Par Renaud Poulain-Argiolas
Née le 13 mai 1922 à Caen (Calvados), morte le 9 mai 2005 à Breuillet (Charente-Maritime) ; couturière ; militante communiste de Montreuil (Seine, Seine-Saint-Denis) et de Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) ; militante de l’UJFF ; résistante, membre du Front national de lutte pour la libération.
Olga Le Morillon était la dixième et dernière enfant de Pierre, Marie Le Morillon, né à Colpo (Morbihan), qui fut notamment coiffeur et manœuvre, et de Léontine Boutet, née à Montluçon (Allier), qui fut lingère avant d’être mère au foyer. Les parents étaient tous deux sympathisants communistes à l’époque du Front populaire. À part deux d’entre eux qui moururent en bas âge, les membres de la fratrie furent tous des militants communistes : Émile (né en 1900), Renée (1901), Pierre (1903), Suzanne (1908), Georges (1910), Madeleine (1914) et Georgette (1916).
La famille Le Morillon déménagea à de nombreuses reprises, au gré des changements d’emplois successifs du père. Après la naissance d’Olga, ils s’installèrent à Charleville-Mézières (Ardennes), où Pierre Le Morillon accéda à un travail bien payé et un pavillon confortable comme logement de fonction. Trois ans plus tard, ils déménagèrent à nouveau : Pierre, le père, et Émile avaient été renvoyés pour avoir (selon l’intéressée) "commencé à militer pour défendre les ouvriers contre le patronat." En janvier 1925, la famille arrivait à Paris et laissait ses meubles à la consigne de la gare. Faute d’argent, ceux-ci ne furent jamais récupérés.
Dans les souvenirs (non publiés) qu’elle rédigea dans les années 1990, Olga Le Morillon témoigne de la pauvreté à laquelle fut confronté son foyer dans son enfance, des difficultés adoucies par les liens profonds qui unissaient les membres de la famille : "La vie était très dure. Malgré les salaires de mon père et de mes frères et sœurs, qui étaient tellement bas. Nous n’avions pas toujours un morceau de pain à la maison mais, heureusement nous étions une famille très unie et l’amour de nos parents nous réconfortait énormément."
Une des filles, Renée Le Morillon, ayant épousé leur cousin André Morillon, ils emménagèrent à Montreuil dans un hôtel, dans un logement composé de deux pièces superposées. Les Le Morillon y vécurent un temps à huit. Cette solidarité était marquée par la présence bienveillante du frère aîné Émile, qui fit partie, avec son frère Pierre et leur père, des premiers membres de la famille à s’engager politiquement. C’est ce grand-frère aimant et doué de ses mains qui lui dessina une robe dans un journal, alors qu’elle n’avait rien à porter pour se rendre à une fête au parc Montreau. Lorsque leurs finances furent plus confortables, les enfants décidèrent avec leur père d’acheter un pavillon en bois de trois pièces. Ils s’y établirent en 1931. Au fur et à mesure des mariages et départs des enfants, le crédit de la maison devint de plus en plus lourd à assumer et les privations s’accrurent. Un an plus tard, à 58 ans Pierre Le Morillon père était à nouveau au chômage.
La jeune Olga baigna dans les discussions politiques passionnées au sujet d’un parti qui donnait de l’espoir à sa famille. En 1933, elle avait onze ans. Sa mère Léontine lui lisait quotidiennement les articles de l’Humanité traitant du procès de Torgler, Dimitrov, Popof et Tanef, accusés à tort par l’Allemagne d’être mêlés à l’incendie du Reichstag. Ils avaient "les yeux braqués sur (…) ce pays qui depuis octobre 1917 était devenu l’URSS" et sur ses pères fondateurs, Lénine et Staline. En 1936, l’arrivée au pouvoir du Front populaire mit la famille en ébullition. Olga Le Morillon faisait un travail à domicile dans la confection, mal rémunéré, et ne goûta pas aux congés payés, à la différence de ses sœurs Renée et Georgette. Ce n’est qu’après la guerre qu’elle partit pour la première fois, grâce à son frère Georges et son épouse.
Le 27 avril 1940, elle se maria avec Fernand, Auguste Lardeau à Chasseneuil (Indre). Il devint prisonnier de guerre peu de temps après.
En 1942, Olga Lardeau travaillait pour la société Gaveau, qui fabriquait des pianos et des TSF (premières radios sans fil). Selon ses propres mots, elle avait un bon salaire. Son beau-frère André Morillon, actif dans la résistance communiste, lui dit un jour : "Tu prends ton compte demain matin et tu pars à Nancy". Elle devait retrouver Étienne Sacco, évadé le 22 juin du camp de Compiègne (Oise) avec 18 de ses camarades, qu’André Morillon avait aidé à cacher. À Chatou-Croissy (Seine-et-Oise, Yvelines), elle garda "un pavillon où se réunissaient quatre camarades du Comité central. Parmi eux, il y avait Jean Chaumeil que nous connaissions de longues dates". Dans la Résistance Olga Lardeau prit comme pseudonyme "Madeleine".
Une attestation datée du 23 janvier 1958, signée par Marcel Mugnier, liquidateur national du Front national (nom complet : Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France), stipule qu’Olga Lardeau fut "affectée au service recrutement et de contrée des effectifs FN-FTPF [Front national - Francs-Tireurs et Partisans français] comme agent de liaison sous le commandement de M. Jean Chaumeil." Ses sœurs Renée, Suzanne, Madeleine et Georgette devinrent également agents de liaison.
Elle prit part à de nombreuses missions de transports de plis, de documents confidentiels et de textes édités par le FN et les FTP. Elle entra en contact avec les internés résistants des prisons de la Santé, de la Roquette, de Romainville et du camp de Voves (Eure-et-Loir). En mai 1944, elle participa à l’importante évasion du camp de Voves. Avec sa sœur Georgette D’Andréa elle se rendit à plusieurs reprises au camp, faisant passer de faux papiers cachés sous leurs vêtements, sur leur ventre, dans des gaines à double paroi, à l’intention des internés devant s’évader.
Olga Lardeau fut chargée par Jean Chaumeil de "rechercher des locaux sûrs pour la tenue des réunions de nos chefs nationaux et Comité militaire national FTPF zone-nord" et organisa "dans des conditions parfaites de sécurité les réunions clandestines de nos E.M. de la zone nord (FN & FTPF)". L’attestation conclut : "Elle fut particulièrement active durant les manifestations du 14 juillet 1944, les grèves insurrectionnelles et les journées de la Libération de Paris, remplissant journellement de dangereuses missions sous les ordres de M. Chaumeil."
En août 1944, lors d’un rendez-vous à Villejuif avec Jean Chaumeil, elle apprit que son frère Émile Le Morillon s’était évadé de la prison de la Santé. Elle ne le retrouva que huit jours après, car les rues de Paris étaient en insurrection. Son supérieur "Tourneur" (Francis Cohen), responsable aux "cadres" du parti, lui donna rendez-vous 18 rue d’Enghien à Paris (Xe arr.) au siège du journal Le Petit Parisien, où l’Humanité était installée à partir 21 août. Elle travailla au journal communiste jusqu’en 1946, qu’elle quitta parce qu’elle était enceinte. Ce fut une expérience qu’elle vécut avec enthousiasme : "J’ai aimé le contact que j’avais avec tous ces camarades que j’estimais pour leur honnêteté et leur probité."
Après la guerre, Olga Lardeau fut également militante de l’UJFF.
Elle habita avec sa famille à Montreuil jusqu’au retour de son mari, qui fut lui aussi militant communiste. Ensemble ils eurent une fille, Danièle, née le 17 mars 1947, et vécurent au 36 rue de Chabrol à Paris (Xe arr.).
En 1955, ils revinrent à Montreuil au 9 boulevard Théophile Sueur, la maison d’Émile et Marguerite Le Morillon, après le décès de cette dernière. En 1967, ils allèrent rejoindre leur fille à Poitiers (Vienne) qui y trouva du travail pour son père. Les Lardeau et leur fille habitaient Vitry-sur-Seine en 1973, rue Louis Marchandise, puis dans une cité, 118 rue Balzac jusqu’en 2004. Olga Lardeau finit sa vie dans le quartier de La Palmyre aux Mathes (Charente-Maritime).
Dans ses souvenirs, rédigés entre 1990 et 1993, elle évoquait sa foi en le Parti communiste dont elle était toujours membre. Elle faisait part d’observations sur l’évolution de l’organisation, disant avoir été "outrée" en 1976 par l’abandon de l’idée de dictature du prolétariat par Georges Marchais, alors secrétaire général. Ses réflexions portaient également sur l’équilibre mondial Est-Ouest avec la disparition de l’URSS, l’ouverture de la Russie à l’économie de marché et la montée de l’extrême-droite en France.
Par Renaud Poulain-Argiolas
SOURCES : Données du site Généanet. — Site Match ID, Acte n°19 N, Source INSEE : fichier 2005, ligne n°263190. — Copie de l’attestation du Service liquidateur du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, signée par Marcel Mugnier le 23 janvier 1958. — Souvenirs de l’intéressée rédigés entre 1990 et 1993 (non publié). — Archives familiales. — Propos recueillis auprès de Danièle Dubois, sa fille (mai 2022).