MAURI, Émile, Marius

Par André Balent

Né le 19 janvier 1923 à Porta (Pyrénées-Orientales), mort le 28 juillet 1944 à Saint-Girons (Ariège) ; capturé alors qu’il gagnait le maquis Bidon 5 de l’Armée secrète (AS) à Arbas (Haute-Garonne) ; torturé par le commando spécial de la Douane allemande de Saint-Girons puis abattu.

Dans certains documents consultés, Émile Mauri est nommé « Émile Marti ». Parfois, aussi, son nom a été orthographié « Maury ». L’acte de naissance et son dossier au Service historique de la Défense ainsi que d’autres documents consignent l’orthographe « Mauri ».

Émile Maurí est né à Porta, une commune de Cerdagne, à l’ouest des Pyrénées-Orientales, aux frontières de l’Espagne et de l’Andorre. Son père François Mauri (patronyme parfois écrit « Maury » sur certains documents officiels était né à Benabarre (province de Huesca, Aragon, Espagne) le 29 janvier 1883. Fils de Sébastien et de Jeanne Romeo, il ne savait ni lire ni écrire. Il est sans doute venu en France pendant la Première Guerre mondiale lorsque les entreprises, à cours de main d’œuvre, embauchaient. Il s’établit à Porta, à proximité des mines de fer du Puymorens, sur le territoire de la commune de Porté (Pyrénées-Orientales) voisine (depuis 1954 : Porté-Puymorens). François Mauri se maria le 8 juin 1916 à Porta avec Marguerite, Rose, Joséphine Estrade née le 8 mars 1895 dans cette commune. Ses parents, Dominique Estrade, chevrier, et Angélique Marty, domiciliés à Porta, étaient respectivement âgés de trente-huit et de trente-quatre ans en 1895. Marguerite Estrade mourut le 20 mars 2008 à Saint-Girons (Ariège). Émile eut cinq frères et sœurs tous nés à Porta : Angèle née le 30 octobre 1917, mariée à Toulouse (Haute-Garonne) le 3 juillet 1941, décédée le 30 août 1986 à Belfort (Territoire-de-Belfort) ; Dominique (garçon) né le 2 octobre 1919, marié le 11 avril 1947 avec Josette, Marie Fareng à Saint-Girons, mort le 20 mars 2008 à Saint-Girons (Ariège) ; Alice née en 1922 ; Carmette, Denise née le 1er juin 1925, mariée le 4 mai 1966 avec Pierre Paronella à Saint-Girons, morte le 24 octobre 2011 à Saint-Lizier (Ariège) ; Sébastien né le 20 février 1927, marié à Contrazy (Ariège) le 20 février 1963 avec Fernande, Louisette Caujolle. Les parcours de vie des membres de la famille de Louis Mauri montrent que, après Porta, ils vécurent pour la plupart d’entre eux à Saint-Girons et dans les environs.

Les recensements de la population de Porta (1921 et 1931) montent que la famille Mauri demeura à dans cette commune de Cerdagne. En 1931, le père, François Mauri, avait connu une modeste ascension sociale car il était désormais chef de chantier. Elle ne figure plus sur le recensement de 1936. Entre temps, elle avait changé de domicile et s’était installée à Saint-Girons, petite ville industrielle de l’Ariège.

Émile Mauri, avec deux autres jeunes de Saint-Girons, Christian Cazalbou et Pierre Tarride avaient décidé d’intégrer le maquis Bidon 5 (Bidon V) implanté à Arbas dans les montagnes du Comminges voisin. Ils en étaient des agents de liaison résidant en ville. Le peintre Pierre Barat (dont le père, Louis Barat alias « Grand-Père », né le 20 mai 1892 à Saint-Girons, chauffeur à la papeterie Bergès de Lorp, intégra le maquis FTPF de La Crouzette le 24 juillet 1944, peu après le dramatique accrochage dans lequel fut impliqué son fils), demeurant dans la proche commune de Lorp-Sentaraille, résistant, devaient les conduire à Arbas. Il leur avait donné rendez-vous, le 21 juillet 1944, vers 16 h 30, près de la croix de la Gloriette, dans le secteur périphérique de Saudech. Les Allemands, des douaniers, les surprirent alors qu’ils arrivaient au rendez-vous depuis une porcherie toute proche. Barat réussit à s’enfuir. Les trois jeunes retournèrent dans la grange des porcs et s’y enfermèrent. Il y eut un échange de tirs entre eux et les Allemands à leur poursuite. Cazalbou et Tarride furent tués. Mauri blessé, fut capturé et amené au château de Beauregard, quartier général de la Zollgrenzschutz. Soigné afin qu’il pût endurer les tortures, il ne dit rien. Le capitaine Dreyer, chef du commando spécial de douaniers, le livra aux chiens de l’élevage qu’ils avaient mis en place pour leurs tâches de surveillance de la frontière. Il l’acheva d’un coup de revolver (28 juillet).

Le dossier réuni par Claude Delpla n’aborde que les cas de Cazalbou et Tarride. Il n’évoque Mauri qu’à la marge. Un de ses correspondants, René Loubet, de Pamiers (lettre adressée à Claude Delpla le 8 mars 1968) signale le cas de « Maury » (sic), sans prénom, « ultérieurement dévoré par les chiens policiers ». Le témoignage de Charles Dougnac qui connaissait deux des jeunes et qui assista à la scène précise que les Allemands n’étaient que deux — dans son attestation du 18 mars 1953, Barat affirme que les Allemands étaient au nombre de quatre — et que l’un d’entre eux fut tué, sans doute par Barat, dans la fusillade dont furent aussi victimes Cazalbou et Tarride. Mauri leva les mains et se rendit à l’Allemand survivant. Des renforts allemands alertés par le bruit de la fusillade vinrent depuis Beauregard. Dougnac précise que Mauri a beaucoup souffert de son enfermement dans le chenil. Il explique aussi que les Allemands l’enterrèrent sous un chêne au-dessus de la Gloriette.

Son dossier au Service historique de la Défense à Vincennes indique qu’il a été homologué FFI , le délégué départemental aux Anciens combattants signa la demande le 28 février 1949, et les reconnaissances RIF, FFI et FFC en cours en août 1949 n’étaient pas encore notifiées en août 1951 (cote 16 P 405580). Son nom figure sur le monument aux morts de Saint-Girons mais pas sur le registre de l’état civil de cette ville.

Voir Saint-Girons (Ariège), victimes de la répression allemande et collaborationniste (fin mai-début juillet 1944) et des combats de la Libération, 20-21 août 1944

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article247974, notice MAURI, Émile, Marius par André Balent, version mise en ligne le 8 mai 2022, dernière modification le 27 septembre 2022.

Par André Balent

SOURCES : SHD (Service historique de la Défense), Vincennes, cote GR 16 P 405580. — Arch. dép. Ariège, 64 J 23, fonds Claude Delpla, documents et attestations (Cazalbou et Tarride) ; 64 J 213, maquis de la Crouzette, fiches concernant Louis Barat. — Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 2 E 4587, état civil de Porta (1893-1902), acte de naissance de Marguerite Estrade et mentions marginales ; 6 M 293/146, dénombrement de la population de Porta (1921) ; 6 M 305/146, dénombrement de la population de Porta (1931) ; 6 M 314/146 (1936). — Arch. com. Porta, état civil, acte de mariage entre François Mauri et Françoise Estrade ; actes de naissance d’Émile Mauri (sans mention marginale) et de ses frères et soeurs Angèle, Dominique, Alice, Carmette, Sébastien (avec mentions marginales). — Claude Delpla, La Libération de l’Ariège, Toulouse, Le Pas d’oiseau, 2019, 514 p. [p. 150-151]. — Henri Dougnac, « Fusilhada a Glorieta », p. 111-114 in Jean-Paul Ferré (éd.), Les Couserannais racontent 39-45, édition bilingue imprimée occitan et français accompagnée d’un CD audio, Toulouse, Le Pas d’Oiseau, 2019, 141 p. — Site Mémoire des hommes consulté le 7 mai 2022.

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