FOURQUET Camille, Louis, Sauveur. Pseudonyme dans la Résistance : PERNOT

Par André Balent

Né le 10 février 1890 à Maureillas (Pyrénées-Orientales), mort le 6 juin 1965 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; instituteur ; proche du Parti socialiste SFIO puis du Parti communiste ; résistant, responsable départemental des MUR, président du Comité départemental de Libération des Pyrénées-Orientales (1944-1945).

Camille Fourquet en août 1944 à Perpignan, après la Libération
Camille Fourquet en août 1944 à Perpignan, après la Libération
[Coll. privée André Balent]

Fils de Louis Fourquet, menuisier, et de Marguerite Cotxet (âgés respectivement, en 1890, de trente-cinq et vingt-cinq ans), Camille Fourquet se maria une première fois à Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales) le 12 septembre 1910 avec Marie Pic. Après la mort (1949) de sa première femme, il épousa à Perpignan, le 27 décembre 1950, Anna Massardo, sa compagne de clandestinité qui fut responsable départementale du Comité des œuvres sociales de la résistance (COSOR) : assistante sociale puéricultrice de la ville de Perpignan, née à Serralongue (Pyrénées-Orientales) le 10 décembre 1893, elle était la tante de Jean Jorda, socialiste d’Arles-sur-Tech (Pyrénées-Orientales), l’un des chefs de la Résistance en Vallespir. Deux fils naquirent de son premier mariage. Son fils aîné, Jean-Louis, fut instituteur puis professeur adjoint au collège de Prades : résistant, il fut arrêté le 7 mars 1943 et transféré à Compiègne puis à Buchenwald.

Camille Fourquet fit son service militaire au 56e RA de Montpellier (Hérault) du 10 octobre 1911 au 8 novembre 1913. Il accéda au grade de brigadier le 8 novembre 1912. Après sa démobilisation, il fut affecté à Ayguatebia, un village montagnard du haut Conflent. À nouveau mobilisé le 1er août 1914 au 56e RA, maréchal des logis le 8 janvier 1917, il passa au 1e RA le 12 avril 1917, puis au 176e RA le 22 mars 1918, au 230e RA le 12 décembre 1918 et au 48e RA le 1er avril 1919. Il fut mis en congé illimité de démobilisation à Dijon (Côte d’Or), le 22 juillet 1919. Le registre matricule précise qu’il était « employé comme brigadier téléphoniste » et mentionne « son courage et son sang-froid, en particulier en Belgique en réparant sous le feu la ligne coupée par le bombardement ». Il poursuivit ensuite une carrière normale d’instituteur adjoint, d’abord à Château-Roussillon, hameau rural de Perpignan, puis à Fourques (1er janvier 1920), Toulouges (25 décembre 1923), villages de la plaine roussillonnaise. Le 6 février 1926, il était affecté à l’école de garçons Jules-Ferry de Perpignan, l’une des plus réputées de la ville. En 1942, il était directeur intérimaire de cet établissement. En août 1939, il avait aménagé dans une nouvelle maison, 9 rue des Troubadours à Perpignan. Plus tard, il habita rue Ramon-Llull.

Sans adhérer au Parti socialiste SFIO, il en fut, avant 1940, un sympathisant. Il adhérait aussi au SNI. Mais il suivait d’assez loin la vie politique et syndicale. La Seconde Guerre mondiale allait le propulser, de 1942 à 1945, sur le devant de la scène, l’amenant à jouer un rôle de tout premier plan, d’abord dans la Résistance puis dans l’année qui suivit la Libération du département. Il fut mêlé à de grandes manœuvres politiciennes dont l’ultime mit prématurément un terme à une carrière politique et journalistique qui s’annonçait prometteuse dans l’euphorie des journées perpignanaises de la fin août 1944.

En 1941, Camille Fourquet était résolu à adhérer, dès que l’occasion se présenterait, à un mouvement de Résistance. À la fin du mois d’avril 1942, contacté par le rugbyman Gilbert Brutus, ancien adjoint radical de Perpignan dans les municipalités de Jean Payra* et de Laurent Baudru*, Camille Fourquet adhéra à « Libération », localement le plus important (et pourtant, le dernier né) des trois grands mouvements animés par des militants de la mouvance socialiste. Il participa à la première grande manifestation publique de la Résistance départementale (communistes inclus) le 14 juillet 1942, place Arago à Perpignan. La présence de Fourquet fut remarquée par la police et, comme beaucoup de fonctionnaires, il fut lourdement sanctionné, par une révocation, le 1er août 1942. Pour subsister, il trouva un emploi dans les bureaux de l’entreprise de déménagements Laurens et intensifia sa participation à la lutte clandestine. Le 15 février 1943, lors de la structuration départementale des MUR, Camille Fourquet accéda aux fonctions de « noyautage des administrations publiques ». Le 23 mars, il devint le chef départemental adjoint des MUR. Épargné par le coup de filet de la police allemande (23 mai 1943) qui décapita les MUR des Pyrénées-Orientales, il en devint le chef. Dans un premier temps, ces responsabilités lui furent confiées par le commandant Viaud, de « Combat », qui les assumait jusqu’alors. Mais elles étaient contestées par les socialistes qui appartenaient au groupe que Fourquet qualifia de « clan Noguères » (voir Louis Noguères), nombreux à « Libération » où leur chef de file était Marcel Mayneris*. Une lutte pour le pouvoir sourde, d’abord, puis ouverte, se développa dans les MUR du département. Devenu permanent clandestin appointé, Camille Fourquet qui eut l’occasion de s’opposer parfois au Front national, se méfiait des amis de Louis Noguères en qui il ne voyait que d’intrigants arrivistes. Quand, en août 1943, Marcel Mayneris lui demanda d’assurer, en plus de la direction des MUR, celle de « Libération, il demanda une rétribution mensuelle de 2000 F. Il nourrissait aussi beaucoup de préventions à l’égard des éléments issus de « Combat », en particulier l’ancien chef départemental de ce mouvement, le commissaire de police révoqué Marceau Gitard. Il écrivit plus tard à propos de ce dernier qu’il avait « une nature perfide » et qu’il lui « voua […] une haine mortelle qu’il dissimula hypocritement sous des dehors amicaux ». Au mois d’août 1943, il prit contact avec l’Alsacien Jean Latscha, ancien secrétaire général de la préfecture du département, qui, en 1942, mit en application, avec zèle, les aspects les plus contestables de la politique de Laval et de Bousquet en organisant le regroupement puis le transport vers Drancy des Juifs de la zone libre regroupés dans le camp de Rivesaltes. Latscha, en rupture de ban avec Vichy, cherchait à intégrer la résistance pour se faire pardonner. Non seulement Camille Fourquet lui tendit une perche, mais, faisant de lui son obligé, il le proposa au CFLN (futur GPRF) pour occuper les fonctions de préfet des Pyrénées-Orientales à la Libération : dès août 1943, Gilbert de Chambrun, chef des MUR de la R3 annonça à Latscha sa nomination.

À la demande du directoire des MUR, il eut à proposer des noms pour occuper les fonctions de maire. Pour ce qui concerne Perpignan, il imposa le nom de l’architecte socialiste Félix Mercader à la place de celui de Brice Bonnery, ancien adjoint de Payra, qui avait la faveur du « clan des amis de Louis Noguères » de « Libération ».

Camille Fourquet contacta aussi d’autres responsables d’administrations, de la police et de la magistrature pour leur proposer d’aider la Résistance.

À la fin du mois de février 1944, se sachant menacé par la Gestapo, il quitta le département et se réfugia dans l’Aveyron. Il resta dans ce département, à Villefranche-de-Rouergue, pendant deux semaines, puis, le directoire régional des MUR ayant décidé qu’il continuerait à diriger le mouvement dans les Pyrénées-Orientales depuis l’Aude, il s’installa à Limoux : des agents de liaison — en particulier le jeune Albert Foraster*, « Catalan du Sud » réfugié de 1939, adhérent du PSOE clandestin — venaient régulièrement de Perpignan. Le 10 avril, il désigna Pierre Gineste pour le représenter dans les Pyrénées-Orientales. Au mois de mai, se sentant menacé à Limoux, il alla à Castelnaudary d’où il partit le 10 juin, pour revenir à Perpignan sur le porte-bagages de la motocyclette de l’un de ses agents de liaison, le réfugié madrilène Carlos Roncero. Là il prit les contacts nécessaires à la préparation de la libération de la ville et du département. Mais, se sentant à nouveau menacé, il s’installa, le 24 juillet à Saint-Paul-de-Fenouillet, dans le Nord du département chez Joseph Calvet, chef des MUR pour le Fenouillèdes. L’issue étant proche, il revint, le 8 août, à Perpignan et participa, le 10 août, à la réunion constitutive du Comité départemental de Libération (CDL) qui confirma, à son issue, sa désignation comme président par les instances dirigeantes de la R3. Cette réunion fut houleuse car, en plus du conflit de pouvoir avec les communistes qui voulaient s’assurer le contrôle du CDL, la validité de la représentativité de Mayneris mandaté par la SFIO, mais ami de Noguères, fut aussi contestée. Une seconde réunion du CDL, le 14 août, avorta. Après avoir négocié avec le major Parthey, commandant allemand de la place de Perpignan, le retrait des forces d’occupation de la ville, effectif le 19 août, il installa à la préfecture Jean Latscha dont la désignation fut remise en cause, le 21 lors d’une nouvelle réunion du CDL élargi à d’autres organisations ou mouvements. En effet, Jacques Bounin, commissaire de la République à Montpellier, avait nommé, de son côté, le communiste Jacques Égretaud, préfet des Pyrénées-Orientales. Camille Fourquet s’opposa avec force à cette désignation et dut contrecarrer l’offensive des communistes du CDL pour imposer définitivement Latscha. (Voir Perpignan, combats de la Libération de la ville (19-20 août 1944)).

Le CDL prit, dès la Libération, possession du quotidien L’Indépendant qui devint Le Républicain du Midi et portera jusqu’au 20 juillet 1945 le sous-titre d’Organe du comité départemental de Libération. Les luttes internes de la résistance eurent bientôt quelques conséquences car une véritable « guérilla » allait bientôt opposer Fourquet et le CDL à Louis Noguères, représenté au comité directeur du Républicain par Élie Julia. Si un consensus de façade régna jusqu’aux élections municipales du 28 avril-13 mai 1945, il éclata et se solda par la défaite politique de Camille Fourquet et de ses amis. En effet, à cette occasion, le CDL inspiré par Fourquet, préconisa la constitution de listes uniques regroupant des candidats des mouvements de résistance et de partis. Ce fut à Perpignan que l’affrontement prit une tournure plus aiguë : si le PCF, dont Fourquet se méfiait un an plus tôt, accepta cette perspective, il n’en fut pas de même pour les dirigeants fédéraux de la SFIO (des noguéristes ») et du parti radical. Noguères et ses amis furent d’autant plus intransigeants que seize socialistes, provisoirement exclus, décidèrent d’intégrer la liste unique, à commencer par le maire Félix Mercader. Noguères voulait simplement négocier une fusion de listes au second tour. Après la publication de la « liste unique », le 9 avril, dans Le Républicain, des membres du CDL empêchèrent la parution, le lendemain, dans ce journal seul quotidien du département, des communiqués des fédérations socialiste SFIO et radicale qui annonçaient la formation de leur liste. Le préfet Latscha, pourtant l’obligé de Fourquet, décida, incité par Noguères et ses amis, de supprimer le sous-titre du quotidien. Mais Fourquet persévéra dans son intransigeance. Accompagné de trois amis, il pénétra à la rédaction, dans la nuit du 16 au 17 avril censurant les nouveaux communiqués, socialiste et radical. Ce fut le ministre de l’Information qui dut faire cesser ces tentatives qui mettaient à mal le pluralisme politique et son expression publique. Si le CDL, l’emporta aux élections perpignanaises, ce fut une victoire à la Pyrrhus, due à la conjoncture du moment et à la faible participation électorale. Fourquet était discrédité, et le CDL qu’il présidait définitivement miné et affaibli par cette crise. Des socialistes comme Pierre Gineste*, président de la commission départementale d’épuration administrative, qui l’avait soutenu dans cette aventure électorale se désolidarisèrent de lui au lendemain du scrutin. Désormais, seul le PCF le soutenait. Dans les instances dirigeantes du Républicain, il tenta, en vain, de sauvegarder son pouvoir et son influence en essayant d’écarter Élie Julia, l’ami de Louis Noguères. Le préfet Latscha et le ministre de l’information, soutenus par l’action des ouvriers du livre, l’en empêchèrent.

La virulente campagne que Noguères mena, dès le 14 avril, contre lui et contre Charles Robert, représentant du Front national au CDL, les accusant d’« être des écumeurs de la résistance », d’avoir détourné des fonds et mis en place une caisse noire, finit par le déstabiliser. Bien qu’ayant porté plainte pour diffamation, il perdit lorsque l’affaire parvint devant le tribunal de Perpignan. Représenté par son ami, l’avocat socialiste Léon-Jean Grégory*, Noguères réussit à repousser cette plainte (juillet 1949), jugement confirmé en appel à Montpellier le 8 novembre 1949.

Camille Fourquet, dépouillé de toute fonction au Républicain, n’étant plus soutenu, démissionna, le 31 juillet 1945, de la présidence d’un CDL moribond. Sa carrière politique était terminée. Il reprit pour quelque temps son poste dans l’enseignement.

À la retraite, Camille Fourquet devint le deuxième correspondant départemental du Comité d’histoire de la Seconde guerre mondiale. Il s’attela à la rédaction d’une chronologie de la Résistance dans les Pyrénées-Orientales, recueillit un important matériel documentaire, suscita des témoignages écrits, des rapports qui constituèrent l’important fonds qui fut, en 1972, déposé aux archives départementales. Il songea aussi, à travers la rédaction de « mémoires de guerre » (Le Roussillon sous la botte nazie) qui demeurent à ce jour inédits, défendre son action pendant la période de la résistance, de la clandestinité et de l’immédiat après-guerre. Mémorialiste, mais se voulant historien, il régla aussi des comptes avec ceux qu’il affronta alors (certains anciens de « Combat », le « clan » Noguères) égratignant au passage quelques résistants. Camille Fourquet mourut des suites d’une intervention chirurgicale. Ses obsèques religieuses furent célébrées en la cathédrale Saint-Jean de Perpignan, en présence d’anciens résistants et d’une délégation fournie du PCF.

Le 9 décembre 2016, le nom de Camille Fourquet fut officiellement attribué aux archives municipales de Perpignan lors de l’inauguration des nouveaux locaux transférées dans la partie de la caserne Mangin (ancien couvent des Dominicains) cédée par l’Armée à la ville de Perpignan.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24927, notice FOURQUET Camille, Louis, Sauveur. Pseudonyme dans la Résistance : PERNOT par André Balent, version mise en ligne le 10 mars 2009, dernière modification le 26 janvier 2018.

Par André Balent

Camille Fourquet en août 1944 à Perpignan, après la Libération
Camille Fourquet en août 1944 à Perpignan, après la Libération
[Coll. privée André Balent]

ŒUVRE : « Histoire de la Libération de Perpignan », L’Indépendant, Perpignan, 9-21 septembre 1959, Une Chronologie inachevée de la Seconde Guerre mondiale remaniée et complétée par J. Larrieu ; un tapuscrit inédit de mémoires concernant la résistance dans les Pyrénées-Orientales, Le Roussillon sous la botte nazie, s.d. [1965], 207 p.

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, 1 R 501, registre matricule n° 923 ; 5 Mi 296, état civil de Maureillas. — Arch. Com. Perpignan, état civil. — Arch. André Balent, texte inachevé rédigé par Marcel Mayneris, sur la période 1941-1944, Perpignan, 10 juillet 1983. — André Balent, « Du front populaire à la Résistance. L’itinéraire d’un militant perpignanais : Marcel Mayneris (1899-1993) », Études roussillonnaises, XVI, Perpignan, 1998, p. 165-191. — André Balent, « Les séjours de Camille Fourquet, président du CDL, et de Jean Latscha, préfet de la Libération, à Saint-Paul-de-Fenouillet (juillet-août 1944) », Fenouillèdes, 20, Saint-Paul-de-Fenouillet, 2006, p. 22-28. — Roger Bernis, Roussillon politique : du réséda à la rose, t. I : Le temps de Quatrième, Toulouse, Privat, 1984. — Gérard Bonet, L’Indépendant des Pyrénées-Orientales. Un siècle d’histoire d’un quotidien, 1846-1950, Perpignan, Publications de l’Olivier, 2004. — Olivier Chauveau, Le Républicain du Midi. Un quotidien roussillonnais dans la tourmente de la Libération (1944-1950), mémoire de maîtrise, (dir. Jean Sagnes), Montpellier III, 1988, 168 p. ; "Le Républicain du Midi, journal du Comité de Libération des Pyrénées-Orientales (1944-1945)", Bulletin du centre d’histoire contemporaine du Languedoc méditerranéen Roussillon, 51, Montpellier, 1992, p. 3-17. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, t. I, Prades, Terra Nostra, 1994. — Ramon Gual, Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, volumes IIa et IIb, Iconographie : documents, photos, presse, Prades, Terra Nostra, 1996-1998. — L’Indépendant, Perpignan, 7-8 juin 1965. — Le Travailleur Catalan, hebdomadaire du PCF, Perpignan, 11 juin 1965.

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