EUDIER Louis, Arthur

Par Paul Boulland

Né le 20 avril 1903 au Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), mort le 11 août 1986 au Havre ; charpentier de navire, métallurgiste ; syndicaliste CGTU puis CGT du Havre ; maire adjoint du Havre (1956-1983), député (1956-1958).

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956]

Fils d’un journalier, Louis Eudier était le quatrième d’une famille de onze enfants. Gravement blessé au pied à l’âge de six ans (orteils sectionnés), il fut longuement hospitalisé. Après ses études primaires, il travailla comme charpentier calfat. Ouvrier chez Gaillon, il se syndiqua à la CGTU et participa très activement à la grande grève des métallos havrais de 1922 qui dura cent onze jours. Le 26 août, il était sur les barricades de la rue Demidof lorsque les forces de l’ordre tuèrent les grévistes Tronel, Lefebvre, Victoire et Allain.

Louis Eudier fut licencié et resta au chômage pendant huit mois avant de trouver un emploi dans une tréfilerie. Poursuivant son action syndicale, il s’affirma comme un excellent orateur et fit partie de la génération de jeunes cadres formés dans les grèves de 1922 qui émergea au sein de la CGTU locale. En 1926, il créa ainsi une section syndicale à la Transat où il travaillait comme charpentier. Selon ses témoignages ultérieurs, Louis Eudier se définissait alors comme "un communiste sans carte". Après le départ de Paul Lemarchand à Rouen, il fut élu secrétaire du syndicat CGTU des métaux du Havre au cours de l’été 1930 et le resta jusqu’en 1935. Il devint secrétaire du syndicat unifié de la métallurgie le 20 février 1936. Au mois de mai 1936, il dirigea la grève des établissements Bréguet qui aboutit le 3 mai, à la première occupation d’usine. Le syndicat groupait alors 400 adhérents.

Réquisitionné successivement à Fécamp (Seine-inférieure, Seine-maritime) puis à Harfleur (Seine-inférieure, Seine-maritime), Louis Eudier ne revint au Havre qu’au début de l’Occupation. Il organisa la défense des démobilisés et des manifestations pour revendiquer une allocation d’attente. Il rouvrit les permanences des métaux et début 1941, il était parvenu à maintenir un millier d’adhérent au syndicat.
Parallèlement, Louis Eudier participa au sabotage du câble souterrain reliant l’État-Major allemand au Grand Quartier général. Arrêté en juillet 1941 comme "secrétaire d’un syndicat communiste", il fut jugé aussitôt par le Tribunal de grande instance du Havre et condamné en application des décrets de septembre 1939. Il passa de la prison du Havre à celle de Rouen (prison Bonne-Nouvelle). Livré aux Allemands, il fut transféré au camp de Compiègne où Georges Cogniot reçut son adhésion au Parti communiste. Louis Eudier fut déporté en Allemagne le 6 juillet 1942, dans le convoi des otages. Depuis le train, il put lancer sur le ballast une lettre qui parvint à destination. A Auschwitz, il reçut le matricule 45523 et fut affecté aux Kommandos de travail Skis, puis de l’usine d’armement de l’entreprise SS DAW (Deutsche AusrüstungsWerke) où il s’efforça de saboter la production. Quand la résistance intérieure au camp s’organisa, il fut l’un des responsables du groupe français avec Roger Pélissou, Eugène Garnier et Jules Le Troadec. Atteint de typhus et de tuberculose, il passa quatre mois au Revier, échappant aux sélections. Pendant la “quarantaine”, il fut sévèrement matraqué pour avoir « volé » deux pains lors d’une corvée en compagnie de Robert Gaillard.

Transféré à Gross-Rosen le 7 septembre 1944, puis – après une marche épuisante – à Hersbrück, le 15 février 1945, Louis Eudier aboutit enfin à Dachau le 4 avril. Il y fut libéré, par l’armée américaine le 29 du même mois. Son rapatriement, via Strasbourg, eut lieu le 19 mai. Il fut homologué RIF à la date du 1er mars 1941.

De retour au Havre, Louis Eudier exerça plusieurs mandats électifs. Elu conseiller général du quatrième canton du Havre le 23 septembre 1945, il fut réélu successivement durant vingt-huit ans. En octobre 1947, il fut élu au conseil municipal du Havre dont il démissionna en 1948. Réélu en 1954, il siégea au conseil municipal jusqu’en 1983 et fut deuxième maire adjoint du Havre à partir de 1956, chargé notamment de la reconstruction et l’urbanisme. Il fut également adjoint au bureau municipal de l’habitat et aux HLM. Candidat aux élections législative en deuxième position derrière René Cance, il devint député de Seine-maritime le 2 janvier 1956. Il siégea à la commission de la reconstruction, des dommages de guerre et du logement (1956-1957) et déposa plusieurs amendements sur le sujet. A cette époque, il était également responsable du travail en direction des locataires sinistrés pour la fédération communiste de Seine-maritime.

Parallèlement à ses mandats électifs, Louis Eudier resta un dirigeant syndical important. Il siégea à la commission exécutive de l’Union des Syndicats Ouvriers du Havre et de sa région au moins de 1949 à 1967. Il en fut le secrétaire général adjoint de 1949 à 1962, et le secrétaire général de 1962 à 1966. Louis Eudier fut systématiquement élu membre de la commission administrative de l’Union départementale CGT de Seine-inférieure à partir du congrès des 11 et 12 octobre 1947. Il ne la quitta qu’à l’occasion du congrès de décembre 1968. Il fut membre du bureau de l’Union départementale CGT de Seine Inférieure de 1950 à 1968. Administrateur sortant de la caisse primaire de Sécurité sociale du Havre, Louis Eudier fut tête de liste CGT lors des élections du 13 décembre 1962. Militant coopérateur, il fut réélu membre du conseil d’administration des Coopérateurs du Havre en décembre 1949.

Membre du comité fédéral de Seine-Maritime du PCF en 1953, Louis Eudier siégea au bureau fédéral entre 1954 et 1957, puis à nouveau au comité fédéral jusqu’en 1964.

Président de la FNDIRP locale, se tenant toujours en relation avec les survivants d’Auschwitz, il organisa l’un de leurs rassemblements au Havre.

Louis Eudier s’était marié le 7 août 1946 à Saint-Éloy-les-Mines (Puy-de-Dôme). Après son décès, le 1er août 1986, son nom fut attribué à une rue du Havre et à une salle municipale. Il avait reçu de nombreuses distinctions : Croix de guerre avec palme, Médaille militaire, Croix du Combattant volontaire, Médaille de la déportation, Légion d’Honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24788, notice EUDIER Louis, Arthur par Paul Boulland, version mise en ligne le 2 mars 2009, dernière modification le 11 janvier 2022.

Par Paul Boulland

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956]

ŒUVRE : Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, Le Havre Duboc, 1982 — "Breguet-Le Havre : première grève-occupation en France en 1936" in Cahiers d’histoire de l’institut Maurice Thorez, 1972, n°29 — Louis Eudier donna également des textes de souvenirs, entre autres au Patriote résistant, mensuel de la FNDIRP.

SOURCES : Arch. Nat., F7/13028, rapport du 4 juin 1934. — Arch. Dép. Seine-Inférieure, 10 M. P 1410. — Renseignements transmis par Mme Sylvie Barot, Conservateur des Archives du Havre (23 mars 1994) : état civil ; Le Havre Libre du 24 avril 1978 (fête pour le 75° anniversaire de Louis Eudier) ; Le Havre Libre du 12 août 1986 (hommage funèbre). — État civil du Havre, 27 janvier 1984. — DPF, op. cit. — J. Barzman, Dockers, métallos, ménagères : mouvements sociaux et cultures militantes au Havre (1912-1923), Presses universitaires de Rouen et du Havre, 1997. — S. Courtois, Le PCF dans la guerre, op. cit.. — Notes de Jacques Defortescu.

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