METZ Bernard, Georges, Marie, Célestin

Par Jean-Paul Richez

Né le 4 janvier 1920 à Strasbourg (Bas-Rhin), mort le 13 septembre 2009 à Strasbourg ; médecin physiologiste du travail ; résistant, organisateur de la Brigade-Alsace Lorraine ; membre fondateur de la Société d’ergonomie de langue française (SELF) ; président de la Commission scientifique de l’Institut national de recherche et de sécurité.

Bernard Metz était issu d’une famille d’Alsaciens-Lorrains comptant deux médecins. Son père Laurent Metz était médecin généraliste à Strasbourg Neudorf. Son grand-père Xavier-Auguste fut l’un des fondateurs, en 1890, de la démocratie chrétienne en Alsace. Sa mère, Marcelle Husson, originaire de Dieuze (Moselle) issue d’une famille d’industriels lorrains s’engagea du côté français dans la Lorraine annexée. Bernard Metz suivit ses études secondaires de 1928 à 1938 au lycée Fustel de Coulanges de Strasbourg, où il anima la section de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC ) de l’établissement et s’engagea dans le mouvement des Scouts de France de la paroisse de Saint-Pierre-le-Jeune : louveteau, puis scout et routier. Il découvrit les effets du nazisme à l’occasion d’un séjour d’été à Berlin, en 1935, chez un ami juif de son père.

Ses études de médecine commencées à Strasbourg en 1938 furent passablement tourmentées. Elles se poursuivirent à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) de 1941 à 1942, alors que l’université de Strasbourg s’était repliée au début de la Seconde Guerre mondiale. Réfugié en Zone sud, il participa à l’organisation du scoutisme alsacien dont les membres étaient disséminés en Auvergne, Limousin et Sud-Ouest. Il poursuivit son parcours universitaire à Lyon (Rhône), en 1942 et début 1943, où il entra en contact avec Pierre Bockel, futur aumônier de la Brigade Alsace-Moselle. Par l’intermédiaire de ce dernier, il rallia les Groupes mobiles d’Alsace (GMA) organisés à l’initiative de Paul Dungler, un militant alsacien de l’Action française originaire de la région de Thann.

En 1943, après l’invasion de la zone sud, Bernard Metz interrompit ses études de médecine pour se consacrer, dans le cadre du réseau Martial des Forces françaises combattantes, à l’organisation du Groupement mobile d’Alsace en zone sud. Il y contribua grâce à sa connaissance des réseaux de jeunes alsaciens réfugiés dont les maquis constituèrent en septembre 1944 la Brigade Alsace-Lorraine placée, à son initiative, sous le commandement d’André Malraux. La brigade, intégrée à la 1re armée de Lattre de Tassigny, participa à la libération du sud de l’Alsace, de Colmar et contribua à la défense de Strasbourg lors de la contre-offensive allemande en décembre 1944. Dès l’automne 1944, avec d’anciens membres de la Résistance issus du scoutisme, comme Pierre Stahl, il participa à la création du mouvement Jeune Alsace, une importante structure de coordination des différents mouvements de jeunes d’Alsace principalement issus des mouvements chrétiens mais aussi laïques, socialistes et communistes.

En 1945, Bernard Metz reprit ses études de médecine et de sciences à Strasbourg. Il passa sa thèse de médecine en 1948. Chargé des fonctions d’assistant en physiologie en 1950, après un séjour dans un laboratoire de physiologie appliquée de l’Université de Minnesota (Etats-Unis), il obtint le titre de maître de conférences agrégé de physiologie en 1955 et participa en 1956 à la mission d’études aux Etats-Unis organisée par Denise Lecoultre pour le compte de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE). À partir de cette date, il anima à Strasbourg un Centre d’études de physiologie appliquée au travail, association bénéficiant d’une dotation du Fonds de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles de la Caisse nationale de Sécurité sociale. Cette association fut créé à l’instigation de Jean-Jacques Gillon, médecin inspecteur général du travail et de la main d’œuvre et de Pierre Bridier, directeur régional de la Sécurité sociale à Strasbourg.

Bernard Metz fut nommé, en 1962, professeur, titulaire de la chaire de physiologie appliquée de la faculté de médecine de Strasbourg et initia, neuf ans plus tard, un enseignement d’ergonomie de l’environnement physique. Simultanément, il bénéficia du concours d’Henri Laugier, ancien directeur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de 1939 à 1940, pour créer à Strasbourg un « Centre d’études bioclimatiques pour l’étude des effets physiologiques et psychologiques des environnements physiques sur l’homme au travail et hors travail ». Bernard Metz fut chargé de sa mise en place et le dirigea jusqu’en 1985. Ce centre du CNRS forma de nombreux chercheurs dont le Dr Jean-Jacques Vogt, futur directeur adjoint et directeur des études et recherches de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). En 1986, le « Centre d’études bioclimatiques » devint une unité mixte CNRS-INRS sous le nom de Laboratoire de physiologie et psychologie expérimentale. L’une des recherches porta sur le travail à la chaleur dans les mines de potasse d’Alsace, où la « température effective minière » utilisée par la direction ne correspondait pas au ressenti des mineurs. Les chercheurs la firent remplacer, en accord avec les syndicats, par la méthode de la « sudation requise » qui rendait correctement compte de l’expérience ouvrière.

Bernard Metz fut, en 1963, l’un des neuf fondateurs de la Société d’ergonomie de langue française (SELF). Il organisa la même année le premier congrès de la SELF à Strasbourg et en fut le président de 1991 à1992. Il fit aussi partie, de 1957 à 1959, du comité qui décida de la création de l’International ergonomics association (IEA). En tant que président de la commission ergonomie de l’Association française de normalisation (AFNOR), parfaitement trilingue (français, anglais, allemand), il œuvra comme pionnier pour faire entrer l’ergonomie dans la normalisation.

Bernard Metz fit partie des personnalités françaises issues du monde médical qui, après la Seconde Guerre mondiale, souhaitèrent mettre la science au service du plus grand nombre et notamment des travailleurs et participa au courant scientifique soucieux d’adapter le travail à l’homme. À la suite d’Alain Wisner, il présida, de 1969 à 1989, la Commission scientifique de l’INRS. Sa perception de la recherche de l’amélioration des situations de travail lui permit d’imposer le point de vue de l’ergonomie dans la connaissance du travail et son adaptation à l’homme.

Personnalité scientifique incontestée et indépendante, marquée par ses engagement sociaux chrétiens, il contribua à défendre les orientations de programmes de recherches de l’Institut centrés sur l’étude multifactorielle des atteintes à la santé au travail et l’amélioration des conditions de travail. Dans cette période de reprise en main de la gouvernance de la Sécurité sociale par les représentants des employeurs, les syndicalistes lorrains et leurs représentants confédéraux purent s’appuyer sur l’expertise de la Commission scientifique de l’Institut pour contrer la tentative patronale de redéploiement vers des activités d’études à finalité essentiellement technique.

Il fut également fondateur de l’Amicale des anciens de la brigade Alsace-Lorraine et en assura la présidence de 1954 à 1977. A côté de son ami fidèle Pierre Bockel, devenu aumônier universitaire, il témoigna du désarroi des jeunes alsaciens incorporés dans la SS lors du procès consécutif à la tragédie d’Oradour-sur-Glane. De même, il s’éleva contre le maintien d’une Algérie française. Il était titulaire de la Légion d’honneur, élevé au grade d’officier et détenteur de la Croix de guerre 1939-1945 et de la médaille de la Résistance.

Il se maria en 1946 avec Madeleine Voegelé, née à Mutzig (Bas-Rhin) et le couple eut trois enfants : Françoise (1947, Jean-Baptiste (1949) et Benoit (1952).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article248737, notice METZ Bernard, Georges, Marie, Célestin par Jean-Paul Richez, version mise en ligne le 7 juin 2022, dernière modification le 24 juin 2022.

Par Jean-Paul Richez

ŒUVRE CHOISIE : Adaptation du travail à l’homme, [Conférence internationale de Zurich, 2-6 mars 1959. Rapport général], Organisation européenne de coopération économique, Agence européenne de productivité, [Paris : s.n.], 1960. — dir., Fatigue et sécurité. Analyse expérimentale des effets physiologiques et psychophysiologiques de trois facteurs de fatigue : privation de sommeil, niveau de travail musculaire, ambiance thermique, Faculté de médecine (Strasbourg), 1960. — avec S. Ledermann, « Les accidents du travail et l’alcool », Population, 15e année, no 2, 1960, p. 301–316 — Prévision quantitative des effets physiologiques et psychologiques de l’environnement thermique chez l’homme, [Actes du colloque international, Strasbourg, 9-13 juillet 1973], Éditions du CNRS, Paris, 1975. — avec K. Parsons, B. Shackel, « Ergonomics and International Standards. History, organisational structure and method of development », Applied Ergonomics, 26 (4) 249-258, 1995. — « Générique et présentation du contexte historique de l’après-guerre », in Christian Lascaux, Histoire d’ergonomie. Le temps des pionniers (1950-1980)12, Octares Éditions, Toulouse, 2011.

SOURCES : Archives familiales. — Nouveau dictionnaire de biographies alsaciennes, n° 26. — E. Le Normand et C. Clavel, La Résistance des Alsaciens, Fondation de la Résistance, Association pour des études sur la Résistance intérieure des Alsaciens, AERI, 2016. — Archives confédérales CFDT, Fonds Le Tron, côte 8H447, Note INRS n°79 223/MD Défense et illustrations proposées pour le Centre de recherches, Orientations proposées pour les études de l’INRS, Plan global de développement à long terme. — Histoire de l’INRS Lorraine, tome 2, Groupe de mémoire de l’Amicale des anciens de l’INRS Lorraine, document personnel, 2019. — Site de la Société d’ergonomie de langue française (SELF).

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