Sillé-le-Guillaume (Sarthe), 19 juin 1940

Par Jean-Louis Ponnavoy

Le 19 juin 1940, l’ennemi massacra à Sillé-le-Guillaume (Sarthe) quatorze soldats français d’Afrique pour la seule couleur de leur peau.

Stèle et sépulture des 14 Sénégalais
Stèle et sépulture des 14 Sénégalais
Loïc PREMARTIN photographie est sous licence d’usage CC BY-NC-SA 2.0

Le 17 juin 1940, la 18e batterie du 208e régiment d’artillerie lourde coloniale (208e RALC) comptant 350 hommes, 245 chevaux, 5 canons de 155 et plusieurs dizaines de véhicules de tous modèles arriva à Sillé-le-Guillaume (Sarthe).
De nombreux soldats en uniforme kaki investirent alors le centre-ville pour se replier sur des positions prévues à l’avance. À la gare plusieurs trains les attendaient et l’embarquement commença, les chevaux dans les wagons à bestiaux, le matériel sur les plateaux et les hommes avec armes et bagages dans des wagons de marchandises et de voyageurs.
Vers 16 heures, des avions allemands ayant repéré cette animation mitraillèrent le convoi qui partit rapidement en direction de Laval qu’il n’atteignit pas car il fut capturé le 18 juin, à six heures du matin, à Neau (Mayenne).
Le gradé allemand commandant la section chargée de leur garde s’aperçut que parmi eux il y avait des soldats d’origine africaine. Il alla voir l’officier supérieur qui commandait le détachement. Celui-ci avait reçu des informations du haut commandement stipulant « qu’il est établi que des militaires coloniaux ont mutilé d une façon bestiale des soldats allemands et qu’envers ces soldats indigènes toute bienveillance serait une erreur et qu’ils sont à traiter avec la plus grande rigueur. »
L’ordre fut appliqué à la lettre par l’officier nazi. Le 19 juin vers 14 heures les soldats coloniaux furent séparés de leurs camarades et emmenés, entourés de militaires en armes. Quelques artilleurs se doutèrent de ce qui allait leur arriver mais ne purent malheureusement pas leur venir en aide. Lorsqu’ils passèrent place de la République des habitants réussirent à détourner l’attention des Allemands et à sauver du massacre quelques soldats africains.
La colonne de prisonniers passa ensuite devant l’hôtel de Bretagne puis descendit la rue de Sablé, aujourd’hui rue du Général Leclerc, passa sous le pont et prit à gauche la rue de la Corderie puis arriva sur le boulevard des Jardiniers. Au bout de deux cent mètres environ, une barrière fut ouverte et on fit entrer les prisonniers dans la prairie appelée « le pré Guittet ». Ne se doutant toujours de rien, ils obéirent et se trouvèrent face à un peloton d’exécution qui les fit mettre dos au talus. Un ordre fut donné par le chef de groupe et des rafales de fusils mitrailleurs éclatèrent fauchant les quatorze prisonniers sans défense.
Les corps furent laissés là où ils étaient tombés et la section repartit par où elle était venue. Le 20 juin au matin le maire se déplaça sur le lieu du massacre et trouva les corps sur place, entourés de mouches et couverts de sang séché. Craignant une épidémie, il se rendit à la kommandantur et demande à l’officier responsable du secteur s’il pouvait faire enlever les corps, ce qui fut accepté. Il fit alors appel aux éboueurs qui vinrent avec la charrette servant à ramasser les ordures pour servir de corbillard.
Avant d’être mis en terre, les corps furent fouillés pour récupérer les effets personnels, les livrets militaires et plaques d’ identifications. Ils furent ensuite mis dans une fosse, alignés côte à côte comme au combat et à 11h30 de la terre fut jetée sur les cadavres puis ils furent oubliés pendant plusieurs mois.
Le 2 décembre 1940 le préfet de la Sarthe, mis au courant demanda au maire si l’inhumation avait été faite conformément aux prescriptions habituelles, c est à dire dans des cercueils, à la profondeur réglementaire et dotée d un emblème permettant leur identification.
Le 6 décembre, le maire de Sillé répondit par la négative et le 15 février 1941, la préfecture ordonna que les corps soient exhumés et réinhumés dans des cercueils avec une croix provisoire. La mise en terre définitive dans le carré militaire du cimetière fut faite en présence d’un officier allemand le 17 mars 1941 à 15 heures.
Une stèle fut érigée et Inaugurée le 17 avril 1999 en présence de l’ambassadeur du Sénégal, du sous-préfet de la Flèche, ainsi que de nombreuses personnalités civiles et militaires, des élus locaux, de porte-drapeaux ainsi qu’un peloton du 2e RIMA.

Les victimes :

BADJI Famara
BALDE Sakamissa
CAMARA Kali
DIOP Mandiaye
DIOUF Simbo
FAYE Bissane
FAYE Diaua ou Diatta
GNING N’ Gor
GUINGUE Kagnack
SARR M’ Bagnick
SARR Sambare
TIGANA Bakari
Inconnu n° 1
Inconnu n° 2

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article248814, notice Sillé-le-Guillaume (Sarthe), 19 juin 1940 par Jean-Louis Ponnavoy, version mise en ligne le 12 juin 2022, dernière modification le 13 juin 2022.

Par Jean-Louis Ponnavoy

Stèle et sépulture des 14 Sénégalais
Stèle et sépulture des 14 Sénégalais
Loïc PREMARTIN photographie est sous licence d’usage CC BY-NC-SA 2.0

SOURCES : "Les Alpes Mancelles libérées", 19 juin. L’histoire des 14 soldats sénégalais mitraillés en 1940 à Sillé par les Allemands, article du 1er juillet 2019 par Chafik AOUNI et Histoire. Le 19 juin 1940, une journée tragique gravée dans les mémoires, article publié le 30 juin 2020 par Jean-Paul Taupin président du Souvenir Français et André Hu, documentaliste.— Wikipédia Sillé-le-Guillaume, La Seconde Guerre mondiale.— Mémorial Genweb.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable