MORILLON André. Pseudonyme dans la Résistance : COUSIN

Par Renaud Poulain-Argiolas

Né le 26 avril 1903 à Alfortville (Seine, Val-de-Marne), mort le 24 juin 1970 à Saint-Antoine-du-Rocher (Indre-et-Loire) ; fraiseur sur métaux ; militant communiste ; syndicaliste CGT, secrétaire du syndicat des métallurgistes de Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) ; gardien de la maison des syndicats de Vitry ; résistant, membre du Front national de lutte pour la libération et des FTPF, liaison du groupe Valmy ; déporté à Oranienbourg-Sachsenhausen (Allemagne).

André Morillon

André Morillon aurait dû s’appeler Le Morillon, mais une erreur d’état civil à la naissance de son père fit perdre la particule « Le » à leur patronyme. Il vit le jour au 49 rue de Charenton à Alfortville (Seine, Val-de-Marne). Ses parents étaient Jean, Marie Morillon, né en 1877 à Colpo (Morbihan), forgeron, et Eulalie Boutet, née en 1871 à Montluçon (Allier). En 1906, la famille était domiciliée à Breteuil-sur-Iton (aujourd’hui Breteuil, Eure) dans le hameau de la Madeleine, où le père travaillait comme ouvrier aux forges. André avait une sœur aînée, Jeanne, née à Ivry en 1902. Les parents eurent une autre fille, Raymonde, en 1911. La mère s’était mariée à deux reprises dans le passé. De sa première union elle avait eu quatre enfants qui vivaient également avec eux. Dans le voisinage habitaient Pierre Le Morillon (le frère de Jean) et Léontine Boutet (la sœur d’Eulalie), mariés, avec leurs enfants, dont Renée Le Morillon qui avait deux ans de plus qu’André.

André Morillon adhéra jeune au PCF et à la CGT. Il travaillait dans la métallurgie en tant que fraiseur sur métaux. Il épousa le 21 mars 1925 sa cousine Renée à La Francheville (Ardennes). Renée Morillon fut elle aussi militante communiste, comme tous ses frères et sœurs. Le couple eut deux enfants : André, né en 1926 (Paris, XIIe arr.), et Maxime, né en 1928 (Paris, XIVe arr.). Suite à la victoire de Franco, ils hébergèrent une fille de républicains espagnols âgée de douze ans, nommée Mercedes Peres Ibanes.

Actif au sein du Parti communiste clandestin, de 1940 à 1942 André Morillon fut responsable de Vitry-sur-Seine pour le matériel et l’approvisionnement des planques en machines à écrire, papier etc. Une attestation de Marcel Mugnier, liquidateur national du Front national (de lutte pour la libération et l’indépendance de la France) et des FTPF, datée de septembre 1950, reconnaît sa participation au mouvement de résistance à partir de mai 1941. Morillon témoigna avoir été contacté par Marcel Boyer (s’agirait-il de Marcel Boyer ?) et Robert Dubois dit « Breton », responsable des cadres du parti. À partir de 1942, il était responsable de la propagande du secteur sud du département de la Seine et de la Seine-et-Oise sous les ordres de Dubois et d’un certain Raphaël. Il fut rétribué pour cette tâche en juillet 1942.
Il s’occupa des 19 évadés du camp de Compiègne le 22 juin 1942, dont Georges Cogniot, Jules Crapier, Henri Kesteman, Maurice Lecointe, Étienne Sacco et André Tollet. Dans Le Souterrain, André Tollet raconte qu’une douzaine d’entre eux devant trouver un logement, André Morillon se chargea leur trouver des planques. Membre des FTP et liaison du groupe Valmy, Morillon s’occupait en septembre 1942 du ravitaillement du Comité central du PCF clandestin.

Il recruta pour la Résistance sa belle-sœur Olga Lardeau et la mit en contact avec Étienne Sacco. Il pourrait également être à l’origine des recrutements de son beau-frère Georges Le Morillon et de ses belles-sœurs Suzanne, Madeleine et Georgette Le Morillon, qui devinrent eux aussi des agents de liaison. Plusieurs membres de la fratrie cachèrent des évadés de Compiègne. Renée Morillon était elle aussi agent de liaison.
De mémoire familiale, André Morillon avait un tempérament casse-cou. Il aurait volé un uniforme d’officier et passé en revue une caserne. Pendant que les soldats étaient au garde-à-vous devant lui, ses camarades volaient des armes dans la caserne. L’opération fut un succès. Il fut néanmoins arrêté le 29 octobre 1942 alors qu’il avait rendez-vous avec un contact dans un café pour lui remettre des documents importants. Il prit peur en voyant arriver la Gestapo, bien qu’elle ne fût pas là pour lui, s’enfuit et fut poursuivi. Pendant sa course, il mangea les papiers compromettants pour ses camarades avant d’essayer de semer ses poursuivants dans le métro. Par imprudence, il s’engouffra dans la station Saint-Martin, fermée depuis septembre 1939. Il fut donc appréhendé. Il fut interrogé et battu dans les locaux des Brigades spéciales, ses bourreaux se relayant pendant 27 heures d’affilée. On arrêta sa femme et, dans l’espoir de lui arracher des informations sur le réseau, on continua à le torturer devant elle, notamment en lui tirant des balles à blanc dans les oreilles. Mais elle ne savait rien. Aucun des époux ne parla. Il fit parvenir un rapport à son organisation signé « Cousin », précisant que toutes les planques pouvaient encore servir. Après l’arrestation de Fernand Vion un mois et demi plus tard, André Morillon fut à nouveau interrogé pendant douze heures, puis livré aux Allemands qui l’interrogèrent durant quatre heures et demie.

Du dépôt André Morillon fut emprisonné à la caserne des Tourelles, puis à Fresnes et interné au camp de Compiègne. À Compiègne le Parti communiste continua à lui confier des responsabilités politiques : il était membre de l’état-major avec plusieurs commandants et lieutenants d’autres réseaux. Le 28 avril 1943, André et Renée Morillon étaient à bord du convoi I. 95 au départ de Compiègne, qui transportait 931 hommes et 216 femmes vers Ravensbrück (à 80 km au nord de Berlin). André fut redirigé vers Oranienbourg-Sachsenhausen, où il reçut le matricule 65489. Selon le récit qu’il fit dans son dossier de demande d’homologation, il était au camp responsable de la direction de l’organisation communiste aux côtés de Roger Gruss et d’André Huraux, chargé de faire la liaison avec les différentes nationalités pour organiser le sabotage et la solidarité avec leurs camarades malades. Il fut libéré le 3 mai 1945 par l’Armée rouge et rapatrié le 21 mai. Le camp ayant été libéré le 22 avril, on n’explique pas ce décalage de dates. Selon sa nièce, il aurait été transféré à Mauthausen, mais cette information n’apparaît pas dans le récit qu’il fit lui-même des événements. Il aurait mangé pendant une journée entière en réaction aux privations qu’il avait subies.
Parmi les noms de membres de son mouvement qu’il avait connus dans la clandestinité, il mentionne ceux d’Ernest Laval, de Martial Baumeau (orthographe incertaine) ainsi qu’un autre (illisible). Parmi les camarades de son organisation disparus en déportation il cite Joseph Franchi et « Gauthier du Mans » (peut-être Auguste Gaultier).

Après la guerre, il fut secrétaire du syndicat CGT de la métallurgie de Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). Peut-être l’avait-il déjà été avant 1939 ? Il fut également secrétaire de sa cellule du PCF. Il vécut la majeure partie de sa vie au 2 rue Montebello à Vitry, à la maison des syndicats (démolie depuis) dont il était gardien avec sa femme. En 1947, suite à la naissance de sa nièce Danièle, fille d’Olga Lardeau, André Morillon arriva à la maternité déguisé en médecin. Cette anecdote comique illustre le fait qu’il avait gardé certaines habitudes du temps où il était dans la clandestinité.

En août 1948, il fut homologué au titre de la résistance intérieure française (RIF) pour la période allant de la date de son arrestation (octobre 1942) à son rapatriement (mai 1945) en tant que membre du Front national et promu symboliquement au grade d’adjudant. Le liquidateur du Front national ayant reconnu en 1950 son appartenance au mouvement résistant à partir de mai 1941, Morillon tenta de faire valoir cette période aux yeux du Secrétariat d’État aux Forces armées en mai 1958. Le statut de membre des déportés et internés de la résistance (DIR) ne lui fut cependant pas accordé.

Vers 1963-1964, quand il fut à la retraite, André Morillon s’installa avec sa femme à Saint-Antoine-du-Rocher (Indre-et-Loire). Il resta adhérent du Parti communiste et de la CGT. Il mourut en 1970 dans sa commune d’adoption et y fut enterré.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article247852, notice MORILLON André. Pseudonyme dans la Résistance : COUSIN par Renaud Poulain-Argiolas, version mise en ligne le 3 mai 2022, dernière modification le 18 juin 2022.

Par Renaud Poulain-Argiolas

André Morillon
André Morillon parlant à la tribune en 1937

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 431289. — Arch. Dép. Val-de-Marne, État civil d’Alfortville, Naissances, 1903-1904, Acte n°123, 4E 1157. — État civil de Colpo, 1877, Naissances, Acte n°6 [concernant Jean, Marie Morillon] (Filae). — Arch. Dép. Eure, Recensement de la population de Breteuil-sur-Iton, 1906, 6M185. — Livre-Mémorial, Fondation pour la Mémoire de la Déportation. — André Tollet, Le Souterrain, Éditions sociales, 1974, pp. 157-158. — Données du site Généanet. — Souvenirs d’Olga Lardeau rédigés entre 1990 et 1993 (non publié). — Propos recueillis auprès de Danièle Dubois, sa nièce (mai 2022).

ICONOGRAPHIE : Archives de Danièle Dubois.

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