GARTENSTEIN Sarah, épouse SAUVARD, dite Sylvie

Par Chantal Dossin

Née le 10 mars 1913 à Vadu-Ruscu, Bessarabie (actuellement en Roumanie) ; préparatrice en pharmacie ; volontaire en Espagne républicaine ; résistante communiste.

Sarah, dite aussi Sylvie, Gartenstein naquit le 10 mars 1913 à Vadu-Ruscu, un village de Bessarabie, région située en Roumanie, à cette époque. Les Juifs y représentaient 8% de la population. Les actes antisémites et les pogroms y furent nombreux. Dans ce contexte, Sarah Gartenstein quitta la Roumanie. On la retrouva le 4 août 1937 à l’hôpital de Vich, près de Barcelone (Espagne). Elle était membre du Service sanitaire international, chargé de soigner les républicains espagnols blessés, au cours de la guerre d’Espagne. Elle rencontra alors Maurice Sauvard, brigadiste français parti combattre aux côtés des Républicains espagnols dès 1936. Blessé le 1er mai 1937, il fut retiré du front et hospitalisé pendant 6 mois. Rétabli, il devint commissaire politique à l’hôpital de Vich. Il fit la connaissance de Sarah Gartenstein avec laquelle il se maria, mariage confirmé en septembre 1939 en France, lorsqu’ils furent rapatriés. Dans le droit fil de leurs engagements, Sarah et Maurice Sauvard, devinrent résistants Front national à Paris, dans le XIVe arrondissement où vivait Maurice Sauvard avant son départ en Espagne. Ils habitaient alors au 18, rue Hippolyte-Mandron.
Maurice Sauvard devint responsable d’un groupe de jeunes du XIVe arrondissement dès 1940. Lié à l organisation spéciale OS puis aux FTP en 1942, il effectua des sabotages de véhicules, une attaque à main armée d’un officier allemand au Parc Montsouris, mais aussi fournit des faux-papiers à des réfractaires, diffusa la presse clandestine du parti communiste. Sarah Sauvard a dû participer à ces diffusions car le motif de son arrestation en 1944 est "arrêtée pour propagande patriotique". En attendant, le 16 mai 1942, les brigades spéciales les arrêtent tous les deux, dans le cadre de l’affaire Bloch-Sérazin.France Bloch était juive et communiste. Elle fut accusée d’avoir fabriqué dans son appartement des explosifs pour le compte de l’OS organisation spéciale, créée par le Parti communiste en 1940. Les inspecteurs des Brigades spéciales avaient "filé" France Bloch-Serazin pendant des semaines. Elle avait été vue avec Maurice Sauvard au métro Austerlitz à 6h 30 le 14 avril 1942. Ils avaient ensuite marché ensemble jusqu’à l’angle de la rue Buffon où se trouvait un laboratoire de recherche. Maurice Sauvard, soupçonné d’avoir été en relation avec France Bloch dans cette affaire nia avoir eu rendez-vous avec elle, ainsi que son appartenance à une quelconque organisation communiste. De nombreux soupçons pesaient également sur Sarah Sauvard. Lors de la perquisition de leur appartement, les policiers avaient trouvé un carnet à couverture bleue sur lequel étaient inscrites des formules chimiques et qui devinrent pièce à conviction. Lors de son interrogatoire, elle déclara que ces notes étaient liées à son travail aux établissements Chabrier (d’août 1940 à décembre 1941) où elle était préparatrice en produits de beauté et de parfumerie. Par ailleurs, elle affirma ne pas être Juive et n’avoir jamais adhéré à une organisation politique rattachée à la IIIe Internationale. C’était l’argumentation systématique des prévenus face aux Brigades spéciales de la police française.
Maurice et Sarah Sauvard figuraient donc parmi les éventuels complices de France Bloch. Celle-ci, condamnée à mort, fut emmenée en Allemagne le 27 novembre 1942 puis exécutée à la prison de Hambourg le 12 février 1943. Dix-neuf prévenus inculpés ont été fusillés le 21 octobre 1942 au stand de tir d’Issy- les- Moulineaux. Les époux Sauvard furent finalement libérés le 16 octobre 1942, après avoir été internés six mois à la prison de la Santé. Mais leur dossier était désormais dans les mains de la Gestapo, notamment celui de Sarah Sauvard, Juive d’origine étrangère et soupçonnée de " propagande anti-nationale avec les communistes ". Elle fut retrouvée et le 10 juin 1944 arrêtée à son domicile sur ordre du service du 4e bureau de la Gestapo chargé des affaires juives. Elle fut internée au camp de Drancy dès le lendemain de son arrestation. Elle reçut le numéro matricule 23852 et la fiche de son carnet de fouille dit qu’elle remit au chef de la police du camp la somme de 1218 francs, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp. Elle resta près de trois semaines à Drancy jusqu’au moment où les nazis rassemblèrent les 1153 déportés qui formèrent l’avant-dernier convoi Drancy-Auschwitz, le 76e convoi parti de Drancy à la date du 30 juin 1944.
Le voyage qui dura quatre jours, par une chaleur torride, fut particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans un wagon à bestiaux plombé. Le 4 juillet, le convoi arriva à l’intérieur du camp de Birkenau sur la "rampe d’Auschwitz" où eut lieu la sélection. Jeune et valide, Sarah Sauvard entra au camp de femmes de Birkenau, comme 223 femmes de ce convoi, alors que 270 furent gazées dès l’arrivée du convoi. Il est noté dans son dossier de déportée qu’elle a été libérée au camp de Ravensbrück. Puis, en mai 1945, un laisser-passer, fut établi à son nom à Stockholm en mai 1945. Elle a donc fait partie des 600 femmes évacuées du camp de Ravensbrück vers la Suède par la Croix-Rouge le 23 avril 1945. Selon les témoignages de déportées, elles y reçurent un accueil chaleureux des services humanitaires suédois, d’infirmières volontaires qui se mirent au service de ces femmes épuisées. Sarah Sauvardfust rapatriée en France le 25 juillet 1945. Très amaigrie, selon les photographies, mais rescapée. Il est possible, étant pharmacienne, qu’elle ait travaillé au "Revier" du camp, ce qui, selon les dires de toutes les déportées rentrées, représentait une chance de survie.
Elle retrouva son mari, ils habitaient à la même adresse, dans le XIVe arrondissement. La mère de Sarah Sauvard avait rejoint sa fille à Paris où elle vécut avec le couple, selon le recensement de 1946. Maurice Sauvard décéda en novembre 1947. Sarah Sauvard repartit en Roumanie en 1948. On ignore son destin.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article247701, notice GARTENSTEIN Sarah, épouse SAUVARD, dite Sylvie par Chantal Dossin, version mise en ligne le 27 avril 2022, dernière modification le 27 avril 2022.

Par Chantal Dossin

SOURCES : DAVCC Caen AC27P 7662. - Mémorial de la Shoah- Préfecture de Police. — BDIC (documents de l’ACER). — Marie Cristiani, Mon Fredo, éditions Arcane 17. — Chantal Dossin, Elles étaient juives et résistantes, Éditions Sutton.

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