LOUZON Robert, Adolphe, Alphonse

Par Colette Chambelland

Né le 30 juin 1882 à Paris (IXe arr.), mort le 8 septembre 1976 à Antibes (Alpes-Maritimes) ; ingénieur ; militant syndicaliste révolutionnaire, puis communiste ; collaborateur de la Vie ouvrière, de l’Humanité, de la Révolution prolétarienne ; spécialisé dans les études économiques.

Né dans une famille bourgeoise, fils de Paul Louzon, avocat, et de Eugénie Barast, sans profession, Robert Louzon fit de solides études scientifiques et entra à l’École des Mines.
Très tôt il s’intéressa au mouvement socialiste puisque dès 1899 il adhéra au groupe des étudiants collectivistes et, en 1900, au groupe central du XVe arr. du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) en même temps qu’il fréquentait assidûment l’Émancipation, université populaire du XVe arr.
Cependant les idées syndicalistes révolutionnaires l’attirèrent très tôt. En octobre 1931, il décrivait dans la Révolution prolétarienne, à propos d’une note sur Pouget, son évolution : “Tout jeune, porté par une force instinctive, irrévocable, vers le mouvement ouvrier, je dévorais tout ce que je trouvais dans la littérature alors fort abondante publiée par les socialistes de toutes les écoles : depuis les articles de Rochefort jusqu’au Manifeste communiste et aux œuvres de Kropotkine. Un jour, au hasard d’un kiosque, je découvris le Père Peinard. Ce me fut une révélation. Pouget me révélait à moi-même mes propres idées, celles que depuis lors je n’ai pas quittées”.

Il était donc naturel que, tout en étant, du fait même de l’unité, membre en 1905 du Parti socialiste SFIO, il travaillât avec les éléments syndicalistes du parti et collaborât à l’Avant-Garde (avril 1905-mars 1906), puis au Mouvement socialiste.
En 1906, il prêta 90 000 francs à la CGT, argent nécessaire à l’achat de son immeuble de la rue de la Grange-aux-Belles. Ce fait fut connu de la direction de la Société du Gaz de Paris où il était ingénieur et il fut immédiatement révoqué.

Dès la fondation par Pierre Monatte de la Vie ouvrière, il participa aux réunions du noyau et donna à la revue, en décembre 1909, un premier article sur le “Trust du matériel des usines à gaz”. Il y collabora régulièrement par la rédaction d’études (“L’ouvriérisme et les mathématiques” ; “Les deux grandes révolutions de la technique du XIXe siècle”), des comptes rendus d’ouvrages, de notes et de documents.

En 1913, il quitta la France pour la Tunisie où il s’occupa d’une exploitation agricole.
Après avoir fait la guerre comme capitaine de zouaves, il rejoignit la Tunisie où il adhéra en 1919 à la section de Tunis du Parti socialiste. La majorité de cette section vota, après le congrès de Tours, l’adhésion à l’Internationale communiste. Robert Louzon fut alors amené à assurer la direction de l’Avenir social, organe de la Fédération communiste tunisienne, puis à prendre le secrétariat de cette fédération. En 1921, il fut poursuivi en conseil de guerre pour “diffamation envers les officiers de l’armée française” en raison d’un article de l’Avenir social, et condamné à 1 f d’amende avec sursis.

À la fin de 1921, la Fédération lança un quotidien en langue arabe qui fut interdit au bout de huit jours. Pendant une dizaine de jours, de nouveaux quotidiens en arabe furent lancés chaque jour sous un titre différent et aussitôt interdits. À la suite de ces publications, un décret fut pris qui soumit toute parution d’un journal arabe à une autorisation préalable.

En 1922, la parution, sous sa responsabilité, d’une brochure et d’un poème en arabe, valut à R. Louzon de nouvelles poursuites pour “attaque contre les droits et pouvoirs de la République française en Tunisie” et exhortation à la haine des races. Il fut condamné à huit mois de prison, condamnation réduite à six mois en appel à Alger.
À sa sortie de prison en août 1922, il fut expulsé de Tunisie et revint en France où il rejoignit Monatte et le groupe de la Vie ouvrière. En 1923, il commença à collaborer à l’Humanité, donnant essentiellement des articles économiques. Au sein du Parti communiste il se situait dans la tendance de Monatte et de Rosmer. Tout naturellement, il démissionna donc en décembre 1924 après l’exclusion de Monatte, Rosmer et Delagarde.
En 1925, R. Louzon fut du “noyau” fondateur de la Révolution prolétarienne et y commença une collaboration très régulière. Il y publia de très nombreux articles de fond et assura une rubrique : “Notes économiques”. Il en fut même, pendant plusieurs années, le secrétaire de rédaction, la revue s’imprimant à ce moment à Cannes où il résidait.
Dans la Révolution prolétarienne du 10 mars 1933, il appelait « le prolétariat européen » à engager « un combat à mort contre le régime d’Hitler et de Mussolini ». Comme première mesure immédiate, Louzon proposait « le boycottage de tous les produits en provenance des deux pays où le fascisme règne ».

En août 1936, d’accord avec la CNT d’Espagne, il alla au Maroc contacter les Marocains des comités d’action pour qu’ils tentent d’empêcher Franco de recruter des Arabes dans le Riff. Son accord avec les républicains espagnols était tel qu’en février 1937 il s’engagea mais ne put, étant donné son âge et son état de santé, rester plus de quelques mois sur le front espagnol. Il publia dans la Révolution prolétarienne de nombreux articles sur les problèmes de la guerre et de la révolution espagnoles et collabora à SIA (Solidarité internationale antifasciste). En juillet 1939, il fut poursuivi pour un article paru dans cet hebdomadaire “La Tunisie aux Tunisiens” et fut condamné par défaut à quinze mois de prison.

Résolument pacifiste, Robert Louzon signa en octobre 1939 le tract “Paix immédiate” et fut de ce fait poursuivi devant le conseil de guerre, mais obtint un non-lieu.
Il fut arrêté en mai 1940 sur ordre du ministre Mandel et envoyé dans un camp de détention, en France d’abord, puis dans le Sud algérien. Libéré en août 1941, il revint à Cannes où il vécut les années d’occupation à l’écart de toute activité militante.

En 1947, quand la Révolution prolétarienne reparut, il fit à nouveau partie du noyau et y entama dès le premier numéro une collaboration soutenue. Il publie depuis régulièrement des “Notes d’économie et de politique”, au ton très libre et souvent paradoxal qui suscitèrent bien des fois d’ardentes polémiques.

Le 6 octobre 1908, Robert Louzon avait épousé à la mairie du XVe arrondissement de Paris Eliska Coquus, connue pour ses opinions anarchistes. Robert et Eliska Louzon partirent tous deux en Tunisie en 1913 pour y exploiter de petites propriétés. Depuis 1936, Louzon eut pour compagne "Nonore" Teissier, selon les souvenirs de Martial Desmoulins, puis Hélène Savanier, qui lui survécut.

Robert Louzon mourut le 8 septembre 1976 à 94 ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24774, notice LOUZON Robert, Adolphe, Alphonse par Colette Chambelland, version mise en ligne le 1er mars 2009, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Colette Chambelland

Principaux ouvrages : L’Économie capitaliste. — L’Ère de l’impérialisme. — La Chine. Ses trois millénaires d’histoire. Ses cinquante ans de révolution.

SOURCES : Arch. Nat., F7/12960. — CADN, Protectorat en Tunisie, Service des Renseignements-généraux, 1TU/701/114, dossiers "Mme Louzon" et "Robert Louzon". — Collection de la Révolution prolétarienne et particulièrement le n° 626, octobre 1976. — Le Monde, 22 septembre 1976. — État civil. — Notes de Élise Abassade, Marianne Enckell et Julien Chuzeville. — État civil en ligne cote V4E 3598, vue 3. — Bulletin du CIRA, Marseille, n° 19-20, mai 1983 (Souvenirs de Martial Desmoulins).

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