BOESMANS Philippe.

Par Bernard Foccroulle

Tongres (Tongeren, pr. Limbourg, arr. Hasselt), 17 mai 1936 – Bruxelles (Région de Bruxelles-Capitale), 10 avril 1922. Compositeur de musiques, militant communiste.

L’enfance de Philippe Boesmans est marquée par la maladie et un long séjour en sanatorium, loin de sa famille. Adolescent, il découvre à la radio la musique de Chopin, et puis celle de Wagner. Après avoir essayé la peinture, il s’inscrit au Conservatoire de Liège (pr. et arr. Liège) et obtient un premier prix de piano. C’est toutefois la composition qui va très vite l’attirer, et à quoi il va consacrer l’essentiel de sa carrière artistique.
En 1962, Philippe Boesmans se fixe à Bruxelles et est engagé au Troisième Programme de la Radio-télévision belge (RTB). Il va y rencontrer des intellectuels engagés et adhère au Parti communiste de Belgique (PCB). Il milite au sein de la cellule d’Ixelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), vend le Drapeau rouge au porte-à-porte, prend part aux grandes marches antiatomiques et aux manifestations contre la guerre au Vietnam. Il participe aux débuts de l’ensemble musical Musique Nouvelles, fondé par Pierre Bartholomée, et signe une première série de compositions.

En 1971, Philippe Boesmans obtient le Prix Italia pour Upon la-mi. Il déménage à Liège où il va poursuivre ses activités de compositeur, sa collaboration avec la Radio-télévision belge francophone (RTBF) et son militantisme au sein du PCB dans un esprit eurocommuniste. Dès 1974, Harry Halbreich l’invite au Festival de Royan. Les années 1970 voient une collaboration fructueuse avec la pianiste Marcelle Mercenier, avec Francette et Pierre Bartholomée, avec Katia et Marielle Labèque, avec les ensembles Musiques Nouvelles, « 2E 2M », l’Ensemble Intercontemporain ou encore l’Orchestre de Liège. En 1981, Gérard Mortier, à peine arrivé à la tête du Théâtre de la Monnaie, lui passe commande d’un premier opéra, La Passion de Gilles, sur un livret de Pierre Mertens. C’est le début d’une collaboration privilégiée avec cette maison d’opéra qui va s’étendre sur plus de quarante ans. Philippe orchestre ensuite L’Incoronazione di Poppea de Monteverdi (1988) qui marque le début d’une profonde complicité avec Sylvain Cambreling et Luc Bondy.

Philippe Boesmans retourne habiter à Bruxelles au milieu des années 1980. Les opéras vont ensuite se succéder à un rythme aussi régulier qu’impressionnant : Reigen sur un livret de Luc Bondy d’après Schnitzler (1993), Wintermärchen (1999) d’après Shakespeare et Julie (2005) d’après Strindberg sont créés à la Monnaie, puis Yvonne, princesse de Bourgogne à l’Opéra de Paris (2009) où l’ouvrage sera repris, fait exceptionnel pour un opéra contemporain en 2020. Après ces années Boesmans-Bondy, arrive une collaboration avec Joël Pommerat : ce sera Au monde en 2013 à la Monnaie et Pinocchio à Aix-en-Provence en 2018. À Aix, il rencontre Richard Brunel avec qui il décide d’écrire On purge bébé d’après Feydeau. La création aura lieu en décembre 2022 à la Monnaie.
Ces opéras ont rencontré d’immenses succès à travers l’Europe. Comment expliquer ce succès public ? On peut y voir plusieurs explications : une culture musicale inouïe, un langage musical raffiné et coloré, une écriture vocale somptueuse, un sens théâtral inné, un don d’observation des humains, une capacité à parler la même langue que les librettistes/metteurs en scène avec lesquels il travaille. Et aussi une attention permanente à la lisibilité par le spectateur : là où beaucoup d’œuvres contemporaines offrent à l’écoute une surface complexe et parfois aride, Philippe Boesmans n’a cessé d’évoluer dans le sens d’une certaine immédiateté, non sans inviter à découvrir des trésors insoupçonnés lors des écoutes ultérieures de ses œuvres.

Militant communiste « de base » durant plus d’un quart de siècle, dépourvu de toute ambition personnelle sur le plan politique bien qu’il ait accepté à plusieurs reprises de figurer sur les listes électorales, Philippe Boesmans n’a pas choisi d’être un artiste « engagé » dans la mesure où il n’a pratiquement pas écrit d’œuvre militante. Il n’a toutefois jamais cessé de poser un regard critique sur le monde, en particulier sur la société bourgeoise dont il moque les goûts conventionnels dans de nombreux ouvrages.

Philippe Boesmans a marqué tous ceux qui l’ont connu par son regard caustique, sa jovialité, son humour et son humanité. Il était profondément anticonformiste, et l’est resté jusqu’au dernier jour.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article248785, notice BOESMANS Philippe. par Bernard Foccroulle, version mise en ligne le 9 juin 2022, dernière modification le 9 juin 2022.

Par Bernard Foccroulle

SOURCES : « Philippe Boesmans (1936-2022). Communiqué de presse de la Monnaie » dans Site du Théâtre de la Monnaie, n.d. (page consultée le 15 mai 2022) – MACHART R. , « Le compositeur belge Philippe Boesmans est mort », lemonde.fr, mis en ligne le 11 avril 2022 (page consultée le 15 mai 2022) – « Le compositeur belge Philippe Boesmans est mort », dans Site de la RTBF, mis en ligne le 11 avril 2022 (page consultée le 15 mai 2022) – HUSS C., « Le compositeur belge Philippe Boesmans en route vers l’immortalité », Ledevoir.com, mis en ligne le 11 avril 2022 (page consultée le 16 mai 2022) – Souvenirs personnels de l’auteur.

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