Par Jacques Girault
Né le 6 février 1882 à Brignoles (Var), mort le 29 juin 1950 à Brignoles ; boulanger puis artisan charron ; militant socialiste avant le congrès de Tours puis communiste du Var ; conseiller municipal de Brignoles, conseiller général (1934-1939, 1944-1945), député (1936-1939).
Charles Gaou était le septième enfant d’un cordonnier natif de Grimaud (Var), père de neuf enfants. À l’âge de quinze ans, il quittait Brignoles « pour gagner sa vie » et fréquenta à Guers (il apprit le métier de charron à Cuers selon Raymond Gaou), les réunions du « groupe d’études sociales ». Après trois années de service militaire, Charles Gaou exerçait la profession de boulanger pendant quelque temps à Brignoles (cette indication de la police n’a pas été confirmée par nos recherches). En 1910, il s’installait comme artisan-charron et carrossier.
Socialiste depuis 1901, Charles Gaou adhéra à la SFIO en 1906 bien qu’aucune section socialiste n’existât de façon continue à Brignoles avant la guerre.
Le 5 mai 1912, Charles Gaou fut élu conseiller municipal, avant-dernier de la liste comprenant Alix Barbaroux*, futur adjoint SFIO au maire, avec 860 voix sur 1 174 inscrits.
Marié en 1909, père d’un garçon, Charles Gaou fut mobilisé au 2e RAM, resta quarante mois au front et fut blessé le 9 décembre 1917. Évacué à Sainte-Menehould (Marne), transféré à l’hôpital d’Angoulême (Charente), il en sortit le 19 janvier 1918. Il aurait été arrêté à Angoulême pour action antimilitariste d’après un rapport préfectoral de 1928, indication qui fut reprise dans sa profession de foi en 1945. Son fils, Raymond Gaou, ne se souvient pas avoir entendu parler d’une telle condamnation.
À son retour du front, Charles Gaou participa à la réunion fédérale, le 6 mai 1919, à Carnoules, de l’Association des démobilisés où fut approuvée la création d’un journal La Voix des Poilus. En octobre, l’Union des démobilisés de Brignoles décida de soutenir au congrès départemental, une liste de poilus aux élections législatives. Charles Gaou fut réélu à la commission administrative. On ne sait s’il prit position en faveur de cette liste (voir Victor Espitalier).
Charles Gaou fut délégué par la section SFIO de Brignoles au congrès de l’arrondissement du 29 octobre 1919 où furent désignés les candidats pour l’élection législative. Toutefois, nous ne savons s’il s’agit de lui. Selon le Progrès Républicain du 8 novembre 1919, il s’agissait de son frère, Marie Gaou, né en 1878, cordonnier.
Le 30 novembre 1919, Charles Gaou fut le dernier élu au conseil municipal de Brignoles sur la « liste d’union et de défense des intérêts brignolais » avec 437 voix sur 1 057 inscrits. Mais, la semaine suivante, quand Alix Barbaroux*, qui n’appartenait plus à la SFIO, fut élu maire, Charles Gaou obtint une voix. Membre des commissions des Finances et des Travaux, il s’opposa très vite à la majorité et démissionna le 27 septembre 1923. Dans sa lettre explicative, il protestait contre l’intervention du maire dans le conflit entre patrons et ouvriers boulangers qui avait eu comme résultat l’augmentation du prix du pain et ne voulait « pas être solidaire d’une pareille décision qui frappe la classe laborieuse de notre cité […] ».
Adhérent de la SFIO, Charles Gaou fut élu membre du comité fédéral, le 15 février 1920. Il vota pour la motion Cachin-Frossard* et se trouva parmi les pionniers du communisme dans la région brignolaise. Le 14 janvier 1922, il siégeait au congrès fédéral communiste de Brignoles. Il présida le congrès l’année suivante. Pressenti pour être candidat sur la liste communiste pour les élections législatives de 1924, le conseiller général du Luc, Gabriel Barbarroux lui fut préféré. Charles Gaou devait être le premier secrétaire de la section communiste de Brignoles qui s’organisa définitivement en mars 1924.
Charles Gaou fut avant tout le candidat communiste aux élections cantonales :
– le 14 mai 1922, son bulletin portant « Parti communiste » pour le conseil général, il obtint contre le maire Barbaroux 457 voix sur 2 204 inscrits ;
– le 19 juillet 1925, candidat communiste au conseil d’arrondissement, il obtint 334 voix sur 2 268 inscrits. Il s’effaça devant les « candidats de la discipline républicaine et socialiste », mais reçut tout de même, 23 voix d’irréductibles au deuxième tour ;
– le 14 octobre 1928, pour le conseil général, il obtint 206 voix sur 2 352 inscrits et le dimanche suivant, 194 voix ;
– le 18 octobre 1931 pour le conseil général, il obtint 198 voix sur 2 413 inscrits.
La vie municipale de Brignoles était très agitée en raison de la concurrence de forces politiques dont la victoire était périodiquement remise en cause par les élections cantonales ou législatives ; de multiples démissions et des consultations partielles en résultèrent. Charles Gaou conduisit les listes du Bloc ouvrier et paysan :
– Le 3 mai 1925, avec quatre colistiers, il obtint 54 voix sur 1 138 inscrits ;
– Le 27 septembre 1927, avec sept colistiers, pour remplacer sept démissionnaires, il obtint 88 voix sur 1 117 inscrits.
– Le 22 janvier 1928, à la suite de la démission du maire, Charles Gaou fut candidat et obtint 131 voix sur 1 197 inscrits et, le dimanche suivant, 121 voix (son concurrent SFIO fut alors élu.).
– Aux élections partielles de novembre 1928, il n’y eut pas de candidats communistes. Il en fut de même le 5 mai 1929, mais Charles Gaou recueillit deux voix !
– Le 25 janvier 1931, à la tête de la liste du BOP, il obtint 153 voix sur 1 251 inscrits, puis 164 voix, le dimanche suivant.
À l’occasion de ces multiples batailles électorales, Charles Gaou se fit connaître comme un militant sérieux s’exprimant aussi bien en français qu’en provençal. Notons qu’en 1929, le Parti communiste à Brignoles traversait une grave crise.
D’autre part, Charles Gaou était apprécié par son travail. Une publicité en 1919 indiquait : « Atelier de charronage et de carrosserie. Réparations en tous genres. Ventes. Échanges ». Sérieux, à l’esprit inventif, sachant conserver sa clientèle, Charles Gaou impressionnait ses camarades par sa résistance physique. Il associa son fils à l’affaire et fut diplômé à l’exposition de Brignoles de 1929. Sa publicité, en 1933, montrait un élargissement des activités : « Nouvelle carrosserie automobile. Construction de carrosserie sur plan et devis sur tout chassis. Autocars, camionnettes tout type, fourgons livraison forains. Plateaux et remorques en tous genres. Réparations et transformations. Tôlerie. Soudure autogène. Peinture. Garniture capote et sellerie. »
Pendant la période de la lutte contre la guerre du Maroc, Charles Gaou participa aux actions dans le Haut-Var et présida de nombreuses réunions en juillet et août 1925. Lors de la perquisition au siège du comité d’action à Marseille, la police trouva une lettre de lui et le commissaire spécial indiquait « I » (inconnu) en septembre 1925.
Ces actions lui valurent d’être arrêté et condamné à deux mois de prison pour propagande antimilitariste avec Perrin* et Magne*. Inscrit au carnet B (3e groupe), ces arrestations furent l’occasion de nombreuses actions de solidarité dans le Var. Poursuivi, sa notoriété dépassa la région brignolaise et le 9 octobre 1926, il présida une réunion à Toulon avec Marcel Cachin et André Marty, avant son emprisonnement.
Membre du bureau de la conférence du rayon du Var à Carnoules en janvier 1930, responsable de l’Union locale CGTU de Brignoles en novembre 1930, il eut des difficultés avec les dirigeants régionaux marseillais. Les papiers saisis sur Kraus*, mentionnaient une de ses lettres qui lui valut une réprimande. Il écrivait en effet à Pothier* en novembre 1930 : « Nous avons trop confiance au parti […] et reconnaissons la nécessité de la discipline pour ne pas faire confiance à la nouvelle direction du rayon et je crois que nous avons autre chose à faire. »
Secrétaire de la cellule de Brignoles (sans doute reconstituée vers 1931), Charles Gaou devint secrétaire du sous-rayon de Brignoles en décembre 1933. Choisi comme candidat communiste pour les élections législatives de 1932, il portait régulièrement la contradiction au député sortant socialiste Hubert Carmagnolle et exhibait la liste des députés socialistes membres de conseils d’administration. Le 1er mai 1932, Charles Gaou obtint 1 153 voix (soit un recul de 650 voix par rapport à 1928) sur 13 032 inscrits.
Au début de 1934, Charles Gaou participa, non sans quelques réticences, aux actions communes aux forces antifascistes. Un comité antifasciste fut créé avec les socialistes et des républicains. Au rassemblement antifasciste de Marseille, le 13 mai 1934, Charles Gaou constatait que les socialistes étaient absents et demandait à la direction régionale de venir en aide aux comités locaux.
Charles Gaou fut alors, une fois de plus, candidat aux élections cantonales en octobre 1934. Sa profession de foi indiquait sa volonté de « populariser [la politique communiste] d’ordre et d’action contre la guerre et le fascisme ». « Enfant de Brignoles », « connu de tous », Charles Gaou insistait sur sa moralité et constatait : « Vingt-cinq ans de vie militante n’ont pas émoussé sa combativité ». Il s’inspirait enfin de « l’exemple prodigieux de l’Union soviétique » pour qui « le socialisme n’est plus une hypothèse mais une réalité ». Charles Gaou, le 7 octobre 1934, arriva en tête avec 441 voix sur 2 515 inscrits. Au deuxième tour, le conseiller général sortant, maire de Brignoles « républicain socialiste indépendant » se maintenait ainsi qu’un autre candidat plus conservateur. Charles Gaou bénéficia du désistement de la SFIO et l’emportait dans cette bataille triangulaire avec 754 voix. Il se félicita dans son affiche de remerciement de la victoire de « ce magnifique canton rouge ». Le Progrès républicain, hebdomadaire de droite, demandait « si nous combattons les idées qu’il représente, nous faisons confiance " au Brignolais " pour que, laissant de côté rancunes et questions personnelles, il remplisse son mandat soucieux des intérêts du canton ». Et il ajoutait avec amertume « regrettons qu’un accord contre le front commun n’ait pas eu lieu […] un peu plus de sens politique aurait été nécessaire ».
Après sa défaite, le maire démissionna avec ses colistiers. Une lutte très vive s’engagea après que la liste « d’unité d’action des intérêts brignolais », conduite par Charles Gaou, le 18 novembre 1934, soit arrivée en tête. Charles Gaou obtenait personnellement 452 voix sur 1 337 inscrits. Le Progrès républicain présidait que la mairie « allait être livrée aux révolutionnaires » et que le drapeau rouge flotterait. Le dimanche suivant, la liste conservatrice arrivait en tête. Son dernier élu avait 476 voix alors que Charles Gaou en obtenait 470. Un de ses colistiers, socialiste, était seul élu. Cette campagne électorale, restée trop sur le plan local servit la réflexion régionale. François Billoux, sans nommer l’exemple de Brignoles, critiquait une telle pratique dans Rouge Midi, le 1er décembre 1934, dans un article intitulé « Pour l’unité d’action sans confusion politique ».
Aussi, aux élections suivantes, Charles Gaou conduisait-il une liste du « Bloc ouvrier et paysan et d’unité d’action antifasciste ». Le 5 mai 1935, il obtenait 356 voix sur 1 416 inscrits. En vertu d’un accord départemental, la liste SFIO se désistait. Charles Gaou lançait dans la presse un appel à la discipline qui insistait sur les désistements réciproques dans les autres communes et indiquait notamment :
« Le Brignolais qui milite, celui qui peine et travaille, celui qui paie les charges écrasantes de la néfaste politique de notre bourgeoisie au pouvoir, en un mot, toute la classe laborieuse de la cité, ne permettra pas que la réaction s’installe en maître à la mairie de Brignoles. Cette honte sera épargnée à notre cité […]. Toutes les fractions rouges de cette classe ouvrière et paysanne, artisans et petits commerçants, doivent s’unir et c’est avec cette discipline que les vingt et uns candidats désignés par le suffrage universel battront la réaction fasciste. »
En dépit de cette unité, la liste du maire sortant l’emportait. Charles Gaou, avec 513 voix, était distancé par le dernier élu de 134 voix.
Charles Gaou était alors l’animateur communiste de la région. Devenu secrétaire du nouveau rayon de Brignoles créé en juin 1935, il faisait partie de la commission agraire mise en place par la CGPT vers la fin de 1934. Il fut condamné à une peine d’amende, le 14 janvier 1936, pour affichage illicite pour le « Comité de défense des petits paysans du Var » qu’il inspirait. De cette intense activité militante, de nombreux témoignages demeurent. Citons seulement sa lettre au secrétaire de la cellule de Carces, le 16 avril 1935 : « je suis complètement écrasé de charges, les élections municipales, mon travail d’atelier, la propagande, je suis totalement débordé […]. Il est cinq heures du matin et j’ai déjà écrit huit lettres sans compter ce qu’il reste à faire […]. Aidez-moi ».
Au conseil général, Charles Gaou fut pendant trois années le seul élu communiste. Le 17 octobre 1934, il s’opposa en vain à la représentation proportionnelle dans le bureau et plutôt que de voter pour Fourment* à la présidence, plaça un bulletin « Thaelmann » dans l’urne. Nommé membre de la commission départementale, il présenta avec six conseillers généraux SFIO une motion politique demandant la dissolution des ligues fascistes et félicitant « les ouvriers et paysans du Var rouge » de la victoire remportée « sur les forces coalisées des faux républicains et des fascistes de la réaction ». Quand Berthon* annonça qu’il voterait le vœu présenté par Lamarque* contre le fascisme, Charles Gaou remarqua que ce vote « ne le réhabilitera pas auprès du Parti communiste ». Il multiplia les interventions concernant la crise viticole et les mines de bauxites. Le 25 août 1935, il signa la lettre du Parti communiste et de la SFIO aux élus varois favorables au Front populaire.
Aussi, le 20 octobre 1935, Charles Gaou fut-il présenté par le Parti communiste aux élections sénatoriales. Il obtint 34 voix sur les 510 grands électeurs et se désista en faveur des candidats SFIO.
La situation du Parti communiste animé par Charles Gaou se renforçait dans la région brignolaise. D’autre part, à la suite de la scission socialiste, PSDF et SFIO étaient souvent en position de concurrence. Pour les élections de 1936, Hubert Carmagnolle envisageait de ne pas se représenter. L’annonce d’une candidature du conseiller général SFIO de La Seyne, Lamarque*, le fit revenir sur sa détermination.
La profession de foi de Charles Gaou s’adressait aux viticulteurs et aux mineurs du bassin de bauxite. D’autre part, son localisme accentué assurait que la lutte contre les décrets-lois permettrait de rendre à Brignoles sa vitalité par « le retour de tous les services qui lui ont été supprimés ou réduits ». La modération des revendications contrastait avec celle de Jean Bartolini à Toulon et correspondait bien au milieu rural (voir ces deux professions de foi dans Cahiers de l’Institut Maurice Thorez, 2e trimestre 1971). La candidature de Lamarque* ne fut guère appréciée par les électeurs d’autant plus que Charles Gaou était accompagné par Victor Étienne qui le connaissait bien. Le 26 avril 1936, Charles Gaou arriva en tête avec 3 168 voix sur 13 080 inscrits. Le dimanche suivant, plus de quatre-vingt pour cent des voix des deux candidats socialistes se reportaient sur lui et il l’emporta avec 6 500 voix.
Désormais, l’activité de Charles Gaou s’exerçait dans trois domaines : responsabilité de l’organisation du Parti dans la région, Assemblée nationale et conseil général.
À la Chambre, tout d’abord, Charles Gaou fit partie des commissions du Commerce, de l’industrie et des boissons. Il rapporta le projet de loi relative au maintien dans les lieux des locataires, commerçants, industriels et artisans, au projet sur les procédures de conciliation et d’arbitrage, au statut des forains et à leur représentation au Conseil national économique. Ses nombreuses interventions portaient sur des questions touchant les artisans, les hôteliers, les commerçants. Deux autres domaines aussi retinrent son attention : la viticulture, les conditions de travail des mineurs de bauxite.
Charles Gaou fit partie aussi de la commission chargée de faire activer l’organisation de l’exposition internationale et en fut bientôt désigné comme secrétaire. En novembre 1937, il annonçait à un de ses camarades sa joie d’emmener son épouse à Paris pour cette occasion et de lui faire visiter la ville qu’elle ne connaissait pas.
Charles Gaou prit certaines précautions financières. Délaissant son atelier, il s’assurait une pension complémentaire en versant à la caisse de retraites des députés un arriéré et des cotisations doubles en janvier 1938 sur les conseils des questeurs.
Au conseil général, il déployait une activité importante, renforcé par la présence de deux communistes à la fin de 1937. Le 11 mai 1936, il participa à la délégation qui se rendit auprès de Fourment* pour le faire revenir sur sa démission de la présidence. Bien informé de l’affaire de Saint-Zacharie, il posa certaines questions embarrassantes à l’administration préfectorale. Ses propositions multiples touchaient à la crise viticole, au chômage dans les mines de bauxites ou dans la cordonnerie. Protestant contre la lenteur de la délivrance des cartes aux étrangers, le 28 avril 1937, il annonçait : « Je viendrai dans les services […]. Je vous signalerai des centaines de cas d’espèces ». Le 5 avril 1938, avec les communistes et deux socialistes, il vota contre les propositions de la majorité socialiste en matière de chemins de fer secondaires et expliquait largement les raisons de cette opposition.
Une rigueur politique le caractérisait. Aussi fut-il le seul opposant à l’élection du nouveau conseiller général de Salernes comme secrétaire du conseil général en novembre 1936. Il demanda, le 24 novembre dans un vœu politique, que « soit mis fin au blocus du peuple espagnol ». Il accepta néanmoins que son vœu soit modifié dans un sens de confiance au gouvernement. Les communistes furent écartés de la commission départementale à la fin de 1937 ; Charles Gaou protesta le 29 octobre : « La fraction communiste regrette que la majorité SFIO du conseil général n’ait pas cru devoir tenir compte de l’importance et de l’influence d’un parti qui a pris l’initiative d’organiser le Front populaire. »
Cette activité d’élu était complétée par la responsabilité de l’organisation communiste dans la région brignolaise bien qu’il ne fût plus secrétaire du rayon à partir de 1937. Maître d’œuvre de toute la politique du Parti, il rédigeait, par exemple, en 1935 et en 1936, le texte de la plupart des affiches lors des élections municipales ou cantonales. Il suivait de près les affaires municipales, que ce soient l’aide apportée aux habitants de Seillons-Sources-d’Argens lors des procès de chasse ou les conseils prodigués aux conseillers municipaux communistes de Carcès qui rencontraient des difficultés avec les colistiers socialistes. Dans cette dernière commune, tous les avis donnés à Roux*, le secrétaire de la cellule, laissaient apparaître un militant ferme, peu porté vers les concessions, attitude qui contrastait avec celle de 1934-1935. Il conseillait, par exemple, aux élus municipaux en avril 1938, après avoir appris les conséquences de la gelée sur la vignoble, de faire des propositions concrètes, de les faire connaître par voie d’affiches et de presse et de « prendre l’initiative d’un vaste et puissant comité d’action de défense paysanne. Le 30 juillet 1939, lors de la réunion du Comité de défense paysanne, fut décidée la rédaction d’un questionnaire. Charles Gaou fut chargé avec Roux du Carcès de préparer les questions sur le fermage et le métayage.
Charles Gaou fut réélu au bureau régional communiste du Var en novembre 1938 et fut délégué du Var au congrès national du mouvement Paix et Liberté à Paris, les 11, 12 et 13 novembre 1938.
Son audience semblait cependant s’affaiblir si l’on en juge par son échec à l’élection complémentaire de Brignoles. Le 27 juin 1937, sur 1 384 inscrits, Charles Gaou, à la tête d’une liste de trois communistes, obtenait 388 voix et se désistait en faveur de la liste de la SFIO.
Comme les autres députés communistes non mobilisés, membres du groupe ouvrier et paysan français, Gaou fut inculpé d’infraction au décret dissolvant les organisations communistes et fut arrêté le 8 octobre 1939. Avec les quarante-trois autres inculpés, déchu de son mandat le 24 janvier 1940, Charles Gaou fut déféré devant le troisième tribunal militaire permanent de Paris, le 5 février 1940. Il écrivait alors aux députés responsables de la caisse de retraites des anciens députés et au président Herriot pour leur confier sa détresse « sans ressources, une épouse malade et âgée de plus de soixante ans, un fils sur le point de partir aux armées » et pour demander la « liquidation de ma pension d’ancien député ». Le refus contenu dans la réponse indiquait qu’il ne remplissait pas, en dépit des doubles versements effectués à la caisse, les conditions (quatre ans de mandat et huit annuités de versements).
Le procès commença le 21 mars 1940. Interrogé, Charles Gaou déclare « Oui, comme tous mes amis, je suis un honnête homme. Je suis le septième d’une famille de neuf enfants. Nous avons tous accompli notre service militaire ; j’ai moi-même accompli trois ans de service actif et fait quatre années de guerre. J’ai laissé sur le champ de bataille ce que j’avais de plus cher, un fils de vingt ans [il s’agit d’un fils de sa femme mort en 1918 qu’il a élevé et aimé comme son propre fils, selon Raymond Gaou], et aujourd’hui l’on viendra dire que je suis un traître sans que j’aie le droit de m’exprimer en plein jour, dans un procès qui a un grand retentissement dans le pays, sans que j’aie la possibilité de prendre mes vils accusateurs en flagrant délit de mensonge ? Mais vous aurez beau faire, les ouvriers et les paysans du Var me connaissent. Ils n’auront que du mépris pour nos accusateurs » (cité dans Florimond Bonte, Le Chemin de l’honneur, op. cit., p. 153).
Le 3 avril, comme les autres, Charles Gaou fut condamné à cinq ans de prison, à 4 000 F d’amende et à la perte des droits civils et politiques. Interné tout d’abord avec huit autres députés à la prison de Poitiers, transféré à Tarbes, le 27 juin à Toulouse, puis à Valence, il fut enfin emprisonné à Maison Carrée en Algérie. Durant sa détention, un rapport du préfet du Var signalait qu’à « Radio-France », le 18 janvier 1942, une causerie sur le Var s’était terminée par « le Var reste républicain et fidèle à ses deux députés, Gaou et Bartolini, exilés en Algérie ».
Libéré le 5 février 1943, Charles Gaou devait regagner le Var à l’automne 1944, sa déchéance de député ayant été annulée par décision du Conseil des ministres du 28 octobre 1944. Il fut maintenu dans ses fonctions de conseiller général par décision du Comité départemental de Libération. Il dut être désigné pour compléter le comité de gestion mis en place à Brignoles et occupa pendant quelques mois le poste de premier adjoint.
Le 12 décembre 1944, il participa au congrès des comités locaux de Libération du Var et présenta un rapport sur les mines de bauxite.
Aux élections municipales, Charles Gaou conduisait une liste regroupant des militants du Front national, du Parti communiste, de la CGT et de l’Union des femmes françaises. Le 29 avril 1945, sur 3 120 inscrits, la liste avec 1 220 voix de moyenne, n’avait que deux élus non communistes. Charles Gaou connaissait une première défaite infligée par la liste « socialiste-Mouvement de Libération nationale ». Avec cinq colistiers, il fut élu au deuxième tour et recueillit personnellement 1 353 voix. Le maire socialiste Ferrari* vit son élection annulée par le conseil de préfecture, le 13 mai. Charles Gaou, premier adjoint, fit fonction de maire jusqu’en octobre 1945 date de l’élection d’un nouveau maire socialiste.
Le 23 septembre 1945, Charles Gaou fut battu à l’élection du conseil général par son adversaire socialiste SFIO.
Membre du bureau fédéral du Parti communiste, le 21 octobre 1945, Charles Gaou figurait en troisième position sur la liste communiste pour l’Assemblée nationale constituante qui obtenait 61 523 voix sur 216 739 inscrits et avait deux élus : Jean Bartolini et Zumino*.
Charles Gaou, usé physiquement, se contenta d’une activité réduite, telle que sa participation au comité départemental de la Fédération nationale des internés, résistants et patriotes.
Charles Gaou avait contribué, à force de persévérance et d’abnégation personnelle, à ancrer le Parti communiste dans le Var viticole.
La section de Brignoles du Parti communiste porte son nom.
Par Jacques Girault
SOURCES : Arch. Nat., F7/13090, 13123. — Arch. Dép. Var, 2 M 5.287 ; 2 M 3.50 ; 2 M 3.52 ; 2 M 4.13 ; 2 M 5.249 ; 2 M 5.279 ; 2 M 5.281 ; 2 M 5.282 ; 2 M 5.287 ; 2 M 5.295 ; 2 M 6.21 ; 2 M 7.24.1 ; 2 M 7.28.1 ; 2 M 7.30.1 ; 2 M 7.31.1 ; 2 M 7.32.1 ; 2 M 7.35.1 ; 2 M 7.35.4 ; 4 M 45 ; 4 M 46 ; 4 M 49 ; 4 M 50 ; 4 M 53 ; 4 M 59.4.1.4 ; 16 M 38 ; 18 M 43 ; 1 Z 2.2 ; 3 Z 2.10 ; 3 Z 3.23 ; 3 Z 49 ; 3 Z.4.29. — Arch. Assemblée nationale, dossier personnel. — Arch. Com. Brignoles. — Arch. privées Roux. — Jacques Girault « Quelques notes sur le Parti communiste français dans le Var entre 1920 et 1939 », Cahiers de l’Institut Maurice Thorez, 2e trimestre 1971. — F. Bonte, Le Chemin de l’honneur, Paris, 1970. — Presse locale. — Renseignements fournis par le fils de l’intéressé, Raymond Gaou.