Par Francis Drugman
Hornu (aujourd’hui commune de Boussu, pr. Hainaut, arr. Mons), 9 juillet 1912 – Mons, 25 décembre 1996. Ouvrier mineur puis employé mutualiste, militant communiste, conseiller communal puis bourgmestre de Wasmuël (aujourd’hui commune de Quaregnon, arr. Mons), militant de l’Union des progressistes, conseiller communal de Quaregnon.
Victor Piérard est le fils de Jules Célestin Piérard, ouvrier mineur (houilleur), né à Hornu le 9 novembre 1888, et de Victorine Godrie, sans profession, née à Hornu le 30 juin 1889 (mariage à Hornu le 12 avril 1909).
Victor Piérard débute sa carrière professionnelle dès l’âge de quatorze ans. Pendant vingt ans, il exerce en tant qu’ouvrier mineur. En 1926, à peine sorti de l’école primaire, il descend au fond du puits n° 12 du Grand-Hornu (Société civile des Usines et Mines de houille du Grand-Hornu dont le siège social se trouve à Hornu) à Hornu. Il interrompt cette activité à la suite de son service militaire qu’il effectue du 28 août 1932 au 24 avril 1933 au 3e régiment des chasseurs à pied. En 1933, juste après son mariage, il quitte Saint-Ghislain où il habite, avec sa mère veuve, pour emménager au numéro 10, rue de la Jonction à Wasmuël. En effet, il épouse le 2 décembre 1933 à Wasmuël Adolphine Gérard, sans profession, née à Wasmuël le 23 octobre 1914. Le couple aura trois enfants : un fils, Victor Joseph, né en 1934, et deux filles, Camilla, née en 1938, et Liliane, née en 1943.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Victor Piérard participe à l’essentiel de la campagne des 18 jours du 8 au 14 mai 1940 au sein du 3ème Régiment des chasseurs à pied (9ème compagnie). Du 15 mai au 8 août 1940, il est en France avec le 9ème Régiment des chasseurs à pied. À ce titre, il recevra après la guerre la médaille du combattant militaire 1940-1945. Par la suite, revenu en Belgique, il entre dans la Résistance le 2 décembre 1941, raison pour laquelle il quitte Wasmuël pour s’installer à Ellignies-Sainte-Anne (aujourd’hui commune de Beloeil, pr. Hainaut, arr. Ath) ; il y travaille à la brasserie locale Lemaire. Il est membre de l’Armée secrète de Wasmuël avant de rejoindre très tardivement les rangs du Front de l’indépendance (FI). Il adhère en pleine guerre au Parti communiste de Belgique (PCB) ; son parrain est Robert Harvengt, ouvrier mineur, militant communiste de Wasmuël. Le 10 mai 1944, il entre dans l’Armée belge des partisans grâce à Gaston Wachel de Quevaucamps (aujourd’hui commune de Beloeil). C’est dans ce secteur qu’il participe à plusieurs actions sur les voies navigables. Il fait également partie des groupes d’abattage et œuvre lors des combats en vue de la Libération. Parallèlement, en 1944, il vend la presse clandestine : Le Drapeau rouge (journal communiste) et Le Monde du travail (presse socialiste). La qualité de résistant armé durant la période allant du 10 mai 1944 au 14 octobre 1944 lui sera reconnue par la Commission de contrôle de Mons le 27 août 1948.
À la Libération, Victor Piérard quitte Quevaucamps et entre au corps 1029 du FI à Hornu avec l’accord de son commandant des Partisans armés. Il continue à y cotiser. Il crée à Wasmuël la mutuelle « Rénovation communiste » qui, selon son expression, lui fait avoir « des gris cheveux ». Cette association végète. Elle est finalement reprise en 1947 – elle compte cinquante membres – par la Mutuelle neutre.
En 1947, Victor Piérard est victime d’un accident de travail : il se retrouve coincé entre deux chariots. Blessé à la colonne vertébrale, il est soigné à l’hôpital de Warquignies (aujourd’hui Centre hospitalier régional de Mons), qui relève de la Caisse commune d’assurance des Charbonnages du Couchant de Mons à Boussu. Bien que n’ayant pas travaillé pendant un an, il garde des séquelles de cet accident pour lequel il est reconnu comme pensionné invalide à partir du 1er janvier 1949. Il entame une nouvelle carrière à la mutualité neutre (Fédération mutualiste neutre, n° 5, rue des Arquebusiers à Mons) : employé, membre du personnel, il tient également une permanence à son domicile situé à la rue de la Jonction, au numéro 10 (bureau local à Wasmuël). Bien que son appartenance au PCB soit connue, il fait preuve d’une grande ouverture d’esprit puisqu’il organise des voyages à Lourdes (département des Hautes-Pyrénées, France).
Après la guerre, Victor Piérard se lance dans l’action politique à Wasmuël. Il se présente pour la première fois lors des élections communales du 24 novembre 1946, il est à la sixième place sur la liste communiste. Il n’est pas élu mais le PCB ayant obtenu trois mandats effectifs, il devient suppléant. Le 12 octobre 1952, chef de file de la liste communiste, Piérard, mentionné comme ouvrier mineur pensionné, est élu avec 72 voix nominatives sur un total de 459 dévolues au PCB (ils sont deux communistes à siéger au conseil communal contre sept pour les socialistes et deux pour des « démocrates modérés »). Par contre, le 12 octobre 1958, il rate de quelques voix un siège : le PCB avec ses 278 voix n’a plus d’élu. Par contre, le scrutin du 11 octobre 1964 est positif pour le PCB qui obtient 36 % des voix (744 voix). Piérard est élu ainsi que ses trois colistiers. Il reste cependant dans l’opposition, le Parti socialiste belge ayant obtenu six sièges (921 voix) et le Parti social-chrétien (PSC) un seul (355 voix). Avec ses 186 votes nominatifs, cette élection est un beau succès pour Piérard qui entre en fonction le 22 janvier 1965. Lors des élections du 14 octobre 1970, l’ascension du PCB se poursuit. Il obtient cette fois la majorité absolue grâce à ses sept élus contre cinq pour les socialistes et un pour les sociaux-chrétiens. Victor Piérard, chef de file de la liste communiste, est élu avec 358 voix pour un total de 1 056 votes pour les communistes. Il est nommé bourgmestre de Wasmuël par l’arrêté royal du 15 janvier 1971 (publié au Moniteur belge le 10 février 1971). Parmi les moments forts de son mayorat, figure la visite (et ce sera la seule) du roi Baudouin à Wasmuël.
Les élections communales de 1976 se placent dans un contexte totalement différent : la fusion des communes acte l’entrée de Wasmuël dans la commune de Quaregnon. Victor Piérard milite à l’Union des progressistes (UDP), résultat du tournant politique opéré par le PCB à la suite de son ralliement à une union des gauches initiée par le sénateur montois, René Noël*. Le combat électoral est rude : cinq listes sont en présence : la liste sociale-chrétienne, celle du parti socialiste, la liste de l’UDP, la liste « Union des intérêts communaux (Un.ic) et la liste du Parti communiste de Quaregnon (PCQ). Piérard obtient le deuxième meilleur score de préférence avec 1 026 voix nominatives, derrière le bourgmestre socialiste sortant de Quaregnon, Edgard Hismans, qui obtient 1 122 voix. Victor Piérard est élu ainsi que cinq colistiers. Les socialistes détiennent la majorité absolue au conseil communal. Le mandat de Piérard est de courte durée : le 15 février 1978, il adresse par courrier sa démission au collège des bourgmestre et échevins en raison d’un état de santé qui l’empêche de mener à bien la mission confiée par les électeurs. La lettre est lue au conseil communal du 20 février. À cette occasion, un hommage lui est rendu par le député-bourgmestre Edgard Hismans. Mais la politique n’en a pas fini avec Victor Piérard. La campagne électorale de 1988 voit le retour en force d’un ancien sénateur communiste, Jules Vercaigne, qui, sa volonté d’acquérir le maïorat de Quaregnon, établit une liste sous le signe « RDC » (Rassemblement démocratique communal). Il propose à Victor Piérard, dernier bourgmestre de Wasmuël, de rejoindre sa liste à la 27ème et dernière place. Piérard est élu avec 181 voix nominatives mais Jules Vercaigne ne gagne pas son pari d’éjecter Edgard Hismans de son siège de bourgmestre, malgré les huit élus du RDC. Piérard ne reste pas longtemps au conseil communal, il en démissionne en mai 1989.
Victor Piérard se présente également aux élections provinciales allant du 26 juin 1949 au 31 mars 1968. Il n’est pas élu. Il est également candidat sur la liste communiste aux élections législatives du 7 novembre 1971 puis sur la liste de l’UDP lors du scrutin du 10 mars 1974, sans succès. Il se présente une dernière fois le 17 avril 1977 : il est le sixième candidat sur la liste de l’UDP. Il obtient 648 voix mais n’est pas élu.
Victor Piérard meurt le jour de Noël 1996 à l’hôpital Ambroise Paré de Mons. Ses funérailles religieuses sont célébrées en l’église de la Sainte-Vierge de Wasmuël le lundi 30 décembre 1996. Elles sont suivies de l’inhumation dans le caveau familial au cimetière communal de Wasmuël.
Par Francis Drugman
SOURCES : Archives communales de Boussu, registres de l’état civil et de la population – Archives communales de Quaregnon, registres de l’état civil et de la population de Wasmuël – La Louvière, site du Bois-du-Luc, Saicom – Papiers personnels de Francis Drugman – Centre de documentation et d’archives du Musée de la Résistance en Belgique asbl, fonds du Front de l’indépendance, dossier individuel n° III/09895.