BASELGA CATALÀ Aquilino, connu comme « Achille » en français, de son pseudonyme espagnol « Aquiles » ; « Panadero », autre pseudonyme

Par André Balent

Né le 26 octobre 1913 à Nogueruelas (province de Teruel, Aragon, Espagne), mort le 6 juin 2004 à Toulouse (Haute-Garonne) ; instituteur (en Espagne), gérant de commerce (en France) ; militant anarchiste ; résistant de l’Ariège ; un des cadres du maquis de la Crouzette de l’Agrupación de guerrilleros españoles (AGE) en Ariège ; a participé aux opérations de ce maquis (juin-août 1944) et à celle du Val d’Aran (octobre 1944)

Le Service historique de la Défense (Vincennes ; dossier non consulté GR16 P 36575) le fait naître à « Terol », dénomination catalane de Teruel, capitale de la province du même nom. De fait, il naquit dans un petit village du sud de cette province, à la limite de la Communauté valencienne). Nous ne savons pas grand-chose de son parcours antérieur à 1944.

Instituteur en Espagne, anarchiste, il adhérait selon toute vraisemblance à la CNT (Confédération nationale du Travail) et il participa à la guerre civile (1936-1939) dans le cadre de l’Armée populaire. Il acquit, à ce moment-là, une compétence militaire qui explique les postes de commandement qui lui furent confiés dans le cadre des brigades de l’AGE. Il en était toujours membre en 1940, d’après le tableau synoptique des témoins interrogés par Marie-Christine Dargein pour les besoins sa recherche (op.cit., 1989, p. 123). Il était sans doute toujours membre en juin 1944 lorsqu’il intégra le maquis de la Crouzette (Ariège) affilié à l’AGE, bras armé de l’UNE (Unión nacional española), organisation « de masse » créée par les PCE (Parti communiste d’Espagne) en France, semblable au Front national que le PC français avait mis en place en 1941. Ce maquis formait le 3e bataillon de la 3e brigade de l’AGE (Ariège). Les chefs de ces formations provenaient généralement des rangs communistes (PCE et PSUC, Parti socialiste unifié de Catalogne). UNE et AGE prétendaient regrouper toutes les tendances de l’anti-franquisme, à l’exception du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste) considéré par eux, abusivement par ailleurs, comme « trotskiste ». Les anarchistes, les socialistes (PSOE), les nationalistes catalans, basques et galiciens, les monarchistes même, furent invités à intégrer l’UNE et l’AGE. Ces organisations, sous contrôle communiste, prétendirent bientôt avoir l’exclusivité de l’opposition espagnole antifranquiste dans la France de Vichy sous occupation allemande. Toutefois, la majorité des antifranquistes non communistes refusèrent cette prétention. Ils préférèrent intégrer les mouvements de la Résistance non communiste française, Mouvements unis de la Résistance (MUR) et Armée secrète (AS) ou les réseaux français ou alliés (anglais, belges, étatsuniens).

Aquilino Baselga fit le choix d’intégrer un maquis de l’UNE, s’opposant ainsi à celui de la majorité des anarchistes du Couserans et de l’Ariège (et du reste de la France). Les anarchistes du Couserans firent le choix de l’AS et formèrent le bataillon espagnol du maquis de cette organisation armée, Bidon 5 (ou Bidon V), implanté à Cazavet (Ariège), à la limite de la Haute-Garonne (Voir Vizcaya Eduardo). Marie-Christine Dargein a livré (op.cit, 1989, p. 70-76) une étude approfondie du maquis espagnol de la Crouzette. Elle donne de précieuses indications sur la composition sociologique et politique des 147 membres (au 25 août 1944, 145 d’après une autre liste de l’effectif : AD Ariège, 64 J 213). Elle commet cependant une erreur en considérant que les adhérents du PSU (en fait le PSUC), au nombre de 33 (23, 74 %), étaient des socialistes, alors que ce parti était le PC catalan. Si on rajoute aux maquisards du PSUC ceux du PCE (38, 85 % du total), les adhérents communistes représentaient 62, 59 % des effectifs, les autres étant des membres de la CNT (37 maquisards, soit 25, 90 % du total) ou des antifranquistes sans affiliations partisane ou syndicale (15 hommes, soit 10, 79 % de l’effectif).

Dans un état des membres du maquis de la Crouzette (AD Ariège, 64 J 213), Aquilino Baselga était le quatrième dans la hiérarchie de ce maquis, après trois communistes (Alfonso Soto, Fidel Puerto, Alfonso Mohedano). Il avait dû avoir donné des gages au PCE qui dirigeait cette formation armée. Dans le cadre des opérations du maquis de la Crouzette, Baselga participa au dur combat victorieux du 21 juillet 1944 contre les forces allemandes, de Vichy (Groupes mobiles de réserve, GMR) et des collaborationnistes ultra (Milice et PPF saint-gironnais), avec la participation personnelle du redoutable intendant de police milicien de Toulouse, Pierre Marty. Mais, quelques jours plus tôt, le 15 juillet, il fut mêlé aux expéditions décidées par les directions des deux maquis espagnol et français de la Crouzette pour arrêter dans divers villages du piémont septentrional de l’Arize de vrais collaborationnistes ou des civils innocents et des résistants affublés à tort du même qualificatif (Voir [Voir Esplas-de-Sérou (Ariège), col de la Crouzette (1244 m) et col de Rille (938 m) ; Castelnau-Durban (Ariège), Rivèrenert (Ariège), 19 juin-21 juillet 1944). Après les avoir violentés, ces « prévenus » innocents furent condamnés à mort et immédiatement exécutés. Baselga témoigna, en avril 1997, devant Élérika Leroy (op.cit, 1997, p. 48-56 ; témoignages conservés dans ses archives) avec d’autres anciens de la Crouzette, sur cette grave bavure. Il en décrivit les modalités, reconnut les faits et les « erreurs » de jugement commises à de moment-là. Il fut en particulier présent lorsque le « commando » de maquisards auquel il appartenait tua, à Montseron, Joseph Pédoya confondu avec le père de Pierre Soula (Voir ce nom). Il assista à des interrogatoires pratiqués par l’autoproclamé « tribunal du peuple » de la Crouzette et expliqua comment, avant leur condamnation à mort, les accusés étaient matraqués avec un tuyau par un certain Rubio.

Baselga participa aux combats de la libération de Saint-Girons (20-21 août 1944). En avril 1997, il eut, en présence d’Élérika Leroy qui les interrogeait, une troublante conversation avec un maquisard des FTPF, Adrien Jonis, qui participa aux mêmes combats. Baselga avait une bonne opinion du fondateur et ancien chef du maquis français de la Crouzette, René Plaisant, rétrogradé par ses chefs et tué pendant les combats de la libération de Saint-Girons. Jonis expliquait, fait non prouvé par d’autres sources, que Plaisant avait été tué, par les Allemands mais par un coup de feu provenant des rangs des maquisards.

Aquilino Baselga participa ensuite aux combats de Rimont (21 août) puis de Castelnau-Durban (22 août) contre la colonne allemande qui se dirigeait vers Foix, mais capitula à l’issue de la deuxième de ces journées.

Après la libération de Saint-Girons, le 3e bataillon de la 3e brigade de l’AGE devint la 464e brigade de cette formation. Elle fut adjointe à la 204e division qui, sous le commandement de Vicente López Tovar, fut engagée, à partir du 19 octobre 1944, dans la manœuvre principale de l’opération Reconquista de España, l’invasion du Val d’Aran (province de Lérida, Catalogne). Un document original sans indication de provenance (Emilia Sánchez Andrieu, op.cit., 2006, p. 6) nous informe qu’Aquilino Baselga, était, avec le grade de lieutenant, le commandant en second de la brigade, adjoint du chef, le commandant Alfonso Mohedano Sánchez. Il devint chef de la brigade après la mort de Fidel Puerto qui avait remplacé Mohedano après son retour obligé en France. Afin d’accéder à ces hautes fonctions au sein de l’AGE, Baselga avait-il adhéré entre temps au PCE ? En tout cas, il avait donné suffisamment de gages pour que ces fonctions lui fussent confiées.

L’opération fut un échec et López Tovar donna l’ordre de repli en France, le 28 octobre. La majorité des effectifs put l’accomplir le 29. Cependant, la 464e brigade se dispersa. Des hommes isolés ou des petits groupes purent rentrer en France jusqu’à la mi-décembre 1944. D’autres furent faits prisonniers par l’armée franquiste. Nous ignorons quand Aquilino Baselga rentra chez lui, à Saint-Girons.

Baselga habita Saint-Girons ou une commune voisine. Nous ignorons ce qu’il devint aux plans familial et politique. Il participait aux commémorations des épisodes de la Résistance couserannaise retenus par la mémoire locale, sélective, qui s’empressa d’occulter les épisodes « gênants », car peu glorieux. Aquilino Baselga fut un des résistants des deux maquis de la Crouzette qu’interrogea Élérika Leroy en 1997, dans le cadre du travail de recherches pour un mémoire de maîtrise sous la direction de Pierre Laborie qui lui permit de réaliser une remarquable enquête qui fit avancer la connaissance de la complexité des événements ariégeois, en premier lieu couserannais, du printemps et de l’été 1944. Baselga livra, à cette occasion, de précieux témoignages — souvent validés, parfois discutés, par ses frères d’armes de l’été 1944, Espagnols et Français — sur le tribunal du peuple de la Crouzette et la libération de Saint-Girons. Une première libération de la parole eut donc lieu à ce moment-là. Elle contrastait avec les réponses convenues qu’avait pu obtenir, quelques années plus tôt, en 1989, une autre étudiante de Pierre Laborie, Marie-Christine Dargein qui a su, par ailleurs, remarquablement retracer l’évolution de la mémoire résistante espagnole en Ariège et la perception, par les populations locales « autochtones » de la présence des républicains espagnols dans ce département depuis la Retirada (1939) jusqu’à l’après-guerre (jusqu’en 1989) en passant, la gouvernance de Vichy, l’occupation allemande, la Résistance et les combats pour la Libération du département.

Au plan professionnel, il fut pendant 31 ans gérant de commerce. À ce titre, il fut fait chevalier dans l’ordre du mérite (décret du 13 mai 1996, Journal officiel, 15 mai 1996).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article248487, notice BASELGA CATALÀ Aquilino, connu comme « Achille » en français, de son pseudonyme espagnol « Aquiles » ; « Panadero », autre pseudonyme par André Balent, version mise en ligne le 28 mai 2022, dernière modification le 2 juin 2022.

Par André Balent

SOURCES : Arch. dép. Ariège, 64 J 213, fonds Claude Delpla, état des effectis du maquis espagnol de la Crouzette. — Journal officiel, 15 mai 1996, en ligne. — Marie-Christine Dargein, La Résistance en Ariège, maîtrise, Pierre Laborie (dir.), Toulouse, 1989, 134 p. — Élérika Leroy, Les résistants et l’épuration. Aspects de la répression contre les collaborateurs dans le Midi toulousain 1943-1953, maîtrise sous la direction de Pierre Laborie, université de Toulouse-Le Mirail, 1998, 200 p. — Emilia Sánchez Andrieu, Parcours du guérillero Miguel Sánchez lors de l’opération du Val d’Aran, Saint-Girons, édition à compte d’auteur, 26 p., 2006 (PDF en ligne). — Dialogue entre Adrien Jonis et Achille Baselga recueilli et enregistré par Élérika Leroy (Saint-Girons, 11 avril 1997) communiqué à André Balent le 9 février 2021.

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