DOYEN Evrard Amand.

Par Francis Drugman

Jemappes (aujourd’hui commune de Mons, pr. Hainaut, arr. Mons), 19 avril 1883 – Wasmuël (aujourd’hui commune de Quaregnon, pr. Hainaut, arr. Mons), 11 mars 1962. Ouvrier faïencier, employé, militant socialiste, dirigeant syndical, dirigeant mutualiste, résistant, échevin, bourgmestre de Wasmuël, conseiller provincial du Hainaut.

Le père d’Evrard Doyen est Jules Grégoire Doyen, ouvrier faïencier, né à Wasmuël le 7 janvier 1846, et sa mère, Charlotte Henriette Joseph Grégoire, ménagère, est née à Sint-Pieters-Leeuw (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui pr. Brabant flamand, arr. Hal-Vilvorde) le 22 octobre 1857, et meurt le 17 décembre 1891. Le couple se marie à Sint-Pieters-Leeuw le 30 décembre 1879. Jules Doyen, bien que domicilié à Wasmuël, y travaille dans une faïencerie. Aussitôt marié, le couple emménage à la rue de Wasmes à Wasmuël, près de son lieu de travail situé sur la Grand’Route de Mons à Valenciennes (département du Nord, France), la faïencerie Auguste Mouzin (Société AMC-Auguste Mouzin et Compagnie). Un premier enfant, Orphée André, naît à Wasmuël le 4 mai 1881. Pour gagner quelques sous en plus, la famille Doyen s’installe à la rue Sigart (du nom d’un médecin, Joseph-Désiré Sigart, député libéral, à l’initiative, dans le domaine ferroviaire, de la bifurcation de Saint-Ghislain pour Mons-Valenciennes et Mons-Tournai) à Jemappes où naît en 1883 Evrard Doyen. Puis c’est le retour à Sint-Pieters-Leeuw où les Doyen habitent à la chaussée de Mons au numéro 62 : elle y accueille le 2 mars 1885 son troisième enfant, Léontine. En 1887, la famille migre à Orchies (département du Nord, France) à la rue de la Poterne. Jules Doyen se spécialise dans la faïencerie artistique, il travaille pour la manufacture L’Herminé & Cie, manufacture de faïence artistique d’Orchies, installée rue de la Poterne. La famille s’agrandit avec la naissance de Gaston Léon mais revient le 10 décembre 1891 à Wasmuël. Jules Doyen termine sa carrière professionnelle à la faïencerie Auguste Mouzin & Eugène Meyer (gendre de Mouzin).

Evrard Doyen fréquente l’école primaire de Wasmuël jusqu’à l’âge de douze ans. Il part ensuite avec son frère aîné, Orphée, à Saint-Amand-les-Eaux (département du Nord, France). Les deux frères y sont pris en charge par le frère de leur père, Edouard, ouvrier faïencier et marié. Evrard Doyen y débute son parcours professionnel en travaillant comme mouleur en sable à la Manufacture de faïences et porcelaines de Saint-Amand-les Eaux. Son frère, Orphée, s’initie au métier de charcutier. Le 12 octobre 1903, Evrard rentre définitivement à Wasmuël, au numéro 114 de la rue de la Fontaine. Le tirage au sort en vue du service militaire (levée 1903) lui est favorable, il n’est pas appelé. Il travaille comme mouleur à la faïencerie Eugène Meyer, dite Mouzin à Wasmuël.

Le 15 décembre 1906, Evrard Doyen épouse à Wasmuël Joséphine Lhoir, couturière, née à Wasmuël le 15 mai 1883. Deux enfants naissent de cette union : Elmire, née le 7 juin 1907, et Jules, né le 10 juillet 1910, officier de réserve durant la campagne des 18 jours, tué le 26 mai 1940.

Pendant la Première Guerre mondiale, Evrard Doyen joue, aux côtés d’Henri Meyer, directeur de la faïencerie dite Mouzin, un rôle important dans les services de ravitaillement de Wasmuël. Il est notamment trésorier du comité local de secours et d’alimentation.

Evrard Doyen milite au sein du Parti ouvrier belge (POB). Son premier combat est donc politique. Lors des élections communales du 24 avril 1921, il est élu au conseil communal (3e candidat avec quinze votes nominatifs) qui est installé le 25 juin. Ces élections sont une victoire pour le POB de Wasmuël qui obtient sept sièges (1 236 voix) contre quatre allant à des candidats sans couleur (714 voix). Nommé échevin le 19 septembre 1921, il devient échevin de l’Instruction publique en 1923. Lors du scrutin communal du 10 octobre 1926, Doyen est le chef de file de la liste socialiste qui est élue sans lutte. Le conseil communal sortant des urnes est homogène, Doyen reste échevin. Le 9 octobre 1932, il occupe la quatrième place sur la liste socialiste où il est présenté comme gérant de magasin. Doyen obtient 160 votes nominatifs. Le POB dispose de sept sièges contre quatre pour la liste d’intérêts communaux. Les élections communales du 16 octobre 1938 le voient présent (profession : employé) sur la liste du POB à la deuxième place, il reçoit 78 voix nominatives La majorité communale reste socialiste. Doyen reste échevin de l’Instruction publique.

Evrard Doyen va investir d’autres organisations socialistes. En 1938, grâce à Émile Cornez, secrétaire général de la Fédération des mutualités socialistes du Borinage (pr. Hainaut) située au numéro 10 rue Chisaire à Mons, s’opère une fusion entre cette fédération et la mutuelle syndicale des métallurgistes (Confédération générale du travail de Belgique (CGTB) – Centrale des métallurgistes de Belgique (CMB)), section régionale du Borinage dont le siège se trouve au numéro 1, rue des Cinq Visages à Mons. Le personnel de la mutuelle syndicale est incorporé à celui de la fédération. Evrard Doyen, qui est membre de la section des métallurgistes de Wasmuël et responsable de la mutuelle syndicale à Mons, obtient un mandat au conseil de la Fédération des mutualités socialistes du Borinage en février 1939. Il est secrétaire de la CMB jusqu’en 1947, année où il est admis à la pension et nommé administrateur -gérant de la centrale régionale.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Evrard Doyen, qui est rentré, après son évacuation, en Belgique le 1er septembre 1940, n’est pas autorisé par l’occupant allemand à reprendre sa fonction d’échevin. Il reste éloigné des affaires communales durant toute l’Occupation. En décembre 1940, il lui est interdit d’assurer son travail de secrétaire adjoint de la section régionale de la CMB du Borinage car il ne veut pas adhérer à l’Union des travailleurs manuels et intellectuels (UTMI), le syndicat unique imposé par les Allemands. Il obtient un emploi équivalent à la Fédération des mutualités socialistes du Borinage mais l’occupant allemand lui interdit toute activité mutualiste dès le 31 décembre 1942.
Le 25 mai 1943, Evrard Doyen est arrêté puis relâché par les Allemands. Il est accusé d’avoir répandu des tracts patriotiques mais finalement on ne retient contre lui que le fait d’avoir trouvé à son domicile un tract lors d’une perquisition. L’instruction aboutit à une condamnation le vendredi 13 août 1943 par le tribunal allemand (Oberfeldkommandantur, palais de justice, rue de Nimy à Mons) pour attitude hostile à l’Allemagne. Il est détenu à la prison de Mons (cellule n° 93) du 8 septembre 1943 au 19 octobre 1943.
Evrard Doyen est à nouveau arrêté par la Gestapo de La Louvière (pr. Hainaut, aujourd’hui arr. La Louvière) à son domicile de Wasmuël au numéro 144, rue de la Fontaine, le 15 juillet 1944. D’autres personnes de la région connaissent le même sort. Doyen est incarcéré du 15 au 18 juillet 1944 dans les caves de la place Rouppe à Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale). Il ne connaît pas le motif de son arrestation mais il est interrogé sur le fait qu’en sa qualité de délégué de la commune à secrétaire-trésorier de la Société d’habitations à bon marché de Wasmuël dont il est le secrétaire-trésorier, il se soit opposé à la nomination le 4 février 1942 du bourgmestre rexiste Thon (qui avait été élu conseiller communal en 1938), imposé par l’occupant.
Evrard Doyen est actif dans la Résistance. Du 1er août 1942 au 31 octobre 1944, il fait partie du service CF 25 (chemins de fer), dépendant du mouvement armé, le groupe G (Groupe général de sabotage de Belgique). Ce réseau fait partie des 129 services de renseignement et d’action dirigés par la Sûreté de l’État belge depuis son exil londonien. Actif de 1942 à la Libération, le groupe G est responsable de la plupart des sabotages perpétrés sur tout le territoire belge. Evrard Doyen, entré dans la clandestinité, constitue, avec d’autres partisans, les premiers noyaux de saboteurs du Borinage : les sabotages s’opèrent par équipes : voies et installations des chemins de fer, aide aux réfractaires et remise de fausses cartes d’identité. Après sa seconde arrestation en juillet 1944, il doit prendre le maquis. Il y restera jusqu’à la Libération. Il participe aux combats de Wasmuël, sur le site du Comptoir général d’approvisionnement (dépôt de produits alimentaires), une société coopérative basée à Haine-Saint-Paul (aujourd’hui commune de La Louvière) depuis 1892. Cette société a plusieurs succursales et un dépôt à Wasmuël.
Après la guerre, Evrard Doyen se voit reconnu comme résistant armé (membre du groupement de la Résistance G) par décision de la Commission de contrôle de Mons, Justice de paix – Ministère de la Défense nationale (office de la Résistance) en séance du 23 août 1947. Le statut de prisonnier politique lui est accordé par décision du Ministère de la Reconstruction le 21 janvier 1949. Pour ses activités pendant les deux guerres mondiales, Doyen est titulaire de la médaille du souvenir 1914-1918, de la médaille de la Résistance 1940-1945, de la médaille commémorative 1940-1945 et de la croix de prisonnier politique.

En septembre 1944, Evrard Doyen reprend ses activités sociales en tant que secrétaire adjoint de la section régionale de la CMB du Borinage. Sur le plan politique, il supplée le bourgmestre de Wasmuël, Victor Alphonse Piérart, dont l’état de santé laisse à désirer, dans cette fonction. À la démission de ce dernier, Doyen est nommé, par arrêté du Régent du 4 juillet 1945, bourgmestre (publication dans le Moniteur belge du 11 juillet 1945). Il va conserver ce mandat au fil des élections communales jusqu’en 1958. Lors du scrutin du 24 novembre 1946, il est le troisième sur la liste du Parti socialiste belge (PSB qui succède au POB en 1945) et obtient 139 votes nominatifs. Le parti dispose de la majorité au conseil communal et Evrard Doyen est nommé bourgmestre par arrêté du Régent du 5 mars 1947 (publication dans le Moniteur belge du 9 mars 1947). Les élections du 12 octobre 1952 le voient au second rang sur la liste socialiste où il est présenté comme employé pensionné. Avec ses 133 voix, il est réélu et est, dans la foulée, nommé à nouveau bourgmestre par arrêté royal du 11 mars 1953 (publication dans le Moniteur belge du 14 mars 1953). Le scrutin du 12 octobre 1958 (troisième place sur la liste du PSB) permet le maintien de la majorité socialiste. Malgré ses 386 voix nominatives, Doyen n’est plus candidat à la fonction de bourgmestre, qu’il quitte le 9 janvier 1959. Il reste conseiller communal jusqu’à son décès.
Evrard Doyen est également conseiller provincial du Hainaut, où il représente le district de Boussu, entre juin 1949 et 1961. Il obtient son meilleur score lors des élections provinciales du 1er juin 1958 avec 1 321 votes nominatifs, il est alors le chef de fil de la liste socialiste. Il se présente à nouveau devant les électeurs le 26 mars 1961, à la sixième place sur la liste du PSB (sur sept conseillers à élire), mais n’est pas élu malgré ses 228 voix.

Evrard Doyen a plusieurs mandats liés à ses mandats politiques et à son action au sein du mouvement socialiste : membre du comité directeur de la Wateringue de la Haine (créée en 1926), membre du conseil d’administration de l’Association intercommunale pour le développement, l’expansion et l’équipement économique du Borinage, l’Interboraine, fondée en 1961 (ce nom devient en 1962 IDEA Hennuyère), membre du comité de l’Intercommunale du gaz et de l’électricité, membre du comité du Centre intercommunal de santé Jean Rolland de Saint-Ghislain (pr. Hainaut, arr. Mons), président de la société coopérative « Les Maisons à bon marché de Wasmuël », vice-président de la fanfare socialiste « L’Avenir » de Wasmuël, président d’honneur de l’Intersyndicale, président de la section locale du Centre d’oxygénothérapie du Borinage, membre du Centre permanent de défense de l’enseignement officiel, président du premier club de football fondé en 1929 à la Maison du peuple, « Le Matteotti Club de Wasmuël » du nom du célèbre député et patriote italien, Giacomo Matteotti, assassiné en 1924 par les fascistes (ce nom est répandu dans la région boraine. La place de Quaregnon-Rivage porte le nom de Matteotti).

Evrard Doyen milite dans les rangs socialistes jusqu’à sa mort. Veuf de Joséphine Lhoir, il meurt subitement le dimanche 11 mars 1962 à son domicile de la Grand’Place à Wasmuël. Ses funérailles civiles ont lieu le mercredi 14 mars 1962 à 17 heures. Parmi l’assistance nombreuse qui y participe, se trouvent notamment, Achille Delattre, bourgmestre de Pâturages et ministre d’État, Félicien Namur, président des Mutualités socialistes du Borinage, Max Bury, secrétaire régional de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB – syndicat interprofessionnel). Un dernier hommage est rendu à Doyen par Alfred Bonjean, sénateur et bourgmestre de Quaregnon, au nom des groupements socialistes. Au cimetière de Wasmuël, avant l’inhumation, Edouard Dechamps, vice-président fédéral de la Confédération des prisonniers politiques, prononce l’adieu des groupements patriotiques et la fanfare socialiste de Wasmuël joue en sourdine L’Internationale. Une cité porte son nom à Wasmuël.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article248871, notice DOYEN Evrard Amand. par Francis Drugman, version mise en ligne le 13 juin 2022, dernière modification le 1er juillet 2022.

Par Francis Drugman

SOURCES : Archives communales de Mons, section de Jemappes, registres de l’état civil et de la population – Archives communales de Quaregnon, registres de l’état civil de Wasmuël – Archives communales de Sint-Pieters-Leeuw, registres de l’état civil et de la population – CEGESOMA – Papiers personnels de Francis Drugman.

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