève du SGEN, le 23 mars 1955, contre la loi Saint-Cyr qui octroyait des subventions à l’enseignement agricole privé. Certes il voulait que l’école publique fût, en fait comme en droit, ouverte à tous, mais il admettait mal que les autres fondateurs du SGEN veuillent enraciner cette exigence dans une vocation nationale de l’enseignement public qui implique des prérogatives financières, car cela mettait le personnel de l’enseignement libre dans une situation matérielle difficile. Cela lui paraissait contraire à la charité chrétienne.

Guy Giry prit sa retraite en 1965, en Dordogne, près de Bergerac. Là il milita à nouveau : de 1970 à 1984, il fut le président du CATIB, association qui venait en aide aux travailleurs immigrés, marocains et portugais. Puis il se consacra encore pendant quelques années à la société Saint-Vincent de Paul. Ce souci des plus humbles correspondait aux préoccupations de sa jeunesse car, écrivait-il en 1952, « le SGEN n’a pas été fondé pour les instis, mais pour la classe ouvrière ». Il s’agissait de renforcer l’apport que, depuis 1934, des enseignants fournissaient déjà à la CFTC dans le cadre de la formation.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24738, notice GIRY Guy, Frédéric, Pierre par Madeleine Singer, version mise en ligne le 27 février 2009, dernière modification le 31 octobre 2021.

Par Madeleine Singer

SOURCES : Madeleine Singer, Le SGEN 1937-1970, thèse, Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. Dép. Nord, J 1471) ; Histoire du SGEN, 1987, Presses universitaires de Lille. — Lettres de Guy Giry à Madeleine Singer, 12 février 1995 ; 12 novembre 1995 (Arch. privées).— Etat civil.

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