LE MORILLON Renée, épouse MORILLON

Par Renaud Poulain-Argiolas

Née le 13 août 1901 à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), morte le 15 décembre 1978 à Paris (XIIe arr.) ; militante communiste ; gardienne de la maison des syndicats de Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) ; résistante, membre du Parti communiste clandestin et du Front national de lutte pour la libération ; déportée à Ravensbrück.

Renée Morillon

Les parents de Renée Le Morillon étaient Pierre, Marie Le Morillon, né à Colpo (Morbihan), alors livreur, et Léontine Boutet, née à Montluçon (Allier), journalière. Tous les deux étaient sympathisants communistes à l’époque du Front populaire. Ils étaient domiciliés 71 rue Nationale à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Renée était la deuxième d’une fratrie de huit enfants qui furent tous des militants communistes : Émile (né en 1900), Pierre (1903), Suzanne (1908), Georges (1910), Madeleine (1914), Georgette (1916) et Olga (1922).
Le foyer changea de nombreuses fois d’adresse, au gré des emplois successifs du père. Pierre Le Morillon fut notamment coiffeur-perruquier, fondeur et manœuvre à Saint-Nazaire (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique). En 1903, la famille était domiciliée au 86 boulevard Sadi-Carnot à Ivry-Port (Seine, aujourd’hui Ivry-sur-Seine, Val-de-Marne). Le père y travaillait comme manouvrier. En 1906, ils vivaient avec leurs trois premiers enfants à Breteuil-sur-Iton (aujourd’hui Breteuil, Eure) dans le hameau de la Madeleine, où Pierre Le Morillon travaillait comme ouvrier d’usine aux forges.
Ils avaient pour voisins le frère de Pierre, Jean Morillon [une erreur d’état civil avait fait perdre la particule « Le » à son patronyme], lui aussi ouvrier aux forges, et la sœur de Léontine, Eulalie Boutet. Ces derniers étaient mariés et élevaient six enfants, dont André Morillon. La famille s’installa par la suite en région parisienne où Le Morillon fut employé de la Compagnie des Tramways de l’Est Parisien.

Renée Le Morillon se maria le 21 mars 1925 avec son cousin André Morillon à La Francheville (Ardennes). Ils eurent ensemble deux enfants : André, né en 1926 (Paris, XIIe arr.), et Maxime, né en 1928 (Paris, XIVe arr.). Ils étaient tous les deux militants communistes. Suite à la victoire de Franco, ils hébergèrent une fille de républicains espagnols âgée de douze ans, nommée Mercedes Peres Ibanes. Les parents Le Morillon hébergèrent eux aussi un garçon et une fillette.

Militante du Parti communiste clandestin sous l’Occupation, Renée Morillon avait des contacts avec Ernest Laval, Fournier (parfois écrit Tournier) dit « Damoy » et Armangot. C’est ce dernier qui aurait fait d’elle un agent de liaison. Ses sœurs Suzanne, Madeleine, Georgette et Olga avaient la même fonction. Renée Morillon distribuait du matériel, transmettait des indications pour les planques, assurait la « liaison de la prison des Tourelles avec Marcel Lecointe [vraisemblablement Maurice Lecointe] pour les rapports », transportait du matériel et des marchandises que Fournier lui donnait pour Valdi [difficile à lire], Lecointe, et Bernard (ou Berman). Un autre camarade lui fournissait aussi « la littérature et documentation de la semaine ».

Quelques semaines après l’arrestation d’André Morillon, Renée fut arrêtée à son tour le 16 décembre 1942. D’après le récit qu’elle fit dans son dossier d’homologation, un camarade, Joseph Franchi, avait été pris avec des documents qu’elle lui avait apportés. Un courrier du Front national mentionne qu’elle avait participé à une « distribution massive de tracts sur les communes de Vitry, Ivry et environs ». Elle fut appréhendée au 97 rue du chemin de fer (aujourd’hui avenue Paul Vaillant-Couturier) à Vitry. De source familiale, dans l’espoir de lui arracher des informations on la força à assister à l’interrogatoire de son mari. Lui, protégeant son réseau, n’avait donné aucun élément important à sa femme et ne parla pas. Du dépôt, on incarcéra Renée Morillon à la prison de Fresnes, à Romainville puis à Compiègne.
Parmi les militants du Parti communiste qu’elle fréquenta dans la clandestinité, outre ses contacts déjà mentionnés, on peut citer son frère Émile Le Morillon, son mari André Morillon, un certain « Moustache » (voir Richard Levy), Valdi (ou Waldy), et, au nombre des disparus de son organisation, Jeanne Grimaud et Marie Dubois.

Renée et André Morillon étaient à bord du convoi I. 95 au départ de Compiègne le 28 avril 1943, transportant 931 hommes et 216 femmes à destination de Ravensbrück. André fut redirigé vers le camp de Sachsenhausen. À Ravensbrück Renée reçut le matricule 19326. Elle y retrouva des connaissances : son amie Amélie Jouanin, sa belle-sœur Catherine (voir Marguerite Le Morillon) ou encore Marie-Claude Vaillant-Couturier. Cette dernière lui sauva la vie quand elle fut frappée de dysenterie : elle la cacha au milieu des charniers dans lesquels les Allemands jetaient des cadavres. Pendant trois jours, des déportées se seraient relayées pour lui apporter du pain et de l’eau. Elle fut probablement soumise à des expérimentations médicales : les injections qu’on lui fit à plusieurs reprises dans les jambes allaient lui causer des douleurs pour le restant de ses jours. Elle fut libérée du camp par la Croix-Rouge le 23 avril 1945, transita par la Suède et fut rapatriée le 9 juillet par la Croix-Rouge suédoise.

En août 1948, le Secrétariat d’État aux Forces armées homologua Renée Morillon membre de la résistance intérieure française (RIF) au titre du Front national. On lui attribua le grade de sergent. Elle reçut en septembre 1950 une attestation de Marcel Mugnier, liquidateur national du Front national, déclarant son appartenance au mouvement résistant depuis mai 1941. Elle tenta en mai 1958 de faire reconnaître cette première période par le Secrétariat d’État, qui lui refusa cependant le titre de déportée et internée de la résistance (DIR).

Renée Morillon vécut longtemps avec son mari au 2 rue Montebello à Vitry-sur-Seine, à la maison des syndicats (démolie depuis) dont elle était la gardienne. Ils déménagèrent lorsqu’André Morillon approcha de la retraite. En mars 1964, ils habitaient Cité Rosenberg, 101 rue de Choisy à Vitry. Ils s’installèrent à Saint-Antoine-du-Rocher (Indre-et-Loire) peu de temps après. Après le décès de son époux, elle revint dans la région parisienne où elle finit ses jours.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article247851, notice LE MORILLON Renée, épouse MORILLON par Renaud Poulain-Argiolas, version mise en ligne le 3 mai 2022, dernière modification le 4 septembre 2022.

Par Renaud Poulain-Argiolas

Renée Le Morillon jeune
Renée Morillon

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 361732. — Arch. Dép. Val-de-Marne, État civil d’Ivry-sur-Seine, Naissances, 1901, Acte n°441, 1MI 2586. — Livre-Mémorial, Fondation pour la Mémoire de la Déportation. — Site Match ID, Acte n°2875 N, Source INSEE : fichier 1978, ligne n°329176. — Arch. Dép. Eure, Recensement de la population de Breteuil-sur-Iton, 1906, 6M185. — Site Filae. — Site Généanet. — Archives familiales. — Propos recueillis auprès de Danièle Dubois, sa nièce (mai 2022).

ICONOGRAPHIE : Archives de Danièle Dubois.

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