Par Emeric Tellier
Né le 25 novembre 1921 à Paris (20e arr.), mort le 19 novembre 2010 à Surgy (Nièvre) ; employé ; adhérent de la CGT ; militant communiste de Paris (XXe arr.) ; résistant, déporté ; responsable de la FNDIRP à Paris puis dans la Nièvre.
Serge Antoine vit le jour au domicile de ses parents, au 387 rue des Pyrénées à Paris (XXe arr.). Son père, Henri, Émile, Antoine, était un gardien de la paix né le 11 mars 1896 à Leuglay-les-Templiers (Côte-d’Or), tandis que sa mère, Suzanne, Marguerite Mazon, née le 10 avril 1899 à Paris et élevée par sa grand-mère à Leuglay-les-Templiers, était sans profession. Il était le cadet d’une famille comptant quatre enfants. Ses parents s’étaient installés à Paris en septembre 1919.
La première prise de conscience politique de Serge Antoine intervint à la fin de l’année 1932, avec l’arrivée des enfants de réfugiés juifs polonais fuyant les pogroms. La même année, ses parents l’avaient emmené aux obsèques de Zéphirin Camélinat, avant de l’accompagner assister aux obsèques d’Henri Villemin en 1934.
Il adhéra aux Jeunesses communistes en 1935, au cercle créé au cours complémentaire de la rue Henri-Chevreau (XXe arr.), avant de rejoindre le cercle de la porte de Montreuil dirigé par Robert Courtois. Il effectua son apprentissage d’économe aux Corsets Lagnon, où il a appris la confection du corset et du soutien-gorge, afin de connaître l’ensemble des matériaux nécessaires à leur fabrication. Il adhéra à la CGT en septembre 1936 et participa aux collectes organisées en faveur de l’Espagne républicaine.
Il participa à la manifestation du 30 novembre 1938, avant d’être exclu de la CGT et de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail (FSGT) en août 1939 en raison de son appartenance à la mouvance communiste. Son entreprise ayant fermé ses portes, il retrouva un emploi dans une entreprise fabriquant des masques à gaz.
Appelé en mai 1940, il fut envoyé, avec Pierre Mazille, à la caserne de Dijon (Côte-d’Or) où ils arrivèrent en plein débâcle. De retour à Paris, il survécut en effectuant différents métiers, en déchargeant des wagons à la gare des Batignolles ou encore en nettoyant et en rapiéçant des sacs à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Dès juin 1940, il avait repris contact avec d’anciens camarades, dont Brisset, avec lesquels ils confectionnèrent de petits papillons sur une petite imprimerie pour enfant, avant de les lancer dans les cours d’immeubles et les salles de cinéma.
En octobre 1941, il fut requis pour effectuer le service civique rural, d’une durée de trois mois. Il se rendit à la sucrerie de Sceaux-en-Gâtinais (Loiret), à la demande de son responsable de triangle clandestin avec pour mission de « freiner la production ». Avec deux autres jeunes, il déclencha une grève de deux jours et demi pour protester contre la décision de la direction de ne plus payer à la semaine, mais au trimestre. Cette dernière ayant fait appel à la gendarmerie, ils furent tous les trois arrêtés mais un gradé de la gendarmerie de Corbeilles-en-Gâtinais leur offrit la possibilité de filer en grimpant dans un train pour Paris.
Son activité résistante de distribution de tracts se poursuivit jusqu’à l’arrestation, en mai 1942, d’un membre de son triangle clandestin. Il décida alors de profiter de la proposition d’un ami, Jean Castets, et de partir pour Druyes-les-Belles-Fontaines dans l’Yonne, où il fut embauché par un cultivateur.
En mars 1943, il fut requis au Service du travail obligatoire (STO). Réfractaire, il se rendit, accompagné de Georges Antony à Châteauroux (Indre), avant d’envisager de franchir la frontière espagnole et de rejoindre l’Angleterre. Ayant rallié Toulouse (Haute-Garonne), puis Perpignan (Pyrénées-Orientales) en train, ils se rendirent à pied jusqu’à Villeneuve-de-la-Raho (Pyrénées-Orientales) où ils furent finalement arrêtés alors qu’ils tentaient de franchir la frontière, le 17 mars 1943.
Incarcéré à Céret (Pyrénées-Orientales), puis à la citadelle de Perpignan (Pyrénées-Orientales), il fut transféré le 23 avril 1943 au fort de Romainville (Seine, Seine-Saint-Denis), avant d’arriver au camp de Compiègne (Oise) le 28 avril 1943.
Le 8 mai 1943, il fut déporté vers le camp de concentration d’Orianenbourg-Sachsenhausen (Allemagne), où il parvint le 10 mai. Enregistré sous le numéro de matricule 66 115, il fut affecté après sa quarantaine au kommando Heinkel, un camp de concentration dédié à l’usine de construction aéronautique. Le 11 novembre 1944, il fut désigné pour effectuer dans son secteur une brève prise de parole et une minute de silence, en présence d’une vingtaine de déportés français. Un jour, il tomba par hasard sur un morceau du journal collaborateur L’Écho de Nancy où il apprit l’exécution de Roger Billard, qui était son cousin, fils de la sœur de son père. Le 7 avril 1945, il fut envoyé au camp central de Sachsenhausen jusqu’au 21 avril, date à laquelle le camp fut évacué devant l’avancée de l’armée soviétique. Il parcourut les 200 kilomètres de la « route de la mort », avant de retrouver la liberté dans les bois de Crivitz (Allemagne) le 4 mai 1945. Libérés par les troupes soviétiques, les prisonniers furent remis aux autorités américaines. Le 23 mai, il était de retour à Paris, après avoir traversé les Pays-Bas et la Belgique. Il se rendit au 5 rue Paganini dans le XXe arrondissement où il retrouva sa sœur, ses frères et ses parents.
Il fut affecté à la cellule communiste des HLM Schubert-Paganini, dont il devint rapidement le secrétaire. Au début de l’année 1946, il prit la responsabilité de la section du XXe arrondissement de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP), avant de prendre la direction de la section communiste du quartier de Charonne.
Pendant plus de trente années, il fut l’une des boîtes aux lettres pour les lettres d’Espagne adressées au Parti communiste d’Espagne clandestin en France.
En janvier 1950, il fut recruté à la policlinique des métallurgistes, installée 9 rue des Bluets à Paris (XIe arr.). Au sein de cette réalisation sociale de l’Union syndicale de la métallurgie de la région parisienne, il fut responsable des admissions des hospitalisés et des patients venant en consultation. La direction administrative de la policlinique était alors assurée par Henri Bompays, tandis que la direction médicale était confiée au docteur Pierre Rouquès. Il a notamment travaillé avec Albert Carn et Benjamin Steinberg.
Dans les souvenirs qu’il a partagé avec Hubert Doucet, il expliquait avoir porté dans ses bras Belaïd Hocine, grièvement blessé lors de la manifestation du 24 mai 1952 contre la venue à Paris du général Ridgway, à son arrivée à la policlinique des métallurgistes.
Il fut également chargé d’organiser le suivi médical et les campagnes de dépistage assuré bénévolement par le personnel de la policlinique en faveur des enfants de fusillés (1950-1955), des enfants issus des familles populaires bénéficiaire de l’opération « Bol d’air des gamins de Paris » (1960-1976), mais également des républicains espagnols clandestins (1960-1976). À ce titre, il eut l’honneur de figurer parmi les 25 premiers français invités par le Parti communiste espagnol et son journal Mondo Obrero pour fêter le retour à la démocratie en 1975.
Serge Antoine resta très investi au sein de la FNDIRP, en tant que membre du comité national, membre du secrétariat départemental de la Nièvre et fondateur, en 1999, de la section de la région de Clamecy (Nièvre). Il fut également président honoraire de la section de Riom (Puy-de-Dôme) des Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation (FMD). Il expliquait, dans le Journal du Centre du 16 janvier 2010 : « Depuis 1945, nous n’avons pas arrêté. Notre but, c’était de faire comprendre ce qu’ont été les camps de concentration, dont nous sommes les seuls témoins vivants. Expliquer pourquoi toutes ces choses étaient arrivées. Nous avions des partis pris, forcément, puisque nous les avions vécues. Aujourd’hui, les gens qui écrivent sur la Déportation ne l’ont pas vécue. »
Serge Antoine était chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur, titulaire de la médaille militaire 1939-1945, de la croix de guerre 1939-1945 avec palme.
Passionné de cyclisme, médaillé de la Fédération française de cyclisme, Serge Antoine était membre du Vélo-club de Clamecy (Nièvre) et fondateur du Prix du Challenge du Souvenir et de la Paix.
Il avait épousé Ginette, Andrée Mignot le 30 juin 1951 à Paris (13e arr.), avec laquelle il eut trois enfants. Il a été inhumé au cimetière de Surgy, dans le caveau de famille.
Une rue a été inaugurée à son nom à Clamecy, dans le prolongement de la rue Marcel-Paul, le 29 avril 2012. Une plaque commémorative rappelle son parcours.
Par Emeric Tellier
ŒUVRE : Par-delà l’oubli, Serge Antoine détenu au camp de Sachsenhausen, Le panier d’orties, Oisy, 1999, 94 p.
SOURCES : SHD Vincennes (GR 16 P 14978), non consulté. — SHD Caen (AC 21 P 698341), non consulté. — Témoignage recueilli par Hubert Doucet (2009). — Le Journal du Centre, L’Yonne républicaine, 22 novembre 2010. — Le Journal du Centre, 30 avril 2012. — Base de données en ligne de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. — Base de données en ligne Mémoires des hommes. — Base de données INSEE des décès depuis 1970. — État-civil en ligne.