MICHEL Louise [Dictionnaire des anarchistes]

Par Véronique Fau-Vincenti

Née le 29 mai 1830 au château de Vroncourt (Haute-Marne), morte le 9 janvier 1905 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; institutrice privée ; communarde ; militante et propagandiste anarchiste.

Tombe de Louise Michel au cimetière de Levallois.

Fille naturelle, Louise Michel naquit au château de Vroncourt le 29 mai 1830. Sa mère était domestique au service des Demahis, famille de petite noblesse ouverte aux idéaux républicains. Si certains de ses biographes ont avancé que le père de Louise Michel serait Charles-Étienne Demahis, il semble plus vraisemblable que ce soit Laurent, le fils de ce dernier qui soit le père de Louise Michel.

En dépit de cette naissance bâtarde, Louise Michel grandit au château auprès de sa mère et des Demahis qu’elle appelait grand-père et grand-mère. La fillette reçut une éducation libérale et une instruction que peu d’enfants de sa condition pouvait espérer. De ses années d’enfance, nous ne connaissons que le récit que Louise Michel a bien voulu en faire dans ses Mémoires publiées en 1885. Elle se dépeint comme choquée par l’injustice, injustice dont elle ne tarda pas à faire les frais après les décès successifs de Charles Étienne Demahis en 1844, de Laurent Demahis en 1847 et de Charlotte Demahis en 1850. La femme de Laurent Demahis vendit alors le vieux château et Louise et Marianne Michel durent quitter les lieux. Peu de choix s’offraient alors à Louise, qui avait alors vingt ans. La jeune femme, qui devait subvenir à ses besoins et qui refusait de se marier en dépit de propositions qui lui avaient déjà été faites, décida donc de devenir institutrice. Ses premiers échanges connus avec Victor Hugo auquel elle confiait ses tourments datent de cette période, correspondance qui se poursuivra jusqu’à la mort d’Hugo.

En 1850-1851, elle prépara son « brevet de capacité » à Chaumont. Après un premier échec en septembre 1851, elle fut finalement reçue à l’examen en septembre 1852. Elle ouvrit alors une école « libre » c’est-à-dire une école privée à Audeloncourt (Haute-Marne). Louise Michel dans ses Mémoires, expliqua son choix par son refus « de prêter serment à l’Empire » comme se devaient de le faire les employés de l’Empire. Institutrice, Louise Michel espéra cependant vivre de sa plume également et elle signa dans L’Écho de Haute Marne ses premiers poèmes, signant du nom de Louise Demahis ou de Louis Michel. Ses premières publications furent celles d’une Louise Michel fervente et sous sa plume se dessinait la compassion chrétienne et s’esquissait peu à peu l’insoumission.

Entendant professer à sa manière, la jeune institutrice, qui s’affirmait républicaine, fut convoquée en 1853 par le recteur Fayet qui demanda à la rencontrer afin de la sermonner mais qui sympathisa avec la jeune femme. Après un premier bref séjour parisien, Louise Michel revint en Haute-Marne pour ouvrir successivement des écoles à Clefmont en 1854 et à Millières en 1855. Elle bénéficia une nouvelle fois du soutien du recteur qui écrivit au préfet le 9 novembre 1854 : « La demoiselle Michel a plus d’imagination que de jugement, mais c’est une honnête personne et je ne crois pas qu’il y a des motifs pour s’opposer à la réouverture de son école qu’elle avait abandonnée quelque temps pour être sous-maîtresse dans un pensionnat de Paris. »

Confrontée à la misère de la région, Louise Michel n’hésita pas à écrire au préfet de Haute-Marne (entre 1853 et 1855) afin « de créer un bureau de bienfaisance, créer des chantiers, des ateliers publics, car le pain manque ». (Correspondance).

En 1855, elle quitta la Haute-Marne afin de vivre à Paris, où elle espérait pouvoir enfin combattre l’Empire (Mémoires). Sur la recommandation du recteur Fayet, elle s’installa à la pension Mme Vollier, rue du Château d’Eau. Elle exerça alors comme sous-maîtresse. Elle s’inscrivit également aux cours d’instruction populaire de la rue Hautefeuille où intervenants et auditeurs étaient des républicains convaincus. Étudiants, autodidactes, hommes et femmes s’y retrouvaient et pour tous, « une rage de savoir nous tenait » (Mémoires).

À la demande d’un des professeurs de la rue Hautefeuille, elle ne tarda pas non plus à donner des cours supplémentaires à « l’école professionnelle », rue Thevenot, où se réunissait également le groupe du Droit des femmes. Elle se lia alors avec Maria Desraimes ou encore André Léo.

Devant les injustices nombreuses faites aux femmes, Louise Michel devint tout naturellement féministe. En 1861, elle rétorqua au nom des « femmes de lettres » et des « bas-bleu » à un journaliste qui s’était moqué des femmes auteures au nom des « hommes de lettres » (manuscrit daté du 18 décembre 1861- Musée de l’Histoire vivante). En 1861, elle publia à compte d’auteur une brochure, Lueurs dans l’ombre, plus d’idiots, plus de fous, essai de pédagogie et de thérapeutique et écrivit durant la même période le Livre d’Hermann aux propos étonnants de modernité, puisqu’elle y devançait le principe de la psychothérapie.

Préoccupée par la misère, elle fonda, en 1867, avec Marguerite Tinayre, Étienne Delamarche et le cordonnier fouriériste Fortuné Henry la « Société des Équitables de Paris », coopérative de consommation dont les réunions se tenaient chez le président, Fortuné Henry.

Elle fréquenta également des réunions publiques d’opposition et se lia d’amitié avec Eugène Varlin et nombre de jeunes blanquistes dont Raoul Rigault, Émile Eudes, ou encore Théophile Ferré. Féministe, républicaine et espérant en la Révolution, elle perdit peu à peu la foi quoiqu’elle demeura très attachée à une mystique chrétienne : compassion et justice pour tous et toutes, tel était son credo.

Elle ouvrit une nouvelle école rue Oudot à Montmartre où, en tant qu’institutrice, elle dispensa à ses élèves une instruction que l’on peut qualifier de libertaire. Dans sa classe, un vivarium, des élèves qui bénéficiaient d’une liberté peu commune ce qui fit dire de nombreux témoins dont Georges Clemenceau, maire du XVIIIe arrondissement de Paris en 1870 : « Je ne puis dire que son école était absolument correcte au sens où on l’entend à la Sorbonne. Cela tenait un peu de l’école du roi Pétaud. On y enseignait à tort et à travers des méthodes inconnues, mais en somme, on y enseignait » (La Mêlée sociale, 1895).

En 1869, le nom de Louise Michel fut cité dans La Marseillaise du 21 décembre 1869 comme étant celui de la secrétaire de la « Société démocratique de moralisation, ayant pour but d’aider les ouvrières à vivre par le travail dans le devoir ou à y rentrer » ; proche des blanquistes, il est possible qu’elle ait adhéré à l’Internationale selon un rapport de police de 1878.

Aussi, le 12 janvier 1870, lors des funérailles du journaliste Victor Noir, tué par Pierre Bonaparte, qui fut l’occasion d’une manifestation contre l’Empire, c’est habillée en homme, « un poignard caché sous ses habits », nous dit-elle, qu’elle défila parmi les 150.000 parisiens et parisiennes.

Sur le plan international, la crise franco-prussienne autour de la succession au trône d’Espagne amena la France à déclarer la guerre à la Prusse le 19 juillet. Après de nombreux revers, Napoléon III signa sa capitulation le 2 septembre. Les républicains qui s’étaient vite ralliés à la guerre déclarèrent le 4 septembre la République à l’Hôtel de ville.

Rapidement, le gouvernement républicain modéré de défense nationale sembla prêt à signer un traité de paix alors que l’opposition blanquiste et socialiste criait à la trahison ; aussitôt, à Paris comme à Lyon ou à Marseille, des comités se mirent en place et déclarèrent la patrie en danger.

Le 19 septembre 1870, Paris fut assiégée et le Comité central des vingt arrondissements évoqua en hommage à la Convention et au Comité de salut public de l’an II l’idée d’une Commune susceptible de sauver la République. Louise Michel fréquentait alors les nombreuses réunions, notamment le club de la Patrie en danger. En novembre 1870, elle fut élue présidente du Comité républicain de vigilance des citoyennes du XVIIIe arrondissement et le 1er décembre, elle fut pour la première fois gardée deux jours à vue pour sa participation à une manifestation de femmes.

Le 22 janvier 1871, alors que Paris manifestait contre le gouvernement accusé d’inertie et de défaitisme, Louise Michel, en habit de garde national, tira son premier coup de feu place de l’Hôtel de ville. Durant la période du siège de Paris, Louise Michel fut très active ; elle géra toujours son école ; elle rencontra une seconde fois Victor Hugo rentré d’exil et ne manqua pas de lui demander également de l’argent pour les nécessiteux. Le 28 janvier, une première capitulation fut signée à Versailles par les belligérants.

Suite aux élections 8 février consacrant la victoire des monarchistes à l’Assemblée, Adolphe Thiers fut désigné chef du pouvoir exécutif et ratifia des préliminaires de paix le 1er mars. Si quelques députés républicains démissionnèrent de leurs mandats, une partie de la population parisienne se déclara prête à résister et le 15 mars, un comité central de trente-huit membres fut élu.

Mais le gouvernement de Thiers, transféré à Versailles entendait récupérer les armes laissées à la garde nationale. Aussi, le 18 mars, l’armée fut envoyée sur la butte Montmartre afin de reprendre les canons payés par les dons patriotiques. Alertés au petit matin, la population, les membres actifs du Comité de Vigilance de Montmartre dont Louise Michel montèrent « à l’assaut des Buttes » et parvinrent à reconquérir la butte aux militaires dont certains fraternisèrent avec les Parisiens. Le 18 mars au soir, les généraux (qui avaient participé à la répression des journées de 1848 encore dans les mémoires) qui avaient conduit l’opération furent passés par les armes. Le Comité central de la garde nationale s’installa à l’Hôtel de ville et la Commune de Paris fut officiellement proclamée le 28 mars.

Durant la Commune, Louise Michel tour à tour ambulancière ou combattante, se dépensa sans compter et anima le club de la Révolution. Dès les premiers combats qui annoncèrent l’écrasement de la Commune de Paris par l’armée versaillaise, Louise Michel fit le coup de feu. À Issy ou à Clamart, combattant au premier rang ou ralliant les fuyards, c’est à la barricade de la chaussée Clignancourt, avec quelques dizaines d’hommes de son bataillon, qu’elle tira ses derniers coups de feu.

Pendant la semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871, elle échappa miraculeusement à la mort alors que furent exécutés sommairement, sans autre forme de procès, entre 15 000 et 30 000 hommes, femmes et parfois enfants. 47 000 communards ou soupçonnés comme tels, furent fait prisonniers ; parmi eux, Marianne Michel. Louise Michel informée, se livra le 24 mai 1871 aux Versaillais en échange de sa mère arrêtée à sa place. Elle fut alors immédiatement emmenée au camp de Satory, puis transférée à la prison des Chantiers et le 15 juin à la maison de correction de Versailles.

Lors d’un premier interrogatoire le 28 juin 1871, elle sembla minimiser son action. De nouveau interrogée le 19 septembre, sans doute désespérée à l’annonce de la condamnation à mort de Théophile Ferré dont elle s’était secrètement éprise, elle s’enhardit face aux militaires et arbora sa participation aux événements. Le 11 novembre, elle fut transférée un temps à la prison d’Arras où elle apprit les exécutions de Ferré, Rossel et Bourgeois qui eurent lieu le 24 novembre 1871, Théophile Ferré auquel elle avait envoyé et dédié depuis sa prison un poème, Les Œillets rouges.

Quand s’ouvrit son procès le 16 décembre 1871, elle n’hésita donc plus à braver le 6e conseil de guerre avec une détermination et un courage qui lui valurent l’admiration de ses proches comme de ses détracteurs. À son procès, elle alla sans doute jusqu’à exagérer ses actions. Elle se mit en scène face au public et au conseil de guerre auquel elle tint tête. Son intervention célèbre qui oscilla entre oraison et provocation, lui valut d’être condamnée à la déportation perpétuelle dans une enceinte fortifiée tout comme 4500 communards. Son cher maître Hugo lui consacra en hommage un poème portant le titre de Viro Major (“ Viro major ” littéralement “ plus grande qu’un homme ”).

Avant son départ pour la Nouvelle-Calédonie, Louise Michel fut incarcérée vingt mois à la prison d’Auberive, en Haute-Marne. Le 10 août 1873, elle embarqua sur la Virginie avec, entre autres compagnons de voyage, Nathalie Lemel et Henri Rochefort. Durant le voyage, elle se fit une fois encore remarquer pour sa bonté, qui, aux dires de certains de ses compagnons – comme Henri Rochefort – confinait à la folie douce.

Débarquée le 10 décembre 1873 à Nouméa, elle fut dirigée vers l’enceinte fortifiée de la presqu’île Ducos puis installée à partir de mai 1875 avec d’autres femmes à la baie de l’Ouest. Sur place elle s’intéressa au monde et la culture kanak, consigna des vocabulaires et reprit des « légendes et chansons de gestes canaques ». Il est fort probable qu’elle n’eut pas une relation si proche qu’elle a bien voulu le laisser croire dans ses Mémoires avec les Kanak, mais à coup sur, elle fut une des rares déportés avec Charles Malato (fils de déporté), à dénoncer et à s’insurger contre le sort réservé aux Kanak. Aussi, elle ne manqua pas de soutenir ouvertement la grande révolte kanak de 1878 qui fut durement réprimée et à la répression de laquelle de nombreux communards, contre remise de peine, participèrent.

Alors qu’en France de nombreux députés œuvraient pour une amnistie des Communards, la peine à la « déportation dans une enceinte fortifiée » de Louise Michel fut commuée en déportation simple et elle s’installa à Nouméa où elle enseigna d’abord aux enfants de déportés puis à l’école communale des filles.

Le 11 juillet 1880, l’amnistie générale décrétée, Louise Michel s’embarqua pour Paris, via Melbourne et Londres. Son arrivée à la gare Saint-Lazare le 9 novembre 1880, fut triomphale. Sur le quai l’attendaient Clemenceau, Louis Blanc, Henri Rochefort, ainsi qu’une foule de plusieurs milliers de personnes.

Après des retrouvailles avec sa mère et ses amis, flanquée en permanence de plusieurs policiers chargés de sa surveillance, elle sillonna la France en messie de la cause anarchiste et en prophétesse révolutionnaire…

Militante infatigable, elle fit des centaines et des centaines de conférences en France, en Angleterre, en Belgique et en Hollande. La première eut lieu le 21 novembre 1880 à Paris. Le 4 janvier 1881, elle prononça l’éloge funèbre de Blanqui et en juillet 1881, elle assista au Congrès anarchiste international de Londres. Le 9 janvier 1882, elle fut condamnée à quinze jours de prison pour outrage à agent.

En juin 1883, elle le fut lourdement punie à la suite d’une manifestation de chômeurs qui avait réunit le 9 mars, près de 15 000 personnes aux Invalides. Cette manifestation, placée sous le cri de « du travail ou du pain » fut suivie du pillage de quelques boulangeries. On assurait que Louise Michel était à la tête des séditieux, un drapeau noir en main. Au terme d’une rocambolesque traque de près de trois semaines, Louise Michel se livra elle-même, ridiculisant le préfet de police de Paris. Écrouée le 1er avril 1883 à la prison de Saint-Lazare, son procès, ainsi que celui d’Émile Pouget, s’ouvrit le 20 juin (voir Eugène Mareuil). Accusés d’être les instigateurs des pillages de boulangerie, ils comparurent sous l’assignation de « complot contre la sûreté de l’État » considérant que la manifestation aurait pu déboucher sur une insurrection...

Durant le procès, Louise Michel accusa plus qu’elle ne se défendit. Elle dénia l’accusation d’avoir mené le pillage des boulangeries, et assura clairvoyante que : « C’est un véritable procès politique qui nous est fait ; ce n’est pas nous qu’on poursuit, c’est le parti anarchiste que l’on poursuit en nous... » Elle écopa de six années de détention assorties de dix années de haute surveillance policière.

Une fois le verdict prononcé, Louise réintégra sa cellule à la prison de Saint-Lazare avant d’être transférée à la centrale de Clermont de l’Oise le 15 juillet 1883. Sur place, sa seule préoccupation fut sa mère. À distance, elle essaya de résoudre les problèmes et finit par obtenir l’autorisation d’aller voir sa mère malade à Paris. Elle put ainsi rester à son chevet avec Clemenceau, accompagnée d’agents de police, du 12 décembre 1884 au 3 janvier 1885, date du décès de Marianne Michel. Non autorisée à assister aux obsèques, elle s’en retourna en prison, la mort dans l’âme.

Le 8 janvier 1886, une grâce présidentielle lui rendit la liberté ainsi qu’à d’autres anarchistes condamnés, comme Kropotkine alors emprisonné à Clairvaux. Mais à l’annonce de sa grâce, elle refusa carrément de quitter la prison, mettant encore une fois l’administration pénitentiaire dans l’embarras !

Le 14 août 1886, elle fut de nouveau condamnée à quatre mois de prison pour son discours lors un meeting de soutien aux mineurs de Decazeville, en compagnie de Jules Guesde, Paul Lafargue et Susini. En novembre, elle bénéficia d’une remise de peine. Courant toujours de réunions en meetings, elle échappa miraculeusement à un attentat, le 22 janvier 1888 au Havre. Intercédant en faveur de son agresseur qui lui avait tiré dessus à bout portant, elle fit en sorte que ce dernier ne fut pas condamné mais reconnu comme irresponsable pénalement au moment des faits.

En 1890, elle se joignit à la campagne de propagande internationale en vue de la préparation du 1er mai. Elle intervint à Reims, Lyon et Vienne (Isère) où, le 29 avril, elle prononça un discours appelant à la révolte qui effraya les autorités. Un mandat d’amener fut donc lancé contre elle et Alexandre Tennevin déjà repartis par le train pour Paris.

Accusés de « provocation directe par discours proférés dans les réunions publiques à des actions de crimes et délits », Louise Michel et son compagnon furent appelés à comparaître en Cour d’assises. Cependant, une mise en liberté provisoire fut ordonnée à l’endroit exclusif de Louise Michel, qui, à son habitude, refusa de bénéficier d’un traitement de faveur.

Le 31 mai, elle fut officiellement informée de sa libération sur un non-lieu, alors que les prévenus de Saint-Étienne restaient en prison (voir Pierre Martin). Elle cassa alors tout dans sa cellule. Un médecin appelé d’urgence stipula que Louise Michel est « atteinte de délire de persécution » et préconisa son internement. Malgré les certificats médicaux, qui l’auraient fait tomber sous le régime du placement d’office, elle ne fut finalement pas internée. Le ministre de l’Intérieur ordonna donc sa libération. Elle quitta l’hôpital le 4 juin en direction de Paris où, depuis une semaine, tous les journaux se passionnèrent quotidiennement pour sa mésaventure. Après de multiples déclarations, elle entama une nouvelle tournée de conférences intitulées « Note d’une irresponsable ».

Suite à cet événement, elle se décida à quitter la France et s’installa parmi les proscrits européens à Londres. Sur place, elle participa à la création d’une école, fit des conférences avec Kropotkine et Malatesta en 1895 ; elle écrivit et fit également de nombreux allers-retours pour des tournées de conférences et de meetings en France (en 1895 et 1896 avec Sébastien Faure), aux Pays-Bas, en Belgique dont elle fut expulsée. Elle projeta d’aller aux États-Unis, participa au Congrès international socialiste de Londres en juillet 1896 (voir Fernand Pelloutier), elle rencontra aussi durant cette période de jeunes militants dont Emma Goldman qu’elle recommanda à des amis à Paris ; elle soutint, après hésitations, la cause des attentats individualistes en France puis prit fait et cause pour le capitaine Dreyfus.

En janvier 1902, elle tomba gravement malade et une première pneumonie faillit lui être fatale. Elle trouva cependant la force de poursuivre sa tournée en France.

Elle repartit malgré tout pour Londres et revint en France en février 1904 pour une nouvelle tournée arrêtée par une nouvelle pneumonie. Quelques mois plus tard, le 13 septembre 1904, elle est initiée en Franc-Maçonnerie à la loge n°3 « La Philosophie sociale » de la Grande Loge symbolique écossaise mixte et maintenue où Madeleine Pelletier avait été initiée quelques mois plus tôt.

Convalescente, elle rédigea son testament et, à la faveur d’une rémission, elle s’embarqua pour l’Algérie avec Ernest Girault fin 1904. De nouveau malade, elle arriva à Marseille le 5 janvier 1905 pour y décéder le 9 janvier.

Son corps fut ramené à Paris où ses obsèques eurent lieu le 21 janvier. Sa dépouille, qui parcourut Paris de la gare de Lyon au cimetière de Levallois, fut suivie par une foule immense estimée à 120 000 personnes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24872, notice MICHEL Louise [Dictionnaire des anarchistes] par Véronique Fau-Vincenti, version mise en ligne le 6 mars 2009, dernière modification le 13 novembre 2022.

Par Véronique Fau-Vincenti

Louise Michel (1871)
Louise Michel (1871)
cc Photo Ernest Appert
Louise Michel, céramique de J. Scarceriaux
Louise Michel (1899)
Louise Michel (1899)
Chez elle, rue du Bois à Levallois.
Tombe de Louise Michel au cimetière de Levallois.

Œuvres de Louise Michel : Lueurs dans l’ombre. Plus d’idiots, plus de fous. L’âme intelligente. L’idée libre. L’esprit lucide de la terre à Dieu. Paris, 1861. — Le livre du jour de l’an : historiettes, contes et légendes pour les enfants. Paris, 1872. — La grève dernière. Lyon, 1881. — Le Gars Yvon, légende bretonne, Paris, 1882. — La misère, avec Jean Guêtre (Marguerite Tinayre), Paris,1882. — Les Méprisées, avec Jean Guêtre (Marguerite Tinayre), Paris,1882. — Nadine, (pièce de théâtre) 1882. — Le Bâtard impérial, avec J. Winter, Paris, 1883. — La Fille du peuple avec A. Grippa, Paris, 1883. — Les paysans, avec Emile Gautier, Paris,1883 ou 1886. — Contes et légendes, Préface autographe de H. Rochefort, Paris, 1884. — Les Microbes humains, Paris, 1886. — Mémoires, Paris, 1886. — L’Ère nouvelle, pensée dernière, souvenirs de Calédonie (chant des captifs), Paris, 1887. — Le claque-dents, Paris, s.d. (1888). — Le Monde nouveau, Paris, 1888. — Les Crimes de l’époque, Paris, 1888. — Lectures encyclopédiques par cycles attractifs, Paris, 1888. — Prise de possession, Saint-Denis, 1890. — À travers la vie, poésies, Paris, 1894. — La Commune, Paris, 1898. — Le Rêve (dans un ouvrage de Constant Martin), Paris, 1898. — Œuvres posthumes. Vol. I. Avant la Commune. Préface de Laurent Tailhade, Alfortville (1905).

SOURCES : La biographie d’Edith Thomas, Louise Michel ou la Velléda de l’anarchie, (Gallimard 1971), en dépit d’imperfections (tous les renvois archivistiques ne sont pas toujours vérifiables), a longtemps été l’enquête la plus minutieuse réalisée sur Louise Michel. Refusant l’écueil de l’hagiographie, Edith Thomas avait là ouvert la voie à des travaux postérieurs. Ceux des historiens du féminisme, Daniel Armorgathe et Maïté Albistur puis de l’écrivaine et féministe Xavière Gauthier, dont l’énorme travail entrepris durant plus de dix années, a abouti à la publication de « Je vous écris de ma nuit, Correspondance de Louise Michel (Éd. de Paris) a été un nouveau point de départ pour l’étude de l’œuvre et la vie de Louise Michel et a donné naissance, en 2000, à la constitution d’un groupe de recherches, piloté par Xavière Gauthier, au sein du laboratoire Littérature, idéologies, et représentations au XIXe, (Lyon 2). — Aux Presses universitaires de Lyon Histoire de ma vie, (suite des Mémoires, cahier manuscrit inédit conservé à la bibliothèque Marguerite Durand) introduction critique de Xavière Gauthier (2000). — Le livre du bagne, Lueurs dans l’ombre, plus d’idiots, plus de fous et le Livre d’Hermann, introduction critique de Véronique Fau-Vincenti (2001). — La Misère, introductions critiques de Daniel Armogathe et Xavière Gauthier (2005). — Légendes et chansons de geste canaques suivi de Civilisation (pièce de théâtre inédite), introductions critiques de François Bogliolo et Joël Dauphiné (2006). — Archives : Pour les années de jeunesse : Archives départementales de Haute-Marne.
— Musée de l’Histoire vivante à Montreuil. — Maison Victor Hugo, place des Vosges à Paris. — Pour la période postérieure à la Commune : Archives Nationales. — Archives du Ministère de la Guerre. — Archives de la Préfecture de Police. — Institut international d’Amsterdam. — Bibliothèque Marguerite Durand. — Centre russe de conservation et d’étude des documents d’histoire moderne (RGASPI, Moscou). — Archives départementales de Nouvelle-Calédonie. — Archives départementales de Seine Saint-Denis (377 J), inventaire en ligne. — Musée Clemenceau (Paris). — Filmographie : Documentaire de 52’ de Marion Lary (Néri Production) « A l’école de Louise Michel » (2007). — Reportage de 20’ de Marion Rousset (produit par Regards) « Louise Michel, la révolutionnaire rêvée » (2007). — « Louise Michel la rebelle », téléfilm réalisé par Solveig Anspach (2009) sur Louise Michel en Nouvelle Calédonie. — La Gazette des tribunaux 9 et 10 janvier 1882.

ICONOGRAPHIE : Arch. PPo., B a/1183 : portrait d’après Néraudau. — G. Bourgin, La Commune, 1870-1871, op. cit., p. 298. — Bruhat, Dautry, Tersen, La Commune de 1871, op. cit. p. 174. — Sculpture d’Émile Derré : “ Le chapiteau des baisers ” au jardin du Luxembourg (cf. Jean Maitron, De la Bastille au Mont Valérien, Les Éditions ouvrières, 1956, pp. 202-203).

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