DANIEL André, Henri, Jean

Par Jacques Chapron

Né le 3 mai 1941 à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), mort le 6 février 2021 à Saint-Nazaire ; ouvrier chaudronnier ; syndicaliste CFDT, secrétaire permanent de l’Union Métaux CFDT de Saint-Nazaire (1977-1979) puis de l’Union locale CFDT de Saint Nazaire (1979-1985), membre du conseil de l’Union départementale CFDT de Loire-Atlantique et de l’Union régionale interprofessionnelle CFDT des Pays de la Loire.

André Daniel, en 1972
André Daniel, en 1972

Aîné d’une fratrie de six enfants, André Daniel habitait avec sa famille à Trignac, commune de Loire-Atlantique voisine de Saint-Nazaire. Son père, Jean Daniel, proche du parti communiste, fut boucher, puis caréneur dans la construction navale. Il avait épousé Renée Ruau, mère au foyer, catholique non pratiquante. Après le décès de son époux en 1956, celle-ci dut accepter un poste de pontonnière aux Fonderies de Saint-Nazaire. Elle fut ensuite embauchée à la SEMM (Société européenne de matériel mobile) qui s’implanta à Trignac en 1967.
André Daniel débuta sa scolarité en 1946 à Redon (Ille-et-Vilaine) où la famille était réfugiée après les intenses bombardements alliés sur Saint-Nazaire en 1942 et 1943, visant la base sous-marine allemande. En 1950, la famille étant de retour à Saint-Nazaire, dans le quartier d’Herbins, il poursuivit sa scolarité à l’école publique Waldeck-Rousseau où il obtint son certificat d’études primaires en 1955. A cette date, il entra en apprentissage à l’usine Sud-Aviation de Saint-Nazaire. Mais l’année suivante, il choisit d’intégrer l’école d’apprentissage des Chantiers de l’Atlantique. Après avoir obtenu son CAP de chaudronnier en 1958, il fut affecté aux travaux à bord des navires en construction.
Entre 1957 et 1960, André Daniel s’engagea dans le mouvement de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) après une rencontre entre les prêtres d’Herbins et ses camarades du quartier, amateurs de rugby. De 1961 à 1963, André Daniel effectua son service militaire dans l’armée de l’air à Cambrai (Nord) et à Versailles (Seine-et-Oise, Yvelines). Durant cette période, il choisit de se faire baptiser. Son parrain fut un camarade appelé du contingent.
A la JOC, il rencontra Denise Vaillant qui était employée comme vendeuse-retoucheuse dans un magasin de vêtements pour homme. Ils se marièrent le 18 septembre 1965. Tous les deux militèrent à l’Action catholique ouvrière (ACO) entre 1967 et 1981. De leur union naquirent trois filles Myriam, Hélène et Annie. Le couple divorça en 1993.
De retour à la vie civile, André Daniel réintégra les Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire. En 1964, il fut affecté à l’atelier de grosse chaudronnerie et adhéra à la CFDT en 1965. Militant très actif, il suivit avec passion le conflit des mensuels de la métallurgie nazairienne, en 1967, dont il dira plus tard : « C’est la grève la plus admirable que j’ai connue ». Cette même année, il fut élu délégué du personnel avec une équipe CFDT qui se constitua autour de Georges Catrevaux.
En 1968, les chantiers de Saint-Nazaire furent séparés en trois sociétés distinctes : les Chantiers de l’Atlantique, l’Etablissement Mécanique et Babcock Atlantique. Cette dernière société, qui disposait alors de cinq usines en France et qui voulait se positionner sur le marché des centrales électronucléaires, intégra en son sein les ateliers de chaudronnerie du chantier naval où travaillait André Daniel.
Lors des élections professionnelles de 1968 à l’établissement nazairien de Babcock Atlantique comptant 1200 salariés, la CGT obtint 43.5 %, la CFDT 35,5 % et FO 18.8 %. André Daniel devint alors le secrétaire de la section syndicale.
Avec les élus CFDT, tout au long des cinq années d’existence de la société Babcock Atlantique, André Daniel dut se mesurer à l’intransigeance du PDG, Pierre de Calan, par ailleurs vice-président du Conseil national du patronat français (CNPF) : refus de négocier un nouveau statut social du personnel, volonté de rompre avec les accords d’entreprise tels que pratiqués à Saint Nazaire, choix d’une politique sociale et salariale individualisée primant sur les avantages collectifs.
Tout au long des années 1969 et 1970, il fallut à André Daniel ainsi qu’à la jeune équipe CFDT de Babcock Atlantique beaucoup de cohésion et de maturité, une recherche permanente de l’unité d’action ponctuées de puissants mouvements sociaux, débrayages, grèves pour parvenir aux accords d’entreprise « équivalents » à ceux des Chantiers de l’Atlantique.
En février 1971, André Daniel et la section CFDT furent confrontés à une nouvelle orientation industrielle de la société Babcock Atlantique. Celle-ci décida de renforcer considérablement ses moyens de production en créant une société distincte. Le projet dénommé Atlas (Atelier très lourd d’assemblage) visait à crédibiliser la volonté de la société de se positionner sur le marché du nucléaire civil. La première pierre de la nouvelle usine fut posée le 9 septembre 1971.
Alors que les travaux gigantesques de génie civil se poursuivaient, un nouveau conflit éclata sur la revendication du treizième mois pour tous les salariés. Une déclaration malheureuse de la direction locale disant que c’était « moins une question de gros sous que de principes » souleva la colère du personnel : nombreux débrayages, occupation des locaux et des bureaux de la direction qui déclencha un lock-out. Une négociation s’engagea. Ses résultats furent présentés aux travailleurs par André Daniel. Ils furent jugés insuffisants par la CFDT qui cependant respecta le vote du personnel avec une majorité étroite pour accepter ces propositions.
En novembre 1972, appuyées par la mobilisation des salariés, des discussions s’ouvrirent sur l’unification des statuts entre « horaires » et « mensuels » qui débouchèrent rapidement sur un nouvel accord d’entreprise. Mais bientôt des craintes pour l’emploi apparurent car Babcock Atlantique fut évincé du marché des centrales nucléaires. En mai 1973, de nombreux licenciements furent annoncés. Une alternative se fit jour et se transforma en revendication : réintégration du personnel au sein des Chantiers de l’Atlantique. Le 30 mai 1973, après bien des péripéties, l’action des salariés et la pression des pouvoirs publics amenèrent la direction des Chantiers de l’Atlantique à annoncer la reprise du personnel de Babcock Atlantique. André Daniel, comme la quasi-totalité du personnel, fut rattaché à l’établissement Mécanique où il devint secrétaire de la section CFDT et négociateur de l’accord d’entreprise de 1975.
En septembre 1977, André Daniel devint permanent de l’Union métaux CFDT de Saint- Nazaire, succédant à Louis Morice appelé au secrétariat de la Fédération générale de la métallurgie CFDT à Paris. En 1979, il fut élu secrétaire de l’Union locale CFDT de Saint-Nazaire, où il prit la suite de Yves Thoby.
Ces années de profondes restructurations industrielles furent marquées par plusieurs longs et difficiles conflits autour du maintien de l’emploi, de plans sociaux et de reconversions professionnelles dans tout le bassin nazairien : Eaton, Ateliers Français de l’Ouest, Thiriet-Cattin, Pouyet , Jouan-Quétin … Au cours de cette période André Daniel défendit la nécessité pour le syndicalisme CFDT de s’approprier les nouveaux droits découlant des lois Auroux de 1982 tout en prenant en compte les mutations. Au moment de son départ en 1985, il déclara au journal La Tribune : « De toutes manières, ces mutations se feront. Autant qu’elles se fassent avec nous [syndicalistes] Autrement ce sera encore plus terrible pour les travailleurs ». Une position que l’Union locale CFDT de Saint-Nazaire traduisit par son engagement dans le Comité de bassin d’emploi ou la Mission Locale.
Très attaché à l’action intersyndicale, André Daniel regretta l’absence d’unité syndicale à cette période, car elle « aurait rendu les choses plus faciles et aurait été un meilleur garant de résultats » disait-il.
En 1985, il quitta ses fonctions syndicales et partit pour Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Il fut délégué régional du réseau Loisirs-Vacances-Tourisme en région Provence-Alpes-Côte d’Azur de 1985 à 1987 et, après une période de chômage, il fut animateur dans l’insertion professionnelle à Briançon (Hautes-Alpes) puis à Vitrolles (Bouches-du-Rhône) jusqu’en 1993.
En 1994, André Daniel revint en Loire-Atlantique à Nantes. Il fut recruté par l’association « Arbres », précurseur du tri sélectif, et chargé de l’organisation du travail de récupération, de tri et de valorisation des papiers et cartons. En même temps, il assura le suivi individuel de chaque salarié en vue de l’insertion professionnelle.
André Daniel prit sa retraite en 2001. Dès 2002, il fut élu représentant des adhérents à l’assemblée générale de Mutuelle Atlantique devenue Harmonie Mutuelle. Il le resta jusqu’en 2014. Au cours de ce mandat, il fit partie d’un collectif de délégués mutualistes en charge de développer des actions de terrain à dominante « Prévention-Santé » sur le territoire Nord de l’agglomération nantaise. De 2008 à 2012, il représenta la Mutualité Française au sein du conseil de la Caisse primaire d’assurance maladie de Nantes.
Atteint d’une longue maladie invalidante, André Daniel décéda le 6 février 2021 à l’âge de soixante-dix-neuf ans. Ses obsèques furent célébrées le 12 février 2021 en l’église Sainte-Anne de Saint-Nazaire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article248877, notice DANIEL André, Henri, Jean par Jacques Chapron, version mise en ligne le 14 juin 2022, dernière modification le 21 juin 2022.

Par Jacques Chapron

André Daniel, en 1972
André Daniel, en 1972

Sources :
La Tribune, 7 au 13 décembre 1985. — Un printemps sur l’estuaire, ouvrage collectif sur la CFDT nazairienne, éditions du Centre d’histoire du travail, Nantes, 2005. — Interview d’André Daniel par Jo Guihéneuf, 2017. — Interviews de Denise Vaillant-Dromigny, de Myriam Daniel, fille d’André Daniel, et de Jean-Claude Daniel, son frère, septembre 2021 et mars 2022.

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