EVRARD Just [ÉVRARD Anselme, Just, Piat]

Par Gilles Morin

Né le 31 mai 1898 à Lens (Pas-de-Calais), mort le 9 février 1972 à Lens ; voyageur de commerce puis directeur commercial ; militant socialiste, secrétaire adjoint des Jeunesses socialistes de France en 1917, secrétaire de la fédération socialiste SFIO du Pas-de-Calais (1944-1954) ; député de la 2e circonscription du Pas-de-Calais (1945-1962).

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956]

Fils de Florent Évrard*, secrétaire du syndicat des mineurs de Lens durant 22 ans, frère de Raoul Évrard* député du Pas-de-Calais de 1919 à 1936, Just Évrard milita au Parti SFIO, longtemps dans l’ombre de son père et de son frère. Il aurait adhéré à la SFIO en mars 1913 et serait devenu cette année-là secrétaire des Jeunesses socialistes de Lens. Évacué à Paris en 1915, il participa à l’équipe qui, autour de Pierre Lainé, aida à la reconstitution des JS nationales dont il devint secrétaire adjoint en 1917.

Mobilisé, décoré de la Légion d’honneur et de la Military Cross pour actes de bravoure et de dévouement accomplis lors de l’Occupation allemande, Just Évrard bénéficia d’une pension de guerre, mais n’avait, semble-t-il, jamais servi sous les drapeaux (pourtant le journal France le notait comme combattant de la Grande guerre : France du 3 novembre 1943).

Désigné, au lendemain de la Première Guerre mondiale, comme secrétaire fédéral des Jeunesses socialistes du Pas-de-Calais, Just Évrard conserva cette fonction au cours des années 1920. En 1924, il fut désigné comme secrétaire de la puissante section socialiste de Lens et collabora avec Émile Basly. En 1928, il représenta la SFIO aux élections au conseil général dans le canton d’Avesnes-le-Comte et accepta le secrétariat de l’USCGT. Dans le parti, Just Évrard défendait des positions participationnistes. S’opposant à André Pantigny*, il prôna au congrès fédéral du 1er juin 1930 l’accord avec les radicaux dès le premier tour. En 1934, il devint secrétaire adjoint de la fédération socialiste du Pas-de-Calais, chargé de la propagande, aux côtés d’André Pantigny*. Il faisait donc partie de l’équipe de jeunes qui s’opposait à la vieille garde issue du syndicat des mineurs. Just Évrard organisa à ce titre de nombreuses réunions publiques et participa à toutes les campagnes électorales. La police le présentait comme « meneur d’hommes, mais orateur de second plan ». Il appartenait à un comité antifasciste en novembre 1935.

Marié en première noce, le 12 mars 1921 à Paris, avec Louise Marcy dont il eut deux fils, Raoul et Roger, nés en 1922 et 1923, Just Évrard divorça et épousa le 13 janvier 1934 à Lilliers, Émilienne Moreau*, institutrice héroïne de la Résistance civile du Nord durant la Grande guerre qui partagea désormais sa vie militante.
Réformé définitif, Just Évrard ne fut pas mobilisé en 1939. Après le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain par la majorité des parlementaires et la mise en sommeil du parti par sa direction Paul-fauriste, il reconstitua la fédération socialiste en compagnie d’André Pantigny*, Augustin Laurent, Camille Delabre, Alfred Maes et sa femme Émilienne Moreau. Il partit en février 1941 dans le sud pour établir la liaison avec les responsables du parti clandestin. En septembre 1941, Just Évrard fut arrêté par la Gestapo qui lui reprochait notamment d’avoir, avec son frère Raoul, facilité l’accès du territoire à de nombreux israélites. Relâché en avril 1942, recherché de nouveau 5 jours après, il rejoignit la zone Sud et participa en Haute-Savoie à la reconstitution de fédérations. Selon les mémoires d’Émilienne Moreau, il aurait assuré le passage de fonds et de documents avec la Suisse, organisé des maquis, des corps francs et des services de renseignement. Il aurait été envoyé en Savoie pour établir les liaisons avec l’Internationale socialiste. Just Évrard combattit au sein du réseau Brutus auquel appartenait également Émilienne Moreau* qui devait être la seule femme nommée Compagnon de la Libération en 1944. En octobre 1943, la direction du Comité d’action socialiste le désigna pour représenter la Résistance socialiste à l’Assemblée consultative. En compagnie de Vincent Auriol, d’Emmanuel d’Astier et d’Émilienne Moreau, Just Évrard arriva en Angleterre le 17 octobre et, de là, se rendit à Alger, où il participa à la reconstitution des fédérations d’Afrique du Nord comme secrétaire national du parti pour toutes les colonies. Il siégea, au nom du Parti socialiste, à l’Assemblée consultative provisoire créée par le général de Gaulle, à Alger d’abord, puis à Paris et appartint à la commission de la Défense nationale de l’ACP.

De retour dans le Pas-de-Calais le 2 septembre 1944, Just Évrard réorganisa la fédération socialiste. De 1944 à 1954, il en fut le secrétaire puis le secrétaire général (formant un binôme de direction avec Camille Delabre à partir du retour de celui-ci de déportation). Il n’eut pas l’autorisation de relancer la Gazette de l’Artois en 1945 mais devint directeur de L’Espoir, le nouvel hebdomadaire politique fédéral. Just Évrard présida le congrès du 5 août 1945 au cours duquel la fédération fut totalement réorganisée. Il fit partie ensuite de la commission exécutive de la SFIO du Pas-de-Calais (jusqu’en 1963), fut élu au comité directeur du Parti socialiste en 1944 et 1945, fut régulièrement délégué aux congrès nationaux. Au congrès des fédérations socialistes reconstituées de la SFIO, en novembre 1944, Just Évrard siégea à la commission propagande et participa à la conférence des secrétaires fédéraux des 27-28 octobre 1945. Défendant les positions de Daniel Mayer*, il fut mis en minorité dans sa propre fédération par Guy Mollet, le député-maire d’Arras. Aussi, il ne fut pas réélu au comité directeur au congrès d’août 1946 où Guy Mollet prit la direction du parti national. La fédération appuya désormais le nouveau secrétaire général et Just Évrard, bon gré mal gré, se rangea derrière lui.

Just Évrard, après avoir siégé à l’ACP, avait été élu député du Pas-de-Calais à la première et à la seconde Assemblée constituante (respectivement le 21 octobre 1945 et le 2 juin 1946). Il y fut secrétaire de la commission de la Défense nationale et appartint à la commission du Commerce. Il fut par la suite réélu à l’Assemblée nationale dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais lors de tous les scrutins législatifs de la IVe République et aussi en novembre 1958. En 1953, la commission des Affaires économiques le désigna pour siéger à la commission parlementaire du Pool Charbon-Acier. En fin de mandat, il appartint à la commission des Échanges et de la production. En 1958, Just Évrard présidait la commission des mines si importante pour le département. Dans l’été 1958, il approuva le ralliement de la SFIO au général de Gaulle et fit campagne pour les législatives en se présentant comme « gaulliste de 1940 », « patriote 5 fois décoré au titre de la Résistance » et comme seul capable « d’assurer la déroute du Parti communiste qui voulait plonger la France dans la guerre civile ».

Au premier tour des élections législatives de novembre 1962, Just Évrard arriva en seconde position derrière la candidate communiste Jeannette Prin* qu’il avait battue en 1958. Ayant pris position contre le référendum le mois précédent, il se vit opposer un adversaire par l’UNR. Jeannette Prin* l’emporta avec 16 213 suffrages. Evrard en comptait 14 028 et le gaulliste 13 212. Battu, il participa encore à quelques réunions dans son secteur électoral, puis se retira de la vie politique.

Just Évrard était officier de la Légion d’honneur, titulaire de la croix de guerre et de la rosette de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24820, notice EVRARD Just [ÉVRARD Anselme, Just, Piat] par Gilles Morin, version mise en ligne le 4 mars 2009, dernière modification le 3 juillet 2009.

Par Gilles Morin

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956]

SOURCES : Arch. Nat., F7/15744, n° 4629 ; F/1cII/122, 566. — Arch. Dép. Pas-de-Calais, M 2372,, M2367. — Arch. OURS, AGM 118, 119. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Rapports des congrès de la fédération SFIO du Pas-de-Calais, 1945-1967. — Profession de foi, législatives juin 1946 et novembre 1958. — J. Derville, La Fédération socialiste SFIO du Pas-de-Calais, 1944-1969, thèse d’études politiques, Paris, FNSP, 1970. — Article de M. Wolf, in Revue du Nord, n° 227, 1975. — Le Monde, 11 février 1972. — L’Espoir, 20 février 1972. — Émilienne Moreau, La guerre buissonnière. Une famille dans la Résistance, op. cit. — Notice DBMOF par Y. Le Maner.

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