GAZAGNAIRE Louis, Charles, André

Par Jacques Girault, Antoine Olivesi

Né le 29 octobre 1903 à Penta-di-Casinca (Corse), mort le 8 mars 1982 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; instituteur ; militant communiste des Bouches-du-Rhône ; résistant dans les Basses-Alpes [Alpes-de-Haute-Provence] ; conseiller municipal de Marseille (1953-1971), conseiller général (1945 -1976).

Fils aîné d’Honoré Gazagnaire, communiste d’origine niçoise, maître d’hôtel dans la marine marchande, et de Marie, Anne Sampieri, Louis Gazagnaire effectua son service militaire dans une unité de blindés comme sous-officier.

Admis à l’École normale d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), il devint instituteur en 1923. Il milita de bonne heure au syndicat des instituteurs à Marseille, où il enseignait à l’école communale de la Major dans les quartiers du Vieux-Marseille. En 1929, il appartenait au Syndicat des membres de l’enseignement laïque (SMEL) et écrivait des rubriques dans L’Émancipation, notamment « Le coin des jeunes ». Au mois de mai, il vota en faveur de Mayoux* lors de la séance du conseil syndical. En octobre, il fut élu membre de ce conseil délégué à l’École normale.

Louis Gazagnaire fut délégué aux congrès d’Amsterdam-Pleyel et participa au Rassemblement uni pour la paix fondé par Romain Rolland et Lord Robert Cecil. Il fut secrétaire du comité antifasciste des Bouches-du-Rhône en 1937 et, l’année suivante, secrétaire du mouvement Paix et Liberté. C’est par le biais du mouvement antifasciste qu’il vint, en 1932 ou 1934 selon les sources, au Parti communiste, en même temps que son frère cadet, Charles Gazagnaire, également instituteur. En octobre 1934, il contribua à l’élection de Jean Cristofol, dont il était un ami intime d’après la police, au poste de conseiller d’arrondissement dans le 5° canton. En novembre de la même année, il donna des conférences avec projections de films, notamment sur l’URSS, à la Belle de Mai. Le 15 décembre suivant, il écrivit aussi des articles dans Rouge-Midi pour défendre l’Union Soviétique face aux attaques dont elle était l’objet à la suite de l’assassinat de Kirov : « Tous debout pour la défense de l’URSS […]. La révolution marche à pas de géants vers un avenir grandiose ». Secrétaire de la section communiste du Vieux-Marseille, il participa à de nombreux meetings au moment du Front populaire, en particulier ceux du 1er mars 1937 et du 5 août 1938. Il fit grève le 30 novembre 1938. Il était instructeur du PCF dans la section du Vieux-Marseille en 1939.

Louis Gazagnaire fut mobilisé en septembre 1939. Il se trouvait à Grenoble (Isère) en novembre 1939. En juin 1940, il combattit les Italiens sur le front des Alpes. Pendant cette période, il garda le contact avec ses camarades lors de ses permissions, participant à l’impression de matériel clandestin. Démobilisé en juillet 1940, il refusa de renier son parti, comme le lui demanda l’inspecteur d’Académie et fut déplacé à Saint-Gervais-sur-Mare (Hérault) le 7 octobre 1940. Son nom fut trouvé au même moment dans un rapport d’Andreani* adressé Raymond Barbé* alias Laffaurie, secrétaire régional du parti clandestin. C’est dans le cadre de la vague d’arrestations opérées par la police dans « l’affaire Laffaurie » que Louis Gazagnaire fut appréhendé à son tour le 28 novembre 1940 et incarcéré au Fort Saint-Nicolas à Marseille. Son frère, Charles, subit le même sort. Il y prit la direction du collectif chargé de préparer la défense des prisonniers communistes. Le conseil de guerre qui se déroula du 28 avril au 2 mai 1941 prononça vingt-quatre acquittements et des peines légères pour les autres. Louis Gazagnaire fut quant à lui condamné à trois ans de prison et 150 francs d’amende. Interné durant quinze jours à la prison Saint-Pierre (Marseille), il participa à l’organisation du procès en attente de quatre-vingts détenus communistes. Louis Gazagnaire fut alors transféré à la Centrale de Nîmes, le 24 mai 1941. En dépit de la discipline sévère, il fut l’organisateur des détenus politiques, réceptionnant notamment du matériel, des livres et des brochures venus de l’extérieur. L’écoute de la radio et la lecture des journaux firent partie du quotidien auquel ajoutèrent, sous sa direction, l’organisation d’un enseignement général et d’une éducation politique.

Au bout de vingt-sept mois, à la fin de sa peine, Louis Gazagnaire tomba sous le coup d’un arrêté d’internement signé le 15 novembre 1943. Il fut transféré au camp de Saint-Sulpice-La-Pointe (Tarn), comme son frère. D’abord dans la baraque 6, puis dans l’ensemble du camp, surnommé "le professeur", il organisa la direction, les causeries, la fabrication d’un journal, la constitution de groupes de trois. Il essaya de s’opposer au départ de détenus pour l’organisation Todt ce qui provoqua l’intervention des GMR pour rétablir l’ordre en février 1944. Le commandant du camp de Saint-Sulpice avisa le Préfet du Tarn, le 19 mai 1944 qu’il « avait bénéficié d’un avis favorable à une demande de libération ». Mais, ayant appris par la suite que Louis Gazagnaire était un dirigeant communiste, il obtint son transfert à la citadelle de Sisteron (Basses-Alpes-Alpes-de-Haute-Provence) le 24 mai.

Louis Gazagnaire s’évada avec cent autres détenus, le 8 juin 1944. Il rejoignit les FTPF des Basses-Alpes et devint commissaire politique de la 17e compagnie FTPF qui participa à des combats dans la région de Castellane et de Digne (Basses-Alpes-Alpes-de-Haute-Provence). L’attaque de la citadelle de Sisteron permit de délivrer quarante-cinq prisonniers politiques. Louis Gazagnaire se trouvait à Bayons (Basses-Alpes-Alpes-de-Haute-Provence) le 26 juillet ; sa compagnie et une partie des prisonniers libérés furent attaqués par les soldats allemands et leurs auxiliaires français de la compagnie Brandebourg. Il fut secrétaire du Comité départemental de Libération (CDL) clandestin des Basses-Alpes, participa à l’insurrection libératrice des Basses-Alpes et s’installa avec le CDL le 19 août dans la préfecture à Digne. Il fut décoré de la médaille de la Résistance.

Au début des années 1970, il se fit l’historien des militants communistes de la région de Marseille emprisonnés par le régime de Vichy et celui des maquis FTP de Provence, en particulier de la 1e compagnie FTP.

De retour à Marseille en septembre 1944, Louis Gazagnaire reçut d’importantes responsabilités : secrétaire temporaire de la région communiste, puis membre suppléant du bureau de la fédération, rédacteur en chef politique du quotidien communiste Rouge-Midi qui tirait à 100 000 exemplaires en novembre 1944, membre fondateur de l’association des déportés et internés résistants et patriotes des Bouches-du-Rhône (vice-président) au début juillet 1945. Il participa aux manifestations organisées à Marseille en faveur des États Généraux de la Renaissance française, dispensa des cours théoriques dans les écoles de section. Invité à participer aux fêtes organisées pour les 59 ans de Ho Chi Minh le 19 mai 1949, il se fit refouler par les forces de l’ordre qui bloquait l’entrée du camp des travailleurs vietnamiens de Mazargues (Marseille). Il participa à de nombreuses réunions du mouvement de la paix, fit partie aux côtés de Lucien Molino, Jean Cristofol, Paul Cermolacce et Ludovic Trouin, de la délégation chargée de présenter la fédération des Bouches-du-Rhône au Xe Congrès du parti communiste (1950), contribua à l’organisation de la fête qui se déroula en 1950 au Parc Chanot en l’honneur des 50 ans de Maurice Thorez. Louis Gazagnaire joua un rôle important, le 12 juin 1950, dans la décision de maintenir les élus communistes au sein du conseil municipal. Membre du comité de la section communiste du Vieux Marseille, il siégea au comité de la fédération des Bouches-du-Rhône de 1945 à 1965, où il fut chargé, à partir de 1959, des relations avec les commerçants.

La popularité de Louis Gazagnaire conduisit le PCF à le présenter à l’occasion de multiples scrutins. En septembre 1945, il fut élu conseiller général du 3e canton de Marseille, avec 3 391 voix au premier tour, devançant de peu le socialiste Guerrini* (3 279 voix) et 4 785 au second contre un MRP sur 10 187 électeurs inscrits. Battu en octobre 1951, il redevint en 1958 conseiller général dans le 4e canton (3 376 voix sur 17 640 inscrits, 3 513 voix au deuxième tout après le maintien du candidat socialiste SFIO), mandat qu’il conserva jusqu’en mars 1976 lorsqu’il décida de ne plus se représenter. Il était alors premier vice-président du conseil général des Bouches-du-Rhône et, depuis 1959, responsable du groupe communiste.

Louis Gazagnaire fut aussi régulièrement élu conseiller municipal de Marseille entre 1953 et 1971 (en 1959 il figurait en 4e position sur la liste communiste). Président adjoint du groupe communiste, il remplaça Jean Cristofol décédé à la présidence en 1958. Il conserva cette responsabilité jusqu’en 1971.

Il se présenta sans succès dans la 3e circonscription de Marseille lors des législatives de 1958, 1962 et 1967 (en 1962, il se désista au second tour en faveur de Gaston Defferre.

Le 11 juin 1976, Louis Gazagnaire fut, au cours d’une réception officielle organisée par le conseil général, nommé conseiller honoraire et décoré de la médaille départementale et communale ainsi que de nombreux autres anciens conseillers.

Il s’était marié en juin 1932 à Marseille. Il se remaria dans cette ville en avril 1954.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24948, notice GAZAGNAIRE Louis, Charles, André par Jacques Girault, Antoine Olivesi, version mise en ligne le 12 mars 2009, dernière modification le 4 décembre 2021.

Par Jacques Girault, Antoine Olivesi

ŒUVRE : Nombreux articles dans L’Émancipation, Rouge-Midi, notamment les 15 et 22 décembre 1934 et le 8 mai 1936 (contre la guerre), puis presque quotidiennement dans ce journal d’août 1944 à 1947, ainsi que dans La Marseillaise. — À l’assaut de la citadelle, Paris, France d’abord, 1945, 32 p. — Le Peuple héros de la Résistance, témoignage des patriotes de Provence, Paris, Éditions sociales, 1971, 263 p. — Dans la nuit des prisons, Paris, Éditions sociales, 1973, 247 p. — Message d’un héros de notre temps, 1974, réédité Biguglia, 2002, 165 p.

SOURCES : Arch. comité national du PCF (dépouillées par Jacques Girault). — Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, dossiers 148 W 189 et 148 W 302 et 5 W 186 (dossier d’internement). — Notes Jean-Marie Guillon. — SHD GR 16 P 248940. — Notice DBMOF par Antoine Olivesi.

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