SIMON née TROUILLARD Émilienne, Constance

Par Jean-Marie Guillon

Née le 4 mars 1888 à Sougé-sur-Braye (Loir-et-Cher), tuée le 14 juillet 1942 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; sans profession ; victime du Parti populaire français (PPF).

Fille d’Henri Louis Trouillard, maçon, et d’Anne Mounier, ménagère, mariée à Marseille (Bouches-du-Rhône) le 8 mai 1933 avec Firmin Simon, traminot, originaire de Lussan dans le Gard. Le couple n’avait pas d’enfant et habitait 8 rue Chaix dans le 7e arrondissement. Firmin Simon travaillait au dépôt des Catalans.
Émilienne Simon fut tuée par des hommes du PPF au soir du 14 juillet 1942, à l’entrée de la rue Pavillon, rue parallèle à la Canebière, où se trouvait le siège de ce parti. Depuis 18 heures, se déroulait dans le centre-ville une manifestation patriotique à l’appel de la France libre et des mouvements de Résistance. Réunissant plusieurs milliers de personnes, cette manifestation – la plus importante de zone « libre » avec celle de Lyon (Rhône) – était partie des Réformés où un groupe de traminots avait déposé une gerbe au monument des Mobiles. Elle avait ensuite descendu la Canebière pour aboutir sur le port devant l’hôtel de ville. Une partie des manifestants était remontée ensuite et, ne pouvant s’engager sur la Canebière, s’était présentée devant la rue Pavillon. C’est alors que des hommes sortis du siège du PPF ouvrirent le feu sur la foule, tuant Émilienne Simon et Louise Krebs, âgée de 23 ans, et blessant plusieurs hommes. Parmi les agresseurs se trouvait le truand Paul Carbone. Émilienne Simon décéda à 21 heures, place Daviel. Les corps furent portés à l’Hôtel-Dieu où une collecte parmi le personnel allait rencontrer un grand succès.
L’émotion provoquée par ce drame fut considérable et l’hostilité aux hommes de Simon Sabiani, le patron du PPF à Marseille (et au-delà puisqu’il supervisait l’ensemble de la zone non occupée pour le PPF) s’en est trouvée accrue. Le préfet régional, qui l’avait enjoint à consigner ses partisans dans le siège du PPF, se montra particulièrement critique à son égard et réclama des sanctions que le gouvernement Laval atténua beaucoup. Il est vrai que Sabiani avait le soutien des Allemands.
Les obsèques des deux victimes eurent lieu le 17 juillet, les autorités prenant des mesures pour éviter de nouvelles manifestations. La levée des corps de l’Hôtel-Dieu eut lieu à 14 heures 30, un millier de personnes était rassemblé aux alentours. À sa sortie, le convoi, constitué des véhicules funéraires et de trois voitures avec les familles, fut salué par la foule et par quelques applaudissements ; une quarantaine de traminots se trouvaient au passage, quai des Belges, et se rendirent au cimetière Saint-Pierre où les autorités dépêchèrent rapidement des inspecteurs de police. Le cortège arriva au cimetière à 14 heures 45 ; environ quatre-vingt personnes se trouvaient à l’entrée dont un groupe de traminots venu avec un car particulier ; environ trois cents personnes assistèrent à l’inhumation. Un groupe qui voulait s’y rendre fut intercepté et dispersé boulevard Sakakini par une brigade cycliste. Plusieurs couronnes accompagnaient les cercueils, certaines avec des rubans portant des inscriptions (« Les Français attristés », « Offert par le personnel médical et infirmiers, servants des hôpitaux », « Par un groupe de sympathisants », « Regrets 14 juillet », « Les employés de tramways de Marseille »). Au pied des tombes, se trouvaient des bouquets tricolores en forme de V, dont un avec une Croix de Lorraine tracée avec des fleurs. Le préfet régional avait envoyé deux couronnes. Les commentaires, relevés par les inspecteurs des Renseignements généraux, étaient critiques à son égard. On lui reprochait d’avoir escamoté le cortège et d’avoir fait enlever les rubans tricolores portant des inscriptions. Les critiques visaient aussi Laval, Doriot et Sabiani. Deux hommes furent interpelés à la sortie du cimetière, l’un, déjà remarqué le 14 juillet, pour les imprécations qu’il lançait, l’autre pour son appel à se retrouver au cimetière le dimanche suivant. Un cortège semblant se constituer ,il fut disloqué par la police.
La presse clandestine, la radio de Londres, des tracts relatèrent la manifestation de Marseille et le drame qui l’avait accompagné. Un tract « Nous les Vengerons ! », signé par « Les Mouvements de Résistance », fut diffusé en août et septembre 1942 dans toute la région. L’événement pourtant n’est pas resté dans la mémoire collective. Il a été recouvert quelques mois après par la tragédie de l’évacuation du quartier du Vieux-Port, les arrestations et déportations qui l’accompagnèrent et sa destruction. Aucune plaque commémorative ne fut apposée rue Pavillon, rien ne rappelle le souvenir des deux femmes victimes des nervis d’extrême droite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article249223, notice SIMON née TROUILLARD Émilienne, Constance par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 27 juin 2022, dernière modification le 27 juin 2022.

Par Jean-Marie Guillon

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône 76 W 116. — Arch. Musée Résistance nationale, Champigny, PCF IV Bouches-du-Rhône. — Simon Guizard dir., Marseille citadelle de la Résistance). — André Sauvageot, Marseille dans la tourmente, Paris, Éditions Ozanne, 1949, p. 168. — Renseignements Sylvie Clair. — État civil.

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